Mystère Edimbourg et Docteur Stevenson - Tome A: Les enquêtes de l'inspecteur Sweeney - Tome 13
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À propos de ce livre électronique
Édimbourg, la capitale écossaise, est l'une des plus belles villes d'Europe : avec son château imprenable, ses avenues victoriennes ainsi que ses superbes jardins, la cité millénaire jouit par ailleurs d'une vie culturelle exceptionnelle. Pourtant, la nuit, Édimbourg peut vite devenir Auld Reekie, la "vieille enfumée", aux ruelles pavées, tortueuses et sombres, au détour desquelles on craindrait de voir resurgir un Jack l'Éventreur... Or, ce soir, le téléphone de l'inspecteur Sweeney se met à sonner : la mort vient de frapper dans le quartier de Leith !
Ce polar en deux parties vous entraînera au cœur des secrets de l'Histoire !
EXTRAIT
– Oui, on vient de nous coller une nouvelle affaire sur les bras.
– Où ça ?
– À Leith, en banlieue. C’est pour nous.
– De quoi s’agit-il ?
– En fin de matinée, un gérant d’hôtel a retrouvé l’un de ses clients mort dans sa chambre. Au début, le type a cru que la victime était décédée de façon naturelle, pendant son sommeil. C’est en tout cas ce qui avait été annoncé au médecin, expliqua Law. Cependant, le toubib a vite compris que quelque chose clochait. En réalité, il semble à peu près certain que le client a été étouffé avec son propre oreiller. Et puisqu’il va s’agir d’une enquête criminelle, le coroner est déjà sur place. Il nous attend, magne ! finit d’aboyer le coéquipier de l’inspecteur.
CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE
Une nouvelle enquête pour l'inspecteur Sweeney ! Oui, mais quelle enquête, qui va le mener à la fois dans le passé, mais aussi très loin, jusqu'en Polynésie ! - Sharon, Babelio
À PROPOS DE L'AUTEUR
John-Erich Nielsen est né le 21 juin 1966 en France. Professeur d'allemand dans un premier temps, il devient ensuite officier (capitaine) pendant douze ans, dans des unités de combat et de renseignement. Conseiller Principal d'Education de 2001 à 2012, il est désormais éditeur et auteur à Carnac, en Bretagne.
Les enquêtes de l'inspecteur Archibald Sweeney - jeune Ecossais dégingandé muni d'un club de golf improbable, mal rasé, pas toujours très motivé, mais ô combien attachant - s'inscrivent dans la tradition du polar britannique : sont privilégiés la qualité de l'intrigue, le rythme, l'humour et le suspense.
A la recherche du coupable, le lecteur évoluera dans les plus beaux paysages d'Ecosse (Highlands, île de Skye, Edimbourg, îles Hébrides) mais aussi, parfois, dans des cadres plus "exotiques" (Australie, Canaries, Nouvelle-Zélande, Irlande).
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Avis sur Mystère Edimbourg et Docteur Stevenson - Tome A
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Aperçu du livre
Mystère Edimbourg et Docteur Stevenson - Tome A - John-Erich Nielsen
Chandelier de bronze
Île d’Upolu, Samoa – Janvier 1892
– Non ! s’écria la jeune femme.
Faauma sentit la main droite de l’homme, puissante et lourde, qui enserrait sa gorge. Puis la gauche, qui l’instant d’avant caressait encore ses seins, vint à son tour s’écraser sur son cou.
Sous l’effet de la surprise, l’esprit de la belle indigène fut aussitôt assailli par des images incontrôlées. Elle se revit en train de signer ce « certificat de mariage » d’une nuit, un bout de papier immonde dont les Européens s’acquittaient pour légitimer leur relation sexuelle avec une Polynésienne… Pourquoi ai-je accepté ? se reprocha Faauma. Qu’avais-je à gagner ? Rien… En effet, sa vie au domaine de Vailima, qui signifiait les « Cinq Rivières », était douce. La jeune femme y était appréciée de ses employeurs, de ses amis, ainsi que de ses proches. Son mari Lafaele l’aimait, trop peut-être, comme tous les hommes de la demeure. Et celui qui, à présent, les doigts de plus en plus enfoncés dans sa gorge, la privait désespérément d’air, n’était certainement pas le plus attirant d’entre eux… Pourquoi ai-je accepté de le suivre ? se répéta Faauma. Pour l’argent ? Non, car elle savait bien qu’il n’y avait rien à attendre de ce panier percé. Pour une meilleure position dans la maison du maître ? Non plus, car ce dernier lui faisait déjà toute confiance. Était-ce alors un besoin d’exotisme, le frisson de sentir contre elle le corps si blanc de l’un de ces étrangers qui dominaient l’île ? Si tel était le cas, alors elle ne valait pas mieux qu’eux, ces Européens qui pour un morceau de tissu ou une simple promesse, abusaient d’elles, femmes sensuelles et naïves, à la poitrine imprudemment dévoilée et au sourire de nacre. Non décidément, je ne vaux pas mieux qu’eux, continua de se persuader Faauma. Toutefois, le prix à payer pour sa faiblesse s’annonçait démesuré : elle allait mourir !
Terrorisée, la jeune femme hurla de nouveau :
– Non ! mais sa voix, étouffée par l’étau surpuissant des mains de l’homme, ne parvint pas à franchir ses lèvres. Instinctivement, la belle Samoane comprit que dans moins d’une minute, elle allait perdre connaissance… Ses yeux fixèrent alors ceux, exorbités, de cet étranger qui le moment d’avant lui faisait encore l’amour. Elle distingua son visage rouge, cerclé d’une tignasse frisée brune, qui n’exprimait plus que l’envie d’en finir avec elle. Son épaisse moustache frémissait au-dessus de sa bouche haletante ; sa chemise blanche et son foulard bleu, couverts de sueur, s’agitaient au rythme de ses bras appuyant toujours plus fort sur son cou. Elle ne sentait déjà plus le bas du corps dénudé de l’homme, frottant contre son ventre. Plus que quelques instants, et tout serait bientôt fini…
Dans une dernière pensée, Faauma songea qu’elle n’aurait jamais dû venir le retrouver après la fête, dans le village de Moto’Otua, à mi-chemin entre Vailima et la ville d’Apia. Pendant ce temps, son mari Lafaele avait dû rester au domaine pour s’occuper des bêtes : l’une d’elles menaçait de mettre bas durant la nuit. La jeune indigène en avait alors profité pour sortir seule. Sur le chemin, elle avait fini par se justifier en se disant qu’après tout, il fallait bien qu’elle honorât tôt ou tard ce « certificat de mariage » qu’elle avait eu la folie de parapher… Pour se rendre à la fête, Faauma avait revêtu son plus bel holoku, cette robe traditionnelle que même les missionnaires avaient fini par adopter. Pour sa part, l’homme s’était également fait élégant, arborant ses bottes de cavalier parfaitement cirées. La jeune femme ne comprenait d’ailleurs pas comment son épouse, d’habitude si jalouse, avait pu le laisser quitter le domaine dans cette tenue, sans même se douter de ses intentions. Puis lorsque l’homme, imbibé de kava, ce breuvage sacré des Polynésiens, l’avait entraînée dans une chambre isolée avant de la forcer à s’allonger sur une simple paillasse, la belle avait alors dénoué son lavalava¹ rouge et blanc, laissé glisser son holoku, et enfin là… L’homme à la moustache s’était jeté sur elle comme une bête, avant de la pénétrer sans ménagement. Comme Faauma regrettait son insouciance. Elle voulait juste profiter de sa jeunesse, car les femmes polynésiennes vieillissaient vite. Elle savait que bientôt déjà, les hommes allaient se détourner d’elle… Elle songea aussi à Lafaele : que penserait-il d’elle lorsqu’il apprendrait ce qu’elle avait fait ? Soudain, cette idée la terrorisa plus encore que sa propre mort.
La jeune Samoane s’étonnait de toujours parvenir à penser à autant de choses. C’était comme si le temps avait décidé de ralentir sa course, juste pour elle, afin de lui laisser l’opportunité de faire le point sur sa trop courte existence… D’ailleurs, se dit-elle, pourquoi mon « mari d’un jour » est-il en train d’essayer de me tuer ? Après tout, je ne lui ai rien fait. Bien au contraire… Que craint-il ? Que sa femme apprenne son écart de conduite ? L’Américaine sait pourtant qu’il ne lui est plus fidèle depuis longtemps. Craint-il la réaction violente de mon Lafaele, un colosse qui lui briserait la nuque d’un seul coup de poing si jamais je parlais ? Non, les Européens ont tout pouvoir sur nous autres, Polynésiens. Tout cela n’a aucun sens, se désespéra-t-elle. Ou bien peut-être que ma vie n’a aucune valeur. Les missionnaires m’expliqueraient que Dieu me punit pour mes mauvaises actions, et que je l’ai bien mérité. Oui, peut-être, finit par se résigner Faauma. Il ne doit pas me rester plus de vingt secondes à vivre, estima-t-elle enfin, dans un ultime sursaut de lucidité.
Mais au même instant, Faauma vit apparaître la silhouette d’un deuxième homme sur sa droite. Celui-ci s’avança dans la pièce. Son regard bienveillant, sa moustache en bataille, ses bras trop maigres presque décharnés, croisés sur sa chemise de flanelle, elle les connaissait bien… Pourquoi ne bouge-t-il pas ? Pourquoi ne vient-il pas à mon secours ? s’étonna-t-elle. La jeune femme l’avait toujours considéré comme son protecteur, il l’avait prise sous son aile. Ce dernier s’était toujours montré si gentil et si prévenant avec elle. Dans un sourire, il l’avait même surnommée son « chandelier de bronze », en raison de sa stature fière et de sa peau cuivrée. Ce deuxième homme ne s’était pas manifesté durant la fête à Moto’Otua. Les avait-il suivis depuis Vailima ? Pourquoi ne bougeait-il toujours pas ? Hésitait-il ? Ou alors, est-ce qu’il voulait la violer lui aussi ? Attendait-il son tour ? Cette dernière incertitude effraya la belle Samoane… Mais elle ne se résolut pas à y croire. Dans un sursaut de désespoir, elle réussit à faire pivoter son regard dans sa direction, et elle le supplia des yeux. Allait-il intervenir ? Pourquoi ne le faisait-il toujours pas ? Qui voulait-il protéger : elle ou bien… l’homme de sa famille ?
Brusquement, Faauma sentit que ses forces l’abandonnaient. Déjà, sa pensée ralentissait, devenant plus confuse. Toutefois, elle lutta pour conserver son regard dans celui de l’homme. Elle avait l’impression de le fixer depuis des heures alors que, probablement, celui-ci n’était entré que depuis moins de deux secondes… Avait-il compris l’urgence de la situation ? Faauma sentait que dans quelques instants à peine, elle allait suffoquer. Définitivement.
Une dernière fois, ses yeux se firent implorants. Puis, d’un coup, ses paupières se fermèrent… Lorsque la réalité disparut derrière ce rideau noir, Faauma songea qu’elle ne saurait jamais si cet homme qu’elle appréciait tant, était au final un ange… ou un démon !
1 Tissu bariolé, équivalent samoan du paréo tahitien, le plus souvent orné de fleurs d’hibiscus ou de frangipanier, que l’on noue autour du cou ou de la taille.
L’air d’Auld Reekie
Mercredi 20 septembre, vingt-deux heures
– Hé, mon vieux Ed ! Fais attention… Tu vas tomber ! s’écria l’homme. Dans un réflexe, ce dernier agrippa le bras de son compagnon pour l’aider à se stabiliser.
– Viens, Ed… Viens t’asseoir, l’encouragea-t-il à le suivre sur le côté du trottoir.
Parvenu le long d’une grille en fer forgé, le premier homme réussit à adosser le second contre ce soutien providentiel avant, lentement, de l’obliger à s’asseoir sur le parapet. Une fois le colosse posé en équilibre sur la margelle de pierre, son ami vint à son tour s’installer à ses côtés.
– Ça va, mon vieux Ed ? Tu m’as fait peur. J’ai bien cru que tu allais te casser la figure… Ton hôtel, c’est encore loin ? voulut-il savoir.
Confronté au silence de son compagnon, l’homme prit le temps d’observer l’espace qui lui faisait face : Je ne sais plus comment s’appelle ce vaste parc de l’autre côté de Hermitage Place... Il est vraiment très grand. Dans le temps, j’ai dû venir y jouer au football avec mes garçons, se souvint-il encore. Avant de remarquer : La température est incroyablement douce. Vingt degrés au moins. À cette heure de la soirée, et en cette saison, Édimbourg jouit d’un été indien vraiment exceptionnel, s’étonna-t-il enfin.
Au même instant, l’épaule du géant assis à ses côtés s’affaissa d’un seul coup. L’homme eut à peine le temps de l’empêcher de basculer.
– Ed, ho ! essaya-t-il de le faire réagir. Ton hôtel, mon vieux ? Est-ce que c’est encore loin ?
Dans une semi-torpeur, l’ivrogne dressa son index vers la droite, avant de reposer ses deux coudes sur les cuisses, puis de laisser retomber une tête vissée sur un cou aussi épais que l’échine d’un taureau.
Il est complètement saoul, se désespéra son compagnon. S’il perd connaissance, seul, je ne parviendrai jamais à relever cette montagne de muscles. À cet instant, le jeune colosse ferma les yeux. L’autre homme s’empressa de réagir. Il lui administra une gifle bien sentie sur la joue droite, en lui disant :
– Ed ! Allez, ne t’endors pas !... Secoue-toi, mon pote !
Ce dernier sursauta brusquement et il redressa la tête.
– Ta clé, Ed ! Où est ta clé ? le questionna aussitôt son soutien, mais le jeune homme se contenta de laisser retomber les paupières.
– Ça ne fait rien, je vais la chercher… le prévint-il, puis il se mit à fouiller dans ses poches. Rapidement, celui-ci extirpa une clé jaune assortie d’une étiquette sur laquelle figurait l’inscription « Merith House ». Connais pas, se dit-il. J’espère juste que ça se trouve dans la direction qu’il vient de m’indiquer… Bon, on ne peut pas rester là. Il faut que je me dépêche de le faire avancer tant que ses jambes le portent encore. Et puis ensuite, il faudra en finir…
L’homme se releva tout en tenant son compagnon par la manche, puis il le tira par le bras en l’encourageant :
– Allez Ed, debout !... Viens, lève-toi !... Aide-moi un peu… Allez, hop ! Debout !...
Soudain, l’ivrogne obéit aux injonctions de son voisin et il réussit à redresser sa lourde carcasse. L’homme en profita pour se glisser sous son épaule gauche, lui prendre la main et, enfin, passer son bras derrière la nuque du géant.
– C’est bien Ed, c’est bien ! Allez, au pack ! Comme en mêlée… Viens, on va pousser !
Le colosse fit alors deux pas dans la direction désirée.
– Bravo Ed, continue