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Le pendu de St Andrews: Les enquêtes de l'inspecteur Sweeney - Tome 12
Le pendu de St Andrews: Les enquêtes de l'inspecteur Sweeney - Tome 12
Le pendu de St Andrews: Les enquêtes de l'inspecteur Sweeney - Tome 12
Livre électronique245 pages3 heures

Le pendu de St Andrews: Les enquêtes de l'inspecteur Sweeney - Tome 12

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À propos de ce livre électronique

La « pierre du Destin », sur laquelle les rois d’Écosse ont toujours dû se hisser pour être couronnés, vient d’être volée au château d’Édimbourg...

Retrouvé à Londres, le symbole de la souveraineté du pays a été amputé d’un morceau qui a disparu. Sacrilège ! S’agirait-il d’une provocation anglaise ? Puis voilà que l’assassinat d’un député indépendantiste, en plein parlement écossais, menace dorénavant de faire déborder une marmite nationaliste en pleine ébullition…
« De mon côté, j’ai bien d’autres chats à fouetter : ce matin en effet, un étudiant de St Andrews vient d’être découvert pendu dans la chapelle de la célèbre université, un tatouage sur la poitrine découpé au couteau, un mystérieux texte en latin dans la poche, ainsi que les initiales « PH » gravées sous la semelle de l’une de ses chaussures. Le suicide n’est déjà plus une hypothèse ! Voilà qui va vite me faire oublier l’agitation qui règne autour de cette satanée pierre… »
Inspecteur Sweeney - Criminal Investigation Department

Une douzième aventure pour le détective écossais excentrique !

EXTRAIT

Écrasée sous un plafond de nuages oppressants, la mer du Nord luisait de reflets métalliques. Lorsqu’elle apparut sur la droite de l’A90, Sweeney songea : Aberdeen n’est plus très loin… Tant mieux, car il fera nuit dans moins d’une heure.
L’inspecteur était soulagé de voir approcher la ville de son enfance. En effet, depuis plus d’une semaine déjà, il sentait que sa vieille Ford Escort était au bout du rouleau : Plus de trois cent cinquante mille kilomètres au compteur, un turbo défaillant, et cette fichue courroie qui n’en finit plus de siffler, il va falloir que je pense à changer de voiture. Une Mondéo ou une Lexus ? envisagea-t-il. Mais le jeune homme conclut sa réflexion en relâchant un profond soupir. Décidément, il ne parvenait pas à se résoudre à abandonner un véhicule qui, depuis plus de dix ans, lui rappelait tant de souvenirs.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Les aventures de cet excellent inspecteur, qui ne ressemble à personne, sont passionnantes ! - Keltia

À PROPOS DE L'AUTEUR

John-Erich Nielsen est né le 21 juin 1966 en France. Professeur d'allemand dans un premier temps, il devient ensuite officier (capitaine) pendant douze ans, dans des unités de combat et de renseignement. Conseiller Principal d'Education de 2001 à 2012, il est désormais éditeur et auteur à Carnac, en Bretagne.
Les enquêtes de l'inspecteur Archibald Sweeney - jeune Ecossais dégingandé muni d'un club de golf improbable, mal rasé, pas toujours très motivé, mais ô combien attachant - s'inscrivent dans la tradition du polar britannique : sont privilégiés la qualité de l'intrigue, le rythme, l'humour et le suspense. À la recherche du coupable, le lecteur évoluera dans les plus beaux paysages d'Ecosse (Highlands, île de Skye, Edimbourg, îles Hébrides) mais aussi, parfois, dans des cadres plus "exotiques" (Australie, Canaries, Nouvelle-Zélande, Irlande).
LangueFrançais
Date de sortie18 mai 2017
ISBN9791090915701
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    Aperçu du livre

    Le pendu de St Andrews - John-Erich Nielsen

    Nouvelle donne

    Jeudi 28 janvier

    Écrasée sous un plafond de nuages oppressants, la mer du Nord luisait de reflets métalliques. Lorsqu’elle apparut sur la droite de l’A90, Sweeney songea : Aberdeen n’est plus très loin… Tant mieux, car il fera nuit dans moins d’une heure.

    L’inspecteur était soulagé de voir approcher la ville de son enfance. En effet, depuis plus d’une semaine déjà, il sentait que sa vieille Ford Escort était au bout du rouleau : Plus de trois cent cinquante mille kilomètres au compteur, un turbo défaillant, et cette fichue courroie qui n’en finit plus de siffler, il va falloir que je pense à changer de voiture. Une Mondéo ou une Lexus ? envisagea-t-il. Mais le jeune homme conclut sa réflexion en relâchant un profond soupir. Décidément, il ne parvenait pas à se résoudre à abandonner un véhicule qui, depuis plus de dix ans, lui rappelait tant de souvenirs.

    Bientôt, une pancarte sur la gauche lui annonça : « Aberdeen – 10 miles ». Moins de dix minutes de route, calcula Sweeney. Puis, soudain, le jingle des informations de la BBC Scotland le fit sursauter. Mince, la radio ! réagit le policier. Il est seize heures. Je ne m’étais pas rendu compte que la station était restée allumée depuis mon départ d’Édimbourg. Ces derniers temps, j’ai vraiment la tête ailleurs… se désola-t-il.

    Le speaker à la voix grave, roulant les R comme seuls les Écossais savent le faire, ouvrait son bulletin sur les tensions suscitées par le vol récent de la pierre du Destin(¹). En dérobant le symbole de la souveraineté écossaise le jour de Noël, le groupe de malfaiteurs anglais – car il paraissait difficile d’imaginer que les auteurs fussent d’une autre nationalité – avait osé rendre la monnaie de leur pièce aux Écossais, vengeant ainsi le premier vol commis à Londres, le 25 décembre 1950, par un groupe d’étudiants patriotes menés par Ian Robertson Hamilton. Le journaliste rappelait que la pierre venait d’être retrouvée trois jours plus tôt dans l’abbaye de Westminster, à l’endroit même où, pendant plus de sept cents ans, les souverains britanniques avaient recouvert le symbole de la liberté écossaise sous… leur postérieur ! Le retour forcé de la pierre dans l’abbaye londonienne rouvrait une cicatrice vieille de sept siècles, et les Écossais vivaient le forfait comme une provocation insupportable. Enfin, les « malfrats de Sa Majesté », comme les surnommait la presse indépendantiste, avaient poussé le vice – sans doute pour moquer la maladresse des premiers voleurs qui, laissant échapper le bloc, l’avaient cassé en deux – à restituer la pierre volontairement amputée d’un morceau gros comme le poing. D’Édimbourg à Glasgow, cette mutilation sacrilège était ressentie comme une injure.

    À présent, la radio se faisait l’écho des tensions qui, dorénavant, apparaissaient au sein même du SNP(²). En effet, même les députés les plus mesurés regrettaient que le Premier ministre britannique ne condamnât pas assez sévèrement ce geste odieux ; depuis la veille, on n’hésitait d’ailleurs plus à brandir la menace d’un nouveau référendum(³) . Enfin, en dépit des paroles d’apaisement que répétait inlassablement Nicola Sturgeon(⁴) , Sweeney sentait bien que la marmite nationaliste était de nouveau en pleine ébullition !

    Alors qu’il quittait la voie principale et s’approchait d’un premier rond-point, le jeune inspecteur se rendit enfin compte qu’il arrivait aux abords d’Aberdeen. Déjà ? s’étonna-t-il. Je n’ai pas vu passer les derniers miles… J’étais comme hypnotisé. Et puis, songea-t-il, je crois que je connais cette route par cœur. Sweeney sourit, contourna l’obstacle, puis il s’engagea sur la droite en direction du quartier portuaire.

    – Eh, réveille-toi ! lança-t-il à son chien, assoupi sur la banquette arrière.

    – Higgins ! l’appela-t-il encore. Nous arrivons, est-ce que tu reconnais la route ?

    Le jeune Corgi souleva une paupière lourde, dévoilant un regard où l’on devinait plus d’incompréhension que de reproche pour avoir été brusquement tiré de son sommeil. C’est vrai, se rappela son maître, ce n’est que la deuxième fois qu’il revient à Aberdeen. Puis le policier émit un nouveau soupir, avant de laisser ses pensées s’envoler vers Berthie…

    Son vieux teckel était décédé en décembre, quelques jours à peine après l’enlèvement de tante Midge(⁵) . Comme si la pauvre bête, à force de se reprocher de n’avoir rien pu faire pour empêcher l’agression de la vieille dame, s’était laissée mourir de chagrin ; ou plutôt – et Sweeney ne cessait de se torturer avec cette idée – comme s’il avait capté la détresse immense de son maître et avait fini par y succomber.

    Le policier s’était senti dévasté par la perte de son animal. Jamais il n’aurait cru y être autant attaché… Par ailleurs, il hésitait sur la meilleure façon d’inhumer son chien. Finalement, le commissaire Wilkinson, quelques jours seulement avant de prendre sa retraite, avait proposé à son subordonné d’accueillir la dépouille de Berthie dans le jardin de sa maison de Leith, à l’est d’Édimbourg. Sweeney s’était empressé d’accepter, même s’il se doutait que cette offre généreuse servirait aussi de prétexte à son patron, après la date fatidique du 1er janvier, pour continuer de recevoir l’un de ses enquêteurs préférés et, ainsi, garder le contact avec un CID(⁶) qu’il avait dirigé pendant plus de quinze ans. De toute façon, le jeune policier sentait également que ces visites, durant lesquelles on parlerait du « bon vieux temps », lui feraient probablement du bien à lui aussi, comme une bouffée d’oxygène.

    En effet, dès le 2 janvier et la prise de fonction de son nouveau « boss » Brandon Sales, l’inspecteur avait bien compris qu’il ne tarderait pas à regretter les colères surjouées de Wilkinson. Très vite, le nouveau patron lui avait paru froid, distant et calculateur ; une semaine seulement après son arrivée, le commissaire bousculait déjà tout le service en recomposant les différents binômes d’enquêteurs. Quelle façon stupide de marquer son territoire ! avait jugé son subordonné. Ainsi Ian McTirney, son coéquipier depuis plus de dix ans, avait dû quitter leur bureau pour rejoindre celui de George Docherty, un collègue aux costumes irréprochables mais à la personnalité fade et vieillissante. Quant à Sweeney, il avait hérité de l’inspecteur Angus Law, un carriériste hautain toujours tiré à quatre épingles, plus âgé que lui d’environ cinq ans. Lorsque Sales lui avait annoncé son nom, l’enquêteur n’avait d’ailleurs pu retenir un soupir de désappointement. En effet, Law était un type que Sweeney avait toujours pris grand soin d’éviter. Le nouveau patron l’avait probablement remarqué, et son subordonné voyait dans cette volonté de le forcer à le côtoyer comme une forme… de perversion ! D’ailleurs, trois semaines après ces ajustements, la glace n’était toujours pas rompue : pas plus avec Angus Law qu’avec Brandon Sales… C’est à me faire regretter ma décision de demeurer inspecteur(⁷) ! avait fini par se désoler Sweeney.

    Sans même en avoir réellement conscience, le jeune homme venait d’engager son Escort à l’ouest de Victoria Road. En passant devant la maison de tante Midge, sur la droite dans la rue, il retint instinctivement sa respiration et il détourna le regard. Poursuivant sa route, il se dirigea vers l’extrémité de l’avenue où un vaste golf urbain épousait les premières courbes de la mer du Nord. Sweeney dépassa un dernier groupe d’immeubles, bifurqua sur la gauche, puis il longea une rangée de pavillons aux façades uniformes, serrés les uns contre les autres comme pour mieux résister à la puissance du souffle maritime. L’enquêteur porta enfin son regard sur la droite, fasciné par cette fragile couche de glace qui, en janvier, s’obstinait à s’accrocher aux flancs du port d’Aberdeen.

    Parvenu devant une porte de couleur verte, il ralentit par réflexe et stationna sa Ford le long d’un trottoir désert. Dès qu’il quitta l’habitacle, un vent d’est familier, froid comme la mort, lui fouetta la barbe. Higgins, sautant joyeusement par la portière entrouverte, parut ne rien remarquer de ce brutal changement de température. C’est vrai, songea Sweeney, toi aussi tu es né ici, tout comme moi, et le jeune homme ne put refréner un sourire. Il s’empara du club de golf qu’il avait abandonné sur le plancher, referma sa voiture et, avec son pull shetland pour seule protection, il se dirigea sans hâte vers la maison à la porte verte.

    En reconnaissant l’adresse, son chien avait déjà traversé la rue et il s’était précipité vers une demeure aux murs de granit austères, semblable à toutes les autres, mais dont Sweeney savait que la chaleur provenait plus de ses occupants que de son apparence. L’inspecteur sonna et, quelques secondes plus tard, le révérend Davis lui ouvrait déjà la porte.

    – Archibald ! se réjouit l’homme d’église. Vous voilà !… Avez-vous fait bonne route ?

    Avant même de lui répondre, le policier prit le temps d’observer Simon Davis. Âgé d’un peu plus de soixante ans, le révérend affichait une taille impressionnante de près d’un mètre quatre-vingt-dix, ainsi qu’une carrure d’ancien rugbyman tout aussi imposante. Son visage rougi par le climat rigoureux du bord de mer, au nez fort et volontaire dominé par des yeux verts, puis couronné par des cheveux blancs clairsemés mais disciplinés, dégageait une sensation d’infinie bonté. Dès son plus jeune âge, Sweeney avait compris que l’empathie de cet homme n’était pas feinte. S’il était devenu révérend, c’était tout simplement parce qu’il était « naturellement » bienveillant. Parfois même, lorsque l’ecclésiastique ouvrait ses bras pendant l’office, on avait l’impression qu’en les refermant sur son torse large et accueillant, cet homme, tel un Christ rédempteur, aurait pu y embrasser le monde ! Et même s’il était viscéralement athée, l’officier de police s’était pourtant toujours demandé d’où Simon Davis pouvait bien tenir cette exceptionnelle force d’âme…

    Le révérend se présenta dans une tenue inhabituellement négligée. Il avait tombé la veste, et Sweeney n’avait pas le souvenir de l’avoir déjà vu le col ouvert, bras de chemise et plastron apparents.

    – Vous êtes à l’heure pour le thé, le félicita l’ecclésiastique.

    – Euh… Oui, prononça enfin l’enquêteur.

    – Pas de neige ou de verglas depuis Édimbourg ? s’inquiéta le révérend.

    – Non tranquille, répondit trivialement le jeune Sweeney. Avant de demander :

    – Hem… Est-ce qu’elle est là ?

    – Patricia va la prévenir, répondit Simon Davis. Patricia ?... Patricia ! appela-t-il son épouse en tournant la tête. Archibald est arrivé ! précisa-t-il encore. Puis, apparemment certain que sa femme l’avait entendu, il proposa à l’inspecteur :

    – Mais entrez… dit-il en s’effaçant sur la gauche. Le vent est épouvantablement froid ce soir, ajouta-t-il, alors que son visiteur jugeait au contraire que la température était tout à fait supportable pour un mois de janvier. Sweeney et son chien franchirent une porte que le révérend s’empressa de refermer dans leur dos. Leur hôte les dépassa, suivi de près par Higgins, puis il prit la direction du salon. Enfin il lança au jeune homme :

    – Venez, Archibald. Le thé nous attend, dit-il, et il disparut dans la première pièce sur la droite.

    Mais Sweeney, comme surpris par la chaleur qui régnait dans la maison, s’immobilisa dans le couloir. Canne de golf en équilibre sur l’épaule, les yeux perdus dans le vide, l’inspecteur laissa brusquement filer ses pensées…

    *

    Lors de la disparition de tante Midge à son retour des Hébrides(⁸), Sweeney avait eu la sensation de devenir fou. Trevor Crabtree avait osé s’en prendre à la femme la plus précieuse à ses yeux !... En outre, l’issue que le fugitif projetait de donner à cet enlèvement s’annonçait fatale. Il eût été insensé de ne pas se l’avouer.

    Chaque minute, chaque heure, puis chaque jour, qui passaient sans la moindre nouvelle de la vieille dame, le mettaient au supplice. À tout instant, le jeune inspecteur s’attendait à recevoir la plus effroyable des nouvelles. Par ailleurs, son impuissance à venir en aide à sa tante lui poignardait plus sûrement le cœur que le plus aiguisé des couteaux… Quel sort l’infâme Crabtree avait-il décidé de réserver à sa victime ? Déjà, Sweeney pressentait que le scénario serait terrible, à la mesure de la soif de vengeance de l’assassin de ses parents. Le policier savait que son ennemi ne poursuivait qu’un seul but : le faire souffrir le plus possible. Et l’incertitude lancinante que ce monstre distillait jour après jour, n’était sûrement que le premier stade d’un processus pervers et sadique.

    Depuis la disparition survenue le samedi 20 décembre, ses collègues d’Aberdeen piétinaient ; en l’absence de revendication ou de toute demande de rançon, aucune information pertinente n’était venue éclairer leurs investigations. Pas un seul indice n’avait été prélevé dans la maison de sa tante ; l’enquête de voisinage n’avait pas donné le moindre résultat, et les caméras de surveillance du quartier n’avaient rien capté non plus. Par ailleurs, il était toujours impossible de déterminer si Trevor Crabtree avait agi seul, ou bien avec l’aide d’un ou de plusieurs complices. Enfin, aucun élément ne permettait de préciser le type de véhicule que le ou les ravisseurs avaient utilisé. En résumé, après trois jours d’une enquête intensive, la police ne savait toujours rien ! Le « professionnalisme » de l’ancien officier des services spéciaux jouait en leur défaveur. À l’évidence, l’homme avait parfaitement préparé son affaire. On avait l’impression que Crabtree avait élaboré son plan comme un scénario diabolique. Il avait en permanence un coup d’avance, comme s’il anticipait la moindre de leurs réactions. Les enquêteurs étaient confrontés à un défi qui les dépassait, et Sweeney, rongé par l’inquiétude, finissait par avoir la terrible sensation, à force d’échafauder des hypothèses qui s’avéraient autant d’impasses, de perdre la raison.

    Le 23 décembre, physiquement et psychologiquement épuisé, le jeune homme avait même manqué de s’évanouir dans les locaux de la police d’Aberdeen. Sur les conseils de ses collègues, il s’était résolu à rentrer pour se reposer chez lui, à Édimbourg. En arrivant dans son appartement de George Street, l’inspecteur avait remarqué que son chien Berthie n’allait pas bien. L’animal n’avait ni bu ni mangé, ce qui ne lui ressemblait guère. Puis il était allé s’affaler mollement sur son plaid. Enfin, au milieu de la nuit, le teckel, qui ne montait jamais sur le lit de son maître, avait toutefois rampé sur la couverture pour venir se blottir contre son dos. Le lendemain matin, au réveil, Sweeney avait découvert la pauvre bête morte dans son sommeil, allongée tout contre lui… Une tristesse infinie l’avait envahi. Berthie était probablement mort de chagrin, s’était-il aussitôt reproché, oubliant que le ratier allait tout de même avoir seize ans. Presque simultanément, l’inspecteur s’était également convaincu qu’il avait dû transmettre son désarroi à son chien, et que ce dernier, incapable de résister à ce trop-plein d’émotions, avait fini par y succomber. Et même si sa raison ne cessait de lui rappeler à quel point ce sentiment de culpabilité était stupide, son cœur continuait pourtant de ressentir cette mort comme une blessure intime. Seule l’offre généreuse du commissaire Wilkinson, prévenu par McTirney de la triste nouvelle, l’avait provisoirement soulagé.

    Son teckel à peine enterré, l’enquêteur était aussitôt reparti pour Aberdeen. Il y avait retrouvé le révérend Davis et son épouse, qui l’hébergeaient depuis la disparition de sa tante Marjorie, et ce n’est qu’en observant l’ecclésiastique qui s’habillait pour aller célébrer l’office, qu’il s’était enfin rendu compte que l’on était à la veille… de Noël ! Confus, Sweeney s’était excusé de les déranger dans cette circonstance festive, puis il avait préféré s’éclipser pour s’en aller arpenter seul les rues glacées de la ville.

    Après avoir stationné son Escort sur la première place de parking libre, le jeune homme avait commencé par déambuler au hasard des rues, canne de golf sur l’épaule. Rapidement, il avait décidé qu’il n’assisterait à aucune cérémonie religieuse. Ses quelques convictions, déjà fragiles, ne résistaient pas au choc de la disparition de sa tante, suivie de près par le cruel décès de Berthie. Après quelques minutes d’errance parmi des passants aux bras surchargés de cadeaux, Sweeney avait fini par maudire cette ambiance de fête qui, par son décalage avec ses propres sentiments, ne faisait que renforcer sa détresse. Comment tous ces gens pouvaient-ils être heureux, tandis que lui était torturé par l’angoisse du sort qu’on réservait à sa tante ? Le jeune homme n’avait plus ressenti un tel sentiment d’injustice depuis ses premières années d’école lorsque, orphelin, il était le seul à ne pas pouvoir écrire le nom de ses parents assassinés sur les fiches d’inscription…

    Alors que la nuit était tombée depuis plusieurs heures, et que le froid mordant lui engourdissait les doigts, Sweeney avait hésité : devait-il retourner voir ses collègues en charge de l’enquête, pour s’inquiéter des derniers éléments que ceux-ci étaient parvenus à collecter ? Machinalement, le policier commença par vérifier qu’aucun SMS ne s’était inscrit sur son portable. Il comprit alors que, dans son état de nervosité, il ne leur serait d’aucune utilité et que, pire encore, il risquait au contraire de leur transmettre sa propre fébrilité. Enfin résigné, Sweeney décida de repartir vers sa voiture.

    Ce n’est qu’en ouvrant la porte du véhicule qu’il se rendit compte qu’il n’avait

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