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Dans les flammes de Gretna Green: Les Enquêtes de l'inspecteur Sweeney - Tome 16
Dans les flammes de Gretna Green: Les Enquêtes de l'inspecteur Sweeney - Tome 16
Dans les flammes de Gretna Green: Les Enquêtes de l'inspecteur Sweeney - Tome 16
Livre électronique227 pages3 heures

Dans les flammes de Gretna Green: Les Enquêtes de l'inspecteur Sweeney - Tome 16

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À propos de ce livre électronique

Retrouvez l'inspecteur Sweeney dans une nouvelle enquête entre l'île d'Islay et Gretna Green, en passant par le mur d'Hadrien et Glasgow !

Rendez-vous sur l’île d’Islay pour l’inspecteur Sweeney : son ami d’enfance Bruce Fowler l’y a invité pour déjeuner en compagnie de sa fiancée, la belle Rhoda McGillis. C’est là que la jeune femme, épaulée par son oncle Daniel, dirige la prestigieuse distillerie Lagabhain. Au dessert, le couple lui annonce son intention de se dire « Oui » devant un « prêtre de l’enclume » à Gretna Green, le village écossais des amoureux. Si près de cinq mille mariages y sont célébrés chaque année, celui de Bruce et Rhoda promet d’être l’un des plus réussis ! Toutefois, depuis deux mois, l’ombre d’un dangereux « corbeau » semble planer sur la noce… D’Islay au mur d’Hadrien, de Glasgow à Gretna Green, Sweeney n’avait encore jamais connu d’enquête aussi… brûlante !

Dans ce polar en plein cœur de l'Écosse, l'ombre d'un "corbeau" menace l'équilibre d'un mariage qui devait être l'un des plus réussis de l'année ! Retrouvez l'inspecteur Sweeney dans le 16e tome de ses Enquêtes !

EXTRAIT

Sweeney sursauta. Gêné, il constata que tandis qu’il mastiquait un morceau de gâteau au chocolat, son regard était resté figé sur la joue meurtrie de Rhoda. L’instant d’après, la jeune femme finit par tourner la tête dans sa direction, et le policier put alors observer l’ensemble de son visage. Rhoda McGillis venait d’avoir trente-deux ans. Grande, sportive, elle portait sur une chemise en flanelle un gilet marron paré de motifs à chevrons beiges. Puis un bracelet doré, un peu trop bruyant, ornait son poignet droit. Enfin une jupe à fleurs, qui la grandissait encore, couvrait ses jambes jusque sur une paire de bottes en cuir. Lorsque Bruce lui avait présenté sa fiancée, Sweeney avait été séduit par la chevelure flamboyante, bouclée, quasi voluptueuse, de Rhoda. Mais aussitôt, la terrible cicatrice qui barrait sa joue droite avait accroché son regard… Dès le début du déjeuner, la jeune femme avait expliqué à son hôte qu’à l’âge de douze ans, alors qu’elle vivait encore au Zimbabwe – l’ancienne Rhodésie où elle était née, et dont elle avait hérité son prénom –, un effroyable accident d’avion l’avait défigurée à jamais. Piloté par son père Philipp, le Cessna avait perdu sa route à la nuit tombée, perturbé par un brouillard qui s’était abattu d’un coup sur les contreforts du mont Inyangani. Sa mère Samantha, assise devant elle au côté de son mari, ne cessait de se retourner pour la rassurer. Mais soudain, un choc brutal avait stoppé la course de l’avion…

À PROPOS DE L'AUTEUR

John-Erich Nielsen est né le 21 juin 1966 en France. Professeur d'allemand dans un premier temps, il devient ensuite officier (capitaine) pendant douze ans, dans des unités de combat et de renseignement. Conseiller Principal d'Education de 2001 à 2012, il est désormais éditeur et auteur à Carnac, en Bretagne.
Les enquêtes de l'inspecteur Archibald Sweeney - jeune Ecossais dégingandé muni d'un club de golf improbable, mal rasé, pas toujours très motivé, mais ô combien attachant - s'inscrivent dans la tradition du polar britannique : sont privilégiés la qualité de l'intrigue, le rythme, l'humour et le suspense.A la recherche du coupable, le lecteur évoluera dans les plus beaux paysages d'Ecosse (Highlands, île de Skye, Edimbourg, îles Hébrides) mais aussi, parfois, dans des cadres plus "exotiques" (Australie, Canaries, Nouvelle-Zélande, Irlande).


LangueFrançais
Date de sortie5 juin 2019
ISBN9791090915268
Dans les flammes de Gretna Green: Les Enquêtes de l'inspecteur Sweeney - Tome 16

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    Aperçu du livre

    Dans les flammes de Gretna Green - John-Erich Nielsen

    Nuages sur l’île d’Islay

    Dimanche 28 avril – Île d’Islay, maison de Rhoda McGillis

    – Je vous fais peur, inspecteur ?

    Sweeney sursauta. Gêné, il constata que tandis qu’il mastiquait un morceau de gâteau au chocolat, son regard était resté figé sur la joue meurtrie de Rhoda. L’instant d’après, la jeune femme finit par tourner la tête dans sa direction, et le policier put alors observer l’ensemble de son visage.

    Rhoda McGillis venait d’avoir trente-deux ans. Grande, sportive, elle portait sur une chemise en flanelle un gilet marron paré de motifs à chevrons beiges. Puis un bracelet doré, un peu trop bruyant, ornait son poignet droit. Enfin une jupe à fleurs, qui la grandissait encore, couvrait ses jambes jusque sur une paire de bottes en cuir.

    Lorsque Bruce lui avait présenté sa fiancée, Sweeney avait été séduit par la chevelure flamboyante, bouclée, quasi voluptueuse, de Rhoda. Mais aussitôt, la terrible cicatrice qui barrait sa joue droite avait accroché son regard…

    Dès le début du déjeuner, la jeune femme avait expliqué à son hôte qu’à l’âge de douze ans, alors qu’elle vivait encore au Zimbabwe – l’ancienne Rhodésie où elle était née, et dont elle avait hérité son prénom –, un effroyable accident d’avion l’avait défigurée à jamais. Piloté par son père Philipp, le Cessna avait perdu sa route à la nuit tombée, perturbé par un brouillard qui s’était abattu d’un coup sur les contreforts du mont Inyangani. Sa mère Samantha, assise devant elle au côté de son mari, ne cessait de se retourner pour la rassurer. Mais soudain, un choc brutal avait stoppé la course de l’avion… Éjectée, la petite Rhoda avait miraculeusement survécu. Inconsciente, les quatre membres brisés, et souffrant d’un traumatisme crânien, l’enfant avait passé la nuit à quelques mètres à peine du brasier dans lequel se consumaient les restes du Cessna. À l’aube, des paysans de la montagne avaient découvert la petite, toujours en vie. Mais en traversant le pare-brise, un large éclat de verre s’était enfoncé dans son visage et lui avait fendu la joue droite du bas de l’œil jusqu’à la commissure des lèvres. Quant à ses parents, il n’y avait plus rien à faire : leurs deux corps calcinés se dressaient toujours côte à côte, sanglés sur les sièges d’une carlingue noircie, déformée par la puissance de l’incendie.

    Vingt ans plus tard, avec cette odieuse balafre courant sur sa joue, Rhoda McGillis portait pour toujours la mort de ses parents sur le visage. Impossible d’oublier… Ému, Sweeney avait écouté son récit avec attention. Dans le même temps, il n’avait pu s’empêcher de contempler le visage fascinant de la fiancée de Bruce. En effet, si l’on ne considérait que le profil droit de Rhoda, on pouvait juger répugnante cette entaille béante qui lui écartait les chairs, et que plus aucune chirurgie ne pourrait jamais refermer. Mais si l’on faisait abstraction de la partie meurtrie, le profil gauche était celui d’une jeune femme extrêmement belle, à la peau fraîche, aux yeux d’un bleu profond presque violets, porteuse d’une expression qui reflétait sa grande intelligence. Au final, Rhoda McGillis était une sorte de Janus¹ féminin, un être mi-ange mi-démon.

    Ou plutôt un ange et un démon, avait corrigé Sweeney, intrigué. C’est incroyable, pensa-t-il encore, on ne parvient pas à détacher son regard de Rhoda. Elle est en même temps l’une des femmes les plus séduisantes qu’il m’ait été donné de rencontrer, mais aussi celle qu’on a le plus envie de plaindre. Ou de craindre… Elle a raison : son visage fait peur. Car on est tout autant fasciné que répugné. Je suis certain qu’elle en a conscience… Oui, elle le sait, jugea-t-il. Peut-être a-t-elle-même appris à en jouer… Tu m’étonnes que Bruce soit tombé sous son charme ! finit-il par s’amuser.

    – Alors, je vous fais peur ? insista Rhoda, malicieuse.

    Subjugué par son étrange sourire, Sweeney parvint à répondre :

    – Non, évidemment non ! et il esquissa une moue maladroite. Puis, pour se donner une contenance, il avala une nouvelle bouchée de gâteau.

    – Est-ce que tu veux encore un peu de crème anglaise ? lui proposa son ami Bruce, et il lui tendit un bol en porcelaine.

    – Non, merci. C’est parfait.

    Son voisin de droite reposa l’ustensile sur la table.

    Pendant que le couple continuait d’échanger, l’inspecteur contempla Bruce cette fois. Son ami d’enfance, dont la calvitie précoce et le sourire ravageur l’avaient fait surnommer « Nixon » par ses camarades – il est vrai que le visage de Bruce présentait une ressemblance frappante avec celui de l’ancien président américain –, était vraiment ce que l’on pouvait appeler un « beau garçon ». Athlétique, large d’épaules, l’air décontracté en toutes circonstances, ses copains de lycée, jaloux de ses nombreuses conquêtes féminines, le taquinaient en le surnommant parfois « le beau Bruce », quand ce n’était pas « Robert the Bruce », en hommage au célèbre roi écossais. Pour déjeuner, Bruce Fowler avait revêtu une élégante veste à carreaux bleus, portée sur un pull à col roulé de couleur noire, qui lui conféraient une indéniable prestance. Sous la table, on devinait un pantalon de toile claire tombant sur une paire de chaussures à boucle.

    Archibald et Bruce s’étaient rencontrés au club de rugby d’Aberdeen. Bruce provenait d’un quartier plus riche du centre-ville. À l’âge de quatorze ans, les deux garçons avaient été alignés ensemble au sein des lignes arrière, où leur vitesse et leur sens du jeu faisaient merveille. Complices sur le terrain comme dans la vie, Archie et Bruce s’appréciaient mutuellement : l’un admirait l’assurance insensée du brun ténébreux, tandis que l’autre était séduit par l’intelligence si particulière du rouquin dégingandé. Même si leur parcours s’était séparé vingt ans plus tôt – l’école de police pour Archibald, une école de commerce puis la banque pour Bruce –, les deux amis étaient demeurés en contact. Sweeney avait suivi la carrière éblouissante de Fowler, devenu le directeur d’une importante succursale de la Royal Bank of Scotland à Glasgow, tandis que Bruce s’étonnait d’apercevoir son camarade à la télévision, lorsque l’une de ses enquêtes connaissait un retentissement médiatique.

    À trente-huit ans, les deux hommes avaient pour point commun de ne pas être mariés. Ce qui, dans le cas de Bruce, ne surprenait pas Sweeney, tant il lui connaissait un parcours amoureux chaotique, émaillé de mille conquêtes dues à son sourire enjôleur, à sa stature avenante, à sa belle situation, mais aussi à sa voiture de sport, une Porsche 964 à la ligne racée. Enfin, le « beau Bruce » occupait toujours un appartement-garçonnière, idéalement situé dans l’un des plus beaux immeubles du centre historique de Glasgow.

    Pourtant, en dépit de son profil de coureur de jupons, Bruce Fowler avait fini par succomber au magnétisme de Rhoda. À tel point qu’après de rapides fiançailles, un mariage venait d’être annoncé pour le 22 juin… Les tourtereaux s’étaient rencontrés par hasard : pour financer l’extension de sa prestigieuse distillerie Lagabhain, qu’elle dirigeait depuis six ans sur l’île d’Islay, Miss McGillis était venue solliciter un prêt auprès du séduisant banquier. Et là, le coup de foudre avait été réciproque. Au terme de ce premier rendez-vous, Bruce avait accordé à Rhoda non seulement son prêt, mais aussi son cœur. D’ailleurs, durant tout le déjeuner, Sweeney n’avait pas cessé d’observer les nombreux témoignages de complicité que se manifestaient Rhoda et Bruce. Oui, à n’en pas douter, ces deux-là étaient faits l’un pour l’autre.

    – Et toi, Bruce ? demanda Rhoda. Un peu de crème pour finir ton gâteau ?

    – Non merci, ma chérie. Je termine ma part, j’avale mon café et je pars pour l’aérodrome de Port Ellen. Mon avion décolle dans deux heures à peine… Il faut que je sois à Glasgow ce soir. Tu sais, je dois préparer cet important rendez-vous avec le groupe d’investisseurs des Émirats. Je les reçois demain matin dans mon bureau.

    – Oui. Bien sûr, rétorqua Rhoda avec une moue de dépit.

    – Tu habites toujours en ville ? demanda Sweeney à son ami. Pas sur Islay ?

    Rhoda répondit à la place de son fiancé :

    – Bruce me rejoint tous les week-ends, ici à la maison, et moi, dès que j’en ai l’occasion, je lui rends visite à Glasgow durant la semaine.

    – De toute façon, compléta Bruce en souriant, nous nous sommes dit que tant que nous n’étions pas mariés, mieux valait ne pas heurter les bonnes mœurs !

    Rhoda lui rendit son sourire, puis leurs deux mains se rejoignirent tendrement au milieu de la table. Dans leur étreinte, l’inspecteur crut deviner les entorses aux fameuses « bonnes mœurs » que Bruce venait pourtant d’évoquer.

    Au même instant, une jeune femme d’origine africaine surgit dans la pièce, pour emporter un plat et débarrasser quelques couverts.

    – Merci Jenna, lui dit Rhoda. Le gâteau était absolument délicieux.

    – Idem pour le veau aux petits pois, renchérit Bruce. J’ai adoré.

    – Heureux que ça vous ait plu, leur sourit la belle Jenna, avant de disparaître en direction du couloir.

    – C’est une excellente cuisinière, apprécia Sweeney à son tour.

    – Nous nous connaissons depuis longtemps, déclara Rhoda. Jenna était la fille de notre majordome, au Zimbabwe. Petites, nous jouions ensemble… Lorsque j’ai pris la direction de la distillerie familiale, j’ai appelé Jenna pour lui annoncer la nouvelle. De son côté, elle m’a appris qu’elle recherchait un emploi. Alors je lui ai proposé de me rejoindre ici, sur Islay, et elle a tout de suite accepté… Jenna n’est pas une employée, c’est une amie. Oui, presque un membre de la famille, conclut la jeune femme.

    – Dis ma chérie, intervint Bruce. Tu ne crois pas qu’il est temps de poser la question à Archie ?

    – Quoi, quelle question ? sursauta le policier.

    – Tu as raison, acquiesça Rhoda dans un sourire timide.

    Un peu inquiet, Sweeney contempla ses deux hôtes tour à tour.

    C’est Bruce qui reprit la parole :

    – Oui Archie, voilà… Comme nous te l’avons appris tout à l’heure, nous avons décidé de nous marier le 22 juin prochain à Gretna Green, le village des amoureux.

    – Gretna Green, c’est vrai ? demanda le policier. En effet, c’est très romantique.

    – Nous en avons eu l’idée ensemble, précisa Bruce, radieux. Nous prêterons serment dans la célèbre forge, et c’est même un anvil priest² qui nous unira !

    Rhoda enchaîna :

    – Il nous faut deux témoins. Mon oncle Daniel sera le mien, et…

    – Et je voulais te demander, reprit Bruce en s’adressant à Archibald, si tu acceptais d’être le mien ?

    Surpris, Sweeney dévisagea son ami d’enfance. Puis il finit par rétorquer :

    – Ton… Ton témoin de mariage, c’est bien ça ?

    Le sourire lumineux de Bruce suffit à lui répondre.

    Great Scott ! Alors ça ! s’étonna l’inspecteur. Si je m’attendais… Eh bien, je ne suis pas près d’oublier ma première visite sur Islay !

    Sweeney saisit son verre, où traînait un fond de vin rouge, et il le leva à l’intention de ses amis en déclarant :

    – Rhoda, Bruce… Je suis votre homme ! Sláinte³ ! et Archie vida son verre d’un trait.

    Le moment d’étonnement passé, Sweeney ajouta :

    – Bien… Tu parles d’une surprise… Le 22 juin, c’est ça ? De mémoire, je n’ai rien de particulier ce week-end-là. Je vérifierai bien sûr, mais je pense que vous pouvez compter sur moi.

    – Ilona et ta tante sont aussi les bienvenues, l’assura Bruce. Volontairement, je ne leur avais pas encore envoyé d’invitation officielle, afin de te ménager la surprise.

    – Merci Bruce, elles seront ravies. Nous serons tous là avec joie. Tante Midge sera très heureuse de te revoir.

    – Et moi de faire leur connaissance, sourit Rhoda.

    – Vous me faites honneur, leur assura l’inspecteur, visiblement ému.

    En effet, en l’espace de quelques secondes, Archibald venait de prendre conscience de la nature de l’engagement que le couple s’apprêtait à sceller. Instinctivement, il s’imagina qu’il ferait bientôt de même avec Ilona, sa compagne, et à l’idée de lui demander sa main, un étrange frisson lui parcourut le bas du dos. Pour la première fois, il eut la sensation de mesurer la force des liens du mariage, et ce qu’ils impliquaient. Un sentiment qui lui était encore inconnu quelques instants plus tôt…

    Alors que Sweeney s’efforçait de reprendre ses esprits, il vit tout à coup la mine de Bruce s’assombrir. D’un air plus sérieux, ce dernier lui dit :

    – Je serai heureux de t’avoir comme témoin, Archie, mais peut-être plus encore comme garde du corps.

    – Comment ? s’étonna son ami. De quoi parles-tu ?

    Indécis, et ne comprenant toujours pas si Bruce lui faisait une blague, le policier observa le visage meurtri de Rhoda. À son tour, celle-ci se renferma et, dans ses beaux yeux, Sweeney crut discerner de la peur.

    – Que se passe-t-il ? Vous pouvez m’expliquer ? réclama l’enquêteur.

    Bruce reprit :

    – Voilà… Depuis la publication des bans en février, il y a deux mois, nous n’arrêtons plus de recevoir des menaces de mort. En moyenne deux ou trois par semaine, précisa-t-il encore.

    – Sous quelle forme ?

    – Au début, nous avons reçu des lettres. Rhoda la première, puis moi aussi… Toujours anonymes. Jamais écrites à la main… On peut identifier deux imprimantes je crois, mais ça ne veut rien dire.

    – A priori non, en effet, apprécia l’enquêteur.

    – Mais ce n’est pas tout, enchaîna Bruce : le mois dernier, des appels téléphoniques, courts et violents, ont commencé. Au travail, ou ici à la maison, mais jamais sur nos portables respectifs. Ils ne doivent pas connaître nos numéros.

    – « Ils », releva Sweeney. Pourquoi dis-tu « ils » ?

    Rhoda répondit :

    – Il s’agit des voix de deux personnes distinctes, un homme et une femme, plutôt jeunes apparemment. C’est violent, conclut la fiancée de Bruce, choquée.

    – Et depuis la parution, le mois dernier, d’un article dans la presse people nationale – au sujet de notre mariage, indiqua Bruce –, ça s’est encore amplifié.

    – Oui, l’approuva Rhoda. Bruce et moi avons reçu plusieurs colis. La première fois, j’ai découvert un oiseau mort : une corneille, clouée sur une planche. C’était écœurant.

    – Et moi j’ai eu droit à une cartouche de fusil, puis à un cercueil. Des clous ensuite pour Rhoda, etc. Bref, un vrai bonheur ! ironisa le banquier.

    – D’où proviennent ces lettres et ces colis ? demanda Sweeney.

    – D’Écosse, mais aussi d’Angleterre, répondit Rhoda. Nous sommes à bout.

    À présent, je comprends mieux pourquoi tous les deux m’ont invité à déjeuner, réfléchit l’inspecteur. Peut-être ont-ils plus besoin du policier que du témoin, se dit-il enfin.

    – J’imagine que vous en avez parlé à mes collègues, n’est-ce pas ?

    – Bien sûr, lui confirma Bruce. Je me suis rendu au poste principal de la police à Glasgow. Mais, comme je le craignais, ils n’ont pas vraiment réagi. Le jeune inspecteur qui m’a reçu m’a expliqué qu’il devait s’agir de gens jaloux, sûrement des envieux, mais que tout ça n’allait pas plus loin. Ils ne pouvaient rien faire en l’état… L’officier s’est contenté de noter les numéros de téléphone que nous avions relevés et, deux jours plus tard, il m’a indiqué que les appels provenaient de cabines publiques toutes différentes. Impossible d’identifier les gens qui nous menaçaient… Il a pris ma plainte et, depuis, je n’ai plus de nouvelles, regretta Bruce.

    – Ça ne m’étonne pas plus que ça, commenta Sweeney, fataliste. Nous sommes tous débordés.

    Désabusée, Rhoda ajouta :

    – On ne leur a même pas parlé des paquets que nous avons reçus ces deux dernières semaines. D’autant plus que nous n’avons toujours aucune idée de qui nous tourmente. C’est un mystère… Non, je crois que les démarches auprès de la police ne servent à rien, soupira-t-elle.

    L’inspecteur sentit que tous les deux étaient profondément inquiets et que, peut-être, plus la date du mariage approchait, et plus leur inquiétude grandissait. Au même moment, à travers la fenêtre de la salle à manger idéalement ouverte sur la distillerie de Rhoda, ainsi que sur l’océan, Sweeney vit se profiler un chapelet de cumulus chargés de pluie. L’inspecteur ne put s’empêcher de songer : J’ai l’impression que les nuages qui menacent l’île d’Islay sont semblables à ceux qui planent au-dessus de leur bonheur.

    Imitant son ami, Bruce détourna lui aussi le regard vers la mer. Puis il consulta sa montre et déclara :

    – Ma chérie, il faut que je me sauve. Je te laisse en bonne compagnie, avec Archie…

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