Suspense Qui sème le vent…

Ils n’avaient pas lésiné sur l’emplacement, la maison et le décorum.

Le quartier était plutôt huppé. C’était la garantie que le public visé, celui qui avait un portefeuille lourd et épais, n’aurait pas de scrupules à venir y faire un tour discret – on n’était visiblement pas là sur un stand de la Foire du Trône. La plaque en cuivre sur le fronton de la maison ressemblait plus à celle d’un médecin ou d’un avocat qu’à une pub bon marché pour une diseuse de bonne aventure enturbannée ou un marabout de boîtes aux lettres.

Clients et prestataires partageaient bien les mêmes valeurs. La maison elle-même, à étages, en imposait par la majesté de ses pierres qui semblaient contenir toute la sagesse de la terre en laquelle elles trouvaient leurs fondations. Les forces telluriques ne se satisfont pas de préfabriqué et la bâtisse respirait la force tranquille. On y entrait comme dans une église, avec la même sensation de flirter avec le divin. Et l’intérieur avait été étudié pour conserver cette impression de mystère impalpable : de lourdes tentures sur les murs, des bougies et des gravures d’inspiration bouddhique qui faisaient leur petit effet dans la semi-pénombre.

C’était là des préliminaires indispensables pour mettre le client dans l’ambiance avant de l’attaquer au corps et de lui porter l’estocade. Ce qui était le rôle de Madame Indra. Cela sonnait mieux que Cindy Lissajoux, il n’y avait pas photo.

– Je vois un chien… Dites-moi si je me trompe. Un chien de petite taille… La femme assise dans la tunique blanche aimablement prêtée par la maison pour la séance – une tunique de lin propice à une connexion optimale entre la médium et le sujet en demande de divination – écarquilla les yeux derrière ses lunettes de prix.

– C’est ça, oui… Comment vous… ?

– Un terrier… Bobby… non, Brownie.

La femme était ferrée. Il aurait fallu une grue pour la décoller de son siège. Des détails aussi précis, ça ne s’invente pas. Quand elle raconterait ça à son entourage, personne ne voudrait la