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Symphonie Périgord: Polar
Symphonie Périgord: Polar
Symphonie Périgord: Polar
Livre électronique291 pages4 heures

Symphonie Périgord: Polar

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À propos de ce livre électronique

Léo Bourdan, de nature empathique, vient en aide à une femme endeuillée sans se douter du prix à payer...

Le Périgord a besoin de drames, de tragédies, de passions pour bâtir ses légendes. Symphonie Périgord, le tome III de la Trilogie périgourdine, s’inscrit dans cette tradition. Qui ne compatirait à la douleur de Sabine, une mère ayant perdu sa fille de 18 ans dans des circonstances dramatiques à Sorillac ? Et vous, qu’auriez-vous fait ? Léo avait compati, Léo avait succombé… Il y a toujours un prix à payer à vouloir aider son prochain.

Qu'adviendra-t-il de cette rencontre entre Léo Bourdan et Sabine ? Troisième tome de la Trilogie Périgourdine, ce polar captivant vous tiendra en halaine jusqu'à la dernière page.

EXTRAIT

Attablé au fond de la salle de la brasserie, Léo sirotait un café. Il était loin d’avoir l’aisance et la décontraction d’un Georges Clooney devant son Nespresso, il se méfiait de ce rendez-vous.
Il la reconnut de suite quand elle franchit la porte. Il avait vu son visage sur les photos de presse qu’il avait consultées sur son ordinateur. Le visage n’était plus le même. Il était amaigri, grisâtre. Les yeux gris bordés de larges cernes noirs témoignaient de la fatigue et du désespoir d’une femme durement touchée par le destin. Le regard était fixe, sans vie à force de calmants et de somnifères. Les cheveux auburn remontés en chignon sur la nuque paraissaient aussi ternes que sa tenue, un pantalon noir, une veste grise sur un sweat gris agrémenté d’une écharpe, elle aussi grise. Elle n’était pas très grande et avait été certainement très belle mais le malheur lui avait enlevé ce que la nature lui avait généreusement offert. Après une légère hésitation, elle se dirigea d’un pas décidé vers Léo en esquissant un pâle sourire. Elle s’assit face à lui après avoir déposé son sac à main sur la table et manqué de renverser la tasse de café. Ses mains tremblaient.
— Merci d’être venu, dit-elle en lui serrant la main. J’ai cru que vous ne viendriez pas.
Elle commanda un café, fouilla dans son sac pour en extraire une photo de Maude qu’elle plaça devant Léo.
— C’était ma fille !
Elle parlait lentement, d’une voix étranglée par l’émotion. Pour se donner une contenance, Léo saisit la photo. C’était la photo de son dernier anniversaire. Maude se tenait debout devant un gâteau orné de dix-huit bougies allumées. Elle souriait, son visage irradiait la joie de vivre, ses yeux pétillaient. Ce sont surtout ses cheveux blond-roux ondulés, leur épaisseur, leur couleur qui attiraient le regard. La lumière du flash leur donnait un aspect cuivré, luisant ou mordoré selon l’angle de vue. Leur texture, leur abondance donnaient envie de les toucher, de les caresser, d’y enfouir son visage.
— Elle est... euh... elle était très belle, dit Léo, attentif à trouver des mots aimables et réconfortants. Pourquoi voulez-vous me voir ?

À PROPOS DE L'AUTEUR

Marié, deux enfants, Michel de Caurel passe son enfance dans la ferme familiale à Caurel (devenu son nom d’écrivain), près de Reims, où il est né. Après une formation d’éducateur spécialisé il travaille successivement à Épernay puis à Périgueux avant d’entamer un périple de vingt-deux ans en Outre-Mer. De Saint-Martin à la Nouvelle Calédonie en passant par la Réunion, il s’enrichit d’autres cultures, d’autres civilisations. Amateur d’histoire, de vieilles pierres, de bon vin et de bonne cuisine, il continue de voyager plusieurs mois par an sans oublier de revenir régulièrement en Périgord où il s’est installé.
LangueFrançais
Date de sortie7 mars 2019
ISBN9791035304409
Symphonie Périgord: Polar

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    Aperçu du livre

    Symphonie Périgord - Michel de Caurel

    Symphonie Périgord

    III

    la trilogie périgourdine

    Collection dirigée par Thierry Lucas

    Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé serait purement fortuite.

    © 2019 – – 79260 La Crèche

    Tous droits réservés pour tous pays

    Michel DE CAUREL

    Symphonie Périgord

    III

    la trilogie périgourdine

    Première Partie

    « La vérité pure et simple est rarement

    pure et jamais simple. »

    Oscar Wilde

    Chapitre 1

    Sabine, accoudée à la rambarde en fer forgé de son balcon du quatrième étage dominant la place Badinter à Périgueux, fumait sa énième cigarette. Après deux ans de sevrage tabagique elle avait repris goût à la fumée qui lui raclait la gorge, encrassait ses poumons et calmait son mal-être. Elle n’entendait pas le brouhaha des consommateurs attablés à la terrasse des restaurants qui bordaient la place, elle ne distinguait pas les jets d’eau, elle ne faisait pas attention au néon « Odyssée », nom du théâtre, qui éclairait de sa lumière métallique la façade grise du bâtiment. Elle ne se souvenait pas précisément de la date où elle avait cessé de fumer par contre elle se souvenait exactement du moment où elle avait repris « la cigarette ».

    C’était dans la nuit du 17 au 18 avril. Dans l’après-midi, elle avait eu deux coups de téléphone : l’un du lycée et l’autre de la gendarmerie de Sorillac lui demandant si sa fille Maude était à son domicile. Elle n’était pas rentrée de la sortie scolaire, comme prévu. Elle n’était pas montée dans le bus de retour. Elle s’était littéralement évaporée. Au début, Sabine avait pensé à un banal retard, à un malentendu, une incompréhension, une dispute, mais, au fur et à mesure que le temps passait et après plusieurs appels téléphoniques sans réponse rassurante, son anxiété s’était transformée en une véritable angoisse. Elle avait passé la nuit près du téléphone, composé plusieurs fois le numéro de portable de Maude, contacté ses amies sans succès, bu des litres de café et finalement cédé au paquet de cigarettes trouvé dans la chambre de sa fille tandis qu’elle y cherchait un indice sur l’endroit où elle pourrait se trouver.

    Depuis un mois elle vivait comme un automate, son existence n’était qu’une succession d’actes mécaniques qui maintenaient vivant le triste pantin qu’elle était devenue. Depuis un mois son esprit déroulait inlassablement le fil de la matinée du 17 avril. Comme d’habitude elle avait houspillé Maude...

    — Dépêche toi tu vas être en retard !

    — J’arrive ! lui répondait une voix traînante et ensommeillée, surgie des profondeurs d’une couette chaude, douillette et tire-bouchonnée d’où émergeait une épaisse chevelure blond-roux.

    — Bien dormi ?

    — Je n’ai fait que des beaux rêves, répondait invariablement l’adolescente.

    Comme d’habitude Sabine lui avait préparé son petit déjeuner : céréales variées, lait, jus d’orange. Infirmière au centre hospitalier de Périgueux, elle savait l’importance de cette collation matinale et veillait plus généralement à lui proposer une alimentation équilibrée et bio. Fille unique, Maude bénéficiait de toute l’attention maternelle, parfois intrusive, souvent envahissante, mais toujours affectueuse. Un large T-shirt bariolé et un short en coton en guise de pyjama, les cheveux ébouriffés, le visage chiffonné par le sommeil, les yeux encore gonflés de rêves, Maude s’attabla tout en manipulant d’une main experte son smartphone.

    France Bleu Périgord égrenait l’actualité, la météo commentait le long épisode pluvieux installé depuis une semaine sur le grand Sud-Ouest. Le jour pointait déjà à travers les lames du store de la fenêtre de la cuisine.

    Sabine finissait son expresso sans dire un mot, couvant du regard sa fille. C’était le cérémonial immuable du petit déjeuner depuis la séparation d’avec Bernard, le père de Maude, il y a bientôt dix-sept ans. Sabine était fière de sa fille : belle, grande, joliment formée, elle était pratiquement toujours de bonne humeur et d’un abord des plus sympathiques. Élève moyenne, elle achevait les années lycée en se préparant avec sérieux mais sans excès à passer le bac. Sabine ne boudait pas sa satisfaction d’avoir « bien » élevé seule sa fille. Tout n’avait pas toujours été facile, Maude avait eu sa période rebelle mais chacune avait su faire les ajustements nécessaires pour d’abord se supporter, puis se tolérer et enfin cohabiter sans drames.

    Sabine s’amusait de voir sa fille s’étirer, bailler et enfin se lever en lui adressant un sourire de connivence, direction la salle de bains.

    Comment aurait-elle pu imaginer à cet instant qu’elles vivaient leurs derniers moments de complicité familiale, leurs derniers moments ensemble ? Qui plus est, c’est elle qui avait insisté pour que Maude, pas très enthousiaste, s’inscrive à cette sortie scolaire et culturelle organisée par le prof d’arts plastiques : la visite du château de Sorillac.

    — J’en ai visité plein des châteaux, avait argumenté Maude, la Dordogne en est remplie, un de plus ou un de moins... !

    — Cela te fera sortir de Périgueux. Il faut profiter de l’occasion et cela te changera les idées avant d’entamer les révisions du bac. Tes copines y vont ?

    — Clara et Julie viennent mais pas Diane.

    — Et Alexis, tu le vois aujourd’hui ?

    — Non, il a entraînement.

    Sabine n’insista pas pour Alexis, le petit copain du moment. Leur relation était devenue chaotique depuis plusieurs semaines sans que Maude ne lui en donne la raison. Un sujet à éviter le matin au réveil sous peine de bouderie. Finalement Maude avait accepté d’aller à cette sortie uniquement parce que le prof était sympa et qu’un repas était prévu à midi, organisé par l’Association des Amis du château de Sorillac, une occasion de délirer avec ses copines. Du moins c’est ce qu’elle avait dit à sa mère. Si cette dernière avait su…

    — Tu as 20 euros... ? Pour acheter un souvenir.

    Maude était prête. Ses cheveux longs tirés en arrière noués en queue de cheval lui donnaient un air sérieux, adouci par des yeux pers pétillants et un sourire chaleureux. Sabine fouilla dans son sac et en sortit un billet qu’elle tendit à sa fille en échange d’un baiser. Maude saisit son sac à dos et se précipita vers la porte d’entrée.

    — Merci, à ce soir maman chérie !

    La porte avait claqué. Elle lui avait fait un petit signe du balcon auquel elle avait répondu en ajustant son sac à dos tandis qu’elle traversait la place Badinter pour rejoindre le Lycée Luc de Montfort.

    Sabine frissonnait. Elle avait allumé une nouvelle cigarette. Elle fouillait sa mémoire pour se rappeler tous ces moments de bonheur vécus avec sa fille. Ces moments qu’elle n’avait pas su apprécier, ces instants qui lui avaient échappés, que le quotidien avait banalisés. Pourquoi elle ? Pourquoi sa fille ? Sabine avait les yeux secs. Elle avait épuisé son stock de larmes. Elle en avait tant versé, surtout depuis que les gendarmes lui avaient annoncé, deux semaines après sa disparition, que Maude avait été retrouvée morte noyée, coincée dans un fatras de branches amoncelées au pied d’une pile du pont de Sorillac, en aval du château. L’enquête avait conclu à une noyade accidentelle. Les pluies torrentielles qui s’étaient déversées sur le département avaient gonflé dangereusement l’Aurèze et gêné les recherches aux alentours du château. Le cadavre de l’adolescente avait certainement été coincé par la brusque montée des eaux. La décrue avait dégagé le corps et l’avait entraîné vers le pont au milieu de troncs, de branches et d’herbes arrachés aux rives par les flots.

    Depuis sa vie n’avait plus de sens. Tout le monde avait été très gentil avec elle. Les collègues, les voisins, le lycée, tous avaient montré une réelle compassion.

    Bernard, son ex-mari, était venu de Bordeaux où il gérait un cabinet d’assurance. Ils étaient restés plusieurs jours ensemble sans trouver les mots pour atténuer leur souffrance. Le destin leur paraissait tellement injuste que rien ne pouvait combler le vide laissé par la disparition tragique de leur fille. Sabine fixait d’un regard vide cette esplanade Badinter, le dernier endroit où elle avait vu Maude vivante. Elle avait accepté la mort de sa fille comme une fatalité injuste mais les circonstances de sa disparition étaient, pour elle, incompréhensibles. L’enquête de gendarmerie n’avait rien révélé laissant supposer autre chose qu’un malheureux accident. Les traces suspectes sur les mains et le bout des doigts, le corps bouffi par le gonflement dû à la présence prolongée dans l’eau ne révélaient rien de suspect. L’absence d’une de ses baskets n’apportait rien de concret à l’enquête. Le portable qu’elle mettait dans la poche arrière de son jean ainsi que son sac à dos avaient disparu. Les gendarmes étaient convaincus que les tourbillons d’eau et la puissance du courant avaient malmené le corps et dispersé les affaires personnelles de la jeune fille.

    Pour Sabine, quelque chose ne collait pas. Elle ne savait pas quoi. Elle était dans l’incapacité d’ordonner ses pensées et d’exprimer de façon cohérente ce quelque chose que d’aucun analyserait comme le déni d’une mère éplorée. Au fil des jours elle s’était forgé une certitude : la mort de Maude n’était pas accidentelle. Pourtant rien ne pouvait prouver le contraire. L’adolescente n’avait été victime d’aucun sévice sexuel, ses poumons remplis d’eau ne laissaient aucun doute sur la noyade, bien que Maude fût une excellente nageuse. Sabine avait besoin de ce doute qui la rongeait pour continuer à vivre, mais à qui confier son questionnement sans passer pour une écervelée, une névrosée incapable de faire le deuil de sa fille ?

    Elle écrasa sa cigarette dans le pot de fleur déjà bien garni de mégots. Elle se réfugia dans un fauteuil du salon après avoir mis dans son lecteur CD « La symphonie du Nouveau Monde » de Dvorak. Sa souffrance, son chagrin via la musique l’amenaient vers un nouveau monde d’émotions telles que la haine de soi, la rancœur, la nostalgie qu’elle avait choisi jusque-là d’ignorer.

    L’idée lui était venue subitement. Ce n’était pas le fruit d’une maturation intellectuelle mais une inspiration inattendue. Au départ, cette idée lui était apparue saugrenue, incongrue et irréaliste. Mais elle n’avait plus rien à perdre alors pourquoi ne pas aller au bout de cette idée farfelue. Elle n’eut aucun mal à trouver sur internet l’adresse et le numéro de téléphone souhaités.

    Chapitre 2

    Léo avait réinvesti sa maison de SaintLaurent-d’Auberoche après six mois passés au Costa Rica avec Esther¹. Leur liaison avait été un échec. L’un et l’autre y avaient cru, mais leur aventure commune dans les entrailles de l’ancien camp militaire de Salvegnac ne les avait pas rapprochés, au contraire elle les avait éloignés. Esther voulait du calme, du silence, de l’introspection, de la solitude pour oublier la violence et la peur de ces moments tragiques. Lui voulait de l’action, du bruit, une vie sociale, du rire pour exorciser ce même passé tumultueux.

    L’un était devenu l’instrument thérapeutique de l’autre. Ce qu’ils avaient pensé être de l’amour n’était qu’un sentiment placebo censé soigner leurs blessures intimes. Une distance s’était insidieusement infiltrée dans leur relation de couple. Ils en avaient parlé bien sûr, avaient tenté de jouer le jeu du couple amoureux, fait des efforts pour se séduire à nouveau, mais les fondations de leur liaison étaient gangrenées par le doute, la peur de décevoir, la crainte de voir le passé engloutir leurs rêves communs. La séparation était inéluctable. Elle s’était faite sans heurt puisque le constat était évident : ils n’étaient pas fait pour vivre ensemble, alors à quoi bon insister, à quoi bon continuer à se mentir. Dans ce tourbillon de sentiments contradictoires Léo n’avait pas osé se l’avouer mais le Périgord lui avait manqué : les matins frisquets, l’odeur des sous-bois, les pierres dorées des bories au soleil d’automne, la félibrée, le bourru, le foie gras, les cèpes...

    À l’aéroport Esther l’avait remercié, lui avait demandé de donner régulièrement de ses nouvelles et assuré qu’il serait toujours le bienvenu.

    À la demande d’une maison d’édition parisienne, il avait entrepris d’écrire un livre sur le drame de Rachel² au château de La Courverie.

    « Comment lui, journaliste local, avait-il été mêlé à cette tragédie ? Plus qu’un témoignage, il faut une vision intérieure, autre chose qu’un rapport de gendarmerie » avait insisté l’éditeur. Léo avait accepté. C’était pour lui l’occasion d’enterrer définitivement les fantômes qui l’avaient accompagné tout au long de cette affaire et qui l’avaient poursuivi longtemps après.

    Il consacrait ses matinées à la rédaction de son tapuscrit. Le reste de la journée, il partait faire de longues promenades pour se vider la tête des miasmes que ne manquait pas d’exhaler le souvenir de la mort de Rachel. Il raconterait une vérité, celle qui ne juge personne, celle qui ne remet pas en cause, celle où il s’exonère de ses mensonges et de ses lâchetés. La vérité, il la garderait pour lui. Rachel, Chloé, Anna ne lui en voudraient pas de prendre quelques libertés avec les tenants et les aboutissants des événements qui, quelques années auparavant, avaient défrayé la chronique des faits divers.

    Son téléphone fixe sonna. Il décrocha le combiné, prêt à rabrouer poliment le démarcheur d’une quelconque plateforme téléphonique soucieux de lui proposer une mutuelle médicale innovante, un diagnostic thermique gratuit ou une assurance-vie performante.

    — Allô ! Bonjour, Sabine Delmont, pourrais-je parler à M. Léo Bourdan ?

    — À quel sujet ?

    — Je suis la maman de Maude Delmont, la jeune fille retrouvée noyée dans l’Aurèze à Sorillac il y a un mois.

    Surpris, Léo bafouilla un pitoyable « condoléances » avant de se reprendre.

    — Que puis-je pour vous ?

    — Je voudrais vous rencontrer, c’est possible ?

    Léo crut à une plaisanterie de mauvais goût. Que pouvait bien lui vouloir la mère d’une adolescente morte tragiquement il y a deux mois ? La voix était posée, ferme, un rien agressive. Léo était mal à l’aise.

    — Pour quelle raison ?

    Il perçut une hésitation chez sa correspondante.

    — Je suis désolée, mais je préférerais en parler de vive voix, c’est difficile pour moi.

    La voix avait changé, elle avait perdu son débit saccadé et son ton métallique. Elle était maintenant plus chaude, enrouée, suppliante, au bord des larmes.

    — Je vous en prie, accordez-moi un rendez-vous où vous voulez, quand vous voulez, à l’heure que vous désirez !

    Léo hésitait. Ce genre de rendez-vous impromptu ne lui disait rien qui vaille. Il avait eu son lot de surprises pour avoir répondu favorablement à ce genre de sollicitation.

    — C’est au sujet de ma fille, accordez-moi dix minutes et après je vous ficherai la paix.

    Devant l’insistance de son interlocutrice et par pure courtoisie, il lui donna rendez-vous pour le lendemain après-midi, 15 heures, à la Brasserie « La Belle Époque », place du marché au bois à Périgueux.

    — Je vous reconnaîtrai, avait-elle affirmé, soulagée et reconnaissante.

    Léo entreprit de relire sur internet toutes les infos et articles qui avaient traité de la disparition puis de la noyade de l’infortunée jeune fille.

    La disparition de Maude avait été rendue publique trois jours après son signalement à la gendarmerie de Sorillac par le prof accompagnateur de la sortie scolaire qui avait constaté son absence à la fin de la visite du château. Maude, jeune majeure – elle avait eu dix-huit ans un mois auparavant – n’était pas la priorité de la gendarmerie. Au début, l’hypothèse de la fugue amoureuse avait été privilégiée, mais faute d’éléments convaincants cette piste avait été rapidement abandonnée. Les appels à témoin, les tracts affichés et distribués n’avaient donné aucun résultat si ce n’est quelques délires fantaisistes d’individus en mal de publicité. Le château de La Courverie avait été fouillé de fond en comble, les douves sondées en vain. Les copains, les amies de la jeune fille avaient été auditionnés par les gendarmes, son ordinateur ausculté, sa chambre passée au peigne fin, ses loisirs analysés, ses derniers jours, ses dernières heures au lycée décortiqués. Les enquêteurs n’avaient trouvé aucun indice, aucune piste à suivre. La vie de Maude était lisse. Le château de La Courverie redevenait, pour la presse avide de sensation, un endroit maudit sur lequel pesait une malédiction... Une nouvelle vilenie du fantôme de la Sorcière des vents.

    La beauté de la jeune fille n’avait laissé indifférents ni les réseaux sociaux ni la presse people qui n’hésitaient pas à parler de traite des blanches, de ballets roses, d’enlèvement crapuleux, de vengeance d’un amoureux éconduit, de satanisme et même du départ de Maude en Syrie pour rejoindre Daesh. Malheureusement, il avait fallu la découverte du corps sous le pont de Sorillac pour mettre un terme aux rumeurs les plus scabreuses. La thèse de la noyade accidentelle était la plus crédible, elle avait été confirmée par le procureur. Que pouvait bien lui vouloir Sabine Delmont ?


    1 Voir Périgord Rhapsodie du même auteur.

    2 Voir Le Blues du Périgord du même auteur.

    Chapitre 3

    Attablé au fond de la salle de la brasserie, Léo sirotait un café. Il était loin d’avoir l’aisance et la décontraction d’un Georges Clooney devant son Nespresso, il se méfiait de ce rendez-vous.

    Il la reconnut de suite quand elle franchit la porte. Il avait vu son visage sur les photos de presse qu’il avait consultées sur son ordinateur. Le visage n’était plus le même. Il était amaigri, grisâtre. Les yeux gris bordés de larges cernes noirs témoignaient de la fatigue et du désespoir d’une femme durement touchée par le destin. Le regard était fixe, sans vie à force de calmants et de somnifères. Les cheveux auburn remontés en chignon sur la nuque paraissaient aussi ternes que sa tenue, un pantalon noir, une veste grise sur un sweat gris agrémenté d’une écharpe, elle aussi grise. Elle n’était pas très grande et avait été certainement très belle mais le malheur lui avait enlevé ce que la nature lui avait généreusement offert. Après une légère hésitation, elle se dirigea d’un pas décidé vers Léo en esquissant un pâle sourire. Elle s’assit face à lui après avoir déposé son sac à main sur la table et manqué de renverser la tasse de café. Ses mains tremblaient.

    — Merci d’être venu, dit-elle en lui serrant la main. J’ai cru que vous ne viendriez pas.

    Elle commanda un café, fouilla dans son sac pour en extraire une photo de Maude qu’elle plaça devant Léo.

    — C’était ma fille !

    Elle parlait lentement, d’une voix étranglée par l’émotion. Pour se donner une contenance, Léo saisit la photo. C’était la photo de son dernier anniversaire. Maude se tenait debout devant un gâteau orné de dix-huit bougies allumées. Elle souriait, son visage irradiait la joie de vivre, ses yeux pétillaient. Ce sont surtout ses cheveux blond-roux ondulés, leur épaisseur, leur couleur qui attiraient le regard. La lumière du flash leur donnait un aspect cuivré, luisant ou mordoré selon l’angle de vue. Leur texture, leur abondance donnaient envie de les toucher, de les caresser, d’y enfouir son visage.

    — Elle est... euh... elle était très belle, dit Léo, attentif à trouver des mots aimables et réconfortants. Pourquoi voulez-vous me voir ?

    Sabine but une gorgée de café, resta un instant silencieuse, perdue dans ses sombres pensées, les yeux dans le vague. Elle cherchait ses mots. D’un coup son regard s’alluma et les phrases qu’elle avait imaginées, répétées plusieurs fois dans sa tête lui vinrent naturellement.

    — Ma fille est morte noyée, c’est un fait incontestable pour la gendarmerie mais je veux savoir comment, dans quelles circonstances. Plus j’y réfléchis, plus je me dis que quelque chose ne va pas, que l’enquête a été trop rapidement menée, que... Je ne sais pas comment vous expliquer, mais j’ai un doute sur l’exactitude des faits tels que les gendarmes me les ont présentés. Je voudrais que vous refassiez l’enquête.

    Perplexe, Léo la regardait, se demandant s’il fallait en rire ou en pleurer. Certes cette femme venait de subir un traumatisme sévère et le chagrin l’égarait. Devant son silence Sabine continua :

    — Vous devez me prendre pour une folle, pour quelqu’un qui n’accepte pas la mort de sa fille, pour une revancharde contre un destin contraire, une femme soupçonneuse, méfiante pour qui chaque détail de l’enquête est sujet à caution. Non, je n’ai de rancune envers personne, mais je m’accroche désespérément à un mince espoir de vérité qui ne me rendra pas ma fille mais qui me permettra de connaître et de partager avec elle les derniers moments de sa vie.

    Le débit de sa voix s’était accéléré, le ton était monté. Elle voulait tellement convaincre Léo qu’elle s’agitait sur sa chaise en faisant de grands gestes. Il lui prit les mains pour la calmer. Il avait décidé de la tutoyer et de l’appeler par son prénom dans un souci d’apaisement.

    — Sabine, je ne suis pas détective privé. Si tu as des doutes sur l’enquête, demande à

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