Histoires de famille

Je ne voudrais pas vous décevoir, Adélie, mais il me semble que Robert ne viendra plus à cette heure. D’ailleurs, ce serait dangereux, sa petite voiture risque de s’embourber. Imaginez l’état du chemin avec cette neige qui tombe depuis midi ! dit doucement madame Houot à sa petite bonne qui triturait son mouchoir en se tortillant sur sa chaise.

On était à la tombée de la nuit, le 24 décembre, en l’année 1936. Veille de Noël, mais surtout jour de la Sainte-Adèle, prénom le plus proche, sur le calendrier, de celui de la jeune fille. Et Robert, son amoureux, avait promis de venir fêter avec elle les deux événements. Mais il tardait, et la jeune fille se languissait de celui dont elle était tombée éperdument amoureuse il y avait un an de cela. Assise à côté du sapin de Noël qu’elle avait décoré avec les neveux de madame Houot, qu’elle hébergeait pour quelques mois en l’absence de leurs parents partis à l’étranger, elle se tenait comme à son habitude la tête légèrement baissée, un peu penchée sur le côté. Elle leva ses beaux yeux gris vers sa patronne.

– Il a promis…

Trois coups sonores à la porte d’entrée résonnèrent au même moment. Adélie et les deux petits se précipitèrent. Bientôt, Robert pénétra dans le salon, Adélie, radieuse, à ses côtés, et les enfants, qui l’adoraient, suspendus à ses jambes. Souriant, il s’avança vers la maîtresse de maison en s’excusant de son retard et de l’état de ses chaussures.

– Eh bien, vous, vous savez vous faire désirer ! répondit en riant madame Houot.

Il accepta volontiers le vin chaud qu’elle lui proposait et qu’Adélie s’empressa d’aller préparer à la cuisine.

– Vous êtes radieuse, comme d’habitude ! Cette robe vous va à merveille !

Lui qui n’était qu’un modeste employé n’hésitait pas à complimenter la grande bourgeoise. La brune et vive madame Houot fit coquettement virevolter sa robe.

– Vous êtes un flatteur, Robert ! Faites donc plutôt des compliments à Adélie qui a cousu