Histoires de famille

Robert surprit le regard hardi que lui lançait une des demoiselles d’honneur, une ancienne camarade d’école d’Adélie, dont il avait déjà remarqué les discrètes œillades pendant le repas. Il avait un sixième sens pour deviner quand il plaisait à une femme. Et celle-ci était bien jolie dans sa robe de mousseline rose.

Elle prit le regard de Robert pour une invitation à le rejoindre. Elle se leva alors lentement et fit mine d’admirer les massifs de rosiers tout en se dirigeant lentement vers lui.

– Il fait chaud, n’est-ce pas ? dit-elle en matière de préambule, quand il fut à portée de voix.

– C’est vrai… répondit-il tout en sachant qu’il aurait dû se lever et partir, sentant venir la suite.

Mais non, il resta là, un léger sourire aux lèvres. Sans plus de cérémonie, elle se laissa glisser sur l’herbe à côté de lui.

– Alors, on ne vous verra plus sur les bals ? demanda-t-elle d’une voix boudeuse.

– Je crains que non, dit-il en riant.

Et il songea brusquement à tout ce à quoi il renonçait en se mariant, alors que cette pensée ne l’avait jamais effleuré un instant ces derniers mois.

– En tout cas, si votre ancienne vie vous manque, voilà où me trouver.

Et elle lui glissa furtivement un papier plié en quatre dans la poche.

Son parfum très fleuri faisait tourner la tête et il ne pouvait, malgré ses efforts, détacher le regard de la bande de chair tendre qu’elle laissait ostensiblement apparaître au-dessus de ses bas. À ce moment, une voix cria :

– Robert, votre femme vous cherche partout ! Elle est fatiguée, elle voudrait s’en aller !

Il se releva prestement et se débarrassa des feuilles accrochées à son pantalon. La fille le regarda avec un sourire en coin et lui murmura tandis qu’il s’éloignait :

– À bientôt, j’espère…

Les deux frères de Robert, qui n’avaient rien perdu de la scène, depuis le rebord de fenêtre