Une si jolie fleur
UNE NOUVELLE DE JEAN-CLAUDE MERESSE
Monique rêve. Les coudes posés sur son bureau, mains superposées, menton sur ce support quelque peu instable, elle rêve. Les yeux mi-clos, un sourire imperceptible errant sur ses lèvres.
Elle est bien loin de son travail, bienloindel’entrepriseMéchenard dont elle est l’une des plus anciennes employées. Et elle se sentirait encore plus loin s’il n’y avait la menace latente du surgissement – inopiné comme toujours – de Mme Lénart, la responsable de l’étage administratif, toujours prête à suspecter les unes et les autres d’oisiveté.
Et de quoi donc Monique rêve-t-elle, en ce début d’aprèsmidi ?
De l’hibiscus. Une vieille rengaine, l’hibiscus.
Allez savoir pourquoi ce mot lui est revenu en mémoire alors qu’elle était en train de saisir une circulaire-type destinée au personnel de la sécurité – Mme Lénart attend ce document avant ce soir. Il est vrai que tout travail commandé par Mme Lénart appartient automatiquement à la catégorie « URGENT ».
Mais revenons à l’hibiscus…
Trois syllabes si douces à prononcer qui ont ce don particulier d’agir tel un baume émollient sur le système nerveux de Monique. Un petit coup de blues? Monique ferme les yeux et murmure : « hibiscus. » Hi-bis-cus.
Ce mot, elle l’a croisé lors de ses premières lectures d’enfance et elle a été immédiatement charmée. Elle l’a relu, murmuré, intégré. Il l’a si bien marquée que, à l’époque, elle l’écrivait partout. Elle n’en connaissait pas le sens précis mais peu lui importait : c’est sa musicalité qui comptait avant tout. Ce mot nourrissait ses rêveries enchantées de petite fille. Dès qu’elle sut se servir d’un dictionnaire, elle améliora sa connaissance de la chose qui prit la forme d’une fleur qu’elle reproduisait partout et coloriait à grand renfort de feutres.
Elle apprit aussi que ce terme auquel elle décernait le titre de mot préféré désignait en réalité une fleur très
Vous lisez un aperçu, inscrivez-vous pour lire la suite.
Démarrez vos 30 jours gratuits