Les Veillées des chaumières

Un amour à sens unique

Audrey se regarda dans la glace et passa un doigt distrait sur ses yeux cernés par le chagrin. Elle se disait qu’elle avait toujours été moins belle que sa sœur, et qu’il était normal que cette dernière se mariât avant elle, bien qu’elle fût l’aînée. Du temps de sa grand-mère, la cadette n’aurait pas convolé alors que l’aînée n’était pas établie, mais aujourd’hui ces coutumes n’étaient plus respectées.

C’était pourtant elle, Audrey, qui avait rencontré Richard Pradel la première, à elle aussi qu’il avait aussitôt fait la cour. Il l’emmenait danser dans les cabarets à la mode et avait à son égard des attentions charmantes, un livre, une rose… La vie à Paris permettait d’aller au théâtre et de terminer la soirée dans un de ces petits restaurants où Audrey n’aurait jamais osé pénétrer seule. En compagnie de Richard, elle prenait de l’assurance. Il avait tant d’aisance ! Aussi brillant dans sa conversation qu’il l’était dans son métier d’agent immobilier… Employé dans un gros cabinet, il ne désespérait pas, à trente-trois ans, d’en devenir un jour le gérant.

– Vous faites des folies, lui disait-elle souvent, parce qu’elle avait l’obscur sentiment d’usurper la place d’une autre.

Jamais elle n’avait vraiment cru en ses propres capacités. La jeune fille travaillait chez un assureur qui se trouvait apparemment très satisfait de ses services. Sur le plan professionnel, elle se disait qu’elle ne décevrait personne, car elle se savait consciencieuse et organisée. Il en était tout autrement quand on commençait à parler de sentiments… Du reste, malgré leurs fréquentes sorties, Richard ne lui disait pas qu’il l’aimait.

L’idée de posséder un excellent ami à défaut d’un fiancé la rassurait. Ah ! sans lui, que la vie à Paris lui aurait paru insipide ! « Métro, boulot, dodo » aurait été son lot. Quand elle avait quitté sa province natale et ses parents, elle avait seulement voulu faire preuve d’indépendance. Il lui semblait qu’à vingt-six ans, il était temps pour elle de conquérir une liberté qui lui était trop souvent contestée.

– Où vas-tu ? lui disait son père, colonel en retraite, qui menait sa femme et ses filles avec une rigueur comparable à celle dont il faisait preuve autrefois envers ses hommes.

Il avait institué un horaire strict auquel aucun des membres de la famille ne pouvait se soustraire sans raison valable, et des raisons, il n’était pas facile d’en trouver ! Marion arrivait à s’inventer des prétextes, mais Audrey n’aurait point osé mentir à son père. Son regard bleu la glaçait. Elle n’avait pas été une enfant très choyée, parce que madame Delbarre, sa mère, était plus préoccupée de ses toilettes et de ne pas déplaire à son mari que de ses enfants. Encore que Marion, elle – toujours parce

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