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Le blues du Périgord: Polar
Le blues du Périgord: Polar
Le blues du Périgord: Polar
Livre électronique269 pages3 heures

Le blues du Périgord: Polar

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À propos de ce livre électronique

La découverte du corps de Rachel lance le journaliste Léo Bourdan dans une formidable enquête en plein coeur du Périgord.

Pourquoi Rachel, 25 ans, est-elle allée mourir, le visage tuméfié, dans l’échauguette du château de la Courverie à Sorillac, en Dordogne ? Chaque château périgourdin possède son histoire officielle mais aussi ses secrets inavouables, ses souvenirs douloureux, ses légendes sanglantes et ses fantômes revanchards. Léo Bourdan, correspondant d’un journal local, cherche à percer le mystère Rachel. Il y perdra ses illusions, ses rêves et ses amours.

Ce premier tome de la Trilogie Périgourdine, vous emmènera à la découverte de cette région et, surtout, de ses mystères...

EXTRAIT

… Elle était arrivée au château de la ­Courverie à pied par le sentier ombragé qui menait du ­parking aux murs d’enceinte. Les yeux gonflés, dissimulés derrière de larges lunettes de soleil, le visage en partie masqué par un large foulard de toile légère, elle n’avait croisé personne et en était soulagée.
Un quart d’heure avant elle avait laissé sa voiture à Lorégnac, sur la petite place aménagée, utilisée comme point de départ de plusieurs chemins de randonnée et accessoirement terrain de pétanque à l’ombre des prunus. Elle avait pris son VTT dans le coffre et pédalé avec rage et colère, faisant fi des douleurs qui irradiaient son visage et son crâne au moindre petit trou, à la moindre petite bosse, nombreux sur ces routes étroites. Elle avait grimpé la côte jusqu’au lieu-dit « Le Cerre », dépassé la stèle érigée à la mémoire de cinq résistants fusillés par les Allemands en juin 1944, traversé une maigre forêt de châtaigniers, longé des prés où pâturaient des vaches limousines indifférentes à son passage, tourné à droite au niveau de la vieille baignoire utilisée comme abreuvoir à bovins, dévalé le petit creux, remonté, viré encore à droite. Au loin elle voyait le donjon du château. Elle avait dépassé le chemin menant à la ferme auberge de « La Salamandre Noire ». Le souvenir de la nuit qu’elle y avait passée quelques semaines auparavant la remplit encore un peu plus de fureur et de dégoût. Elle se vengerait, c’est sûr, de ce qu’elle ressentait comme une humiliation.
Après avoir rejoint la route départementale, elle avait filé en direction de Sorillac, viré à gauche, traversé le pont reconstruit au temps de Pierre Magne sous Napoléon III, qui enjambait l’Aurèze, la rivière dont le méandre au creux de sa rive concave abritait le château installé sur son mamelon rocheux et bordait en face le bourg de Sorillac sur sa rive convexe. Arrivée à proximité du château elle faillit tomber en descendant de son VTT. Elle prit soin de le dissimuler dans les fourrés et vérifia encore une fois qu’elle n’avait rien oublié dans son sac à dos. Elle avait pris la précaution de laisser ses papiers et son smartphone éteint dans la boîte à gants de sa voiture.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Michel de Caurel, de son vrai nom, Michel Robert a une jolie plume qui autorise les yeux à filer rapidement sur les pages du livre qui ne durera guère longtemps pour les lecteurs avertis. - Quoi lire ?

À PROPOS DE L'AUTEUR

Marié, deux enfants, Michel de Caurel passe son enfance dans la ferme familiale à Caurel (devenu son nom d’écrivain), près de Reims, où il est né. Après une formation d’éducateur spécialisé il travaille successivement à Épernay puis à Périgueux avant d’entamer un périple de vingt-deux ans en Outre-Mer. De Saint-Martin à la Nouvelle Calédonie en passant par la Réunion, il s’enrichit d’autres cultures, d’autres civilisations. Amateur d’histoire, de vieilles pierres, de bon vin et de bonne cuisine, il continue de voyager plusieurs mois par an sans oublier de revenir régulièrement en Périgord où il s’est installé.
LangueFrançais
Date de sortie7 mars 2019
ISBN9791035304386
Le blues du Périgord: Polar

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    Aperçu du livre

    Le blues du Périgord - Michel de Caurel

    Collection dirigée par Thierry Lucas

    © 2019 – La Geste – 79260 La Crèche

    Tous droits réservés pour tous pays

    www.gesteditions.com

    La trilogie périgourdine

    I

    LE BLUES

    DU PÉRIGORD

    Michel de CAUREL

    La trilogie périgourdine

    I

    LE BLUES

    DU PÉRIGORD

    PREMIèRE PARTIE

    « Chaque pierre tombale

    couvre une histoire universelle »

    Heinrich Heinz

    − I −

    20 Juin 201…, 22 h 30,

    Château de la Courverie

    Rachel était recroquevillée, pelotonnée en position fœtale dans l’étroite échauguette au premier étage du château. L’étroitesse du lieu, l’épaisseur des pierres lui procuraient le réconfort et la protection d’une matrice maternelle sécurisante. Elle aurait pu apercevoir par les minces meurtrières les premières étoiles d’une des nuits les plus courtes de l’année. Le ciel se chargeait de lourds nuages orageux qui par moment éclipsaient les pâles rayons d’une lune pas encore pleine. Il faisait frais mais le léger courant d’air ne lui apportait aucun soulagement. Sa tête lui faisait affreusement mal. Elle était habituée à ces céphalées, notamment en période de menstruation, mais là rien de tel. La douleur lui vrillait le cerveau. Des élancements percutaient sa boîte crânienne avec la régularité d’une marée incessante. Elle se sentait faible, ses jambes lui paraissaient lourdes, ses gestes maladroits. Elle n’arrivait pas à contrôler les tremblements compulsifs qui contractaient ses muscles. Au prix d’efforts calculés, elle se prenait le visage à deux mains pour palper avec précaution ses joues meurtries, ses lèvres boursouflées, son nez cabossé, ses pommettes entaillées. Elle espérait que cet instant de repos lui permettrait de ­récupérer un peu d’énergie, un peu de souplesse, un peu de maîtrise de son corps : des qualités qu’elle avait développées, forgées par la pratique assidue du footing et du VTT sur les chemins forestiers de Dordogne. « Ces maux de tête vont bien finir par disparaître, se dissoudre enfin dans les molécules du paracétamol 1000 que j’ai avalé. ». « Que m’arrive-t-il ? C’est un véritable cauchemar ! Avant, j’avais une vie normale, sans histoire… avant cette foutue lettre… »

    20 Juin 201…, 17 h 50,

    Château de la Courverie

    … Elle était arrivée au château de la ­Courverie à pied par le sentier ombragé qui menait du ­parking aux murs d’enceinte. Les yeux gonflés, dissimulés derrière de larges lunettes de soleil, le visage en partie masqué par un large foulard de toile légère, elle n’avait croisé personne et en était soulagée.

    Un quart d’heure avant elle avait laissé sa voiture à Lorégnac, sur la petite place aménagée, utilisée comme point de départ de plusieurs chemins de randonnée et accessoirement terrain de pétanque à l’ombre des prunus. Elle avait pris son VTT dans le coffre et pédalé avec rage et colère, faisant fi des douleurs qui irradiaient son visage et son crâne au moindre petit trou, à la moindre petite bosse, nombreux sur ces routes étroites. Elle avait grimpé la côte jusqu’au lieu-dit « Le Cerre », dépassé la stèle érigée à la mémoire de cinq résistants fusillés par les Allemands en juin 1944, traversé une maigre forêt de châtaigniers, longé des prés où pâturaient des vaches limousines indifférentes à son passage, tourné à droite au niveau de la vieille baignoire utilisée comme abreuvoir à bovins, dévalé le petit creux, remonté, viré encore à droite. Au loin elle voyait le donjon du château. Elle avait dépassé le chemin menant à la ferme auberge de « La Salamandre Noire ». Le souvenir de la nuit qu’elle y avait passée quelques semaines auparavant la remplit encore un peu plus de fureur et de dégoût. Elle se vengerait, c’est sûr, de ce qu’elle ressentait comme une humiliation.

    Après avoir rejoint la route départementale, elle avait filé en direction de Sorillac, viré à gauche, traversé le pont reconstruit au temps de Pierre Magne sous Napoléon III, qui enjambait l’Aurèze, la rivière dont le méandre au creux de sa rive concave abritait le château installé sur son mamelon rocheux et bordait en face le bourg de Sorillac sur sa rive convexe. Arrivée à proximité du château elle faillit tomber en descendant de son VTT. Elle prit soin de le dissimuler dans les fourrés et vérifia encore une fois qu’elle n’avait rien oublié dans son sac à dos. Elle avait pris la précaution de laisser ses papiers et son smartphone éteint dans la boîte à gants de sa voiture.

    Essoufflée, elle ne prit pas le temps de récupérer. Malgré la fatigue, sa tête douloureuse, son visage meurtri, elle marchait d’un pas décidé sur le chemin qui jouxtait le parking du château écrasé par la chaleur orageuse. Une seule voiture, une C5 Citroën y était garée à l’ombre d’un gros chêne. Elle traversa le pont-levis qui surplombait des douves asséchées ; les vannes qui permettaient de les inonder avec l’eau de l’­Aurèze étaient hors d’usage depuis longtemps. Elle s’arrêta un instant à la grande porte d’entrée en pierre de Chancelade, surmontée d’un mâchicoulis récemment restauré. On pouvait lire, sculptée sur le linteau, la devise du premier seigneur de la Courverie « mortalis homo immortalis fidem » (l’homme est mortel la foi est immortelle). À l’inverse des historiens, Rachel ne s’était jamais préoccupée de savoir si, dans cette phrase, le seigneur des lieux faisait référence à sa loyauté éternelle envers le roi ou à son dévouement total à Dieu. La jeune femme jeta un coup d’œil dans la cour intérieure du château : personne. Le guichet d’entrée était vide, l’employé avait posé une affichette indiquant : En visite, merci de m’attendre. Elle n’aurait pas besoin d’inventer un prétexte pour justifier une arrivée tardive, 18 heures était l’heure de fermeture, il était 17 h 50. Pour y être venue deux fois en visite, Rachel connaissait parfaitement la disposition des lieux. Plusieurs fois détruit et autant de fois reconstruit et réaménagé par des propriétaires nobles ou roturiers, le château de la Courverie s’organisait autour d’une cour rectangulaire cernée de remparts dont la hauteur avait diminué au fil des années mais culminait encore à près de trois mètres de haut. Au Nord, face à la porte d’entrée s’élevait sur deux niveaux un corps de logis en pierre. Au premier, « l’étage des dames » ainsi nommé parce qu’il regroupait le boudoir, la chambre, le cabinet de toilette et le bureau réservés aux femmes, était agrémenté de fenêtres à meneaux. Le rez-de-chaussée se contentait de fenêtres en bois à petits carreaux plus contemporaines ; au milieu une lourde porte cloutée donnait accès à une grande cuisine médiévale, une réserve et une salle à manger capable d’accueillir des banquets ou des mariages. À droite, accolé à l’édifice le donjon, coiffé maintenant d’un toit conique en tuile plate, faisait la jonction avec un second bâtiment à trois étages perpendiculaire au corps de logis. L’escalier de la tour desservait les deux bâtiments. Seul le rez-de-chaussée du second bâtiment, ancienne salle des gardes transformée en salon de réception au xviiie siècle, avait été récemment restauré. Le premier niveau nommé « l’étage du seigneur » regroupait à l’époque la chambre du châtelain, une salle de bain, un bureau, une bibliothèque et une petite salle à manger plus particulièrement destinée à des « soupers fins ». L’un des propriétaires avait ajouté à l’extrémité du bâtiment une minuscule chapelle, contigüe à sa chambre, accessible de l’extérieur par un étroit escalier où circulaient, à l’abri des regards, de jeunes beautés locales promptes à faire leurs dévotions avant de rejoindre le lit du seigneur des lieux. La pièce n’était plus cloisonnée et partiellement en travaux donc non accessible au public. Le troisième étage était un grenier, non visitable, son plancher en très mauvais état menaçait de s’effondrer. À l’ouest, une partie des anciennes écuries adossées au mur d’enceinte servaient à entreposer les matériaux nécessaires à la restauration, l’autre partie était réservée à des manifestations estivales. À droite du portail d’entrée, contiguë à la billetterie, une salle avait été transformée en lieu d’information. Les murs étaient recouverts d’affiches, de tableaux, et de dessins représentant le château au gré des saisons. Sur une large table, en rangs serrés, des petits empilements de prospectus vantaient les charmes des châteaux périgourdins, la beauté sauvage des sites préhistoriques de la vallée de la Vézère, la féerie des grottes à concrétions, le pittoresque de nombreux villages de Dordogne, l’abondance et la qualité des gîtes ruraux et des fermes auberges, la multitude d’activités de plein air ainsi que les manifestations festives permettant d’allier détente et culture. Bien évidemment la gastronomie n’était pas oubliée. Sur des étagères, à côté d’ouvrages traitant du foie gras et du confit, s’alignaient des conserves, des confitures, du miel des producteurs locaux. À gauche de l’entrée, seul un escalier en pierre accroché au rempart et conduisant au reste du chemin de ronde ornait la surface du mur.

    Rachel traversa rapidement la cour pavée au centre de laquelle se trouvait le puits de récupération des eaux de pluie et où les services municipaux avaient disposé des bacs de fleurs, saison touristique oblige. Elle poussa la porte du donjon et se glissa dans un petit renfoncement derrière l’énorme escalier en spirale. L’épaisseur des murs conservait une fraîcheur bienvenue en ce jour de forte chaleur. Les céphalées continuaient de lui marteler le crâne. Son visage contusionné était la cible de millions d’aiguillons acérés qui la martyrisaient à la plus anodine mimique. Pour l’heure l’adrénaline, consécutive aux brutalités qu’elle avait subies l’aidait à tenir debout et surtout à rester lucide.

    Rachel entendait, venues de l’étage dit « de la châtelaine » ou « étage ses dames », les voix de plus en plus proches du guide et des visiteurs. Pour s’être documentée sur internet et avoir effectué récemment deux visites, elle connaissait l’histoire du château.

    « Château médiéval construit par Hugues de Sorillac sur un petit promontoire à l’intérieur d’un cingle de l’Aurèze. Il prit plus tard le nom de La Courverie, déformation de la Courberie (la courbe) synonyme local de méandre. De par sa position stratégique, Hugues de Sorillac contrôlait la route fluviale et terrestre des marchands qui commerçaient avec Périgueux. Il percevait un octroi qui l’enrichit et lui permit de se constituer une armée et de participer en 1147 à une croisade. La légende raconte qu’Aliénor d’Aquitaine aurait séjourné au château avant de partir à cette croisade, mais aucun écrit n’atteste cette croyance. Hugues de Sorillac trouva la mort dans une embuscade tendue par les sarrasins non loin de Jérusalem. Son fils, Philippe de Sorillac lui succéda en lieu et place de son frère aîné Robert mort dans un accident de chasse. Il épousa Isabelle de Brémont avant de participer à la prise de Constantinople en 1204 et de revenir mourir dans son château. François puis Raymond de Sorillac occupèrent la seigneurie avant la tourmente de la guerre de 100 ans. Le château fut occupé et brûlé par les Anglais puis reconquis par les Français et à nouveau par les Anglais qui le rétrocédèrent aux Français après leur victoire de Castillon la Bataille en 1453. Hubert de Sorillac, un proche de François 1er, reconstruisit le château dans le style renaissance en ajoutant une terrasse donnant sur l’Aurèze, une chapelle, un jardin paysager et un pont en pierres pour relier le domaine seigneurial au village de Sorillac. En 1572 les sympathies protestantes de Guy de Sorillac l’obligèrent à fuir en Allemagne abandonnant son château devenu par décret royal propriété du comte de Brémont qui, comme Henri IV, avait eu la bonne idée de se convertir à la religion catholique. Devenu Duc, son petit-fils Henri de Brémont s’installa à la cour de Louis XIV. Il entra en disgrâce pour avoir séduit la Marquise de Montespan, il en mourut de chagrin à Sorillac. À la révolution le château fut épargné, François de Brémont, célibataire, ayant eu la bonne idée d’émigrer dès 1777 avec Lafayette en Amérique du Nord tout en laissant la gestion de son domaine au bourgmestre de Sorillac, Monsieur de Charloise. En 1805, pour récompenser un de ses fidèles généraux, Fernand de Lestrille, Napoléon 1er lui fera don du Château de la Courverie où il ne mettra jamais les pieds. Le Château changera plusieurs fois de propriétaires. Il servira de caserne, de dépôt de munitions, de camp d’internement. En 1939 il hébergea pendant plusieurs semaines des réfugiés alsaciens, en 1943 il fut occupé par les Allemands. Dans les années 50, un riche négociant bordelais s’y installa jusqu’en 1981. Abandonné, pillé, vandalisé, il fallut attendre 1994 pour qu’une association du village consciente de sa valeur patrimoniale fasse pression pour que la municipalité acquière le château et entreprenne des travaux de rénovation effectués pour la plupart par des bénévoles. Le château, classé monument historique, est ouvert au public depuis 1999 du 1er mai au weekend de la Toussaint. » Wikipédia

    − II −

    1er juin 201…, 18 h 10,

    Château de la Courverie

    À l’abri des regards derrière l’escalier de pierre elle attendait la fin de la visite et le départ du guide. Ses maux de tête ne lui laissaient aucun répit, parfois sa vue se brouillait une fraction de seconde. Elle devait prendre sur elle pour garder son sang-froid, ne rien faire qui puisse trahir sa présence : un éternuement, une quinte de toux, un geste malencontreux. Elle était si près du but, ce n’était pas le moment de flancher. Bientôt elle aurait les moyens de concrétiser son rêve : un tour du monde avant de s’installer sous les tropiques avec son amoureux là où le soleil brille toute la journée, là où la mer turquoise d’une température constante de 25° caresse des plages de sable blond où les cocotiers bruissent au rythme de l’alizé. La visite touchait à sa fin. Les voix étaient proches et distinctes.

    — J’espère que la visite vous a plu.

    — C’était vraiment très intéressant, répondit une voix masculine.

    — Il faudra revenir quand les travaux de rénovation seront terminés.

    — Si cela ne dure pas trop longtemps, ce sera avec plaisir.

    — Vous avez fait un travail remarquable de mise en valeur de ce patrimoine rural, renchérit une voix féminine.

    — Merci madame. Vous êtes encore pour longtemps en Dordogne ?

    — Quelques jours encore. Demain nous allons à Sarlat et à La Roque St Christophe, si nous avons le temps nous irons au Musée ­National de la Préhistoire aux Eyzies.

    — Voilà un bon programme. Attention, la météo annonce des orages pour ce soir et les jours à venir.

    — Merci de votre accueil.

    Le guide ferma la porte du donjon et accompagna les touristes jusqu’à l’entrée. Rachel tendit l’oreille. Elle entendit le grincement de la grille en fer forgé tiré par le guide laissant pour une nuit le château à sa solitude et à ses souvenirs. Elle s’efforçait de contrôler sa respiration. Toujours aux aguets, elle perçut le bruit de la voiture des touristes qui s’éloignait et la pétarade de la mobylette du guide qui rentrait chez lui. Maintenant elle était seule dans le château qui peu à peu s’enfonçait dans une semi-obscurité apaisante.

    − III −

    20 Juin 201…, 20 h 30,

    Château de la Courverie

    Accroupie dans son recoin Rachel tenta de se masser les tempes du bout des doigts mais le contact accentua la douleur ; elle renonça. Elle avait somnolé deux heures durant, le temps d’oublier ses céphalées qui maintenant revenaient encore plus violentes. Elle fouilla dans sa poche pour prendre la plaquette de paracétamol et fit tomber par inadvertance le papier sur lequel elle avait dessiné une étoile de David surmontée d’une croix de Lorraine. Elle but un peu d’eau au goulot de sa bouteille et avala le comprimé. Elle avait trop mal pour respecter l’intervalle de quatre heures recommandé par la notice entre deux prises. Elle avait planifié et organisé son intrusion, mais aurait-elle la force d’aller au bout alors qu’elle agissait sous la pression des événements et dans un état physique diminué ? Elle s’assit sur la première marche de l’escalier pour se remotiver, se donner la volonté physique et mentale de continuer. Non, elle ne devait pas céder au découragement, ne pas céder à la douleur, surtout ne pas offrir ce plaisir à celui qui l’avait humiliée. La fraîcheur des vieilles pierres la faisait maintenant frissonner. Pour ne négliger aucune piste, elle entreprit d’examiner une nouvelle fois les murs du grand salon de réception. Un filet de sueur coulait dans son dos, ses aisselles étaient moites. Elle ne savait pas si elle avait chaud ou si elle avait froid. « Je dois avoir de la fièvre », pensa-t-elle. Sa démarche était hésitante, mal coordonnée comme si elle avait trop bu. Des rais de lumières filtraient à travers les volets intérieurs comme des rayons laser pointant l’espace de leurs rayons inquisiteurs. Les chaises, les fauteuils, les guéridons, les coffres et autres meubles disposés dans la pièce étaient autant d’obstacles à surmonter, à éviter. Par acquit de conscience, méthodiquement elle balaya encore une fois les murs du faisceau de sa lampe électrique à la recherche d’une pierre marquée d’une étoile de David coiffée d’une croix de Lorraine. Au prix de mille précautions et d’efforts démesurés, elle soulevait chaque tableau, chaque tapisserie sans résultat probant.

    Il était maintenant 22h20. Elle avait mis presque deux heures à réexaminer des murs déjà vus, deux heures à guetter le moindre bruit, deux heures à sentir son cœur battre la chamade, deux heures de stress, deux heures à espérer, deux heures pendant lesquelles le paracétamol avait oublié d’agir, deux heures pour rien. Le silence du château ne lui procurait aucun réconfort. Au contraire, le plus petit craquement de la charpente, le plus petit courant d’air générait chez elle une sourde anxiété amplifiée par ses migraines. Elle ne faisait plus la différence entre un bruit réel ou imaginaire. L’ululement d’une chouette devenait un mauvais présage, un grincement du parquet le signal d’une présence inamicale, le froissement d’un rideau l’annonce d’un danger imminent. L’obsession de trouver, de se rapprocher du but la maintenait encore debout, mais pour combien de temps encore ?

    Elle grimpa avec difficulté au premier étage, chaque marche était une épreuve. La porte d’accès à « l’étage du seigneur » était fermée par un simple verrou. Une affichette punaisée signalait que la pièce était en travaux et ne pouvait se visiter. Rachel tira le verrou, poussa la porte qui grinça sur ses gonds. La pièce était coupée en deux par une grande bâche en plastique suspendue par des crochets à une poutre transversale. Des échafaudages garnissaient les murs afin que les maçons puissent rejointoyer les pierres en toute sécurité après que les électriciens aient organisé le passage des fils électriques. Sur le plancher, protégé par des bâches, étaient regroupés des seaux, des truelles, des sacs de chaux. Une partie du plafond à la française avait survécu aux dégradations du temps mais les peintures s’étaient délavées au fil des ans. De l’autre côté de la grande toile, le plafond était très dégradé, pourri à certains endroits, voire même troué. La cheminée dont les jambages avaient été dérobés attendait une rénovation totale. L’ensemble baignait dans la lueur blafarde des premiers rayons de lune. Les ombres donnaient un aspect fantomatique à chaque objet. L’histoire mouvementée du château ajoutait un ressenti intemporel dont Rachel, trop

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