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Les Procès Burlesques
Les Procès Burlesques
Les Procès Burlesques
Livre électronique175 pages2 heures

Les Procès Burlesques

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À propos de ce livre électronique

Le 10 juillet 1844, une foule s'agglutine au palais de justice d'Auch. Un incroyable procès s'apprête à se dérouler ici-même — le plus grand procès d'Europe : celui de madame Lacoste. Épouse d'un homme à la richesse inégalée dans toute la région, on l'accuse d'avoir empoisonné à l'arsenic monsieur Lacoste afin de récupérer un héritage qui lui revient de droit...En grand maître du true crime, Pierre Bouchardon dépoussière un procès qui défraya la chronique au XIXe, à bien des égards similaire à l'affaire Lafarge.-
LangueFrançais
ÉditeurSAGA Egmont
Date de sortie1 juil. 2022
ISBN9788728078204
Les Procès Burlesques

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    Aperçu du livre

    Les Procès Burlesques - Pierre Bouchardon

    Pierre Bouchardon

    Les Procès Burlesques

    SAGA Egmont

    Les Procès Burlesques

    Image de couverture : Shutterstock

    Copyright © 1928, 2021 SAGA Egmont

    Tous droits réservés

    ISBN : 9788728078204

    1ère edition ebook

    Format : EPUB 3.0

    Aucune partie de cette publication ne peut être reproduite, stockée/archivée dans un système de récupération, ou transmise, sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit, sans l'accord écrit préalable de l'éditeur, ni être autrement diffusée sous une forme de reliure ou de couverture autre que dans laquelle il est publié et sans qu'une condition similaire ne soit imposée à l'acheteur ultérieur.

    Cet ouvrage est republié en tant que document historique. Il contient une utilisation contemporaine de la langue.

    www.sagaegmont.com

    Saga est une filiale d'Egmont. Egmont est la plus grande entreprise médiatique du Danemark et appartient exclusivement à la Fondation Egmont, qui fait un don annuel de près de 13,4 millions d'euros aux enfants en difficulté.

    MADAME LACOSTE

    A MON AMI

    LE DOCTEUR LÉON MONIER

    P. B.

    MADAME LACOSTE

    Le 10 juillet 1844, dès cinq heures du matin, une foule compacte assiégeait les portes du palais de justice d’Auch. Les uns étaient venus de Paris, malgré les fatigues d’un interminable voyage en diligence ; d’autres, du village de Barèges, où ils prenaient les eaux ; le plus grand nombre, de la ville même ou du département.

    Dépendance de l’ancienne demeure des archevêques d’Auch, le palais de justice avoisinait l’église cathédrale de Sainte-Marie, et, de la promenade toute proche, on distinguait, par le ciel pur de ce matin-là, les premiers pics des Pyrénées, étincelants de leurs neiges éternelles.

    Avant sept heures, le prétoire de la cour d’assises était envahi. Déjà, le soleil commençait à darder ses rayons brûlants. C’est que l’été s’aunonçait comme véritablement torride, et il fallait une curiosité bien grande, pour que le public courût ainsi s’entasser dans une salle étroite qui allait devenir bientôt une fournaise.

    Cette salle se composait de deux enceintes : l’une réservée à la Cour, aux privilégiés et aux témoins, l’autre abandonnée à la foule. Particularité remarquable : une grille en fer, surmontée d’un écusson aux armes de l’archevêque, marquait la ligne-frontière. Dès lors, ainsi qu’en un couvent cloîtré, les spectateurs vulgaires ne pouvaient apercevoir qu’à travers des barreaux le drame — ou la comédie — qui s’allait jouer.

    Bientôt les huissiers annoncèrent la Cour. On vit s’avancer, à pas comptés, un magistrat en robe rouge : c’était le conseiller Donnodevie, venu d’Agen pour présider les assises. Quatre robes noires suivaient : les juges Clauzade-Mazieux et Ladrix, le procureur du roi Cassassoles et le substitut Dieusaide, tous appartenant au tribunal d’Auch.

    — Gendarmes, ordonna M. Donnodevie, introduisez les accusés !

    Alors, au bras du bâtonnier Alem-Bousseau, entra une jeune femme, fort gracieuse de tournure, bien qu’elle eût jeté par dessus ses vêtements un long voile de deuil. Teint mat, coiffure à la Ninon, grands yeux noirs, sourcils accentués, elle avait le type espagnol. Le moindre de ses gestes révélait une élégance native, en même temps qu’une coquetterie toute méridionale.

    Sur le même banc qu’elle, vint prendre place un petit vieillard replet, à la tête grise, aux gestes étonnamment vifs, à la face rubiconde, mais ravinée par la petite vérole. A peine assis, il se fit un abat-jour de sa main, comme si ses yeux fatigués ne pouvaient supporter la lumière crue qui inondait la salle. Puis, il attendit, avec les airs d’un bonhomme matois qui aurait fait le voyage pour débattre une mesquine affaire d’intérêt.

    On allait juger madame Lacoste.

    Madame Lacoste ! Ce nom ne dit plus rien à la génération actuelle. Pourtant, le procès fit grand bruit à l’époque. C’est qu’en dehors du mystère qui n’a jamais cessé de l’envelopper, il offrait une analogie étrange avec un autre procès pour lequel la France — que dis-je ? l’Europe — venait de se passionner ; celui de madame Lafarge.

    Qui ne connaît, au moins dans ses grandes lignes, le drame du Glandier ?

    Mariée, par une famille pressée de se débarrasser d’elle, à un maître de forges veuf et ruiné, le sieur Pouch-Lafarge, une mièvre parisienne, Marie Cappelle, qui savait tirer de l’éclat  de ses yeux et du timbre de sa voix des séductions infinies, avait été brusquement transplantée, du milieu le plus doré qui fut, dans le bas-Limousin. A la place du castel élégant dont elle s’attendait à devenir la souveraine, elle avait découvert, après un long voyage et par un jour de pluie, au bout d’une allée de peupliers, une grande bâtisse lépreuse. C’était là qu’il lui faudrait vivre désormais, en la compagnie d’un époux vulgaire et grossièrement expansif, d’une bellemère despote et jalouse, d’une belle-sœur doucereuse. Dès le premier instant, tout lui avait déplu, tout avait souillé ses pudeurs, ses goûts et ses rêves. Comment s’évader de cet enfer ? Elle s’était d’abord livrée à certains éclats qui avaient jeté le Glandier dans la consternation, puis elle avait paru se résigner, accablant même Lafarge de tendresses trop exagérées pour n’être pas suspectes. Mais, le 14 janvier 1840, cinq mois presque jour pour jour après avoir épousé cette énigmatique personne, le maître de forges succombait à une maladie soudaine, atroce, inexpliquée.

    Des médecins avaient constaté la présence de l’arsenie dans ses viscères et dans les boissons dont il avait fait ou pu faire usage, et, le 19 septembre, sa veuve, déclarée coupable d’empoisonnement, était condamnée au bagne perpétuel par la cour d’assises de la Corrèze.

    Bien plus que les expertises, dont la dernière, confiée au célèbre Orfila, a soulevé de véhémentes critiques, une foule de circonstances graves avaient accablé Marie Cappelle : l’envoi à Lafarge d’un gâteau certainement empoisonné ; des achats d’arsenic à doses massives ; le fait d’avoir été surprise au moment où elle versait une poudre blanche dans un lait de poule ; l’impossibilité de rendre un compte satisfaisant et sincère de l’emploi du toxique ; par-dessus tout peut-être, un passé inquiétant. Cette femme fatale volait, en effet, les bijoux de ses amies ; elle était, par surcroît, profondément menteuse, et menteuse pour le plaisir de mentir, inventant des fables à mesure, avec une perverse et audacieuse fécondité, mais sans se soucier jamais de la plus élémentaire vraisemblance. De nos jours, la médecine mentale l’eût sans aucun doute classée au nombre des dégénérées hystériques.

    Transférée à la maison centrale de Montpellier, elle y subissait sa peine sous la revêche robe bleue et le bonnet blanc « à pli de tête », quand, à la fin de 1843, le bruit se répandit, comme une traînée de poudre, que, dans un département voisin de la Corrèze, à Riguepeu, la tragédie du Glandier avait eu sa réplique et que, cette fois encore, l’arsenic avait dit le dernier mot.

    Riguepeu est un hameau du Gers, situé à une heure et demie de marche du bourg de Vic-Fezensac, qui, lui-même, se trouve à cinq lieues de pays d’Auch. Sous le roi Louis-Philippe, le voyage n’allait pas, depuis le chef-lieu du département, sans quelque fatigue. Jusqu’à Vie, on prenait la route des Landes, et le paysage, parsemé de collines, sentinelles avancées des grandes montagnes, faisait songer aux vagues de la mer. Ensuite, il fallait s’engager dans un chemin de traverse. Si le panorama, sans cesse renouvelé, demeurait gracieux, c’était, sous le ciel transparent du Midi et avec les Pyrénées pour toile de fond, la solitude et le silence. Peu ou point de maisons. De-ci, de-là, quelques campagnards farouches, occupés aux travaux de la terre, sans cesse sur le qui-vive et affectant de tourner le dos aux Moussieurs, ainsi qu’ils disaient. Ils étaient si peu apprivoisés encore et si défiants, qu’ils ne répondaient aux questions, quand ils daignaient répondre, qu’à voix basse. Même entre eux, ils se parlaient à l’oreille pour se dire bonjour.

    Riguepeu veut dire, en patois, arrache-poil. Qu’on imagine, groupés autour d’une chétive église, sept pauvres logis : quatre fermes, une auberge, la maison du maire, celle du curé. C’était tout.

    Au sommet d’un coteau, auquel on accédait par un sentier mal entretenu et bordé d’arbres encore trop jeunes pour donner de l’ombrage, s’élevait une huitième habitation : le château Philibert ou Philibert tout court.

    Singulier château, en vérité ! C’était un simple bien de campagne, une lourde maison à un seul étage, qui, avec les tuiles rouges de son toit à pente inclinée et les volets verts de ses fenêtres, rappelait l’une quelconque de ces confortables auberges des environs de Paris, où s’arrêtaient alors les diligences et les voitures de rouliers. Des pâturages aussi plantureux que ceux de la Normandie et des coteaux chargés de vignes lui faisaient une riante ceinture.

    Là, demeurait un vieillard, dont la curieuse et déplaisante figure mérite quelques coups de pinceau.

    Sec comme un cotret, il se nommait Henri Lacoste, et était né, à Riguepeu même, sous le roi Louis XV, le 8 juillet 1773. Les héritages successifs de ses deux frères Bertrand et Philibert (celui-ci ayant donné son prénom au château) l’avaient mis à la tête d’une fortune relativement importante, presque tout entière en biens-fonds. D’aucuns l’évaluaient à plusieurs centaines de mille francs. Il était avare autant que tracassier, réduisait ses gens à la portion congrue et se défiait de tout le monde. Toutefois, bien qu’il prêtat ses écus au denier dix, il ne harcelait pas outre mesure ses débiteurs. D’humeur égrillarde et d’esprit biscornu, ayant toujours le mot pour rire, il était demeuré, malgré son âge, un incorrigible libertin. Ainsi, il courait après ses servantes, cherchant à les trousser, et, pour les mieux séduire, il leur promettait de ne pas les oublier dans son testament.

    Il ne croyait ni à Dieu ni à diable, quoiqu’il eût grand’peur de la mort. En toute circonstance, il manifestait une égale aversion pour les prêtres et les médecins, ne se gênant guère pour traiter publiquement ceux-ci de charlatans, d’ânes bâtés ou de jean-foutre. Il n’accordait quelque confiance qu’au vétérinaire de Bassoues, village voisin de Riguepeu.

    Il souffrait d’une hernie qu’il avait coutume d’appeler, quand elle le tracassait outre mesure, l’horloge ou le petit coup de vin. Il se plaignait également d’être affligé de dartres, mais il possédait, s’il fallait l’en croire, un livre, un fameux livre, avec lequel il se faisait fort de guérir toutes les maladies : « Que mon frère Philibert n’a-t-il eu le même, se plaisait-il à répéter. Il se fût aisément débarrassé du cancer de la face, dont il est mort. »

    Il se permettait, avec ses amis, des familiarités saugrenues. Par exemple, il s’approchait d’eux à pas feutrés, leur sautait brusquement sur les épaules, et — tel un loup garou — faisait semblant de les mordre à la nuque.

    Fort peu instruit pour son propre compte, il s’intéressait cependant aux inventions, si folles ou chimériques qu’elles pussent être, et il entretenait leurs auteurs dans l’illusion qu’il ferait les frais des instruments, quitte à se dérober quand on lui rappelait ses promesses. C’est ainsi qu’il avait berné un capitaine venu prendre sa retraite à Bassoues, après 1814. Cet officier, François Dupouy, s’imaginait avoir résolu le problème de la quadrature du cercle et il s’occupait, en outre, d’une machine à pression atmosphérique qui devait révolutionner l’industrie : « N’hésitez pas à la faire construire, fût-ce en argent massif, lui avait conseillé Lacoste ? Ne suis-je pas bon pour payer ? » Mais il s’en était tenu là, et jamais Dupouy n’avait vu la couleur de son argent.

    Veuf depuis trois ans déjà, le vieux ladre approchait de la septentaine, quand, en 1841, il songea à se remarier avec une jeunesse.

    Depuis longtemps, il avait senti la chair fraîche en la personne d’une sienne petite-nièce, Euphémie Vergez, qui vivait, chez ses parents, au village haut-pyrénéen de Mazerolles. Se piquant de générosité, il s’était chargé des frais de son instruction dans une pension de Tarbes, et, quand il la revit un peu plus tard à une noce, où elle resplendissait de tout l’éclat de ses vingt-deux ans, il reçut véritablement le coup de foudre. Il lui fit la cour et lui offrit sa main.

    Jolie fille, Euphémie méritait mieux que cette union, disproportionnée jusqu’au ridicule. Son charme langoureux et l’aisance de ses manières lui pouvaient réserver un meilleur sort, car elle se fût adaptée sans peine à un milieu social élevé. Mais, dans le pays perdu où le hasard l’avait condamnée à vivre, rencontrerait-elle jamais sur sa route le prince charmant ? Sans fortune, elle se savait destinée à devenir la première servante d’un mari quelconque. Fût-ce cette raison ou toute autre qu-elle ne voulut pas dire, elle accepta.

    Lacoste ne se tint pas de joie. Dès le début de mars 1841, il courut chez le maire de Riguepeu, André Sabazan, un ancien capitaine encore de la Grande Armée, et lui demanda de procéder à la cérémonie dans le délai le plus bref. Le magistrat municipal ne fit pas de difficulté pour publier les bans, mais il apprit au trop impatient vieillard que, le mariage étant prohibé entre grand-oncle et petite-nièce, le roi seul avait pouvoir d’accorder les dispenses de parenté nécessaires.

    C’étaient là de longues et coûteuses formalités, auxquelles le fiancé ne voulut point se soumettre. A Mazerolles, il trouva un maire plus complaisant, qui consentit à l’unir à Euphémie Vergez.

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