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Le Crime de Vouziers
Le Crime de Vouziers
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Livre électronique213 pages3 heures

Le Crime de Vouziers

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Le 8 novembre 1829, le juge de paix M. Benoît quitte sa maison, dans laquelle repose six mille francs, ainsi que sa femme et son fils Frédéric pour se s'occuper d'une affaire urgente. Alors que la journée s'écoule sans accroche pour Mme Benoît, aux environs de minuit, le chirurgien et voisin M. Dossereau est éveillé par les cris de détresse de Frédéric. Plusieurs hommes accourent à la maison du juge de paix. L'intérieur de la maison est un chaos. Un voleur a fracturé le coffre et vidé l'argent, et, plus loin, le cadavre de Mme Benoît est étalé sur le sol, imprégné de sang, le larynx largement sectionné...Voici là une des affaires les plus sinistres du XIXe. Pierre Bouchardon dépoussière un meurtre qui, en 1832, défraya la chronique et déchira les opinions.-
LangueFrançais
ÉditeurSAGA Egmont
Date de sortie16 nov. 2021
ISBN9788728078099
Le Crime de Vouziers

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    Le Crime de Vouziers - Pierre Bouchardon

    Pierre Bouchardon

    Le Crime de Vouziers

    SAGA Egmont

    Le Crime de Vouziers

    Image de couverture : Shutterstock

    Copyright © 1931, 2021 SAGA Egmont

    Tous droits réservés

    ISBN : 9788728078099

    1ère edition ebook

    Format : EPUB 3.0

    Aucune partie de cette publication ne peut être reproduite, stockée/archivée dans un système de récupération, ou transmise, sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit, sans l'accord écrit préalable de l'éditeur, ni être autrement diffusée sous une forme de reliure ou de couverture autre que dans laquelle il est publié et sans qu'une condition similaire ne soit imposée à l'acheteur ultérieur.

    Cet ouvrage est republié en tant que document historique. Il contient une utilisation contemporaine de la langue.

    www.sagaegmont.com

    Saga est une filiale d'Egmont. Egmont est la plus grande entreprise médiatique du Danemark et appartient exclusivement à la Fondation Egmont, qui fait un don annuel de près de 13,4 millions d'euros aux enfants en difficulté.

    A la mémoire de mon père, qui plaida pendant

    trente-sept ans aux Assises.

    Avant-propos

    Voici une des affaires les plus sinistres et les plus étranges dont la Cour d’assises de la Seine ait jamais eu à connaître. Elle fut jugée en 1832, alors que l’émeute des 5 et 6 juin tirait ses derniers coups de fusil et faisait même voler en éclats les vitres du Palais de Justice, alors que le choléra décimait Paris. Elle mit au sommet un avocat de trente-deux ans, Chaix d’Est-Ange, qui prononça pour les parties civiles un plaidoyer demeuré légendaire. Et comme si ce n’était pas assez de l’insurrection et de l’épidémie, il fallut encore qu’au moment le plus tragique de son discours, un orage d’une rare violence éclatât. Dominant tous les éléments et tous les fléaux déchaînés, la voix de l’avocat fut tellement pathétique et tellement prenante qu’on vit, à la lueur des éclairs, l’accusé pousser des cris de terreur et des exclamations à peine articulées que presque tous considérèrent comme des aveux.

    Le souvenir de cette cause est demeuré lié en quelque sorte aux pierres du vieux monument. On a essayé ici, après quatre-vingt-dix ans, de l’évoquer et de la replacer dans son cadre d’épouvante.

    Le crime de vouziers

    I

    La maison du juge de paix de Vouziers

    M. Benoît, juge de paix à Vouziers, appartenait à la catégorie, fort répandue sous la Restauration et Louis-Philippe, de ces magistrats qui limitaient leur ambition aux horizons de leur petite ville. L’avancement ne troublait pas leurs nuits. Attachés par des racines profondes au sol natal, ils avaient là leurs habitudes, leurs intérêts, leurs manies, leurs amitiés de toujours. Pour eux, la fonction judiciaire, chichement payée, n’était qu’une sorte d’apanage, un supplément de considération et d’influence. Endormis par une vie tranquille, riches de loisirs, les uns traduisaient en vers Lucrèce ou Virgile, les autres faisaient de l’agriculture ou administraient leurs domaines ; beaucoup thésaurisaient, en rêvant pour leurs fils d’une carrière plus aventureuse, mais aussi plus brillante.

    Ancien avoué, s’étant démis de sa charge moyennant de bonnes espèces sonnantes et trébuchantes, M. Benoît avait pignon sur rue, du bien au soleil et de l’or dans ses coffres. Il possédait notamment un moulin à quatre lieues de la ville, et, sur la place de l’Hôtel-de-Ville, une maison à large façade où rien n’avait été changé depuis un demi-siècle. Les meubles y défiaient le temps : c’étaient des lits en chêne à colonnes d’où pendaient des courtines de serge assez amples pour envelopper le meuble tout entier, des bahuts, des armoires dans chacune desquelles un homme à cheval se serait logé aisément.

    Comme le juge Blondet du « Cabinet des Antiques », il avait eu un désir : faire entrer son fils dans la magistrature. Ce premier pas franchi, il pensait bien l’y voir conquérir des grades pour lesquels il ne se sentait aucun goût personnel et que, d’ailleurs, son âge ne lui permettait plus de solliciter.

    Dès 1828, ce fils — Son fils aîné — avait été nommé juge-auditeur au tribunal de Briey. M. Benoît l’attendait à Vouziers, dès qu’un siège de juge titulaire y deviendrait vacant, et il caressait l’espoir que, la chance et le mérite aidant, le jeune magistrat revêtirait un jour la robe rouge à la Cour royale de Metz. Sous la Restauration, le prestige du corps judiciaire était grand et la hiérarchie jalousement gardée. S’il était permis de chercher des points de comparaison dans les diverses classes sociales, on pouvait dire en ce temps-là que les juges de paix étaient, le peuple, les magistrats des tribunaux la bourgeoisie et ceux des cours souveraines, la noblesse.

    M. Benoît avait deux autres fils. D’Auguste, le, cadet, il n’avait eu que des déboires, et quels déboires ? Il l’avait dû chasser ignominieusement de son domicile à la suite d’un vol. C’était le mauvais sujet dans toute l’acception du terme. Le plus jeune, Théodore Frédéric, de complexion délicate, s’était élevé péniblement. Même, il avait fallu toute la tendresse de sa mère et des soins ininterrompus pour lui permettre de vivre.

    Frédéric avait les traits d’une jeune fille, l’air étonnamment jeune, mais il était affligé d’une légère gibbosité qui faisait dire aux gens : « Il est gros d’un côté ». Dès que sa santé le permit, il fut, mis en pension au petit séminaire de Reims, mais il n’y acheva pas ses études et revint bientôt à Vouziers.

    M. Benoît était encore père de deux filles, mariées à des notaires du pays. L’un de ses gendres, ancien officier de Napoléon, avait gagné, sur le champ de bataille de Wagram, une blessure, la croix d’honneur et les galons de commandant.

    En 1829,la maison de la Place de l’Hôtel-de-Villa abritait sous son toit le juge de paix, femme, née Pauline Cardot, quinquagénaire dolente quoique robuste, Frédéric, alors âgé de dix-neuf ans, et une nièce de madame Benoît, nommée Louise Feucher. Cette dernière, un peu plus jeune que le dernier fils, se trouvait, en sa qualité de parente pauvre, dans une situation mal déterminée. Elle aidait sa tante à faire la cuisine et s’occupait seule des gros ouvrages. Au fond, elle tenait l’emploi d’une servante.

    C’est que M. Benoît avait mis sa maison sur le pied d’une sévère économie. Il enfermait à clef le sucre et coupait lui-même le pain. Sa seule dépense somptuaire était un abonnement au « Constitutionnel », gazette qu’il prêtait de bonne grâce à ses voisins. Par avarice ou par défiance des notaires et des banquiers, il gardait toujours chez lui de fortes sommes. Le soir, à la chandelle, quand aucun étranger ne pouvait le voir et que les membres de sa famille étaient couchés, il comptait son or, prenant un plaisir de collectionneur à faire glisser entre ses doigts et à regarder de ses yeux avides les beaux louis neufs. Il en confectionnait des rouleaux de cinq cents francs qu’il entassait à mesure, en même temps que des pièces d’argent, dans un sac. Puis, ce sac, il l’enfermait dans un petit coffre à serrure qu’il cachait sous des piles de linge, dans une armoire

    Mais son secret n’avait pas été si bien gardé qu’il n’en eût transpiré quelque chose au dehors. On savait le juge de paix riche. On le soupçonnait même d’avoir enterré un trésor dans sa cave.

    Comment M. Benoît était-il protégé contre les voleurs ? C’est ici qu’il convient, pour l’intelligence de ce qui va suivre, de faire connaître la disposition intérieure du logis.

    Au rez-de-chaussée, la maison comprenait deux grandes pièces séparées par un étroit corridor : une salle à manger et une chambre à coucher. Leurs fenêtres avaient vue sur la Place de l’Hôtel-de-Ville et étaient garnies de persiennes. La chambre à coucher renfermait la traditionnelle alcôve avec un grand lit, à la tête duquel une porte donnait accès à un cabinet noir que garnissait entièrement un second lit.

    Dans le prolongement de la salle à manger se trouvait la cuisine, où un troisième lit avait été dressé.

    Enfin, le couloir aboutissait d’un côté à la place, de l’autre à une cour.

    Nos pères se plaisaient à dormir dans des alcôves, dans des réduits minuscules où l’air et la lumière ne pénétraient jamais. Et quand ils ne s’enfermaient pas comme dans de véritables placards, ils laissaient retomber autour d’eux les rideaux de leurs lits, en les fixant au besoin avec des épingles, afin que le jour ne vînt pas les surprendres…

    Madame Benoît couchait dans le cabinet noir et Louise Feucher dans la cuisine, tout près donc de sa tante et en situation d’accourir à son premier appel. Les deux lits n’étaient en effet séparés que par le corridor. A peine une distance de neuf pieds. Quant à Frédéric, il avait sa chambre au premier étage, et son lit se trouvait à peu près audessus de l’emplacement occupé par celui de sa cousine.

    Un dernier détail, mais d’ordre essentiel : dans la chambre à coucher du rez-de-chaussée, entre la cheminée et l’une des fenêtres, on avait casé une imposante armoire. C’était celle où M. Benoît enfermait le linge de table, le sucre et le coffre aux pièces d’or.

    En somme, quand le juge de paix s’absentait vingt-quatre heures pour aller visiter ses terres, événement que nul n’ignorait à Vouziers, il laissait la maison de la Place de l’Hôtel-de-Ville sans défense sérieuse. Forcer l’une des persiennes n’eût été qu’un jeu pour des malfaiteurs audacieux et résolus, et, une fois dans la place, qu’auraientils trouvé devant eux, au rez-de-chaussée, pour leur barrer le chemin ? Une femme ayant dépassé la cinquantaine et une jeune fille de dix-sept ans.

    II

    Le cabinet rouge

    Le 7 novembre 1829, M. Benoît chercha dans le sac dont il a été parlé quinze cents francs en monnaie d’argent qu’il se proposait d’employer le lendemain. Il y laissa six mille francs en pièces d’or.

    Le 8, un dimanche, au lever du jour, il attela son cheval et se disposa à prendre la route de son moulin où une affaire urgente l’appelait. On voit la scène du départ : sa femme l’accompagnant jusqu’à la voiture et lui faisant ses recommandations : « N’as-tu rien oublié ? Couvre-toi bien pendant le voyage et la nuit prochaine. Sûrement, il gèlera. Je t’attends demain sans faute. Je ne dors pas tranquille, quand tu es absent. Songe que les voleurs pourraient venir… »

    Le juge de paix s’enveloppa dans sa houppelande, disposa sur ses genoux une peau de mouton toute pelée, desserra la manivelle de la roue et toucha du fouet l’échine de sa bête. Le véhicule s’ébranla, tout cahotant, tout grinçant, les fers du cheval martelant le pavé de la Place de L’Hôtel-de-Ville.

    M. Benoît ne devait plus revoir sa femme vivante.

    La journée s’écoula monotone, avec cette lenteur de la vie de province où les minutes sont si longues qu’on a le temps de les compter. Madame Benoît demeura au coin du feu, soulevant plus d’une fois le rideau de la fenêtre et regardant passer les gens qui se rendaient à la fête de Vrizy, à une petite lieue de Vouziers.

    Avant de se coucher, elle voulut visiter la maison de fond en comble. Eclairée par Frédéric, elle s’assura que les portes étaient bien fermées et qu’aucun tison ne pouvait s’échapper du foyer à demi-éteint. Elle regarda même sous les lits. On eût dit qu’une sorte de pressentiment la portait à prendre des précautions particulières. Une des persiennes de la chambre à coucher fermant d’une façon insuffisante, en ce sens que le crochet destiné à la fixer sortait trop facilement de son anneau, elle entreprit de le consolider tant bien que mal, et, pour ce faire, elle l’attacha avec un cordon.

    Il était environ neuf heures quand elle se mit au lit. Louise Feucher vint aussitôt lui retirer sa chandelle. L’usage voulait, chez le juge de paix, que le même lumignon servît successivement à tout le monde. Il n’est pas de petites économies, et M. Benoît avait plié son entourage à une règle sévère.

    Aux environs de minuit, M. Marquet, employé des contributions indirectes, traversa la place à proximité de la maison Benoît et ne remarqua rien d’anormal. Il faisait un magnifique clair de lune. Une lumière brillait à la fenêtre du sieur Ladurelle, chez lequel on veillait un malade.

    Quelques instants après, le chirurgien Dossereau, le plus proche voisin du juge de paix, fut éveillé par les cris de Frédéric qui l’appelait du côté de la cour. C’étaient des cris de détresse. II réveilla son frère, marchand drapier, qui demeurait avec lui, et les deux hommes accoururent, sans avoir pris le temps de se vêtir d’une façon complète.

    Le fils Benoît les attendait sur le pas de la porte, le visage convulsé par la terreur, et il leur dit à mots entrecoupés :

    — Vite ! Vite ! Nous sommes dévalisés. Les voleurs sont chez nous !

    Comme les frères Dossereau entraient dans la chambré à coucher, Frédéric s’écria encore. « Ils ont sauté par la fenêtre. Ne les avez-vous pas vus passer ? C’est une femme. Tenez. Tenez. La voilà qui se sauve. Elle n’a pas de chaussures. »

    Le drapier se hâta de sortir, et, d’un coup d’œil rapide, explora la place de Vouziers. Il ne vit personne, mais il entendit des pas qui s’éloignaient rapidement du côté de l’église.

    A l’intérieur de la maison, c’était la confusion et le désordre. Aussi bien la fenêtre que la persienne dont, madame Benoît avait consolidé le crochet étaient grandes ouvertes. Les rideaux flottaient au vent. L’armoire avait été visitée. On avait fracturé le petit coffre à l’aide d’un instrument pointu introduit dans la serrure, et les rouleaux de pièces d’or avaient disparu de leur sac. Un second sac renfermant deux mille francs en monnaie d’argent, des couverts, du linge gisaient pêle-mêle sur le parquet.

    Certainement, les voleurs avaient été surpris au cours de leurs opérations, mais s'ils n’avaient pas eu le temps de tout emporter, ils avaient emporté le principal.

    « Madame Benoît, madame Benoît ! » appela à plusieurs reprises le chirurgien, à la demande de Frédéric, Il n’obtint pas de réponse : « Où donc couche ta mère ? » interrogea-t-il. Le jeune homme désigna du doigt le cabinet noir.

    Dossereau y pénétra, une chandelle à la main ; mais il recula aussitôt, muet d’horreur. La vieille dame avait été assassinée.

    Sous son menton s’étalait une énorme plaie béante, faite d’un seul coup et s’étendant d’une oreille à l’autre. Aussi affilée avait été la lame que ferme la main qui l’avait tenue, La mort avait dû s’ensuivre presque immédiatement, sans que la victime eût eu le temps de pousser un seul cri. En effet, le larynx avait été tranché net.

    Madame Benoît avait été, sans nul doute, frappée dans son premier sommeil et à la place même où elle s’était endormie. Le lit, en effet, ne présentait aucun désordre, aucune trace de lutte, aucune plissure ; l’édredon n’était même pas dérangé.

    Dès lors, il fallait supposer que la mère de Frédéric avait laissé échapper quelques gémissements au cours d’un mauvais rêve. Toujours tendant l’oreille au moindre bruit, les malfaiteurs s’en étaient émus. Guidés par sa respiration, ils étaient allés à elle, et, férocement, lui avaient coupé la gorge. Ainsi, ils avaient supprimé un témoin qui aurait pu les perdre.

    La victime avait bien sur les bras quelques gouttelettes de sang, mais elle avait pu porter les mains à son cou dans un geste instinctif de défense, quand le couteau avait entaillé ses chairs.

    Circonstance digne de remarque : il y avait audessus des oreillers un jupon de molleton tout ensanglanté, quoiqu’il parût bien que le sang n’avait pu jaillir jusque-là. Apparemment, les meurtriers avaient redouté des cris. Alors, pour les prévenir ou les étouffer, ils avaient appliqué ce vêtement sur la bouche de madame Benoît pendant les quelques

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