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L'Affaire Pranzini
L'Affaire Pranzini
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Livre électronique216 pages3 heures

L'Affaire Pranzini

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À propos de ce livre électronique

Ce jeudi 17 mars 1887, au 17 rue Montaigne, des voisins et un commissaire dépêché sur place retrouvent dans l'appartement de Mme de Montille le cadavre égorgé de la femme de chambre, celui sans tête de la petite fille Marie-Louise, et Mme de Montille elle-même, assassinée d'un couteau de boucher planté dans la colonne vertébrale.Seuls indices du meurtrier : le lit encore chaud et défait, signifiant la présence d'un quatrième individu, et une lettre chiffonnée...Précurseur du True Crime, Pierre Bouchardon retrace l'affaire sanglante de ‎Pranzini, accusé d'un triple crime et condamné à mort et guillotiné en 1887‎.-
LangueFrançais
ÉditeurSAGA Egmont
Date de sortie1 juil. 2022
ISBN9788728048429
L'Affaire Pranzini

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    L'Affaire Pranzini - Pierre Bouchardon

    Pierre Bouchardon

    L’Affaire Pranzini

    SAGA Egmont

    L'Affaire Pranzini

    Image de couverture :Shutterstock

    Copyright © 1934, 2022 SAGA Egmont

    Tous droits réservés

    ISBN : 9788728048429

    1ère edition ebook

    Format : EPUB 3.0

    Aucune partie de cette publication ne peut être reproduite, stockée/archivée dans un système de récupération, ou transmise, sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit, sans l'accord écrit préalable de l'éditeur, ni être autrement diffusée sous une forme de reliure ou de couverture autre que dans laquelle il est publié et sans qu'une condition similaire ne soit imposée à l'acheteur ultérieur.

    Cet ouvrage est republié en tant que document historique. Il contient une utilisation contemporaine de la langue.

    www.sagaegmont.com

    Saga Egmont - une partie d'Egmont, www.egmont.com

    A HENRI DUVERNOIS

    P. B.

    « Ces hommes, si cruels par la nécessité de supprimer des témoignages, car ils n’assassinent que pour se défaire de preuves ; ces colosses d’adresse, d’habileté, chez qui l’action de la main, la rapidité du coup d’oeil, les sens sont exercés comme chez les sauvages, ne deviennent des héros de malfaisance que sur le théâtre de leurs exploits. Non seulement, le crime commis, leurs embarras commencent, car ils sont aussi hébétés par la nécessité de cacher les produits de leur vol qu’ils étaient oppressés par la misère ; mais encore ils sont affaiblis comme la femme qui vient d’accoucher. Energiques à effrayer dans leurs conceptions, ils sont comme des enfants après la réussite. C’est, en un mot, le naturel des bêtes sauvages, faciles à tuer quand elles sont repues. »

    Balzac .

    — La dernière incarnation de Vautrin.

    L’AFFAIRE PRANZINI

    I

    Un sommeil qui se prolonge

    Le jeudi 17 mars 1887, jour de la mi-carême, la femme Toulouse, née Julie Garrier, cuisinière depuis douze ans chez Mme Régine de Montille, descendit, à sept heures du matin, de la chambre qu’elle occupait avec son mari, au cinquième étage, 17, rue Montaigne. Elle s’arrêta au troisième, comme elle en avait l’habitude, afin de prendre son service à l’appartement de sa maîtresse.

    Régine de Montille était un nom de guerre. La personne qui s’était anoblie de la sorte se nommait tout simplement Claudine-Marie Regnault. Entrée, depuis plus d’un mois, dans sa quarantième année, elle avait su défendre contre les ravages du temps ses charmes physiques et, à l’ancienneté comme au choix, elle occupait un certain rang dans le monde des courtisanes. Oh ! sans qu’elle s’affichât ou se livrât à des démonstrations tapageuses. Elle savait même garder une réserve de bon goût, sortait peu et ne recevait guère, tout au moins jusqu’à une époque récente, que les visites de ses amis attitrés. Elle était au surplus d’habitudes bourgeoises et tenait le livre de caisse de sa comptabilité d’amour avec beaucoup d’ordre.

    Son personnel domestique comprenait, outre la cuisinière, une femme de chambre, Anne, dite Annette, Gremeret, qui la servait avec un dévouement aveugle depuis quatorze ans, et pour laquelle elle n’avait pas de secrets. Un peu plus jeune que Marie Regnault, Annette avait fait, dans sa petite enfance, une chute terrible dont elle avait gardé une déviation de la colonne vertébrale. Malgré sa tournure de fée Carabosse, elle avait trouvé à qui plaire, et, le 24 août 1875, elle avait donné le jour, à Maisons-Laffitte, à une petite-fille, Marie-Louise, née de ses relations avec le domestique anglais d’un médecin du voisinage.

    Cette enfant, élevée chez la pseudo Mme de Montille, partageait le lit de sa mère, dans une chambre de l’appartement. Elle possédait une nature charmante, et, à l’école communale du 154 de la rue Montaigne, qu’elle fréquentait depuis quatre ans déjà, on l’appréciait comme une excellente élève, remplie de mérite. Elle devait, dans quelques mois, faire sa première communion.

    Marie Regnault avait voulu être sa marraine et elle lui portait un intérêt si vif, que, par testament du 9 février 1887, elle venait de l’instituer sa légataire universelle…

    Quand elle eut gagné, par l’escalier de service, le palier du troisième étage, la femme Toulouse frappa avec un bâton au mur de la chambre d’Annette Gremeret. Elle savait qu’à ce signal quotidien, la petite Marie-Louise venait retirer la chaîne de sûreté qui défendait la porte. Mais, ce matin-là, à son extrême surprise, personne ne donna signe de vie. Elle frappa plus fort, appela. Toujours même silence ! Alors, tirant ses clefs de sa poche, elle ouvrit la serrure et le verrou. Elle ne fut pas avancée davantage, car la chaîne tendue ne lui permit pas de pénétrer. Par l’étroite fente, elle regarda et ne vit rien, elle écouta et n’entendit rien. Un peu effrayée, elle n’insista pas et voulut espérer que les habitants du logis dormaient encore d’un profond sommeil.

    Elle remonta à sa chambre. Mais comme, à huit heures et quart, la situation ne s’était pas modifiée, elle s’en fut jeter l’alarme chez le concierge.

    Celui-ci, qui se nommait Zacharie Lacarrère, prit aussitôt par le grand escalier et carillonna si fort à la porte de Mme de Montille qu’il cassa la sonnette. Cette fois, l’inquiétant silence ne fut troublé que par les hurlements de détresse de Dick et de Lili, les deux chiens de la femme galante.

    Que pensez-vous que fit alors le concierge ? Qu’il courut prévenir la police ? Nullement. Il regagna sa loge, où il tint salon avec sa femme et la cuisinière Toulouse. Les langues allèrent leur train plusieurs heures durant. On papota, on fit des hypothèses, on se monta l’imagination, on évoqua des propos d’Annette Gremeret qui n’était pas là pour les confirmer ou les contredire. Ce furent des commérages sans fin : le roman chez la portière ou le thé de Mme Gibou.

    Zacharie était, dans toute la force du terme, un pauvre homme, aussi débile d’esprit que facile à suggestionner. Il se rappelait que, la veille au soir, un peu après onze heures, au moment où il se disposait à éteindre le gaz devant la porte de sa loge, quelqu’un avait sonné de la rue et, une fois entré, lui avait jeté au passage, avant de prendre le grand escalier : Mme Montille ! Autant qu’il en avait pu juger, ce visiteur nocturne était plutôt grand et d’assez forte corpulence ; il était coiffé d’un haut de forme, portait moustaches et avait relevé le col de son pardessus.

    La femme Lacarrère, un peu souffrante, avait couché, cette nuit-là, dans un logement dont elle avait la disposition au quatrième étage. Elle n’avait donc pu faire aucune remarque personnelle, mais, dans les jours précédents, elle avait vu, à deux ou trois reprises, quelqu’un monter chez Marie Regnault. Qui ? un individu malingre, de petite taille, la lèvre recouverte d’une moustache noire, le teint bilieux, la figure déplaisante.

    Moustache mise à part, les deux signalements ne s’accordaient guère. La concierge et la cuisinière ne s’en employèrent pas moins à persuader Zacharie qu’il s’agissait d’une seule et même personne.

    — N’en doutez pas, monsieur Lacarrère, insista la femme Toulouse, ce ne peut être que le gringalet, comme l’appelle Annette. Je sais qu’il a passé la nuit avec Madame, il y a environ une semaine, et qu’il est revenu depuis. Je l’ai vu monter, un jour que j’étais dans votre loge. C’est un petit qui a la figure d’un singe et, quoiqu’il soit mieux vêtu que vous et moi, il ne me revient pas. Aussi vrai que je vous parle, Annette m’a dit : « Quelle drôle de tête il a ! Il me fait peur. Avec les gens que Madame se met à recevoir depuis un mois, elle nous fera assassiner, avant qu’il soit longtemps ! ».

    Sur un ton timide, Zacharie eut beau protester que le monsieur, pour lequel il avait tiré le cordon le 17 mars, n’avait rien d’un gringalet, les deux bavardes le convainquirent bel et bien qu’il avait vu un gringalet. Elles le persuadèrent même, quoiqu’il se défendît d’en avoir pu distinguer la couleur, que la moustache dont il avait parlé était noire.

    Il fut donc admis, comme une proposition passée en force de loi, qu’un gringalet, ou plus exactement que le gringalet était monté, au cours de la nuit, chez Mme de Montille.

    En tout cas, que le visiteur eût été petit et malingre comme le voulaient à toute force les femmes Lacarrère et Toulouse, ou bien grand et fort comme l’avait vu le concierge, un point demeurait hors de doute : l’hôte de Marie Regnault n’était pas redescendu, à moins qu’il n’eût quitté les lieux à l’heure matinale, où, la porte cochère se trouvant ouverte, il n’avait pas eu besoin de demander le cordon. Cette nuit-là, en effet, Zacharie n’avait plus ouvert qu’à deux heures moins le quart, et c’était à quelqu’un de la maison : Auguste Delhumeau, cuisinier au service de M. Henri de Lacretelle, député de la Saône-et-Loire.

    A onze heures du matin seulement, se terminèrent les palabres de la loge. La femme Toulouse et le concierge décidèrent alors de se rendre auprès du commissaire de police du quartier du Roule, M. Théodore Créneau, afin de l’aviser de leurs inquiétudes au sujet de l’inexplicable silence des locataires du troisième.

    Le magistrat se transporta aussitôt à l’appartement de Mme de Montille, et son premier soin fut d’envoyer querir un serrurier. La grand’porte n’était fermée qu’au pène et la clef se trouvait engagée dans la serrure, du côté de l’intérieur. On ouvrit, mais le premier qui entra faillit reculer d’épouvante.

    II

    Le charnier

    L’appartement du loyer coquet de trois mille cinq cents francs — nous sommes, ne l’oublions pas, en 1887 — ne comportait que locaux spacieux.

    Il commençait par une vaste antichambre, sur laquelle s’ouvrait le salon, encadré, à gauche, par la salle à manger, à droite par le cabinet de toilette, et les fenêtres de ces trois pièces donnaient sur la rue Montaigne.

    Les chambres de Marie Regnault et d’Annette Gremeret avaient vue sur la cour de l’immeuble. On accédait à la seconde, qui faisait vis-à-vis à la salle à manger, par un couloir à gauche de l’antichambre. La première communiquait avec le cabinet de toilette, et, pour s’y rendre, on prenait le couloir à droite.

    Les deux chambres à coucher avaient également issue sur le carré de l’étage, mais, de ce côté-là, leurs portes se trouvaient condamnées depuis longtemps.

    Le commissaire Créneau n’était plus un novice, ses fonctions l’avaient maintes fois appelé à constater des crimes de sang, mais, jamais encore, il n’avait contemplé un tel carnage.

    Barrant l’entrée de sa chambre, Annette Gremeret était étendue sur le dos, une plaie hideuse à la gorge. Elle avait été frappée de deux coups terribles : le premier, qui avait coupé les carotides et entaillé la quatrième vertèbre ; le second, à la nuque, qui avait tranché la moelle épinière. Son bras droit s’allongeait à l’extérieur contre le battant fixe de la porte et sa main gauche, crispée, reposait sur son ventre.

    La malheureuse n’était recouverte que de ses vêtements de nuit et d’un caraco en laine rouge. Près de sa tête, on pouvait apercevoir un bonnet blanc et un peigne.

    Elle avait dû être frappée, au moment où elle s’y attendait le moins, car ses traits ne reflétaient aucun sentiment d’angoisse.

    Dans la même chambre, sur un grand lit, au milieu d’un amas de couvertures et d’oreillers en désordre, deux petites mains se tendaient, toutes meurtries de profondes entailles. C’étaient celles de Marie-Louise. Horreur ! L’enfant, comme agenouillée dans la posture de l’effroi ou de la supplication, avait été littéralement décapitée. Sa tête ne tenait plus au corps que par un lambeau de chair, auquel deux pieuses médailles d’argent étaient demeurées suspendues au bout d’une chaîne. Au-dessus du cadavre, une image de sainteté était clouée au mur, et, au milieu de la table voisine, on apercevait des cahiers de catéchisme, rangés en bon ordre.

    Les grands rideaux de la fenêtre étaient tirés du haut en bas. Sur la cheminée, une veilleuse brûlait encore. Sur le plancher, on ramassa un bougeoir de bronze, poissé de sang, et où s’enfonçait une bougie de cire rouge, consumée aux trois quarts.

    On courut à la chambre de Régine de Montille. Dans cette pièce tendue et plafonnée de satin rouge, où, derrière les persiennes fermées, des rideaux tamisaient encore le jour, des rideaux d’un tulle noir brodé de fleurs de couleur, la courtisane gisait à plat ventre sur une carpette écarlate. Elle gisait, le long d’un vaste lit d’ébène, rehaussé de sculptures — son champ de bataille — et au pied d’un gigantesque tableau de Callias, mentionné au Salon, où Danaé, toute nue, recevait son amant Jupiter sous la forme d’une pluie d’or…

    Un couteau de boucher avait coupé la gorge jusqu’à la colonne vertébrale ; la blessure se prolongeait sous l’aisselle droite, qu’elle avait presque détachée, au moment sans doute où Marie Regnault, étendant le bras horizontalement, se pendait au cordon de la sonnette électrique, donnant dans la chambre d’Annette Gremeret. Ses yeux, grands ouverts, avaient gardé l’éclat de la vie, en même temps qu’ils révélaient une horreur indicible. Ses mains crispées, tendues en avant, semblaient vouloir saisir quelque chose.

    A son cou, brillait, au fond de la plaie béante, une chaînette retenant une croix en diamants ; à son poignet gauche, on pouvait voir un bracelet d’or, tout bosselé et enrichi de perles.

    La morte était vêtue d’une fine chemise de batiste, mais on avait jeté sur elle, comme un suaire, un couvre-pied de satin, qui ne laissait apercevoir que la figure, la poitrine et l’extrémité des jambes. Tout le long de son corps et sur le bord du lit, s’étalait une flaque de sang, d’où l’on pouvait induire que Marie Regnault avait été frappée à l’extrémité même de sa couche, au moment où elle cherchait sans doute à s’échapper. Mais elle était tombée aussitôt, et si près du large bateau d’ébène, que sa main gauche et sa tête se trouvaient en quelque sorte plaquées contre lui.

    Dans cette chambre somptueuse, tout était rouge ou l’était devenu. Rouges les draperies, rouge le couvre-pied, rouge la carpette, rouges la chemise et les draps, comme si on les eût aspergés de sang, rouge la victime que l’hémorragie de son affreuse blessure avait souillée, rouge jusqu’à la cire des bougies. C’était, du plancher au plafond, une couleur uniforme, une débauche de rouge.

    Et, sous cette lourde et fade atmosphère de sang versé, la pourpre du décor s’harmonisait avec le charnier.

    Les deux chiens étaient là, logés comme des princes. Dick, un gros caniche noir, avait son lit dans une corbeille de l’antichambre. Lili, minuscule, habitait une niche luxueuse en forme de cage, au fond du cabinet de toilette.

    Dans une des deux massives et luisantes cuvettes d’argent de ce cabinet de toilette, quelqu’un avait lavé ses mains ensanglantées, puis, sur une bouilloire de même métal, où l’eau avait chauffé sous un bec de gaz qui brûlait encore, ces mêmes mains avaient laissé des taches rouges.

    Enfin, une personne avait couché, cette nuit-là, avec Mme de Montille. Dans le lit, en effet, on pouvait voir en creux l’empreinte de deux corps.

    Telles furent les premières constatations et, à ce point de son enquête, le commissaire Créneau songea à prévenir ses chefs.

    Son télégramme — ni la magistrature, ni la police, ne disposaient encore du téléphone — était daté de midi seize et conçu en ces termes :

    Commissaire quartier Roule à procureur et préfet police.

    Fille Regnault, 17, rue Montaigne, sa bonne et enfant de celle-ci assassinées dans appartement. Individu signalé. Pas vol.

    Pas vol ? L’affirmation était catégorique, mais hasardée. Il eût suffi au commissaire de regarder mieux, pour découvrir dans l’appartement des traces manifestes de soustractions frauduleuses tentées ou commises.

    Un peu après deux heures, M. Octave Bernard, procureur de la République, et M. Adolphe Guillot, juge d’instruction, celui-ci accompagné du commis-greffier Talagrand, étaient sur les lieux. Il y rencontrèrent M. Gragnon, préfet de police, qui, s’armant, comme le flagrant délit lui en donnait le droit, de l’article 10

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