Le nom de la propriété inscrit en lettres creusées dans le bois d’un panneau brinquebalant sous les rafales du vent suffisait à lui seul à créer l’ambiance angoissante du lieu : Black Castle. Au fond de l’allée recouverte d’herbes sauvages et encadrée d’arbres mal entretenus, se dresse le château en question.
En fait de château, il s’agit plutôt d’une grande propriété, plus inquiétante que majestueuse, dont la silhouette imposante n’est qu’une masse sombre, un bloc austère sans lumière apparente.
En cette nuit agitée de novembre 1957, au cœur des Cornouailles dévastées par la tempête, dans la lande aux flancs battus par les vagues d’une mer en furie, la demeure victorienne paraît avoir été créée dans le seul but d’effrayer les voyageurs égarés.
Peter et Jenny Winsgate, jeune couple perdu sous la pluie, sont justement des voyageurs égarés.
Leur voiture est tombée en panne à quelques centaines de mètres de là. Pour ne pas passer la nuit sur des sièges inconfortables, dans le froid et dans le noir, ils se sont aventurés au cœur de l’orage jusqu’à cette bâtisse aperçue au travers des arbres.
– Peut-être est-elle abandonnée ? On ne devine pas le moindre éclairage à travers les fenêtres, s’inquiète Jenny. Elle a 24 ans, est devenue l’épouse de Peter deux mois plus tôt. Ils ne sont pourtant pas pour autant en voyage de noces – ils auraient choisi une région plus hospitalière, plus chaleureuse et si possible plus ensoleillée – mais sont néanmoins en vacances pour une semaine au cours de laquelle la jeune femme souhaite retrouver ses racines.
Elle a vécu une partie de son enfance dans les Cornouailles, chez ses grands-parents, et rêve de faire connaître l’endroit à son mari. Elle le présentera aux deux vieillards qui l’ont élevée dans une petite ferme, à trente ou quarante kilomètres de là. La région n’est guère propice à une lune de miel, pas plus que ne l’est le climat en cette saison, mais quand on aime et qu’on est heureux avec l’être cher, les conditions météorologiques n’ont pas plus d’importance que la situation