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Troppmann
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Livre électronique207 pages2 heures

Troppmann

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À propos de ce livre électronique

En 1869, à Pantin, Jean-Baptiste Troppmann, simple ouvrier mécanicien, massacre la famille Kinck, une famille de 8 personnes.De la découverte des premiers corps dans un champ, des rebondissements de l'enquête à l'exécution du « massacreur de Pantin », Pierre Bouchardon nous plonge dans les traces de l'une des affaires criminelles les plus médiatisé du Second Empire. Il nous raconte les manipulations d'un homme à la personnalité ambiguë prêt à tout pour récupérer la fortune amassée par le père Kinck, qui l'a progressivement mené aux meurtres de la famille entière.-
LangueFrançais
ÉditeurSAGA Egmont
Date de sortie28 févr. 2022
ISBN9788728126271
Troppmann

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    Troppmann - Pierre Bouchardon

    Pierre Bouchardon

    Troppmann

    SAGA Egmont

    Troppmann

    Image de couverture : Shutterstock

    Copyright © 1922, 2022 SAGA Egmont

    Tous droits réservés

    ISBN : 9788728126271

    1ère edition ebook

    Format : EPUB 3.0

    Aucune partie de cette publication ne peut être reproduite, stockée/archivée dans un système de récupération, ou transmise, sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit, sans l'accord écrit préalable de l'éditeur, ni être autrement diffusée sous une forme de reliure ou de couverture autre que dans laquelle il est publié et sans qu'une condition similaire ne soit imposée à l'acheteur ultérieur.

    Cet ouvrage est republié en tant que document historique. Il contient une utilisation contemporaine de la langue.

    www.sagaegmont.com

    Saga est une filiale d'Egmont. Egmont est la plus grande entreprise médiatique du Danemark et appartient exclusivement à la Fondation Egmont, qui fait un don annuel de près de 13,4 millions d'euros aux enfants en difficulté.

    A albin michel, qui édita mon premier livre, hommage de bien fidèle et cordiale reconnaissance.

    P. B.

    FAC SIMILE DE LA SIGNATURE DE TROPPMANN

    Troppmann

    « Répétez-vous à vous-même ce nom composé de deux syllabes ; n’y trouvez-vous pas une sinistre signifiance ? »

    (Balzac : Z. Marcas.)

    I

    Prologue

    C’était en 1869, dans le département du Haut-Rhin.

    Le 25 août, à onze heures avant midi, un monsieur, d’âge mûr, descendit, à la station de Bollwiller, du train de Strasbourg. Il n’avait que des bagages à main : un carton à chapeaux et deux sacs de nuit recouverts de tapisseries aux couleurs voyantes.

    Un peu plus tard, en la compagnie d’un jeune homftie qui l’avait attendu à sa descente de wagon, il grimpa lestement sur l’impériale de l’omnibus des chemins de fer de l’Est qui faisait alors le service jusqu’à Guebwiller et que conduisait, ce jour-là, le cocher Müller Ferdinand, mais les deux inconnus s’arrêtèrent, en cours de route, à Soultz, un gros chef-lieu de canton.

    — A quelle heure passe la plus prochaine voiture pour Guebwiller ? demanda l’aîné des voyageurs, en posant le pied sur le sol.

    Et comme Müller lui répondait : A neuf heures du soir ! il remercia et prit congé en ces termes :

    — Alors, le temps ne nous manquera pas, à mon ami et à moi, pour notre petite excursion !

    Du consentement de l’employé Sébastien Vogel, il déposa ses trois colis dans le bureau de l’omnibus.

    Les deux amis, puisque amis il y avait, poussèrent ensuite la porte de Joseph Loevert, qui tenait boulangerie et auberge. Ils s’attablèrent à côté de la fenêtre et commandèrent, en allemand, des cervelas. Ce fut la femme de l’aubergiste, née Caroline Maugeney, qui leur servit cette nourriture indigeste ! Ils mangèrent au galop, mettant les bouchées doubles et conversant à demi-voix, mais en langue française.

    L’un avait dépassé largement la cinquantaine. Il grisonnait fort et portait les cheveux presque ras. Basané, large d’épaules, les mains velues, les pommettes saillantes, l’œil vif sous l’arcade de sourcils broussailleux, le nez pointu et cassé à la racine, il ornait son visage d’épaisses moustaches, sans mouche, ni impériale, mais avec une dizaine de poils très longs qui venaient, de chaque côté, se coller contre la joue. Il était confortablement vêtu d’une jaquette en drap noir à six poches, et de l’une d’elles émergeait le tuyau d’une pipe.

    Enfin, il avait noué sa cravate avec une certaine recherche et coiffé son chef d’un chapeau de soie à haute forme.

    L’autre, beaucoup plus jeune — presque un adolescent — faisait figure d’un être chétif. Mais, à observer ses gestes, on s’apercevait vite que, sous cette apparente faiblesse, il était bien découplé et tout en muscles. Ses cheveux châtains, abondants et soignés, se dressaient en touffe sur sa tête, avec une raie tracée très bas. De lourdes paupières lui tombaient sur les yeux et ses oreilles, mal ourlées, s’étalaient comme des plats à barbe. Il n’avait pas, au visage, moins de treize grains de beauté, dont sept à la joue droite. Le nez, assez gros à la racine, s’effilait vite et s’incurvait du bout en bec d’oiseau de proie.

    Son menton ne nourrissait qu’une barbe naissante. La moustache, encore maigre, ombrageait à peine une lèvre trop grasse et des dents trop larges.

    Décharnées et osseuses, ses mains attiraient l’attention, quand il les étalait sur la table. On remarquait surtout ses pouces, des pouces terminésen spatules et atteignant l’extrémité de la phalange supérieure de l’index. L’écartement entre ces deux doigts apparaissait énorme, monstrueux, et cette difformité faisait songer à une pince de homard. A regarder, on éprouvait une impression de malaise, de dégoût et d’horreur.

    Le propriétaire de ces pouces géants parlait le français avec un accent alsacien aussi prononcé que possible, celui de Schmucke dans le Cousin Pons. Par exemple, il disait : Foulez-fous pour voulez-vous, bromenate pour promenade et pédisse pour bêtise.

    Les deux hommes avaient des allures si mystérieuses et ils apportaient, à expédier leur repas, une précipitation si peu en rapport avec les habitudes paisibles et ordonnées du pays, que la femme Loevert ne cessa de les observer. Même, quand elle eut à se rendre à la cuisine, elle continua de jeter un coup d’œil par le vasistas de surveillance pratiqué dans la porte.

    Lorsque le plus âgé eût réglé la dépense, elle les vit s’éloigner dans la direction de Wattwiller. Ils couraient presque. Là-bas, la région devenait mélancolique et sauvage, avec ses forêts de sapins ou de hêtres. Encore plus loin, sur la cime du Herrenflüh, contrefort oriental de la chaîne des Vosges, se dressait un minuscule squelette de pierres, au-dessus duquel tournoyaient des oiseaux criards. Cette ruine avait été jadis un pesant château féodal.

    Il était environ trois heures du soir…

    II

    Le champ Magnin

    A la veille de la guerre de 1870, la gare de Pantin se trouvait quelque peu isolée du reste du monde. Là où ont été percées de larges voies que bordent des maisons de rapport, s’étendait la plaine nue : végétation triste et pauvre, des champs de luzerne, des labours, des jardins, des terrains vagues, avec le fort d’Aubervilliers pour toile de fond. A travers ce désert, serpentaient des chemins aux noms pittoresques : le chemin Vert, la sente des Marglats, le chemin Pouilleux. De-ci, de-là, quelques réverbères à huile.

    On n’imagine pas aujourd’hui ce que pouvait être, il y a soixante-deux ans, ce coin de la banlieue. Les habitants y chassaient l’alouette dans la saison. Les Parisiens ne le fréquentaient guère…et ils ne connaissaient pas beaucoup mieux l’agglomération pantinoise, déjà hérissée de cheminées d’usine. Ils se contentaient de fredonner la spirituelle chanson de Francisque Sarcey :

    A Paris, près de Pantin…

    Je naquis un beau matin

    de décembre.

    Le lundi 20 septembre 1869, vers sept heures du matin, Jean-Louis-Auguste Langlois, cultivateur à la Villette-Paris, se rendait à ses travaux, avec sa voiture et ses instruments. Il longeait, sur le territoire de Pantin, à un kilomètre environ de la gare, le chemin Vert, lorsqu’il remarqua, dans une luzerne qui lui appartenait, plusieurs flaques de sang. Il s’approcha. Nul vestige de lutte, mais une traînée rouge, mêlée de fragments de cervelle, qui paraissait se diriger vers une terre voisine et fraîchement labourée, appartenant à une vieille femme d’Aubervilliers, Marie-Elisabeth Boimeau, veuve Magnin.

    En suivant la piste, Langlois aperçut une bosse, nouvellement poussée. A cette place, le sol avait été remué depuis la dernière pluie, tombée la veille. Il n’offrait pas, en effet, la teinte grise uniforme et l’aspect boueux du reste du champ, car un peu de terre sèche apparaissait, provenant du sous-sol, mais on s’était appliqué à refaire les sillons tels que la charrue les avait creusés. On avait même dû, pour cette opération, se tenir sur la luzerne, afin de ne pas laisser de traces de pas.

    D’un coup de pioche, il gratta le monticule. Le coin d’un mouchoir apparut. Il creusa plus profondément et mit au jour une partie de visage : des cheveux et une oreille.

    Tout frissonnant, il refit le sillon et courut avertir le premier agent qu’il rencontra.

    Informé d’urgence, le commissaire de police de Pantin, M. Agénor Roubel, se transporta sur les lieux, assisté du docteur Cyprien Lugagne. Et, pendant que les soldats du fort, baïonnette au canon, éloignaient les curieux qui commençaient à affluer de toute part, il organisait une fouille complète du terrain.

    Dans une fosse longue de trois mètres, large de soixante centimètres et profonde de quarante, étaient enfouis pêle-mêle, plusieurs cadavres encore tièdes. Et comme il avait été difficile de les loger tous dans cet espace étroit, on avait piétiné pour les mieux tasser.

    Aucun signe n’indiquait que les victimes eussent livré bataille. Tout se réunissait, au contraire, pour démontrer qu’elles avaient reçu, à l’improviste, des coups immédiatement mortels.

    On déterra d’abord un petit garçon. Cinq ans, six ans peut-être. Le larynx était ouvert, de nombreuses plaies apparaissaient sur tout le corps, dont l’une très profonde, à la nuque. Des vaisseaux avaient été coupés, d’où une hémorragie profuse qui avait dû être promptement fatale. Il semblait, toutefois, que l’enfant eût cherché à se défendre contre son agresseur, car ses petites mains étaient déchirées de griffures d’ongle.

    Puis, ce fut un deuxième cadavre, celui d’un enfant d’une dizaine d’années, assez chétif. Le malheureux avait eu le visage fracassé à coups de pioche. Sous le doigt, on sentait les esquilles et, au milieu du front, apparaissait un trou quadrangulaire qu’on eût dit fait à l’emporte pièce.

    Les bêches continuent à fouiller et dégagent cette fois le corps d’une fillette. Celle-ci a deux ans au plus. L’une de ses oreilles pend, presque arrachée. Au front, à la racine du nez, existe une plaie contuse avec enfoncement de l’œil droit, qu’a produite la pointe d’un couteau.

    Horreur ! Au-dessous de l’ombilic s’étale une blessure béante, par laquelle s’échappent des anses d’intestin.

    A ce spectacle, les curieux poussent des cris ou se voilent la face. Ils n’ont pas tout vu.

    On soulève maintenant par ses jupons une quatrième victime. C’est une femme corpulente, de constitution robuste et qui paraît avoir dépassé la quarantaine. Le visage est flétri, mais le corps a résisté à l’outrage des ans. Elle a reçu de nombreux coups de couteau, à la gorge principalement. Et dans l’une des blessures, c’est une lame déjà brisée qu’on a dû enfoncer, si l’on en juge par la déchirure des bords. Le larynx et la cavité pharyngienne sont ouverts, l’artère linguale et de grosses veines de cette région sectionnées. De tous ces vaisseaux le sang a coulé à flots et la mort a suivi, presque immédiate.

    Sans nul doute, cette femme a été surprise par l’attaque. Il n’existe à ses bras, à ses poignets, aucune meurtrissure, aucune ecchymose, qui décèle une lutte ou une résistance. Elle ne se défiait pas et la foudre a passé.

    Détail affreux ! Elle est enceinte de six mois, et le fœtus — une petite fille parfaitement conformée — sort à moitié des entrailles.

    Est-ce tout cette fois ? En est-ce fini de cette besogne macabre que les fossoyeurs — fossoyeurs volontaires — n’accomplissent plus qu’avec épouvante et dégoût ?

    Pas encore. Cette fosse commune est inépuisable.

    On en retire presque aussitôt un enfant d’une huitaine d’années, maltraité d’une façon odieuse. Le front a été défoncé à coups de pioche. L’œil droit est crevé et, par l’orifice, s’échappe de la matière cérébrale mélangée de sang. Au cou existent des traces manifestes de strangulation, l’une due à la pression du pouce.

    Le trou est vide ? Non. En se penchant, un soldat aperçoit un sixième cadavre. C’est le dernier. On se trouve en présence d’un garçonnet de treize ou quatorze ans, qu’une pioche a frappé en arrière et sur les côtés de la tête. Par le pariétal brisé sortent des morceaux de cervelle. Enfin, la victime a été étranglée, car ses chairs ont gardé l’empreinte d’un lien serré avec force.

    Une femme, quatre jeunes garçons et une toute petite fille, tel est le bilan de cette tuerie sans exemple et sans nom !

    Tuerie toute récente, car les cadavres ont conservé quelques restes de chaleur vitale, pendant que les articulations de leurs membres sont demeurées élastiques.

    Mais alors quelles sont les victimes ? Quel monstre à face humaine les a attirées en ce lieu solitaire, pour les assassiner soudainement et avec une sorte de rage ? Dans quel dessein ? Quel subterfuge a-t-il employé ? A-t-il opéré seul ? Quelqu’un a-t-il vu ? Quelqu’un a-t-il entendu ? Autant de questions qui se posent ! Autant de problèmes, et qu’on ne pardonnerait pas à la justice, quand le bruit d’un aussi grand crime se sera répandu, de ne pas résoudre !

    Dès que les cadavres eurent été retirés de la fosse, M. Roubel se préoccupa de décrire leurs costumes.

    La femme était vêtue d’une robe de soie noire, recouvrant, par-dessus trois jupons, une crinoline rayée amarante. Son chapeau à brides en tulle noir s’ornait d’une fleur. Une alliance brillait à son doigt et ses boucles d’oreilles, nullement tapageuses, la classaient, ainsi que ses bottines de satin, dans la catégorie des bourgeoises à l’aise. Soit qu’elle fût venue sans argent, soit qu’on l’eût dévalisée, elle ne possédait plus sur elle qu’une pièce de cinq francs, une de un franc, huit sous en monnaie de billon et quatre pièces de deux centimes, dont une belge. C’était peu.

    La petite fille avait aux oreilles des boucles d’or et, au ccu, un rang de perles noires. Elle était en jupe bleu mérinos, en tablier blanc et en waterproof ; une toque à réseaux la coiffait.

    Des quatre garçons, les deux plus jeunes portaient des culottes courtes et des casquettes à liseré d’or. Tous étaient très proprement habillés de noir. Dans la poche de celui de dix ans, voisinaient un chapelet, un aimant en fer à cheval, un morceau de fer galvanisé et deux billes.

    Enfin, le trou sinistre se trouvait renfermer encore deux rondelles de saucisson et la moitié d’un petit pain.

    A midi, M. Jules-Gabriel Douet d’Arcq, juge d’instruction au tribunal de la Seine, assisté de son greffier Joseph-Nicolas Ditterich, était dans le champ Magnin. Il venait d’être saisi, par le procureur impérial, d’un réquisitoire introductif, et un jeune substitut de beaucoup de talent, M. Georges Onfroy de Bréville, l’accompagnait.

    M. Douet d’Arcq appartenait à la vieille école. De ses favoris, de sa cravate blanche et de sa redingote, il tirait la solennité qui convient. Mais, sous ce masque désuet que ne connaissent plus les magistrats d’aujourd’hui, il cachait beaucoup de finesse, une rare méthode et comme un don de seconde vue. Et, qualité devenue rare dans sa profession, il savait dicter.

    L’affaire — la plus horrible peut-être dont les annales du crime aient gardé le souvenir — était à sa taille. Il édifia une œuvre de grand style.

    III

    La famille Kinck

    Durant la nuit fatale, il avait fait clair de lune et le vent, bien qu’ayant soufflé avec une certaine violence, n’avait pas nui à la sonorité de la plaine. Dès lors, de la gare et des usines les plus proches, partout où des gens veillaient, on avait dû entendre quelque chose. Car enfin, si brusque qu’eût pu être l’attaque, six personnes ne s’étaient pas laissé égorger, sans pousser des cris ou appeler au secours.

    Eh bien, quelque extraordinaire que cela parût, les investigations de la justice à cet égard ne donnèrent que peu de résultats.

    Le sieur

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