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Les Dames de Jeufosse
Les Dames de Jeufosse
Les Dames de Jeufosse
Livre électronique205 pages2 heures

Les Dames de Jeufosse

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À propos de ce livre électronique

Dans la nuit du 12 juin 1857, le garde du manoir de Jeufosse entend depuis le jardin où il se trouve un homme pénétrer la barrière et foncer droit sur lui. Dans l'obscurité, l'intru dépose une lettre manuscrite, puis s'enfuit à toutes jambes. Mais le garde le met en joue de son fusil, et, comme l'intru poursuit son chemin, l'abat dans un tonnerre de coups de canon. Huit chevrotine viennent de percer l'homme qui, bientôt, s'avérera être un voisin bien-aimé...Pierre Bouchardon, soucieux de la véracité des faits, érige un roman de true crime reprenant l'affaire d'un meurtre qui défraya la chronique au XIXe siècle.-
LangueFrançais
ÉditeurSAGA Egmont
Date de sortie25 oct. 2021
ISBN9788728078051
Les Dames de Jeufosse

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    Aperçu du livre

    Les Dames de Jeufosse - Pierre Bouchardon

    Pierre Bouchardon

    Les Dames de Jeufosse

    SAGA Egmont

    Les Dames de Jeufosse

    Image de couverture : Shutterstock

    Copyright © 1928, 2021 SAGA Egmont

    Tous droits réservés

    ISBN : 9788728078051

    1ère edition ebook

    Format : EPUB 3.0

    Aucune partie de cette publication ne peut être reproduite, stockée/archivée dans un système de récupération, ou transmise, sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit, sans l'accord écrit préalable de l'éditeur, ni être autrement diffusée sous une forme de reliure ou de couverture autre que dans laquelle il est publié et sans qu'une condition similaire ne soit imposée à l'acheteur ultérieur.

    Cet ouvrage est republié en tant que document historique. Il contient une utilisation contemporaine de la langue.

    www.sagaegmont.com

    Saga Egmont - une partie d'Egmont, www.egmont.com

    A ma femme.

    « Je viens vous prier de discontinuer vos visites. Petit moment !… Monsieur, vous paraissez avoir de l’instruction et devez savoir que les lois défendent, sous des peines graves, d’envahir une propriété close… »

    Balzac . La Grande Bretèche.

    Les dames de jeufosse

    I

    Un coup de fusil dans le parc

    Dans une des riches vallées normandes, à gauche de la ville de Gaillon dont le château massif domine le pays, se dresse, maintenant remis à neuf, entre ses deux tours carrées et derrière un rideau de grands arbres, le manoir de Jeufosse.

    En 1857, il avait quelque peu souffert des ravages du temps, et, sur bien des points, son mur d’enceinte, écroulé ou menaçant ruine, le défendait mal contre les invasions. Du côté du sud, la partie qui avoisinait les bois, deux larges brèches apparaissaient béantes, et, une fois franchie la frêle clôture d’un herbage, la barrière qui servait de porte était tellement vermoulue qu’un de ses barreaux pouvait s’enlever à volonté, laissant le passage d’un homme de moyenne corpulence.

    Si les autres portes, et spécialement la grille d’honneur, se trouvaient en meilleur état, leurs serrures ; rongées par la rouille, fonctionnaient mal. Parfois, on se servait de ficelles ou de cordes pour en assurer la fermeture.

    Derrière ; le manoir, dans la direction du sudouest, s’élevaient des massifs d’arbustes, sentinelles avancées d’un parc, dont les hautes futaies servaient de cadre majestueux, mais austère, à la masse des bâtiments.

    Ce domaine appartenait alors à Anansime-Elisabeth Debeauvais, veuve depuis dix ans de Amédée-Joseph-Alexandre Delaniepce de Jeufosse, ancien officier d’artillerie, et à ses trois enfants. Les deux fils avaient leur domicile à Paris. Quant à madame et à mademoiselle, elles vivaient toute l’année sur leur terre, et, depuis le mois de janvier 1856, une fort gracieuse personne était venue habiter avec elles, en qualité d’institutrice.

    Le 12 juin 1857, la soirée fut magnifique. Vers neuf heures, Jean-Baptiste Leufroy-Crépel, garde particulier des propriétés de la famille de Jeufosse, apparut derrière le château. Il tenait à la main, chiens relevés, un fusil double à piston, dont les canons étaient chargés : de chevrotines celui de droite et de plomb à lièvre celui de gauche.

    Il se posta dans un massif d’arbustes, à l’extrémité duquel émergeait un gros sapin, dont les branches descendaient assez bas pour balayer le sol. Assis dans un fauteuil de jardin, il avait, derrière lui, le mur des lieux d’ajsances et, à sa droite, la porte d’un cabinet de toilette, communiquant directement avec la chambre à coucher de Mme de Jeufosse.

    Neuf heures et demie sonnèrent au clocher de Saint-Aubin-sur-Gaillon, puis dix heures, puis dix heures et demie. L’obscurité était venue, opaque du côté des cépées, mais les allées du jardin se détachaient en taches grises, et le garde, de sa place, découvrait parfaitement toute la plate-forme environnée de grands arbres qui se développait devant lui.

    Soudain, un pas furtif se fit entendre. Quelqu’un venait, après s’être glissé, pouvait-on croire, par la brèche de la barrière vermoulue, et se dirigeait droit vers le sapin qui s’en trouvait distant d’environ soixante-dix-huit mètres.

    Crépel se leva et regarda de tous ses yeux. Il vit un homme surgir, s’arrêter au pied du gros arbre et glisser, entre deux briques qui semblaient avoir été mises là à dessein, un billet cacheté.

    II existe encore ce billet, écrit d’une encré pâle et d’une écriture menue, sur un fragment de papier pelure, plié en deux.

    Les années, en s’enfuyant, en ont quelque peu effacé le texte. Le voici cependant, déchiffré au moyen d’une loupe :

    Je t’ai enfin aperçue, chère amie, et cet instant, si court qu’il a été, m’a fait quelque bien, car tu t’es retournée afin de voir si je te regardais, Merci, merci mille fois. Après t’avoir remis l’autre joui mon premier billet, j’oubliai tous mes maux, tout ce que j’avais souffert pour toi, car je voyais le moyen de dire à ton cœur tout ce que ressent le mien. Pourquoi n’as-tu pas consulté ton cœur seul, et pourquoi as-tu tant tardé à prendre ma lettre ? Je ne t’accuse pas, tu le sais, car ta loyauté est pour moi si pure, si intacte, que je ne t’en veux pas.

    Depuis longtemps on te tracasse, on te tourmente, tourmente, je le pense bien, chere enfant, mais crois-tu donc que je n’ai pas eu à souffrir plus que toi encore et de tous côtés.

    Cependant, je suis prêt à souffrir dix fois autant s il le faut.

    Mon but, mon seul but, mon unique pensée, c’est cette petite créature qui m’a donné sa foi, qui voulait bien manifester sa joie quand elle me voyait. Oui, elle seule.

    Que le passé est donc loin ! Que-de joies, jouissances alors ! Et maintenant, quel vide autour de nous ! Je dis nous, car je crois cassez te connaître pour penser que tout ce que je souffrais avait un écho dans ton cœur.

    Oui, n’est-ce pas ? le souvenir de ton ami ne te quitte pas ; moi, le jour, la nuit, tu es là, toujours me souriant, m’ouvrant ton cœur ; j’y vois mon nom bien gravé, malgré tout ce qu’on a fait pour l’effacer.

    S’ils savaient comme tout cela est venu naturellement ; presque sans nous le dire, nous nous sommes aimés. Te rappelles-tu ces premières caresses, ces premiers baisers que nous échangeâmes ?

    Te souviens-tu de, l’échange de nos bagues ? Quel délire tu versais alors dans mon âme !

    Tu ne peux avoir oublié tout cela, non. Quand nous nous rencontrons, ton œil me dit encore bien des choses.

    Je griff onne ces quatre lignes, je compte te les faire parvenir aujourd’ hui.

    A toi mon âme, ma vie, mon tout, un baiser bien tendre.

    Gêné par les branches du sapin, Crépel avança de quatre ou cinq pas, remuant quelque peu le’ feuillage. A ce bruit, le visiteur nocturne, qui s était baissé, se releva d’un mouvement brusque et prit la fuite, par une large allée, dans la direction de l’ouest.

    Le garde avait mis en joue et, à l’en croire, il commanda à trois reprises : halte-là ! ajoutant la dernière fois : ou tu es mort. La silhouette se détachait encore, suffisamment visible, mais, au moment où elle allait disparaître au détour d’un bosquet, une détonation déchira, l’air et fit frissonner la cime des grands arbres. A vingt-cinq mètres, Crépel venait de presser la détente du coup droit de son arme. L’homme tomba.

    Sans courir à lui, le tireur demeura sur place, son fusil fumant. Puis, après avoir hésité, l’espace d’un moment, sur le parti à prendre, il tourna les talons et s’enfonça dans les appartements de Mme de Jeufosse.

    Le fuyard se roulait dans la poussière, au milieu d’atroces souffrances, à la place même où il avait reçu la décharge. Huit chevrotines l’avaient atteint, mais une seule avait déterminé une blessure fatalement et rapidement mortelle.

    Il poussa d’abord quelques gémissements plaintifs, sans que le silence du parc en fût troublé, mais bientôt sa voix s’éleva, plus distincte :

    — A moi, mon ami Gros, implorait-il. A moi ! Je suis mort.

    Un jeune homme accourut à cet appel. C’était celui dont le nom venait d’être prononcé. Il prit dans ses bras le blessé qui ruisselait de sang, lui retira sa cravate, lui arracha le devant de sa chemise et, doucement, sen fut le déposer quelques pas plus loin. Au bout d’un certain temps, et non sans hésitation, des domestiques du château s’approchèrent à leur tour avec une lampe d’écurie.

    L’agonisant avait déjà l’œil vitreux et la mort venait vite. Il eut toutefois la force d’articuler :

    — Oh ! les lâches ! Je ne suis cependant pas méchant.

    Puis, se tournant vers le compagnon qu’il avait appelé au secours :

    — C’est Crépel qui m’a tué ! Tu peux le dire. O mon ami Gros, ne m’abandonne pas. Embrasse-moi ! Tu demanderas pardon pour moi à ma femme et à mes enfants. Tu diras adieu à mes amis.

    Une soif ardente le dévorait.

    — J’étouffe, gémit-il. De l’eau, de l’eau, par pitié !

    Une servante lui apporta ce qu’il demandait et lui dit tout bas :

    — Monsieur Emile, me reconnaissez-vous ?

    Il inclina la tête, mais ne put la relever. Il avait cessé de vivre.

    L’homme qui venait de rendre l’âme se nommait Paul-Emile Guillot ; il habitait, avec sa femme, ses deux jeunes fils et une vieille tante à lui, Renée-Justine Barrault, la terre d’Aubevoye, située à trois kilomètres environ du château de Jeufosse. Celui qui l’avait assisté à ses derniers moments était son domestique, Benoit Désiré, dit Gros, un solide gars de dix-neuf ans ; il devait soutenir à l’instruction qu’il n’avait entendu qu’une seule fois le commandement halte-là ! retentir dans le silence, et que le mot mort, tout court, avait suivi, et non précédé le coup de feu.

    Bien que tout secours fût désormais inutile, Gros courut à Gaillon chercher un médecin. A peu de distance du manoir, il rencontra le docteur François-Antoine Kuhn, qui se rendait de toute urgence auprès d’un malade à l’agonie et ne voulait pas se détourner de sa route. Il s’attacha à ses pas et l’amena, quand il put, à Jeufosse. Mais il était fort tard, exactement une heure du matin.

    La lune s’était levée, et cependant l’obscurité était grande encore. Sans un drap pour le recouvrir, le mort gisait dans le gravier, les genoux à demi fléchis, et la rigidité cadavérique était déjà nettement prononcée. Ses vêtements — une veste de drap hoir à longs poils, une chemise de cotonnade jaune et un pantalon gris — avaient été traversés de part en part par les chevrotines. A son cou, pendait, au bout d’un cordonnet de soie, un petit cœur en or renfermant une mèche de cheveux.

    Crépel avait fini par regagner sa demeure, dans l’enceinté même du château. Ce fut là que le découvrirent les gendarmes, aux premières heures du jour. Successivement, arrivèrent le juge de paix de Gaillon, Michel Champion, puis, dans la journée, le parquet de Louviers, composé du procureur impérial Pouyer, du juge d’instruction Victor Niellon et du commis-greffier Hippolyte-Adrien de Saint-Etienne.

    Des deux fils de Mme de Jeufosse, aucun ne se trouvait alors au château. Mais, prévenu par une dépêche télégraphique, adressée à M. Debeauvais, son oncle maternel, le plus jeune, Albert-Ladislas, descendit du train de Paris, au moment où les magistrats procédaient aux premières constatations. L’aîné, Amédée-Louis-Ernest, n’avait pas jugé à propos de se déranger, sous le prétexte que ses affaires de Bourse, compliquées de la liquidation de quinzaine, ne pouvaient être traitées que par lui et ne souffraient aucun retard.

    Aussitôt après interrogatoire, Crépel fut mis en état d’arrestation. Du coup, il sembla foudroyé. Au moment où le brigadier Mignot lui passait les menottes pour le conduire à la prison de Louviers, Mme de Jeufosse se dressa, hautaine. Elle avait le nez recourbé en bec d’aigle, les allures d’une reine-mère, le front tout chargé de pensées, sous les bandeaux noirs de ses cheveux, et l’œil vide de larmes.

    — Adieu, mon pauvre Crépel ! prononça-t-elle de ce ton autoritaire qui devait lui être familier. Courage ! on ne vous abandonnera pas.

    Le garde ne cachait pas son profond désespoir. Il se tourna vers sa maîtresse et répondit douloureusement.

    — Adieu, mon pauvre Crépel, courage ! C’est facile à dire. On vous commande : « Tirez ! Tirez ! Vous n’avez rien à craindre. Nous avons consulté le procureur impérial et le juge d’instruction. » Et maintenant, voilà où j’en suis !… On m’emmène et vous, madame, vous restez…

    Après ces paroles, il y eut un moment de silence et toute la famille parut frappée de stupeur. La châtelaine interrogea les siens du regard et finit par jeter d’une voix saccadée :

    — Ah mais ! Qu’est-ce que cela veut dire ? Mon cousin Odoard du Hazey m’avait pourtant fait savoir qu’il avait pris l’avis des magistrats de Louviers ?

    Et s’adressant au prisonnier qui se lamentait toujours :

    — Enfin, mon pauvre Crépel, tout n’est pas perdu.

    Et Albert de Jeufosse ajouta :

    — Mère, mère, j’irai le voir demain et lui apporterai tout ce qui lui sera nécessaire.

    L’instruction commença, menée avec zèle. Qu’allait-elle révéler ? Des deux gracieuses jeunes filles qui habitaient le château, Blanche-Marie-Elisabeth de Jeufosse, âgée de dix-huit ans, et l’institutrice Laurence-Caroline Thouzery, majeure depuis quelques mois à peine, à laquelle s’adressait le billet doux, déposé au pied du sapin ? Laquelle se trouvait victime ou complice d’une intrigue qui s’était achevée dans le sang ? Oui, laquelle ?

    II

    Voisins de campagne

    Fervent légitimiste, le comte de Jeufosse avait quitté l’armée, après la révolution de 1830, pour se retirer dans ses terres. Il s’y maria, et la personne, à laquelle il donna son nom, était née, le 25 février 1808, à Sainte-Croix-sur-Buchy, dans l’arrondissement de Rouen. Elle avait donc quarante-neuf ans bien sonnés à l’époque du drame. Toutefois, elle n’en voulut avouer que quarantesept au juge d’instruction, et ce fut, pour la jolie femme qu’elle était encore, coquetterie si timide qu’on peut aussi bien croire à une distraction ou à une erreur.

    Ses enfants étaient nés, tous les trois, au château de Jeufosse : Amédée-Louis-Ernest en 1832, Albert-Ladislas en 1835, et Blanche-Marie-Elisabeth en 1839.

    Leur instruction terminée, les fils ne s’accommodèrent pas du tout de la vie de gentilshommes campagnards. Sans vocation religieuse, bien qu’ils eussent été élevés par une mère dévote, sans goût pour le métier des armes, que leur père avait aimé, ils ne pensèrent qu’à s’émanciper. Paris n’était pas très loin ; ils y transportèrent leurs pénates, eurent chacun leur garçonnière et jetèrent l’argent par les fenêtres. Le plus jeune surtout ne manquait pas d’entregent. Eugène Wœstyn, du Figaro, qui eut occasion d’engager avec lui, peu de temps avant le drame, une conversation à bâtons rompus, fut frappé de son entrain spirituel et de sa verve facile.

    Les deux frères jouaient à la Bourse, pour euxmêmes ou pour autrui, et c’était là leur principale occupation. Cependant, Amédéê-Louis-Ernest, qui avait pris le titre de marquis de la Niepce, s’était associé à un monsieur Agénor Aubin pour le placement et la vente de toutes espèces de marchandises sur échantillons. L’affaire ne fut pas heureuse et le fils de Jeufosse y engloutit des sommes importantes.

    De telles dissipations, la famille s’alarma, et le jeune homme fut pourvu d’un conseil judiciaire. Il en prit humeur et écrivit à son ami Agénor :

    C’est une affaire arrangée ; j’ai mon conseil judiciaire. Aussi, ils Vont me lâcher la semaine prochaine et je pourrai retourner à Paris… Maintenant, ils ont décidé dans leur Minerve que je deviendrais un surnuméraire et que j’entrerais dans l’Administration. Cela me mènera loin. Seulement, comme ; je me défie beaucoup des pèlerins, j’ai déclaré que, le jour ou on me

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