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Carré d'agneaux: Un polar sanglant dans les terres suisses
Carré d'agneaux: Un polar sanglant dans les terres suisses
Carré d'agneaux: Un polar sanglant dans les terres suisses
Livre électronique217 pages3 heures

Carré d'agneaux: Un polar sanglant dans les terres suisses

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À propos de ce livre électronique

"Toutes choses sont purifiées par le sang et il n'y a pas de pardon sans que du sang soit répandu."

Les meurtres s'enchaînent dans la pasisible bourgade de La Neuveville au cours d'une semaine sanglante. Un tueur en série sévit-il dans la cité ? Toujours le même procédé de mise à mort.
Un rituel ? Peu d'indices aiguillent l'équipe du commissaire Bouvier.
Crimes sadiques ochestrés par un psychopathe ? Oeuvres d'un fanatique à la poursuite des infidèles ? Actes désespérés d'un innocent en quête d'identité ?

Une nouvelle enquête mouvementée attend le commissaire Bouvier !

EXTRAIT

Le torse de Pierre Descombes était affalé sur le pupitre, la tête coincée entre celui-ci et le cylindre de la lampe de lecture, les bras pendant par-dessus les panneaux de la chaire. Le commissaire avait rarement vu un teint aussi blafard, même sur un cadavre. Il se pencha pour mieux voir et comprit pourquoi le pasteur était exsangue. Sa gorge était tranchée d’une oreille à l’autre. Du sang maintenant brun tachait son écharpe blanche. Mais rien, curieusement, sur la robe pastorale noire aux parements de satin. Il fit signe au légiste.
– Oui, il a été égorgé, mais ailleurs, remarqua Guido Müller, qui retirait un thermomètre du cadavre. Il y a au moins dix heures. Et regarde là, ajouta-t-il en dégageant la nuque de l’écharpe, cet hématome. Un coup violent, sur le côté, probablement appliqué du tranchant de la main, comme on l’apprend dans les commandos.
– Il est donc peut-être mort avant d’avoir été égorgé ?
– Possible. Je pourrai te le dire après l’autopsie.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Jacques Hirt est né en 1937 et vit à La Neuveville, aux confins de la Romandie. Il obtient son brevet d’instituteur à Porrentruy puis poursuit ses études aux universités de Neuchâtel et Berne. Il enseigne au Collège du District de La Neuveville dont il sera le directeur pendant trente ans. Après trois mandats au Conseil de ville, il est élu maire de sa cité. Il exerce cette fonction pendant douze ans et préside aussi la Conférence des maires du Jura bernois. Il participe activement aux destinées culturelles de son pays, au sein de commissions cantonales et interjurassiennes. Il est l'auteur de Une Bière pour deux, Le Fourmi-Lion, Carré d’Agneaux, Embarcadère Sud, Deux Meurtres et demi aux Éditions RomPol.
LangueFrançais
ÉditeurRomPol
Date de sortie4 août 2017
ISBN9782940164547
Carré d'agneaux: Un polar sanglant dans les terres suisses

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    Aperçu du livre

    Carré d'agneaux - Jacques Hirt

    1

    Il releva le col de son imperméable, enfonça sa casquette, glissa les mains dans ses poches et s’adossa au mur de vigne.

    C’était le quatrième samedi qu’il venait. Toujours habillé de manière différente pour éviter d’être reconnu. Le temps d’avril lui avait facilité les choses. Quinze jours auparavant, il avait encore neigé. Des bourrasques de flocons lourds, patauds, qui collaient aux vêtements et se résolvaient en grosses gouttes que le tissu pompait. La semaine passée, le fœhn avait soufflé sur la région sa chaleur migraineuse et fait croire qu’il était une promesse de printemps. Aujourd’hui, des averses intermittentes fouettaient la brume qui s’accrochait là-bas, au-dessus des toits, dans les forêts en deuil.

    C’était mieux ainsi. L’obscurité tombait plus tôt.

    Il voulait être sûr.

    À l’extrémité d’une pelouse en pente très douce se dressait la maison. Deux étages avec un balcon qui courait sur toute la longueur du premier. Une façade rouge brique dans laquelle s’ouvraient des rangées de quatre fenêtres cintrées, aux encadrements de calcaire bouchardé.

    La lumière se fit au rez-de-chaussée, à gauche de l’entrée ouvrant sur le jardin.

    Il consulta sa montre, fut rassuré.

    L’autre était d’une ponctualité maniaque. Tous les samedis, à 18h30, il descendait là, dans cette salle autrefois utilisée pour le catéchisme, et dont il avait conservé le mobilier. De longs pupitres de bois aux rabats tailladés d’initiales et de cœurs percés de flèches, tachés d’encre bleu noir, et des bancs polis par des années d’ennui. En face, sur une estrade, trônait son bureau. Il avait remplacé la chaise magistrale par un fauteuil tournant dont le tissu fatigué laissait voir la trame. Il le repoussa des fesses, posa sa montre à gousset sur le replat, à droite, devant lui, après l’avoir entourée de sa chaîne d’argent, fixa cérémonieusement l’absence d’auditoire pour lui imposer le silence, puis ouvrit la chemise cartonnée contenant les feuillets. Il chaussa enfin ses lunettes à double foyer, leva les bras en un geste de paix. Il inclina enfin la tête en arrière, son regard quêtant un soutien dans les espaces infinis.

    Cela prendrait quarante minutes. Demain, avec la partie musicale, on parviendrait à l’heure, durée au-delà de laquelle la thrombose menacerait les fidèles.

    Le guetteur hocha la tête de contentement, faisant choir quelques gouttelettes de la visière. La semaine prochaine, il pourrait passer à l’action. Mais maintenant, et juste pour le plaisir, il allait se donner encore le frisson du risque, provoquer cette poussée d’adrénaline qui lui serait indispensable au moment fatidique. Il entama le parcours pour l’avant-dernière fois.

    Le portail du jardin, doublé d’un grillage pour empêcher autrefois les enfants de l’escalader, n’était jamais fermé à clé. De part et d’autre, le mur de calcaire était entièrement recouvert par le lierre qui, un peu plus loin, comme affamé, dévorait le tronc pitoyable d’un poirier à l’agonie. Quelques rameaux tentaient de survivre dans un fol espoir de floraison. Un cheminement de dalles grossières sinuait dans l’herbe piquée de primevères jaunes et mauves. Un forsythia famélique lançait quelques fleurs jaunes comme un appel au secours.

    L’homme se baissa au pied de l’arbuste. Dans la pénombre, il savait trouver des muscaris. Il tâtonna, en arracha un, puis l’écrasa entre ses mains gantées qu’il porta à son nez. Il s’enivra du lourd parfum qui réveilla en lui des jeux d’enfants. Tout le reste, ici, était vieux, négligé, abandonné. Un jardin de veuf où même les souvenirs ne se cultivaient plus.

    Évitant la flaque de lumière qui jaunissait la pelouse, il passa sous l’auvent formé par la terrasse et poussa la porte d’entrée. Celle-ci ne serait fermée que lorsque le prédicateur aurait terminé, avant qu’il remonte dans ses appartements. Sous la maison, le passage était constitué de grandes plaques de pierre, patinées par les siècles, le roulement des gerles et des tonneaux jusqu’à la cave qui ne servait plus que d’entrepôt, mais où l’odorat averti décelait comme une nostalgie de chasselas.

    Il tourna à gauche, ouvrit la frileuse porte vitrée de l’escalier, gravit les degrés, ignora le salon qui donnait au sud sur les vignes de l’ancienne préfecture, la vieille ville et le lac pour entrer directement dans la cuisine. Sur la table, tout était préparé. La serviette blanche au quadrillage rouge couvrait une miche de pain aux noix, dont la mie noire avait la ferme souplesse des chairs adolescentes. Sous une cloche mollissait un époisses à la croûte lavée au marc de Bourgogne. La bouteille de pinot noir des coteaux voisins était déjà débouchée, afin que le vin s’aère juste ce qu’il faut. À côté de la planche à trancher était aligné le couteau : un opinel de chasseur primitivement destiné à saigner le gibier.

    Il suffirait d’attendre là, dans le recoin formé par le vaisselier car, pour manger, le veuf s’installait le dos tourné à la fenêtre qui donnait sur la rue du Faubourg. En face, c’était la place de sa femme, morte il y avait plus de dix ans. Il ne l’avait pas prise. Il ne savait même pas pourquoi.

    L’homme retira un gant, passa le tranchant de l’opinel sur son pouce pour en vérifier le fil. Il sourit, reposa le couteau et rebroussa chemin.

    En bas, l’autre sermonnait toujours son troupeau. Il avait abandonné toute illusion depuis belle lurette et ses élans, ses envolées n’étaient plus que ceux de l’acteur qui, à force de métier, fait croire à de la sincérité. Il en rêvait encore parfois, de cette friandise suprême qu’est la brebis égarée, le pécheur torturé de remords, la chair brûlée par la tentation. Il voyait en songe des tableaux de Jérôme Bosch, grouillant de corps nus, entrelacés, entremêlés et forniquant. Il en voyait l’église pleine, emplie de râles et de soupirs, de moiteurs intimes, d’abandons lascifs. Il entendait l’orgue vrombir de tous ses tuyaux, lancer les chauds soupirs des bourdons ou les stridences exaspérées des flûtes. Il se voyait dominer cette houle coupable, lever les mains devant ces assauts tel Moïse face aux flots de la mer Rouge, puis haranguant, tonnant, menaçant… Mais chaque semaine, ce n’étaient que conseillers chenus aux fesses rabougries, dames aux lèvres flétries, qui venaient là pour expier des fautes qu’ils auraient bien voulu avoir commises. Ils se retrouvaient dans leur contrition pharisienne, toujours les mêmes, toujours aux mêmes places. Et si un inconnu, une anonyme pénétrait dans les lieux, ils serraient le psautier sur leur poitrine pour s’en faire un bouclier devant le péché menaçant.

    Pauvre de lui qui n’avait rien à leur dire que la misère du monde. Il s’accrochait aux reliques de sa foi, tentait de la retrouver et clamait en levant les bras : « Je crois, je crois, croa, croa… » Demain matin, il recommencerait, Sisyphe chrétien…

    L’homme s’engagea sur la pelouse plongée dans la semi-obscurité. Il jeta un coup d’œil aux façades du Faubourg. Quelques fenêtres étaient éclairées, mais les rideaux étaient tirés. Ses habits sombres lui permettraient de passer inaperçu. Il ne faudrait prendre garde qu’en sortant du jardin pour se faufiler dans l’étroitesse du Cheminet.

    Aucune surprise à craindre pour samedi prochain. Encore une autre vérification et il en serait de même pour lundi.

    Il allait tirer le portail quand il entendit des pas. Il recula pour s’enfoncer dans les lierres et attendit que l’importun soit happé par le faisceau du réverbère, quelques mètres en contrebas. Il écarta le feuillage, se pencha en avant, mais se retira brusquement lorsqu’une voix haut perchée retentit sur sa gauche :

    – Dis, Jeannet, ça va durer longtemps, ce bordel ?

    Encore quelques pas et l’interpellateur parut dans la lumière. Il était maigre et tout en longueur, avec une petite tête emmanchée d’un maigre cou, de sorte qu’on craignait qu’elle ne tombe à chacune des enjambées de sa démarche saccadée. Il se déplaçait le corps penché en avant, comme tous les gens pressés qui se donnent ainsi l’impression de gagner du temps. Son complet-veston suranné flottait sur lui, de par sa faute, car il ne correspondait pas aux canons de la confection telle qu’on la trouve en promotion. Avec son mètre nonante, son tour de taille aurait dû avoir quelques centimètres de plus pour respecter les proportions. À sa ceinture, le surplus d’étoffe alternait les bâillements et les surplis. Il mit les mains sur les hanches, écarta les coudes et les jambes pour occuper ainsi toute la largeur du Cheminet.

    Le caporal de la police cantonale respira à fond, puisa dans ses souvenirs pour retrouver ceux de dix ans auparavant : un séminaire avec exercices pratiques sur la manière de se comporter avec un individu agressif. Il se lança :

    – Dis, longue bringue de Botteron, c’est pas parce que t’es conseiller de bourgeoisie et que ça t’épanouit le glaïeul que tu peux traiter les autres comme des pissenlits ! Tu veux que je t’effeuille ?

    Il se rendit compte qu’il s’était trompé de référence, balança d’un pied sur l’autre, prenant garde de ne piétiner aucune herbette, et se fit plus amène :

    – Bon, on va pas recommencer à s’énerver. Chaque fois qu’on en parle, ça finit par des injures et puis on se fait la gueule pendant des semaines. On pourrait pas essayer de… ?

    – Vous, les flics, vous pouvez pas comprendre qu’à force, on en a marre ? Il faut porter plainte, remplir des formulaires, repasser, attendre… Et pendant ce temps, ça continue.

    – Mais c’est sur ton territoire. Qu’est-ce que tu dirais, toi, si je venais faire des tournées dans tes vignes, juste parce que peut-être…

    – Y a pas de peut-être. Y a des voyous et vous ne foutez rien ! Vous êtes allergiques au plein air, ou quoi ? Vous, les flics, vous ne rêvez qu’à enfiler des cafignons et à vous coincer les fesses derrière votre bureau. C’est pas comme ça que…

    – Non, c’est pas comme ça, coupa le caporal Jeannet qui sentait qu’il n’allait plus pouvoir se dominer bien longtemps.

    Botteron avait beau avoir été l’un de ses copains d’école puis de mistonneries juvéniles, il fallait à tout prix éviter d’en venir aux mains comme c’était arrivé trois semaines auparavant. Ça s’était terminé par un match nul : trois hématomes d’un côté et une coucougnette temporairement hors d’usage de l’autre.

    – On perd notre temps…

    Il enfonça ses mains dans les poches pour bien marquer ses intentions pacifiques, dut s’avancer de profil tant le Cheminet est étroit et que Botteron mettait son honneur à ne pas lui céder le passage. Il le bouscula légèrement en le croisant, sentit que l’autre s’arc-boutait, mais sans insister.

    Dans dix minutes, à sa façon d’ouvrir la porte, l’épouse de Jeannet devinerait ce qui s’était passé et lui lancerait :

    – T’as de nouveau rencontré Botteron ?

    Le monde est juste. Le conseiller de bourgeoisie fut donc accueilli par une semblable apostrophe.

    Comme tous ceux qui manquent de confiance en eux-mêmes et que la vie a confinés dans des tâches subalternes, Botteron, aussitôt élu, n’eut plus qu’une obsession : démontrer son efficacité dans la charge qui lui fut impartie, celle d’intendant des domaines. Il avait longuement et laborieusement élaboré un plan d’action avec des buts précis. Emporté par son élan, il l’avait complété d’un échéancier. La réalité le rattrapa comme la promesse le politicien. Et sur le premier point de son programme, pourtant modeste. La bourgeoisie possédait une grande partie des forêts du district. L’exploitation du bois commençait à rapporter modestement, en raison de la crise énergétique. Mais le bénéfice était mangé par les charges causées par l’entretien des chemins. Il les fit donc interdire à toute circulation privée. Sans résultat appréciable. Ce n’étaient pas les quelques touristes ou champignonneurs qui causaient des déprédations, mais les amateurs d’enduro, avec leurs accélérations qui faisaient patiner les roues, leurs freinages qui creusaient des sillons, leurs virages à pleins gaz qui projetaient terre et gravier sur l’herbe des bas-côtés.

    Botteron se rappelait la première alerte. C’était l’été dernier. Il prenait le frais, après souper, sous le cerisier, derrière sa maison de Faubourg. Des hirondelles trissaient si haut dans le ciel qu’on croyait qu’elles s’amusaient à becqueter les cirrus roses. Le joran allait bientôt se lever. Il ferait beau demain. Quelques maisons plus loin, Willy jouait du violoncelle pour rendre la vie plus harmonieuse encore. Il terminait la sarabande de la Suite pour violoncelle N°1 de Bach. Il laissa retomber l’archet, respira trois fois profondément, puis le releva pour attaquer le premier menuet.

    Le hurlement s’empara soudain de la forêt, à la hauteur du Pavillon, se répercuta sur les rochers, monta dans les stridences pour tout à coup s’assagir avant d’assourdir à nouveau. Cela s’éloignait, faisant espérer qu’ils se rendaient là-haut, sur le Plateau, mais ils revenaient, s’abattaient comme des étourneaux sur la vendange, occupaient la terre et le ciel de leurs discordances.

    C’était dans les forêts de sa bourgeoisie, ses forêts, sur ses chemins et ses sentiers. Il était trop fatigué pour entreprendre quoi que ce soit, même pour téléphoner à la police. Et jusqu’à ce que les flics réagissent, les mistons s’en seraient allés. Cela dura une demi-heure. Il n’en dormit pas. Mais vendredi prochain, il serait prêt.

    La semaine suivante, il était monté jusqu’à la cabane des Bûcherons et avait parqué sa voiture en retrait. Il baissa la vitre et attendit au volant. C’est par ici que ces vauriens finissaient d’habitude, à boire de la bière, après avoir violé le silence de la forêt et semé la panique parmi la faune. Ce ne fut pas long. Ils devaient être cinq ou six, venant du Pré-Messieurs, à pleins gaz sur leurs enduros. Botteron enclencha la première, lâcha l’embrayage. Son quatre-quatre bondit en avant. Il le bloqua au milieu du chemin au moment où les motards sortaient du virage, deux de front. Les premiers l’évitèrent de justesse, pas le troisième. Déséquilibré, il toucha le flanc de la voiture, tenta de redresser sa trajectoire, mordit l’accotement, se mit de travers, glissa dans le fossé au fond duquel, emporté par son élan, il parcourut encore une dizaine de mètres avant de s’immobiliser.

    C’était le moment. Le conseiller de bourgeoisie ouvrit la portière. Elle se rabattit violemment sous le coup de pied d’un gars qui chevauchait toujours son véhicule. Bientôt, quatre de ses camarades le rejoignirent. Ils se mirent à tourner lentement autour de l’automobile. Un cinquième s’approcha de celui qui avait été éjecté et qui se relevait maintenant, secouant la tête, faisant quelques mouvements des bras et des jambes, puis releva son enduro, l’examina et leva le pouce avant de rejoindre la horde.

    Ils s’étaient tous arrêtés, moteur au ralenti, cernant complètement la voiture. Ils se penchaient en avant, examinant le conducteur. Impossible de les reconnaître. Parmi eux, une fille, dont les longs cheveux dépassaient du casque intégral à la visière fumée. L’un leva une main gantée, pointa un index menaçant en direction de Botteron, pris au piège. Pour se protéger, il ne put qu’appuyer sur le levier qui bloquait les portières.

    Le motard qu’il avait envoyé dans le fossé s’ébroua pour retrouver ses esprits. Il rebroussa chemin et s’approcha posément. Il tira sur la fermeture à glissière de la poche pectorale de sa veste de cuir, en tira un couteau, appuya sur le cran d’arrêt. La lame fusa. Il fit le tour de la berline, le poignet bloqué sur le manche. Dans un crissement qui sembla interminable, la peinture éclata, s’écailla. L’éraflure marqua tout le tour de la carrosserie. Puis il brandit son arme en direction de Botteron, raya la vitre, se pencha, disparut à la vue du conducteur. Le châssis s’inclina sur la droite. Pneus crevés. L’autre se redressa, rétracta la lame, rangea son couteau et leva à nouveau le pouce. Il avait terminé. Les moteurs hurlèrent. La bande disparut dans une projection de gravillons.

    Le tremblement nerveux, de panique autant que de fureur, qui avait saisi le conseiller de bourgeoisie se calmait peu à peu quand une douleur soudaine zébra sa poitrine. Elle irradiait son torse et son bras gauche, attaqua le dos, remonta à l’avant de la mâchoire. Une bouffée de chaleur l’étouffa, puis une chape glaciale l’étreignit. Un étau broyait sa cage thoracique. La transpiration marqua sa chemise de larges souillures. Dans

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