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Le fourmi-lion: Un polar helvétique
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Le fourmi-lion: Un polar helvétique
Livre électronique218 pages3 heures

Le fourmi-lion: Un polar helvétique

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À propos de ce livre électronique

Crimes et raison d'État

Dans le troisième roman de Jacques Hirt, le commissaire Bouvier et son équipe sont impliqués dans les imbroglios de la Police fédérale, confrontés au cynisme des financiers et au démantèlement industriel. Un simple ouvrier se révolte, et tout bascule.
Gouvernement menacé, immobilisations répétées du trafic ferroviaire, assassinat d’un officier du très secret Service d’Analyse et de Prévention de la Fedpol, bavures… La raison d’État, les vérités officielles l’emportent un instant sur les faits. Mais, au fond de son piège, le fourmi-lion attend, les cisailles de ses mandibules ouvertes…

Une nouvelle affaire à démêler pour le célèbre commissaire suisse !

EXTRAIT

« Le diable se cache dans le détail » maugréait-il en lui-même.
Il lui avait fallu près d’une heure, hier après-midi, pour qu’elle consentît à céder du terrain, bribe après bribe.
La Chancelière de la Confédération l’avait appelé en fin de matinée. Elle savait qu’il ne dînait pas le dimanche.
Ce jour-là, sauf urgence, se déroulait pour lui selon un programme immuable. Sommeil prolongé pour récupérer du manque hebdomadaire, léger jogging le long de l’Aar et achat des journaux dominicaux, puis douche suivie d’un brunch, les pieds nus sur la moquette : un demi-pamplemousse, un müesli au yaourt écrémé et aux fruits frais, un double express.
Il était en train d’achever sa revue de presse, les orteils en éventail, quand le téléphone avait sonné. Elle ne s’était pas annoncée. Inutile. Il connaissait sa voix. Elle ne s’était pas excusée non plus de le relancer un dimanche. Il n’y avait pas de jours fériés pour elle, ni pour lui. Il n’y avait que le service de l’État.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Jacques Hirt est né en 1937 et vit à La Neuveville, aux confins de la Romandie. Il obtient son brevet d’instituteur à Porrentruy puis poursuit ses études aux universités de Neuchâtel et Berne. Il enseigne au Collège du District de La Neuveville dont il sera le directeur pendant trente ans. Après trois mandats au Conseil de ville, il est élu maire de sa cité. Il exerce cette fonction pendant douze ans et préside aussi la Conférence des maires du Jura bernois. Il participe activement aux destinées culturelles de son pays, au sein de commissions cantonales et interjurassiennes. Il est l'auteur de Une Bière pour deux, Le Fourmi-Lion, Carré d’Agneaux, Embarcadère Sud, Deux Meurtres et demi aux Éditions RomPol.
LangueFrançais
ÉditeurRomPol
Date de sortie24 mai 2017
ISBN9782940164530
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    Le fourmi-lion - Jacques Hirt

    1

    « Le diable se cache dans le détail » maugréait-il en lui-même.

    Il lui avait fallu près d’une heure, hier après-midi, pour qu’elle consentît à céder du terrain, bribe après bribe.

    La Chancelière de la Confédération l’avait appelé en fin de matinée. Elle savait qu’il ne dînait pas le dimanche. Ce jour-là, sauf urgence, se déroulait pour lui selon un programme immuable. Sommeil prolongé pour récupérer du manque hebdomadaire, léger jogging le long de l’Aar et achat des journaux dominicaux, puis douche suivie d’un brunch, les pieds nus sur la moquette : un demi-pamplemousse, un müesli au yaourt écrémé et aux fruits frais, un double express.

    Il était en train d’achever sa revue de presse, les orteils en éventail, quand le téléphone avait sonné.

    Elle ne s’était pas annoncée. Inutile. Il connaissait sa voix. Elle ne s’était pas excusée non plus de le relancer un dimanche. Il n’y avait pas de jours fériés pour elle, ni pour lui. Il n’y avait que le service de l’État.

    — Cet après-midi, à deux heures, dans le bunker, avec tout l’état-major.

    — Parce que Blüscher remet la compresse ? demanda Wezl. Je viens de lire ses déclarations aux journalistes parlementaires. Il ressasse son couplet ! Sa tactique habituelle. Comme la plupart des politiciens, il est persuadé qu’il suffit de répéter dix fois un bobard pour qu’il devienne vérité.

    De nouveau, le chef du Département fédéral de justice et police s’était répandu. Il avait répété son intention de réduire drastiquement le personnel. Sans consulter ses collègues. De nouveau, il se la jouait perso et s’en gargarisait. Ancien patron d’une multinationale, il n’avait pas changé de méthode en passant du privé au public. Il détestait le compromis, cette mollesse de l’homme de pouvoir, prétendait-il.

    — Nous sommes dans le collimateur ? C’est pour nous, cette fois ?

    Jean-Paul Wezl, directeur de l’Office fédéral de la police, sentait la mauvaise humeur l’envahir insidieusement.

    — Non, dit-elle, pas du tout. Je vous appelle pour autre chose. Quelque chose… d’embarrassant.

    — Et quand vous êtes dans l’embarras, vous convoquez tout mon état-major ? Vous plaisantez !

    — C’est peut-être grave.

    — Peut-être, seulement ? Écoutez. Est-ce grave et y a-t-il urgence ?

    — Oui, les deux. C’est à traiter sérieusement. Si ça éclate et que le Conseil fédéral apprend que nous avons tergiversé, des têtes vont tomber. Blüscher n’attend que cela.

    — Du calme. Vous me faites un rapide topo et nous décidons des mesures à prendre. Je peux ensuite réunir mon équipe dans l’heure, mais seulement si c’est indispensable,

    — Pas au téléphone !

    — Bien, soupira-t-il. À votre bureau. Dans une demi-heure ?

    Le Palais fédéral, pour les personnes autorisées, est ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre, l’année durant, avec toute sa logistique à disposition. Ils y seraient tranquilles en ce dimanche après-midi de printemps et pourraient au besoin agir immédiatement.

    Il avait obtenu ce qu’il désirait : une entrevue préalable avec la Chancelière lui permettrait de cerner le problème, d’apprécier sa gravité et son urgence éventuelles, puis de décider qui il serait utile de mobiliser. « Pas facile de la faire céder, cette nana ! » soupira-t-il.

    Forte de ses prérogatives, elle s’y accrochait comme un pitbull à un mollet de facteur. Et, quand elle pressentait un sérieux ennui, elle levait les troupes. Normal, au fond : les sept ministres n’hésiteraient pas à l’utiliser comme fusible au moindre court-circuit.

    Elle lui rappelait parfois les étranges insulaires des Voyages de Gulliver, les Grosboutiens et les Petitboutiens, qui en étaient arrivés à une guerre civile au motif que, pour manger un œuf à la coque, les uns le cassaient par le gros bout, les autres par le petit. La Chancelière s’arc-boutait également sur des principes, parfois jusqu’à la limite du raisonnable, comme toute personne de pouvoir. Si elle avait cédé aujourd’hui, c’est qu’elle était demandeuse. Mais de quoi ?

    Il avala une dernière gorgée de café en râlant : « M’étonnerait pas que, en plus, les œufs soient pourris… » Dans son boulot, il y en avait des paniers…

    L’entretien avec la Chancelière avait duré vingt minutes. Ce qu’elle lui révéla alors le convainquit de la nécessité de convoquer ses collaborateurs les plus proches. Mais le lendemain seulement. Il avait décidé, quant à lui, de passer la seconde partie de l’après-midi au Centre Paul Klee pour s’évader dans la poésie lumineuse du peintre. Deux fois déjà, il avait passé un long moment devant « L’Étoile qui enseigne à s’incliner ». Un nouvel éblouissement l’attendait. À la Fedpol, tout n’était qu’analyse, déduction, synthèse et action. Wezl compensait par les beaux-arts, la Chancelière par les longues balades dans les Préalpes bernoises. Chacun aurait ainsi le loisir de se distancier des événements pour, ensuite, les reconsidérer sereinement. L’urgence était relative, elle ne devait pas entraîner une décision précipitée.

    Six heures et demie d’une aube ébouriffée de soleil levant. Le Jardin des Roses s’éveillait, déjà énamouré de l’effleurement timide des premiers rayons.

    Moins d’un kilomètre à parcourir depuis son domicile sur la rive droite de l’Aar. Un quart d’heure à se ressourcer avant de plonger dans l’antre.

    Les arroseuses-balayeuses de la ville venaient de passer. Le seul moment de la journée où le bitume avait une odeur agréable. Comme si les rues de la capitale venaient de prendre une douche de jouvence. Sur le rebord des fenêtres, les géraniums pétulaient de couleurs. Ils n’étaient jamais si fiers d’être suisses qu’au petit matin, quand tout est neuf.

    Le directeur de l’Office fédéral de la police avait jugé, après son entrevue de la veille, que la présence de certains de ses collaborateurs n’était pas nécessaire.

    Ils n’étaient ainsi que quatre à avoir pris place dans le bunker du sous-sol de la Nussbaumstrasse 29, siège de la Fedpol. Wezl, par politesse, s’était installé au mauvais bout de la table de conférence. La porte d’entrée était dans son dos. Où qu’il fût, il s’asseyait toujours pour faire face au seul endroit d’où pouvait surgir l’imprévisible. Après plus de vingt ans de fonctions, parvenu au commandement suprême, il ne pouvait se départir de ce vieux réflexe de flic. Aujourd’hui, la bonne place était réservée à l’autre…

    La salle était incluse dans un vaste abri antiatomique, qui comprenait deux tunnels de fuite. L’un débouchait dans le sous-sol d’une administration, deux cents mètres plus loin. L’autre cavalait jusqu’à un dépôt de l’ancienne remonte fédérale. Une trentaine de personnes pouvaient y travailler et subsister des semaines en toute indépendance de l’extérieur, toutefois reliées aux organes décisionnels du pays par un réseau autonome de communication.

    Il consulta sa montre. Tantôt sept heures. Tous les quatre étaient là maintenant, selon le principe de ponctualité de la maison : être à l’heure, c’est se trouver sur place deux minutes avant. Ils l’attendaient, elle, en silence. À part un rétroprojecteur à l’autre extrémité, rien sur la table : par mesure de sécurité, on ne prenait aucune note, aucun procès-verbal n’était tenu. Mais les chefs de division présents ne pouvaient en prétexter pour prétendre qu’un détail leur avait échappé, quelle que fût la durée de la séance.

    Plus que quelques secondes. Ses collaborateurs directs avaient maintenant fait silence. Ils étaient deux à sa gauche et une seule à sa droite autour de la table rectangulaire : Ute Rütikhof, la cheffe de la Division Support, responsable du personnel, des finances, de l’informatique et de la logistique. Elle arborait la quarantaine dynamique, toujours en tailleur de marque, le teint pâle, les yeux verts et la chevelure rousse. Où qu’elle fût, on ne remarquait qu’elle. Et on la prenait pour une autre. Quand elle déambulait sous les arcades bernoises, le regard haut, chacun se demandait dans quel magazine il l’avait vue : mode, cinéma ? Elle dirigeait plus de huit cents personnes, gérait un budget aux nombreuses rubriques secrètes et s’envoyait régulièrement en l’air : parachutisme, vol delta… Parfois un mec.

    En face d’elle, avec un léger décalage, Urs von Diessbach, le patron du Service d’analyse et de prévention – le SAP – chemise noire et veston clair, lunettes à fines montures. Son front prenait de l’amplitude en raison d’une calvitie sortie victorieuse des lotions les plus onéreuses et des massages les plus frénétiques. Il la compensait par une moustache et un collier, tous deux grisonnants et coupés court.

    Il passa machinalement un index dans son col et surprit le regard amusé d’Ute Rütikhof. « Oui, je sais, pensa-t-il, j’ai pris trois kilos… »

    Ce n’était pas le cas de Matthias Schlüssel, assis à sa gauche. La ligne du responsable de la protection des autorités et des immeubles n’avait pas changé depuis vingt ans. Quand il était entré dans la Fedpol, il avait des bourrelets. Il les avait toujours. Un fidèle…

    Un claquement de hauts talons résonna dans le couloir d’accès. Lorsque la Chancelière fédérale entra, tous se levèrent par respect. Rosemarie Stuber-Hodel s’arrêta pour les saluer d’un bref sourire, les pria de prendre place, contourna la table, déposa un dossier cartonné devant elle et resta debout. À ce moment précis, dans un déclic feutré, la grande aiguille de l’horloge murale sauta à la verticale.

    — Madame, Messieurs, permettez-moi d’aller droit au but. Voici.

    D’un preste mouvement de la main droite, elle enclencha le rétroprojecteur puis tira du dossier un transparent qu’elle y déposa.

    — Je vous laisse prendre connaissance.

    Elle s’assit.

    Derrière elle, sur le mur de béton peint à la dispersion blanche, apparut la reproduction d’un courriel.

    De : Alain Baume

    À : Conseil fédéral

    Objet : ralbol

    Markus Löwenberg,

    Vous avez fourgué Swissair aux Boches, abandonné les chemins de fer aux vandales et maintenant vous voulez nous polluer avec une centrale à gaz.

    Ou vous rectifiez le tir, ou c’est vous qu’on rectifie.

    — Je vous en montre encore un.

    De : Charles Dupont

    À : Conseil fédéral

    Objet : alarme

    Reto Blüscher,

    Vous aviez promis. Et maintenant que vous êtes au gouvernement, plus rien. Les agressions, la drogue : toujours pire. Et ils nous narguent !

    Ou vous nettoyez le pays, ou c’est vous qu’on nettoie.

    Elle retira le transparent, éteignit le rétroprojecteur.

    — J’en ai cinq autres dans le dossier, ajouta-t-elle en le brandissant. Tous les conseillers fédéraux sont visés personnellement. Et tous les courriels ont été envoyés samedi dernier.

    — Les identités sont évidemment usurpées, enchaîna le directeur de la Fedpol. Les sept courriels ont été envoyés à partir d’un cybercafé de Bienne, ainsi que l’a rapidement découvert le Service informatique de mon cher collègue, que j’ai alerté hier. Du bon boulot, conclut Wezl en se tournant vers Matthias Schlüssel.

    Le chef du Service fédéral de la sécurité était en effet directement concerné. À la tête d’une division de cent trente personnes et responsable de la protection des autorités et des immeubles de la Confédération, on le trouvait parfois excessif dans les mesures qu’il prenait. Ainsi, à leur insu, les sept ministres étaient sous protection discrète mais permanente, de jour comme de nuit. Cela depuis deux ans. Schlüssel préservait de la sorte une certaine image de la Suisse, pays pacifique, démocratie exemplaire, dans laquelle les conseillers fédéraux se rendent à leur bureau à pied, s’accordent parfois un moment de répit à déambuler sous les arcades de la capitale, empruntent les transports publics. C’était certes vrai, et l’on voyait fréquemment la Ministre des affaires étrangères descendre du premier train en provenance de Genève, traverser la place de la Gare pour sauter dans le tramway qui la menait jusqu’à la place Fédérale. Admirablement seule, l’épaule creusée par la bretelle d’un sac rouge obèse de dossiers. Les badauds lui adressaient un hochement de tête respectueux. Les plus hardis la saluaient par son nom. Elle répondait d’un discret « bonjour » assorti d’un sourire retenu : celui d’une timide. C’est de son regard qu’on se souvenait : il communiait. Et tous de s’émerveiller de sa simplicité :

    — Tu te rends compte, Germaine, elle dispose d’une limousine avec chauffeur et elle fait la Schauplatzgasse en tram avec nous. Quand on pense à ces pète-sec de petits fonctionnaires qui vous prennent de haut !

    — Et elle répond quand on la salue ! Dans mon immeuble, il n’y en a pas la moitié. Les jeunes, je dis même pas !

    — Elle fait pas sa fière. T’as vu, elle reste même debout !

    La ministre faisait l’unanimité. Sauf sur un point. Le pays était profondément divisé sur sa coiffure. C’était le dernier recours des bourges et des machos : « Elle est peut-être bien, mais sa frange ! »

    Ce que le bon peuple ignorait, c’est que, sur le quai d’arrivée de l’InterCity, dans les passages sous-voie et dans le tram se trouvaient des gars bon chic-bon genre, jamais seuls, prêts à intervenir. Mais les apparences étaient sauves car, selon le postulat de Schlüssel, « ce qui importe, ce n’est pas la réalité, mais ce que les gens voient – ou ne voient pas. »

    — Oui, du boulot pour moi, admit le chef de la sécurité.

    — Un instant ! coupa le big boss. Nous avons certes des menaces, mais d’une banalité ! Je les ai toutes examinées. L’œuvre d’un mégalomane ou, du moins, d’un déséquilibré. Disons d’un individu mal dans sa peau et qui compense par de l’agressivité. Ces courriels sont d’une pauvreté rédactionnelle navrante. Un style qui confine à l’indigence. Ces menaces sentent à plein nez l’œuvre d’un paumé assommé de frustrations et d’échecs répétés.

    — Entièrement de votre opinion, reprit Schlüssel, mais nous ne pouvons ignorer ce paumé dans l’attente d’indices supplémentaires. Il est fêlé, aucun doute. Et il a franchi une première étape. La suivante est le passage à l’acte. Je ne peux en prendre le risque. Mon boulot, c’est de le prévenir. Quitte à lancer une meute entière à ses hauts-de-chausses pour finalement débusquer un hurluberlu quelconque.

    Il marqua un temps et corrigea :

    — Pour lâcher mes lévriers, il me faudrait une piste. Nous ne disposons que des courriels d’un aigri. Les gars qui ne supportent pas leur petit chef, leur femme, leur belle-mère ou leur voisine représentent quoi ? Un dixième de la population.

    — Vous dites « les gars » et vous avez bien raison, releva Ute Rütikhof. Il y a tout autant de femmes qui ne supportent pas leur petit chef, leur mec, leur beau-père et leur voisin. Mais elles ne sont pas assez stupides pour en rendre le gouvernement responsable et, en plus, le menacer. Ça, c’est typiquement masculin.

    — Et votre déduction, celle d’une militante féministe !

    — Ce qui n’infirme en rien sa justesse.

    Un discret raclement de gorge suffit à interrompre l’échange.

    — Êtes-vous sûrs de ne pas vous éloigner du sujet ? demanda Wezl.

    Le ton était assez ferme pour que les deux interlocuteurs se rendent compte qu’il fallait arrêter là. Le big boss ne s’emportait jamais. Une soudaine nuance dans le regard, le menton qui se relevait d’un rien, une inflexion de la voix… et tout rentrait dans l’ordre. On savait qu’on avait atteint la limite. Tous ignoraient ce qu’il y avait au-delà.

    — Et vous, von Diessbach ? poursuivit Wezl. Votre Service d’analyse et de prévention n’a rien vu venir ?

    — Non, rien.

    Le chef du SAP n’était pas du genre méandreux. Toujours droit en avant. Aucun de ses services n’avait flairé la chose. Ça l’ennuyait, mais c’était ainsi.

    — Dans les milieux où nous avons des taupes, enchaîna-t-il, pas le moindre frémissement. C’est même plus calme que d’habitude. Le seul élément, pour l’instant, pourrait être le lieu d’envoi des courriels.

    — Votre hypothèse ?

    — Simple : un olibrius qui a disjoncté et qui habite une région assez bien circonscrite.

    — Les risques ?

    — Faibles pour l’instant. Pas matière à lancer le grand jeu. Notre client ne demande qu’une chose : qu’on parle de lui, que les journaux s’emparent de l’affaire, qu’il apparaisse à la une. Je propose de ne pas lui en donner l’occasion. Notre meilleure arme est le silence. Elle l’obligera à faire un pas de plus. Le pas de trop.

    Le grand patron se tourna vers la Chancelière.

    — Les

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