Les goélands d’Étretat

Hadrien avait 10 ans quand ses parents reprirent la boulangerie du Père Duclos à Etretat, jolie petite station balnéaire immortalisée dans les peintures impressionnistes de Claude Monet. La France soufflait pendant l’entredeux-guerres ; une clientèle chic défilait au casino de la ville et y dépensait ses deniers sonnants et trébuchants. M. Maurice Leblanc, celui qui avait donné vie au gentleman des voleurs, Arsène Lupin, était un fidèle client de la boulangerie familiale. Hadrien, rouennais dans l’âme et petit rat des villes eut un coup de cœur pour cette station balnéaire qui lui semblait perdue au bout du monde.

L’enfant des villes s’habitua aux plages de galets sur lesquels il finit par marcher pieds nus. Il se laissait envelopper par les embruns de la mer et les cris stridents des goélands argentés le fascinaient. Les falaises escarpées qui semblaient avoir été sculptées par des géants de la mythologie l’impressionnaient. Les grottes nichées dans ces falaises renvoyaient à son imagination fertile des légendes plus folles les unes que les autres.

Et le vent, orateur amical et invisible, murmurait à ses oreilles. Une fois, il accompagna même M. Leblanc au cours de l’une de ses marches dans Etretat et leurs pas les menèrent jusqu’à la fameuse Aiguille devenue aujourd’hui célèbre dans le monde entier. Hadrien eut droit à un exposé inoubliable à propos de cette formidable curiosité, produite par une érosion millénaire et qui inspira le roman éponyme de l’écrivain.

Lors de ses pérégrinations sur la plage, il rencontra la rousse Rosy, au visage criblé de taches de son. De grands yeux bleu clair lui mangeaient le visage.

Rosy savait apprivoiser les goélands. Rosy était une enfant du terroir.

Fille de pêcheurs, elle était née à Etretat. Après l’école, elle allait nourrir de morceaux de pain rassis ses amis volatiles. Rosy régnait en reine sur les falaises d’Etretat qui étaient son royaume. Elle connaissait des