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L'Érudit Saison 01: La Larme Noire
L'Érudit Saison 01: La Larme Noire
L'Érudit Saison 01: La Larme Noire
Livre électronique446 pages5 heures

L'Érudit Saison 01: La Larme Noire

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À propos de ce livre électronique

La Larme Noire, une calamité qui s’attaqua à une race, autrefois crainte et respectée, les Érudits.

Avides de connaissance et vivants sous un code de vie exemplaire,
personne n’aurait pu prévoir cet horrible fléau.

Un à un, les Érudits se mirent à verser des larmes aussi épaisses que de la vase,
et après des jours d’agonie, ceux atteints par cette maladie périrent dans d’atroces souffrances.

Pour ne pas être victimes de la maladie, les cinq autres races (Broniac, Lucas, Thermon, Ferthux et Wingos) prirent les armes puis traquèrent la source de la Larme Noire… les Érudits.

Ceux-ci furent chassés à travers le globe telles des bêtes sauvages, frôlant leur extermination.

Douze ans s’écoulèrent.

Un Érudit amnésique et arrogant, du nom de Nero, tente de trouver qui il est.
Celui-ci se lie d’amitié avec une jeune Lucas, Seven, et un petit Ferthux du nom d’Arco.

Ensemble, ils débutent une carrière de mercenaires. Gardant ses origines secrètes au reste du monde, Nero accepte une mission qui le mène au Royaume de Mauve…
Là où le début d’une longue et hasardeuse aventure l’attend.

Aventure où il trouvera réponses, dangers et mystères stupéfiants.
Comment fera-t-il face à ces épreuves ?

De toute évidence, avec son sourire arrogant, son audace et son envie folle de se surpasser.
LangueFrançais
Date de sortie16 avr. 2020
ISBN9782925014577
L'Érudit Saison 01: La Larme Noire

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    Aperçu du livre

    L'Érudit Saison 01 - Alex Turcotte-Roy

    Turcotte-Roy

    Saison 1

    Prologue

    Épisode 01

    L’Érudit

    Cela faisait maintenant deux semaines que Louise Arche avait fait son sac et s’était mise en route pour Mauve, royaume vaste, glorieux et riche, autant en population qu’en terres et légendes. Ce n’était par contre, pour la jeune Broniac, qu’un arrêt parmi tant d’autres.

    Quelques années plus tôt…

    Ayant traversé et découvert la partie nord du continent marchand Narshen, Louise cherchait, encore aujourd’hui, la primeur qui la ferait passer à l’histoire. Et, bien que l’histoire n’était qu’une agréable excuse à ses yeux, le gain remporté pour un tel honneur était ce qui nourrissait son ambition. Un nom historique encaissait richesse et gloire… L’immortalité à l’état pur.

    C’est ce que cherchait cette jeune Broniac intrépide lorsqu’elle s’élança dans sa carrière de chasseuse de primeurs, deux ans plus tôt. Bien sûr, cette même carrière ne l’aurait pas intéressée sans une histoire à raconter.

    En fugue, à peine âgée de seize ans, Louise avait débuté sa nouvelle vie par le vol et l’arnaque. Quoi de mieux que d’user de son charme et de ses compétences au jeu pour se remplir les poches ? La vie lui paraissait simple, car il n’y avait ni loi ni règle à suivre et la gagner (jusqu’à ses dix-huit ans) ne fut d’aucun embarras.

    C’est par un soir orageux que sa perception des choses avait changé, pour le mieux.

    À bord d’un train, en direction des terres de Blue, le pilote avait annoncé l’arrêt de l’engin, le temps que la tempête se calme. Les choix offerts étaient simples. Attendre dans une auberge non loin, ou rester dans cette locomotive qui empestait la fiente.

    Bien qu’elle fétichisait les hôtels de grand luxe et les baignoires chaudes, Louise avait ravalé sa fierté en allant à cette auberge. Délabrée, rongée par les termites… Quand le tenancier lui remit un verre qui venait de servir de pichet pour les fuites, celle-ci crut que le comble du malheur venait de sonner à la porte.

    La jeune Broniac (qui prenait toujours la peine de mettre un linge de dentelle sur son tabouret) ne voyait pas comment la soirée pouvait chanceler davantage vers le pire. C’est alors qu’un homme couvert d’une longue cape noire avait fait irruption. Celui-ci n’était ni soldat ni mercenaire. Il n’avait l’allure d’aucun luron qu’elle avait eu l’occasion de rencontrer depuis sa fameuse fugue. Les gens du coin, ainsi que quelques passagers du train, semblaient bien le connaître. Il était chasseur de primeurs.

    Ce dernier était réputé pour annoncer les primeurs les plus juteuses et les plus glorifiantes. Certes, très peu de gens s’affrontaient à une telle vie, et les actions de cet homme n’intéressaient en aucun cas la jeune Louise. Au contraire, celle-ci n’avait d’yeux que pour la bourse juteuse qu’il tenait fièrement dans ses mains. (La dernière primeur qu’il venait de vendre lui avait ramené suffisamment de kinos pour rénover ce village en entier.)

    Une seule nouvelle… pour autant ?

    À la fois abasourdie et enchantée par la récompense, Louise venait de trouver la carrière qui allait faire sa vie. Bien sûr, rien n’était aussi simple. Encore aujourd’hui, Louise n’avait toujours pas trouvé la primeur qui allait la couvrir d’or. Mais son avidité et sa détermination étaient sans limites.

    Elle eut droit à ses moments et à ses déceptions. Comme le jour où elle escalada une montagne à la recherche d’une créature enchantée. Selon les dires, cette bête mythique portait à son cou une breloque en or (qu’elle avait dérobée des mains livides d’une princesse). À dire vrai… l’histoire laissait à désirer. Mais Louise pensait faire d’une pierre deux coups !

    En revanche, mythe ne porte pas ce nom pour rien…

    Louise avait cherché à s’en bleuir le bout des doigts, avant d’abandonner. Cette mésaventure lui avait pourtant servi de leçon. Certes, le travail de chasseur de primeurs consistait à suivre les pistes transmises par les rumeurs et les commérages. Mais cela ne voulait pas dire qu’il fallait toutes les suivre. C’est alors que Louise instaura son code. Lorsqu’un individu lui parlait d’une fameuse rumeur, elle le faisait jurer afin de déterminer sa pertinence. Si la personne jurait sur la pierre tombale d’un défunt, sa rumeur ne valait pas mieux qu’un cheval de course à trois pattes. Mais par contre, s’il jurait sur la tête de ses enfants, alors là, la rumeur méritait le bénéfice du doute. Finalement, s’il jurait sur sa propre tête, la rumeur frisait le seuil de la vérité !

    C’est ainsi que Louise avait débuté une carrière lucrative, dévoilant les plans de dangereux brigands, et mettant au grand jour les activités sombres de vilains nobles. Ces découvertes lui méritèrent un article dans certains des magazines les plus populaires. Mais tout ça n’était pas assez ! Où étaient son or, son palace et ses mille et un serviteurs qui obéiraient à ses moindres caprices ?

    Ce rêve sembla pourtant lui sourire enfin quand, un soir, elle croisa la route d’un ivrogne qui trinquait à l’apocalypse. « Pour être aussi désespéré, il doit avoir quelque chose à dire ». Elle n’eut pas à le supplier. L’homme se vida aussitôt le cœur verbalement, avant de le faire physiquement. Au-delà de son accent ivre, Louise comprit vite le fond de l’histoire. L’homme parlait de la possibilité que Judass, grand général de Mauve, trempât dans quelque chose… quelque chose de lourd… de sombre.

    Un homme comme Judass, respecté et craint de tous… découvrir sa face cachée allait certainement être la primeur de l’histoire. Le soûlard jurait sur sa tête, son âme : « Judass est un monstre », répétait-il et Louise n’avait pas à en entendre davantage.

    Royaume de Mauve…

    Alors qu’elle se frayait un chemin dans les jardins du palais royal, Louise ne pouvait s’empêcher de repenser à cette soirée. Celle où un simple ivrogne l’avait guidée sur cette nouvelle piste. Elle avait tant travaillé pour en arriver à ce jour, et comme si la Déesse Créatrice était en sa présence, le temps de sa petite visite ne pouvait être plus qu’opportun. L’anniversaire de la princesse de Mauve, Orphea, approchait à grands pas et pour célébrer ce moment historique, le royaume tout entier organisait une fête en son honneur.

    Les festivités avaient lieu dans le grand jardin de la famille royale, à l’extérieur du palais. La sécurité allait donc être plus que minime à l’intérieur. Louise retenait difficilement l’excitation qui lui en picotait le bout des orteils.

    Contournant le dernier groupe de gardes, celle-ci trouva refuge derrière une armure décorative. Elle sentait son cœur lui acharner la poitrine. Son souffle était court, mais son sourire était assoiffé de succès. Une fois la voie libre, la jeune Broniac lança un dernier coup d’œil, par précaution, puis serra les poings, prête pour affronter l’apogée de sa carrière.

    — Louise Arche, aujourd’hui est ton jour de gloire !

    À l’approche de son anniversaire, la jeune princesse de Mauve, Orphea, était loin de se douter que son peuple organisait une fête afin de célébrer ses dix-huit ans. N’étant pas aussi artificielle que la majorité des gens de la noblesse, Orphea n’aimait pas fêter en grand le jour de sa naissance, alors qu’il y avait tant à faire pour le peuple.

    Montée sur le trône dès son quinzième anniversaire, cette dernière avait voué son enfance à l’étude de la diplomatie, de l’économie ainsi que des activités militaires, dans le but d’emprunter le droit chemin. Être une reine, digne de diriger un royaume, n’était ni un jeu ni une vocation. Il s’agissait d’un devoir… Un devoir transmis par son père et ses ancêtres.

    Bon nombre de résidents de Mauve vénéraient cette jeune princesse au cœur d’ange, dévouée et ambitieuse. Et parmi eux, certaines des plus puissantes familles du royaume, influentes et avides, rêvaient du jour où elle chercherait un prétendant. Mais cela n’était point pour maintenant. Elle n’embrassait ni amour ni pouvoir. Et seule Serhadiez, grande Déesse Créatrice, pouvait se risquer à imaginer quand.

    Et ce n’était pas sans raison !

    La guerre contre le Royaume de Blue (qui avait duré plus d’une décennie) aboutissait enfin à son terme tant espéré. Cette même guerre avait privé le royaume de son roi… dérobé l’enfance de la jeune princesse et la vie de nombreux braves. Encore ravagé, Mauve commençait à peine à se redresser.

    Préoccupée que par le bien-être de ses sujets, Orphea ne voulait pas passer une journée à siroter du champagne, au milieu de visiteurs opportunistes. Tant qu’à ne rien faire, autant s’installer sur un canapé, thé à la main, avec un bon livre sur les jambes.

    Bien sûr, le grand général de son armée, Judass de Mauve, lui avait offert d’annuler cette cérémonie absurde. Mais, quelques jours suivant cette proposition, cette dernière avait subitement changé d’idée, au grand étonnement de tous. Avait-elle soudainement envie de fêter ? Était-ce pour ne pas attrister ceux qui s’étaient donné tant de mal pour elle ? Personne ne le savait… et la surprise fut totale quand elle demanda à Judass une garde supplémentaire. « C’est inutile », lui avait répondu le grand général, offensé.

    L’armée comprenait deux mille infanteries légères, mille infanteries lourdes et plus de cinq cents archers, tous prêts à donner leur vie pour la couronne. Mais la parole de la princesse, bientôt reine, était absolue. Le grand général n’avait d’autre choix que de lui trouver cette garde supplémentaire qu’elle semblait si désespérément désirer.

    Ce dernier passa le mot, à l’ampleur des terres de Narshen, attirant l’attention de certaines Guildes, qui y résidaient. C’est ainsi que Nero et Seven, deux jeunes prodiges au sein de cette vocation ardue et hasardeuse, répondirent à l’appel. Ceux-ci avaient gagné, grâce au succès de leurs quêtes, le respect de plusieurs sur le continent et au-delà, et ce, malgré leur âge.

    Bien sûr, ils ne furent pas les seuls à répondre. Plusieurs autres mercenaires voulaient profiter de l’opportunité de servir la famille royale.

    Et peu importe leur conviction, leur courage ou leur arrogance… toutes ces qualités qui faisaient d’eux des guerriers renommés, ne valaient rien comparées aux deux jeunes mercenaires.

    Pour certaines raisons qui leur échappaient à tous, ce jeune duo dégageait quelque chose… quelque chose de grand, d’intimidant… quelque chose qui ne se ressentait qu’à de rares occasions dans une vie. « Bon, v’là notre chance qui s’envole », dirent certains qui avaient aussitôt tourné les talons. « Le duo prodige, c’est pas de veine », s’écroulaient d’autres.

    Remarques qui firent bien rire Nero, le jeune homme énigmatique de ce duo.

    Il n’était pas si surprenant qu’Orphea les choisisse personnellement. Bien qu’elle ne les avait pas rencontrés en personne, cette dernière n’avait eu qu’à faire un bref survol sur leur dossier pour faire son choix. Et beaucoup trop fier pour les aviser lui-même, Judass leur avait envoyé un simple messager (pour les en informer).

    Par désobligeance, le grand général avait posté ces derniers au-dessus de l’une des six tours de garde entourant la grande cour du jardin royal. « C’est une blague », avait répondu Seven à cette avanie de mauvais goût.

    Belle et athlétique, cette jeune femme de la race des Lucas était reconnue pour bon nombre de qualités. Maturité, sagesse… à quelques occasions… et pour son sens de l’honneur.

    Mais qui disait qualité, disait aussi grande fierté. Et c’est cette même fierté qui fut vivement émiettée quand la jeune Lucas arriva tout en haut de cette tour, vide et silencieuse. Silence qui fut aussitôt brisé par ses grommellements et ses longs soupirs de mécontentement.

    Mais une mission était une mission et bien que le client n’était pas digne de bonté, elle devait faire sa part. « De toute façon, une fois terminée, cette surveillance d’enfants gâtés rapportera gros. Je peux bien l’endurer pour l’après-midi », avait-elle conclu, le sourire aux lèvres.

    Perchée à son poste, la jeune Lucas s’était appuyée contre le rebord, munie de longues vues afin de garder un œil sur ses riches protégés. Le temps lui parut une éternité et les vifs rayons du soleil allaient bientôt rendre tout confort impossible. Mais cela n’allait pas la démoraliser.

    Elle avait vu bien pire…

    Comme cette fois où ils avaient surveillé, une journée entière, les activités plus que douteuses d’un riche noble corrompu ; Nero assis sur une branche d’arbre abritant une colonie entière de termites ; Seven dans les buissons, les mains et les pieds baignant dans la vase. Bien que leur labeur avait porté fruit, cette quête était l’exemple parfait pour convaincre Seven que sa situation actuelle n’était pas si mal.

    La journée battait son plein et, bientôt, Seven dut recourir à diverses façons pour se divertir (question de tuer l’ennui). Celle-ci observa ces femmes vêtues de robes extravagantes. Battant un éventail devant leur visage de plâtre, elles rigolaient à toute blague.

    — Oh Théodore ! Je crois avoir oublié de compter les kinos que j’ai laissés dans ma robe du dimanche, singea Seven, qui regardait les lèvres bouger.

    Puis elle aggrava sa voix pour prendre le rôle de l’époux.

    — Ne vous en faites pas chère, vous aurez tout le temps de les compter ce soir pendant que j’irai rejoindre ma maîtresse !

    Elle éclata de rire en même temps que les riches invités puis laissa tomber les épaules, échappant un long soupir lassant.

    — Honnêtement, c’est à se demander à quoi pensait cette princesse quand elle a demandé une garde supplémentaire. Pas que je me plaigne, mais… il faut admettre qu’elle n’avait pas à s’inquiéter autant. La guerre entre Mauve et Blue s’achève et le continent n’a jamais connu d’ère aussi paisible !

    Elle attendit une réponse venant de Nero, remarque ou plaisanterie. Mais rien ne vint percer ce bref moment de silence.

    — Enfin, j’imagine que ça pourrait être une belle opportunité pour les vendeurs d’armes de monter une mise en scène afin de prolonger la guerre, mais encore là… as-tu vu le nombre de soldats qui sont à son service ?

    Toujours sans réponse.

    — Malgré tout, elle fait appel à deux mercenaires comme nous, pour protéger ses petites fesses qui n’ont probablement jamais connu l’inconfort. Tu dois admettre que ça frôle le ridicule… non ?

    L’absence de réponse la fit se pincer les lèvres. Seven tourna la tête, hésitante, sachant déjà ce qu’elle allait voir. Et malgré son doute, son cœur s’arrêta de battre quand elle aperçut son partenaire, bien étendu sur le dos d’une grande statue.

    — Depuis combien de temps dors-tu, espèce d’idiot ? avait explosé la jeune Lucas.

    Le jeune homme battit de la paupière puis balança la tête de gauche à droite, d’un air désorienté. Bien que le sommeil jouait avec sa vue, il était facile de remarquer, au loin, sa jeune partenaire bien redressée, les poings serrés et les épaules bien hautes. Celui-ci pouffa de rire. (Il n’avait pu s’en empêcher.)

    Simplement, l’allure de sa partenaire, en ce moment, était sans prix. Recouverte de sueur, sa peau miroitait sous les rayons du soleil et ses courts cheveux, habituellement soyeux, étaient maintenant tapés et enchevêtrés.

    Quand il crut remarquer la sueur perler, non seulement sur son front, mais aussi sous ses bras, Nero battit de la main, faisant semblant de chasser l’odeur désagréable.

    — Ne t’agite pas trop Seven, tu déplaces de l’air, rigola-t-il.

    Offusquée, Seven se redressa bien droite. Hors d’elle, elle laissa place à sa deuxième personnalité qui était de loin, la plus effrayante… « Bon, elle entre en mode chien de garde enragé », sourit Nero.

    — Peut-être que tu dégagerais la même odeur si tu t’étais donné la peine de faire ta part ! Réalises-tu ce qui se serait passé si la princesse ou le grand général t’avait vu ainsi ?

    — T’inquiète, il n’y a aucune chance qu’ils viennent « eux-mêmes » nous rencontrer. J’y mettrais ma main au feu !

    — Mets-la-toi où je le pense ! Et si un soldat était passé ? T’y as réfléchi ?

    — Ben, je suis persuadé qu’ils vont déjà inventer quelque chose pour éviter de nous payer, alors…

    — Bon sang, Nero !

    — Quoi ?

    Elle était maintenant accroupie sur le rebord du rempart, s’égratignant les ongles sur la pierre incolore. Ils se fixèrent un moment, sans dire un mot. Seven laissa finalement tomber les épaules puis échappa un long soupir. Quelque part en elle, elle savait que Nero avait probablement raison.

    Orphea de Mauve était reconnue pour sa divine bonté… ce qui n’était pas le cas du grand général. Les chances qu’il leur tourne le dos au moment de la récompense étaient plus qu’évidentes. Seven cherchait seulement à lui faire comprendre l’importance de leur professionnalisme. « Ne vois-tu pas qu’une telle opportunité ne se représentera jamais », tentait-elle de le convaincre.

    Servir la princesse de Mauve, dite princesse du continent de Narshen ! Future reine du royaume en couleur ! Cela n’était guère une quête à prendre à la légère. Et tout ce que ce jeune homme semblait penser de cet honneur équivalait à un profond nettoyage nasal.

    Seven la joua délicate.

    — Bon, je l’admets, fit-elle en lui tournant le dos, Judass n’a probablement jamais songé à nous payer… encore moins cette princesse. Mais tu sais ce qu’on dit à notre sujet Nero ? Nous sommes le duo prodige de la Guilde ! Par principe, il est de notre devoir de faire preuve de maturité et de professionnalisme, peu importe la situation !

    — Principe ? Maturité ?

    Elle lui fit face à nouveau.

    — Oui, c’est ce que j’ai dit, répondit-elle, sur un ton hésitant.

    Nero s’étendit à nouveau, le sourire aux lèvres.

    — Est-ce que c’était par principe quand tu as déboîté la mâchoire de ce vieillard, l’an dernier ?

    — Quoi ? Franchement, il vendait des enfants au marché noir !

    — Tout doux, rigola Nero, je n’ai pas dit que je respectais le gars. Mais il avait tout de même soixante-dix ans… et j’ai entendu dire qu’il avait encore les os de sa mâchoire effroyablement broyés… dû à une certaine Lucas.

    — N’écoute pas toutes les rumeurs que tu entends à mon sujet...

    — Ou alors professionnalisme, comme la fois où tu as rempli les bottes de l’aubergiste de bouses de vache ?

    — Elle avait craché dans mes œufs parce que j’étais une Lucas !

    Seven cessa de parler, le visage bouillant d’embarras et de colère. Elle avait horreur de perdre à ce jeu d’arguments contre Nero, surtout quand elle faisait face à ce sourire si agressant. La jeune Lucas empoigna ses jumelles puis tourna le dos, définitivement, à son partenaire.

    Nero pouffa de rire, mais retint son amusement, question de ne pas recevoir les jumelles de cette dernière par la tête. Depuis le début de leur carrière, celui-ci trouvait toujours le moyen de, soit la faire rire ou la faire choquer. Et chacune de ces situations était pour lui un moment de délice.

    Le jeune homme observa sa jeune partenaire grincer des dents un moment puis reprit sa position décontractée. Quand il vint finalement pour fermer l’œil (l’autre caché d’une bande de cuir), il remarqua quelque chose d’étrange, voire même d’anormal, dans le ciel. Au début, dû aux rayons du soleil qui l’éblouissaient, il crut à un corbeau planant dans les airs. « Il est tout de même grand pour un corbeau », remarqua-t-il.

    Nero couvrit sa vue du soleil afin de mieux voir la créature qui prenait de plus en plus d’ampleur. Quand il crut voir des pattes dignes de celles d’un fauve, de grandes ailes dégageant une fumée noire, le tout couronné d’une énorme tête de corvidé ténébreux… il jugea bon de prévenir Seven.

    Tranquillement, il pointa l’énorme bête qui semblait maintenant se diriger sur lui.

    — Dis Seven, corrige-moi si je me trompe, mais cet oiseau est vraiment, mais vraiment étrange…

    Elle sourcilla puis se retourna vers lui.

    — Quoi ? De quel oiseau tu parles…

    Elle sentit alors une forte bourrasque passer derrière elle, la soulevant du sol. « Qu’est-ce qui se passe ? », s’était-elle aussitôt exclamée avant d’atterrir à plat ventre.

    Ayant à peine le temps de s’en remettre, la jeune Lucas perçut aussitôt des hurlements d’horreur et d’effroi au bas de la tour. (Les invités étaient attaqués.) Ramassant vite ses jumelles fracassées, elle se courba à nouveau sur le rempart, le cœur heurtant sa poitrine.

    Essayant de fuir cette menace ténébreuse, les invités accoururent à l’intérieur du palais, en se piétinant les uns les autres. Face à une telle cohue, les énormes oiseaux d’ombre émirent un son si perçant qu’ils immobilisèrent les invités effrayés.

    Ébranlée, Seven laissa tomber ses jumelles puis s’assura que ses dagues étaient bien à portée de main.

    — Je vais aller porter soutien aux soldats, Nero. Toi, reste ici ! Une telle situation t’obligerait à utiliser tes…

    Elle cherchait ses mots quand elle s’aperçut qu’il avait quitté son nid douillet. « Non, ne me fais pas ça », s’était-elle dite, en le cherchant d’un regard écarquillé.

    Finalement, elle l’aperçut, à la tour d’en face… prêt à bondir dans l’action.

    — Nero, reste tranquille ! Il y a trop de gens pour que tu…

    — N’essaie pas de m’en empêcher Seven, répliqua aussitôt le jeune homme, cette fête était mortelle jusqu’à ce que ces sauveurs viennent me tirer du sommeil éternel ! Autant les remercier personnellement, qu’en dis-tu ?

    — Non ! Tu restes là ! On ne peut pas risquer de te faire surprendre par la populace !

    — T’inquiète, ils n’auront d’yeux que pour nos amis irréels. Bon, on se revoit en bas, partenaire !

    — Non !

    Il mit pied dans le vide.

    — Ah ! Je déteste les Érudits ! hurla-t-elle en s’ébouriffant la tête.

    Nero se laissa bercer dans l’air jusqu’à ce qu’il croise le chemin de l’un des invités gêneurs. Surprise, la ténébreuse créature dévisagea, de ses yeux globuleux et curieux, le petit homme qui dévalait dans le vide. Quand ce dernier lui envoya la main, celle-ci poussa un croassement strident. « Il est timide », rigola Nero qui matérialisa une sphère incandescente dans sa paume. D’un mouvement gracieux, celui-ci balança sa balle enflammée dans la gueule de la bête qui éclata aussitôt en cendres.

    Voyant l’un des leurs abattu, six autres créatures d’ombre s’acharnèrent sur le jeune Érudit qui leur ouvrit les bras. L’amusement parsemant toujours son visage, celui-ci matérialisa à nouveau deux sphères de feu dans chacune de ses mains et, au lancer, les divisa en six, heurtant un à un les voraces volatiles.

    Passant dans les restes de ses assaillants, Nero prit le temps de battre ses manches couvertes de suie avant de calibrer une forte masse d’air qui allégea sa chute.

    Mettant finalement pied à terre, gracieusement, le jeune Érudit leva la tête pour constater la distance qu’il venait de faire en chute libre. « Il va vraiment falloir refaire ça un de ces jours », se moqua-t-il.

    S’avançant dans l’action, il constata que les invités avaient tous quitté la scène, à l’exception de quelques gardes, allongés au sol… blessés. Et bien sûr, tenant encore sur ses deux jambes, la fierté de l’armée, le grand général lui-même, affrontait à lui seul deux de ces énormes créatures.

    Nero arrêta d’avancer.

    Agile et rapide pour son âge, Judass méritait en tout point la gloire qui lui était attribuée. Affronter courageusement ces bêtes d’ombre, sans aide, seulement une épée cérémonielle à la main… cela ne pouvait qu’attirer le respect… même de la part d’un Érudit.

    Nero prit le temps d’observer les prouesses du grand général avant d’agir. Les créatures s’attaquaient à lui à distance, là où elles pouvaient être à l’abri de ses coups. Mais, malgré la distance et la longueur de son épée, celles-ci semblaient tout de même ressentir de la douleur quand le grand général portait une feinte offensive. Pendant un bref instant, celui-ci sembla disparaître, mais bien sûr… durant un bref, très bref instant. « Voilà qui est intéressant », songea l’Érudit qui pointa l’une des créatures. Concentrant une puissante force électrisante dans son index, Nero foudroya les deux créatures d’ombre qui disparurent sous le choc.

    Désorienté, Judass tourna vivement les talons, faisant face à Nero. Le jeune Érudit se tenait là, immobile, à quelques pas de lui. Il mit un temps à réagir, mais le grand général recula d’un pas, abasourdi, voire même intrigué.

    — Qu’y a-t-il, oh grand général, se moqua Nero ! On croirait que vous avez vu un fantôme.

    Judass serra son arme puis dévisagea le jeune Érudit, jusqu’à ce qu’un nouvel oiseau ténébreux vienne se poser devant eux. Plus docile que les autres, celui-ci se recroquevilla sous ses ailes, s’évaporant dans une épaisse fumée noire qui semblait s’étendre comme de l’encre.

    Sur leurs gardes, Nero et Judass attendirent que la fumée se dissipe pour finalement apercevoir une délicate apparence prendre forme. Un genou à terre, l’oiseau laissa place à une jeune femme, accoutrée d’une longue tunique sombre et gothique. Ses cheveux prirent forme au fur et à mesure que la fumée disparaissait. Une longue chevelure noire aux reflets bleutés descendit finalement, glissant tout au long de son dos. Enfin, un bonnet carnavalesque encadra son pâle visage muni de grands yeux écarlates.

    La jeune femme mystérieuse se redressa gracieusement puis posa son regard glacial sur le grand général qui ne sembla aucunement impressionné.

    Elle le pointa du doigt.

    — Judass de Mauve, par ordre de maître Gungnir, prépare-toi à mourir !

    Ils se placèrent tous deux en position offensive, mais quelqu’un d’autre voulut s’inviter à cette réunion plus que… touchante.

    Séparée de son adversaire par un éclair enflammé, la jeune femme pivota doucement, voire délicatement, la tête en direction de l’individu qui osait s’interposer. Quand elle aperçut Nero, celle-ci eut, étrangement, une réaction similaire à celle de Judass.

    — Qu’est-ce que tu… avait-elle dit de sa voix vide.

    Nero s’avança.

    — Désolé ma grande, mais je me sens vexé. Tu attaques mon employeur et quand tu as le choix de danser avec l’un de nous deux, tu choisis le plus vieux ? Ça blesse une fierté, ça !

    — Tu danses comme un amateur Nero, répliqua la jeune femme.

    — C’est vrai, mais… comment tu sais mon nom ?

    L’étrange Érudit et Judass le dévisagèrent, le grand général demeurant continuellement sur ses gardes.

    — Tu ne te souviens pas de moi… Nero ?

    — … non, répondit-il sur un ton hésitant.

    Celle-ci lui tourna le dos.

    — Je ne pensais pas que tu allais être ici, fit-elle en s’enfumant. Cela change tout…

    — Attends ! s’écria Nero.

    — Mais une chose est certaine… je suis bien heureuse de te voir en un morceau… Nero.

    Elle disparut, sous le regard ébahi du jeune Érudit. « Elle sait quelque chose sur moi », réalisa-t-il.

    Dévisagé par Judass, qui rengainait son arme, Nero demeura immobile pendant un moment avant de revenir à lui. Une troupe de soldats fit son entrée dans la grande cour, encerclant le grand général qui tenait encore debout, fier.

    — Occupez-vous des blessés et conduisez-les à la clinique, ordonna-t-il d’une voix forte, faites escorter les invités hors du palais.

    — Vous avez vaincu ces bêtes à vous seul général ? fit l’un de ses soldats, admiratif.

    Judass posa son regard acéré sur Nero qui l’observait de loin. Il ferma les yeux puis tourna le dos à ses hommes.

    — J’ai eu l’aide qu’il me fallait, répondit-il.

    Se plaçant en hauteur, il ordonna à ses hommes l’évacuation totale des lieux. Pour s’assurer que les choses soient faites rapidement, le grand général veilla lui-même à ce que le départ des invités se fasse dans le silence et l’ordre.

    Le visage taillé par son histoire, le regard d’un bleu azur et le crâne rasé à la peau, il n’avait rien de bien menaçant. Il n’était qu’un vieux soldat comme tant d’autres qui avait participé à maintes batailles.

    Mais, dans son cas, l’apparence n’était aucunement la cause du respect et de la crainte que ressentaient les gens à son égard. Un simple coup d’œil sur son regard pouvait plonger tout homme dans le malaise et l’embarras. Un regard qui lui faisait voir toute faiblesse et tout défaut. Il sondait les gens… non, le monde, en un quart de seconde. D’un bref regard, il semblait savoir tout de la personne qui se tenait devant lui.

    Voilà la raison pour laquelle Judass de Mauve était l’homme que le peuple de Mauve respectait, et craignait. Et c’était pour cette même raison que chacun des invités, le regard bas et effrayé, évitait de tourner la tête en sa direction.

    Tous, sauf un…

    À l’écart, les bras croisés et silencieux, Nero observait le grand général qui, malgré son amnésie, lui rappelait vaguement quelqu’un. Sans parler de cette mystérieuse femme qui semblait définitivement le connaître. Chaque question qui trottait dans sa tête en invitait une autre, et bientôt le jeune Érudit vint à se faire agacer par un mal de tête lancinant.

    Il leva l’œil sur Judass qui ne semblait avoir d’attention que pour lui et lui seul. Ils restèrent ainsi un moment, à se dévisager, comme deux fauves s’affrontant. Le dévisageait-il parce qu’il était un Érudit ? Ou pensait-il peut-être que lui et cette femme faisaient

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