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Le royaume d’Elysia - Tome 1: Elysia, les devoirs d’une reine
Le royaume d’Elysia - Tome 1: Elysia, les devoirs d’une reine
Le royaume d’Elysia - Tome 1: Elysia, les devoirs d’une reine
Livre électronique354 pages5 heures

Le royaume d’Elysia - Tome 1: Elysia, les devoirs d’une reine

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À propos de ce livre électronique

Les humains se sont transformés en vampyrs à la suite de deux guerres mondiales. La reine Elysia du royaume du Nord doit lutter contre de nouvelles menaces, non seulement pour sa propre survie, mais aussi pour la stabilité de sa nation en perpétuel conflit. Y parviendra-t-elle ?

À PROPOS DE L'AUTRICE


Alice Laurent explore des mondes peuplés de créatures imaginaires et de paysages inédits à travers ses écrits. "Le royaume d’Elysia – Tome I – Elysia, les devoirs d’une reine" en est la matérialisation.
LangueFrançais
Date de sortie7 mars 2024
ISBN9791042218249
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    Aperçu du livre

    Le royaume d’Elysia - Tome 1 - Alice Laurent

    Alice Laurent

    Le royaume d’Elysia

    Tome I

    Elysia, les devoirs d’une reine

    Roman

    ycRfQ7XCWLAnHKAUKxt--ZgA2Tk9nR5ITn66GuqoFd_3JKqp5G702Iw2GnZDhayPX8VaxIzTUfw7T8N2cM0E-uuVpP-H6n77mQdOvpH8GM70YSMgax3FqA4SEYHI6UDg_tU85i1ASbalg068-g

    © Lys Bleu Éditions – Alice Laurent

    ISBN : 979-10-422-1824-9

    Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

    Prologue

    Eros, Ville-Centre, an 4152

    Elysia poussa un énième soupir. Aaron et Vladimov se battaient encore une fois, et toujours sur le même sujet. Fallait-il intervenir dans le conflit opposant les clans belliqueux ? Et si elle le voulait bien, qui fallait-il aider ? De jeunes vampyrs imbéciles, pensa-t-elle. Plutôt ironique, connaissant leur nature. Mais à son échelle, ils venaient juste de naître.

    Elle leva les yeux au ciel et quitta la salle de réunion en claquant la porte, ce qui eut pour effet de stopper net la querelle de ses généraux. Elle erra quelques instants dans un dédale de couloirs, et croisa quelques personnes, ce qui lui valut des révérences, plus basses les unes que les autres, qui ne firent que l’énerver davantage. Elle accéléra le pas, et finit par prendre les escaliers de service. Elle rencontra des serviteurs, mais personne dans sa cape, capuchon rabattu, ne prêtait attention aux autres, et elle en était satisfaite. Sans vraiment savoir pourquoi, elle était irritable ces derniers temps. Une sorte de pressentiment ne la quittait pas, et amplifiait une sensation d’urgence. Elle ne voulait pas en parler, et encore moins à ses généraux. Dans le meilleur des cas, ils se disputeraient pour savoir lequel d’entre eux trouverait le problème le premier. Dans le pire, son intuition était juste et une catastrophe se profilait. De toute manière, elle savait qu’il lui incomberait d’y remédier. Après tout, c’était elle, la reine.

    Elle descendit les trente étages, et se décida à sortir. Soudain, la tour, sa Tour, lui semblait trop petite. Elle avait besoin d’air et d’arrêter de trop penser. Elle glissa un pied dehors, mais s’arrêta un instant. Elle songea un instant à la foule qui allait la reconnaître et s’empresser autour d’elle. Voyant une femme de chambre rentrer, elle en prit la cape d’un rouge sang, rabattit le capuchon, et finit par être libre. Elle respira un grand coup, et commença sa contemplation. Bien qu’elle se soit installée dans une des tours de contrôle de la capitale depuis un peu plus d’une décennie, à chacune de ses sorties, l’effet restait le même. Souffle coupé. Regard brillant. Emballement de son cœur.

    La capitale de la zone neutre, Éros. La ville principale du monde se situait au centre du dernier continent encore émergé. Les deux dernières guerres mondiales avaient été désastreuses. Seuls les livres les plus anciens en parlaient encore. Dans les années 2250, la moitié du continent asiatique et la quasi-totalité des pays européens étaient tombés bien bas, et se faisaient la guerre pour de futiles raisons, mais avec des armes qu’ils ne maîtrisaient pas. Les dernières attaques avaient détruit le continent américain et l’Océanie, à coup de bombes nucléaires qui avaient pollué l’air. Rares avaient été les survivants, et on ne pouvait pas dire qu’ils avaient eu de la chance. Les premiers changements biologiques ont eu lieu à cette époque. Une courte période de paix, prospère pour les pays qui restaient, s’était terminée dans un nouveau bain de sang, dont la raison resterait à jamais un mystère. Peu après le passage de l’an 2600, de nouvelles bombes avaient explosé, de grandes courses poursuites aériennes avaient fini par détruire les glaciers des pôles et immerger de nouvelles terres en Europe du Nord principalement. Et était apparue l’arme ultime. La substance R. À l’état solide, il s’agissait d’un des matériaux les plus solides qui puisse exister. À l’état liquide, en le faisant chauffer à des températures supérieures à 1000 °C, il se transformait en un des acides les plus corrosifs. À l’état de gaz, il était pire encore. Seules d’immenses cuves en alliage de cuivre et de carbone parvenaient à garder la substance R.

    Jusqu’à ce qu’elle soit relâchée au-dessus de pays ennemis. L’Afrique avait entièrement été décimée. Il ne restait rien. Ni âme, ni plante, ni même des vestiges de civilisation. Le continent entier avait fini par couler. La substance était tellement nocive que ses inventeurs n’étaient pas parvenus à trouver un antidote, et leur création s’était retournée contre eux. L’Europe de l’Ouest avait disparu sous les gouttes de l’acide, et par un mauvais coup du hasard, les derniers avions qui transportaient les dangereuses émanations s’étaient crashés. Le gaz s’était entièrement répandu dans l’atmosphère. La race humaine s’était éteinte peu après.

    Des vampyrs s’étaient alors manifestés. Ils se revendiquaient les premiers de leur race, ayant vécu pendant la Troisième guerre mondiale. Certains ne les ont pas crus. Comment avaient-ils supporté les nouveaux bombardements et la substance R ? Deux scientifiques devenus vampyrs ont fini par travailler sur la question. Il fallait reconnaître la résistance de ces premiers de la race, ceux qui se regroupèrent et formèrent le groupe des Résultants. Ceux qui sont restés, qui ont survécu. Leur métabolisme, leur résistance, leurs nouvelles capacités ont été étudiés dans les moindres détails. Jusqu’à leur ADN avait été transformé, certains chromosomes avaient muté, d’autres avaient disparu. Des mutations génétiques qui auraient dû mettre des centaines, voire des milliers d’années à apparaître, s’étaient manifestées pour la survie de l’espèce humaine. Enfin, plus ou moins.

    Comme dans les anciennes légendes, ils avaient certaines particularités physiques exceptionnelles, communes à tous les vampyrs des mythes humains, mais plus exacerbées encore chez eux, comme la vitesse, la force, ou des sens plus développés. Leur tolérance à la douleur, ainsi que leur résistance physique dépassaient aussi les normes communément admises, même pour des vampyrs. Ils avaient alors voulu contrôler le monde, se sentant déjà supérieurs par leur survie pendant les dernières guerres, mais aussi par leurs capacités exceptionnelles, bien qu’ils ne représentaient qu’une minorité. Mais les nouveaux vampyrs n’avaient pas tardé à réclamer leur part, en développant eux-mêmes des capacités, assez différentes de leurs aînés. Ils développèrent des pouvoirs, de nature très diverse. Certains possédaient le don de se métamorphoser en un animal, de voler, de contrôler un élément, et d’autres encore, celui d’hypnotiser. Tant de facultés s’étaient déclarées qu’il était impossible de savoir combien de pouvoirs il existait. Certains poussaient leur talent à une telle perfection, devenant alors l’élite de leur clan, et se surnommant eux-mêmes les Ombres. Chaque clan voulait prouver qu’il était le meilleur. Une nouvelle guerre se déclara, un conflit d’un tout nouveau genre. Plus violent, plus sanglant, ne connaissant aucune limite à la cruauté dont ils pouvaient faire preuve. Des centaines d’espions, de chaque camp, furent capturés. On testa alors, sur eux, des méthodes plus qu’effroyables en matière de torture, allant bien plus loin que ce que l’espèce humaine aurait pu imaginer, même dans ses rêves les plus terribles.

    Après de nouvelles décennies de guerre, certains n’aspiraient qu’à la paix. Ils avaient vu trop de conflits, trop de sang, trop de morts. Trop. Ils voulaient simplement vivre, éternellement s’il le fallait, mais dans la paix et le calme. Ce qui paraissait difficile quand on songeait qu’il ne restait que le centre du continent eurasien comme seul lieu de vie, légèrement plus épargné que le reste du monde. Ce dernier groupe, des pacifistes, réunissait des membres des deux clans, et quand ils durent entrer en guerre contre leur volonté, pour leur survie, ils eurent vite le dessus. Ils alliaient la robustesse des premiers, et les pouvoirs, parfois phénoménaux, des derniers vampyrs.

    Ils auraient pu dicter leurs volontés aux deux clans. Mais ils préférèrent la diplomatie. Ils dirigèrent la totalité du territoire quelque temps, assez pour partager les terres de manière équitable. De ce qu’il restait du monde, ils l’appelèrent Horiole, un territoire circulaire, avec une ville au centre, sorte de capitale du monde, qu’ils baptisèrent Éros. Ce nouveau continent fut divisé en trois parts égales : Rixel à l’Est, pour les Ombres, Orion à l’Ouest, pour les Résultants et Élysée au Nord, pour ceux qu’on appellerait désormais les Pacifistes. Chaque région fut déclarée indépendante, n’ayant aucune obligation envers les autres, et la capitale centrale, se déclara neutre, épargnée des conflits, acceptant chacun des camps en son sein, à la fois pour garder la diversité, mais aussi pour les échanges entre pays, dans la mesure où chacun avait un climat très différent des autres.

    La politique appliquée dans chaque région fut très différente, elle aussi, peut-être dans l’optique de vouloir se différencier les uns des autres. Les Pacifistes fondèrent une lignée de reines, nées de l’union d’un nouveau et d’un ancien vampyr, et donc dotées de pouvoirs et de compétences exceptionnelles. Les Ombres établirent un régime basé sur la force, où les coups d’État étaient fréquents, afin de prendre le contrôle de toute la région. Enfin, Orion fut érigée en tant que démocratie, où chacun pourrait faire valoir son avis.

    I

    Elysia mit quelques secondes à reprendre son souffle. Elle fit quelques pas, puis releva la tête pour regarder la tour. Sa Tour. Une sorte d’ambassade au centre de la capitale, qui atteignait les soixante-douze étages, et peinait à dépasser les cent soixante mètres de haut. Bien qu’elle soit ronde, à première vue, la tour était tellement grande qu’elle cachait ses formes, et se terminait en une pointe verdoyante, ses appartements avec terrasse. Cette tour était à la hauteur de son peuple. Elle mélangeait plusieurs architectures, soit pour représenter les deux races qui se mélangeaient dans la région dans un parfait accord, ou bien parce qu’après les guerres, les styles avaient été perdus, et il s’agissait alors de simplement faire en sorte que le bâtiment tienne debout. La tour était en forme de spirale, tournant sur elle-même, les fenêtres renvoyant tous les rayons du soleil dans des directions opposées, la rendant bien plus lumineuse qu’elle ne l’était réellement.

    Elysia esquissa un sourire en regardant ses bras nus, tachés de gouttes de lumière, et repensa à ses vieux livres qu’elle avait lus, sauvegardés dans des bunkers avant les guerres, avec une vision étriquée propre aux humains. Ils se représentaient les vampires comme des créatures mythiques qui, bien que puissants, avaient beaucoup de faiblesses. La lumière était certainement leur plus grand talon d’Achille. Mais elle supposait que jamais, aucun humain n’aurait pu imaginer qu’ils existeraient vraiment, ni qu’ils n’auraient presque aucun défaut. Leur peau était certes pâle, pour la plupart d’entre eux, mais dure comme de la roche, si bien qu’il était presque impossible de leur planter une dague ou un pieu. Leurs os et leurs canines, notamment, étaient également d’une robustesse incroyable, bien qu’une morsure puisse aisément entailler la chair. Boire le sang d’un vampyr était assez commun, mais il s’agissait d’un acte intime, fait entre deux personnes très proches, et les précieuses gouttes rouges étaient aussi recherchées que raffinées.

    En réalité, les moyens de les tuer se comptaient sur les doigts d’une main. Le feu leur était fatal, et encore pas pour tous, ainsi que la substance R. Si l’on possédait suffisamment de forces, la strangulation avec la nuque brisée était une méthode viable, bien que peu utilisée, étant donné la force naturelle des vampyrs, et certains pouvoirs régénérants. Sectionner des membres, ainsi que la tête était le moyen le plus sûr et le plus courant, si bien que dans les nombreuses batailles entre les Résultants et les Ombres, beaucoup d’entre eux utilisaient des haches ou des épées, créées par des maîtres forgerons qui savaient parfaitement allier la robustesse du métal, et le tranchant nécessaire pour pénétrer leur peau. Hélas, ces savoir-faire étaient de moins en moins transmis, et les rares qui utilisaient encore leurs talents ne le faisaient pas pour autrui, mais vendaient leurs armes au prix fort. Elysia soupira et tenta d’oublier les problèmes récurrents qui lui étaient rapportés, comme cet enrichissement et la hausse des crimes de rue, pour revenir sur ses premières réflexions, à savoir les mythes humains sur les vampires. Les histoires anciennes la fascinaient, et elle les étudiait assidûment.

    Par le passé, il y avait eu de nombreuses idées reçues, d’abord sur les miroirs, l’ail, ou l’eau bénite (bien qu’elle ne sut ce qu’était la sacralité, ou son utilité), mais cela ne s’était pas avéré. Eh bien loin d’être une faiblesse, l’exposition au soleil leur était, en vérité, vitale. En tant que vampyrs, ils n’avaient pas réellement besoin de se nourrir, ce n’était pas un devoir pour survivre, mais plutôt une sorte de plaisir, de gourmandise. Certaines nouvelles espèces d’animaux étaient savoureuses, mais le meilleur restait de goûter au sang d’un autre vampyr, un apogée du délice.

    Elysia jeta un dernier regard vers sa tour, tourna les talons et se faufila dans les premières rues de la capitale. Éros était une grande ville qui valait le coup d’œil. Les rues du centre comportaient presque exclusivement de grands bâtiments, tout comme la périphérie, dont la plupart des étages étaient pourtant désaffectés. La raison était assez simple, à part les Ombres qui savaient voler ou se métamorphoser en oiseau, la plupart des vampyrs avaient peur de la hauteur, ne fût-ce que le premier étage. Certains tentaient d’affronter cette phobie des hauteurs, mais cela leur était presque impossible, comme si c’était inscrit dans leurs nouveaux gènes. Les immeubles entourant les tours n’étaient pas complètement déserts. Les étages les plus bas étaient très prisés, réservés la plupart du temps par les vampyrs qui avaient le plus d’argent. Cela leur permettait d’être proche du centre de commande du monde, et c’était pour eux un réel honneur d’être si proche et de pouvoir apercevoir les dirigeants entrer ou sortir de leur tour. Privilège accordé véritablement à peu de vampyrs, étant donné le manque d’appartements disponibles dans cette zone. C’était une partie de la ville où résidait une sorte d’élite, une petite bourgeoisie vampyr. Pas suffisamment importante pour loger dans les tours d’ambassades, mais plus haute dans la hiérarchie pour avoir l’opportunité de côtoyer les dirigeants quand même.

    La civilisation ressemblait vraiment à une pyramide. En haut se situaient les gouvernants et leurs suites, ensuite la royauté qui ne les suivait pas toujours dans leurs déplacements. Venaient après les aristocrates, ces nouveaux riches qui prenaient de plus en plus d’importance, la petite bourgeoisie de la Ville-Centre, et enfin, les autres vampyrs qui n’avaient aucun lien avec la direction du monde. Une hiérarchie où chacun savait sa place, une pyramide comprenant des dizaines de millions d’individus classés. Les vampyrs avaient proliféré pendant des siècles. Si l’espèce humaine s’était éteinte, avec très peu de survivants pour créer la nouvelle race, aujourd’hui, leur nombre était impressionnant, bien qu’aucun recensement mondial n’ait jamais été fait.

    Elysia croisa les doigts pour passer inaperçue, et s’aventura dans les rues. Elle fronça les sourcils en les voyant désertes. Des bruits un peu plus loin lui firent relever la tête, et elle prit la première bifurcation sur sa droite, vers la place centrale de la capitale, où se regroupaient les commerces. Là, une personne encapuchonnée de vert se tenait au milieu d’une foule, qui lui semblait hostile. Elysia rabattit un peu plus la cape sur son visage et observa en silence. Elle crut comprendre que le capuchon vert, un homme, semblait-il, était accusé d’avoir volé une auberge et qu’il avait par la suite agressé plusieurs vampyrs.

    La ville, même si son taux de crimes ne cessait d’augmenter, avait été érigée pour ceux qui ne voulaient pas se battre, de façon temporaire comme des vacances, ou plus permanente. Les attaques y étaient proscrites, et ceux qui se faisaient prendre recevaient un châtiment, la plupart du temps des plus humiliants, si leur crime n’impliquait pas la mort. En revanche, si un meurtre était commis, l’autorité présente ne connaissait pas le mot compassion. Cette autorité, elle en avait conscience, était soit laxiste, soit corrompue. Si cela n’avait tenu qu’à elle, elle aurait congédié cette milice internationale inutile, et aurait choisi elle-même des soldats compétents et sûrs. Mais bien évidemment, Orion et Rixel avaient donné leur opinion, et leurs avis divergents, sûrement plus pour la forme que sur le fond, avaient mené à un ramassis d’abrutis qui tentaient de diriger la Ville-Centre.

    Une femme, dont le manteau noir portait plusieurs cercles dorés entrelacés, se mit devant lui et tenta de le défendre. Sa tenue parlait pour elle. Ce symbole était reconnaissable par tous. Celui de la Ligue des Assassins, un groupe d’Ombres ou d’hybrides, sans réelle autorité, qui accomplissait de grandes missions, monnayant un prix relativement élevé. Elle prit la parole d’une voix forte, en faisant face à une foule hostile. Elle parlait d’un duel proposé par d’autres vampyrs, en échange d’un repas et d’un lit, et qu’il avait gagné. Mais la foule qui s’excitait, n’entendait rien, et se rapprochait de lui. Le regard d’Elysia croisa celui de l’assassin. Un éclair de lucidité parcourut celle-ci, et elle la pointa du doigt. « C’est elle, c’est la reine ! »

    Il n’y avait pas besoin de dire plus, chacun savait de quoi elle parlait. La reine des vampyrs du clan des Pacifistes, qui, avec l’union de deux vampyrs de clans différents, devait être dotée d’une puissance phénoménale. Elysia poussa un soupir et enleva sa capuche, laissant de grandes boucles noires descendre dans son dos. Jouant son rôle, elle releva la tête et commença à avancer. Rien qu’à sa démarche, on pouvait voir toute l’assurance dont elle faisait preuve, et la foule libéra un passage afin qu’elle puisse aller jusqu’à celle qui l’avait dénoncée. Elle lui jeta un regard dédaigneux et se tourna, s’arrêtant deux mètres devant l’accusé.

    — Quel est ton nom ?

    Seul le silence lui répondit.

    — Qui a raison ? La foule ou l’assassin ?

    — Personne.

    — Bien, au moins, tu parles. Alors, raconte-moi ta version des faits.

    — Je voulais manger et dormir. J’avais de l’argent. Mais il a été volé pendant la nuit. J’ai retrouvé le coupable à l’odeur, qui a avoué et m’a dit que je récupérerais la somme si je le battais. Il a menti.

    — Qui était-ce ?

    Le capuchon pointa un homme du doigt. Il était grand, fort, et extrêmement musclé. Un Résultant, à n’en pas douter. Elysia s’approcha de l’homme désigné.

    — Comment t’appelles-tu et quel est ton travail ?

    — Je suis Arlan Vertix, et je suis forgeron.

    — Bien. Reconnais-tu ce capuchon vert ?

    — Oui, il m’a attaqué à l’auberge.

    — Lui as-tu volé sa bourse ?

    — Non, ce n’est qu’un menteur !

    — Voyons, regarde-moi dans les yeux et arrête de mentir. Plus que les idiots qui me défient, ce sont les menteurs que je déteste le plus.

    Elysia plaça ses mains autour de la tête du forgeron qui eut un mouvement de recul. Elle le tenait fermement et elle sentit qu’autour d’elle, la foule retenait son souffle. Elle en fit abstraction, plongea son regard dans celui d’Arlan, et pénétra dans son esprit. Elle y vit son existence misérable, ses méfaits et toutes les personnes qu’il avait déjà attaquées. Les images qu’elle percevait se brouillaient par moment, signe qu’il était ivre. Si l’alcool des humains était néfaste en trop grande quantité, il n’avait aucun effet sur les vampyrs. Cependant, quelque chose d’autre remplaçait cette boisson, et offrait les mêmes effets. Le sang de vampyr. Cet homme s’était abreuvé de vampyrs, et du sang avait coulé à foison. En cherchant bien, elle trouva le moment. Des Ombres, attachés dans un entrepôt désaffecté. Leurs bras tranchés pour écouler leur liquide vital dans de grands récipients. Et des Résultants voraces qui n’en avaient jamais assez. Elle en avait vu suffisamment.

    — L’accusé est innocent, annonça Elysia clairement. Cet homme est un imposteur. En temps normal, je l’aurais laissé à vos bons soins. Cependant, il s’est parjuré devant la reine et a commis de nombreux crimes répréhensibles, et dont il n’a aucun remords. Je ne peux laisser cela impuni. Je déclare par la présente que tu es dépossédé de tous tes biens, y compris ta forge, qui revient désormais à cet inconnu que tu as accusé. Tu restes ici, j’ai encore à te parler. Toi, l’innocenté, tu es libre. Mais j’ai encore quelques questions pour toi. Viens au palais ce soir. J’ai rendu le jugement, que la foule se disperse.

    À ces simples mots, les habitants de la capitale se séparèrent, non sans laisser quelques commentaires surpris. Ils savaient que les commandements de la reine étaient suprêmes et personne n’osait se risquer à la contredire. Mais bien que l’assassin lui ait demandé d’agir, pourquoi avait-elle accepté ? Qu’est-ce que les affaires de simples citoyens pouvaient bien lui faire ?

    Quand la place fut libre, Elysia resta un instant silencieuse, scrutant les environs d’un air suspicieux. Ne restaient avec elle que l’assassin, l’inconnu et Arlan. Celui-ci avait un air catatonique, il ne semblait pas encore conscient de la sentence, comme s’il ne s’était pas encore remis de l’intrusion dans ses souvenirs, ou bien peut-être avait-il peur d’offenser à nouveau la reine. L’assassin, quant à elle, affichait un air satisfait, comme si c’était elle qui avait résolu l’affaire. Elle se dirigea vers le capuchon vert.

    — Alors, tu vois que je peux me rendre utile. Maintenant que tu es riche, tu pourrais me récompenser.

    — Allons donc, ton geste n’était pas vraiment altruiste ? Enfin, rien de réellement inattendu pour un assassin, répondit-il.

    — Eh bien, tu n’es pas très reconnaissant mon beau, j’en espérais un peu plus. Peut-être que tu peux faire de nouveaux fers pour mon cheval, et une dague ? Je pense que ce serait un juste dédommagement.

    — Ce n’est pas toi qui as rendu la justice, assassin, intervint Elysia. D’ailleurs, quel est ton nom et que fais-tu à Éros ?

    — Mais avant que Sa Majesté ne daigne se montrer, j’étais en bonne voie.

    — Admettons. Réponds-moi.

    — Je m’appelle Lexa Ter-Hil. Je suis là pour voir de la famille.

    — C’est bien cela, tu me rappelais quelqu’un. Tu es donc la jeune sœur de mon conseiller. Qui ne veut plus vivre chez les Pacifistes, c’est ça ?

    — C’est exact.

    — C’est dans ton droit, mais pourquoi ce choix ? La paix ne t’intéresse pas ? Est-ce pour cela que tu vends tes services au plus offrant ?

    — Je n’ai aucune obligation de vous répondre, mes capacités et comment les exploiter ne concernent que moi. Mon frère n’avait aucun droit de vous parler de ma vie.

    — Tu sais quoi, tu as raison, Lexa. Et même si tu vas certainement ne pas tenir compte de ce que je vais te dire, tu es extrêmement jeune, et tu n’as vu de la guerre que ce que chaque camp veut bien te montrer. Des moyens pour détruire l’autre, des combats héroïques, qui ne durent qu’une seconde avant de devenir une boucherie où personne ne sait qui est dans son camp ou non. Va et découvre-le si cela te chante. Mais quand tu seras hantée par ce que tu as vu, surtout à un âge aussi jeune que le tien, ne viens pas te plaindre.

    Elysia lui tourna le dos pour s’approcher de l’homme encapuchonné, tandis que Lexa disparaissait dans une ruelle, non sans montrer sa colère. La reine regarda autour d’elle avant d’oser dire le moindre mot. Même si elle ne voyait personne, ses sens lui hurlaient qu’on l’épiait. Elle pesta intérieurement. Elle rappela simplement au capuchon de venir au palais quand la nuit tomberait. Bien que l’odeur de l’étranger la troublait, elle ne pouvait rien dire devant témoins. Elle scruta un instant Arlan, mais les mots lui manquaient après avoir parlé avec l’étranger, elle en oublia les questions de routine. Dans un état végétatif, elle se demanda si elle allait le laisser ainsi quelque temps, pour l’exemple, mais elle se ravisa. Être admirée par le peuple était parfois plus productif que d’être crainte. Elle préféra s’éloigner de la grand place, et claqua des doigts en passant à côté d’Arlan, qui sembla se réveiller. Il s’excusa, fit une révérence de mauvaise grâce et s’en alla à bonne allure. En s’éloignant de la place, Elysia osa se retourner, mais il n’y avait déjà plus personne.

    Elle rabattit la capuche de la cape rouge et passa dans les rues adjacentes, mais l’annonce de sa venue en ville avait dû parcourir toute la cité, car son déguisement ne trompait personne et elle fut vite découverte. La foule se précipita vers elle, comme si elle était une sorte d’idole, une personne à vénérer. En même temps, il s’agissait de la reine, à la tête de la plus grande armée du continent.

    Bien que tous ceux de son peuple lui prêtaient allégeance, il n’était pas rare qu’une souveraine soit l’objet de complots. Elysia n’était pas une exception. Mais contrairement à ses prédécesseurs, elle avait pu éviter la mort, et avait même rallié certains groupes dissidents à sa cause. Bien que puissante, tous savaient qu’elle pouvait convaincre n’importe qui, rien qu’avec des mots. Beaucoup de rumeurs existaient à son sujet, allant du simple fait qu’elle était la beauté personnifiée, à des exploits militaires phénoménaux sur des armées entières qu’elle aurait décimées seule. Après plus de huit cents années à régner, elle avait bien entendu dû se battre, mais les rumeurs étaient largement amplifiées. Mais il s’agissait de ragots qui allaient à bon train et essayer de rétablir la vérité était une opération vaine. Elysia était certaine que l’incident aurait également droit à son lot de rumeurs. Et à mesure qu’elle continuait de marcher dans les rues, elle sentait qu’on la dévisageait.

    Elle souffla et fit demi-tour pour retourner à la tour. Elle entra sous les regards admiratifs, parfois jaloux, des passants. Elle salua quelques curieux, et ouvrit les lourdes portes en bois de l’entrée. Pleine d’une gaieté feinte, elle leur sourit et ferma les portes derrière elle. Et s’adossa lourdement dessus et souffla enfin. Elle aurait voulu rester seule le reste de l’après-midi, mais des affaires urgentes l’attendaient.

    Elle prit le premier couloir sur sa droite, et revint dans les escaliers de service qui, pour une fois, étaient vides. Elle monta quelques marches, mais l’idée d’en monter des centaines d’autres, l’en dissuada. Elle se félicita d’avoir demandé à créer des escaliers en colimaçon, elle regarda autour d’elle et commença à léviter, pour se tenir au-dessus du vide. Puis, une seconde plus tard, elle filait à grande vitesse vers le dernier étage, là où se trouvaient ses appartements et son bureau privé. Un nouveau couloir sur la gauche la mena jusque devant ses portes, où Aaron l’attendait. Il s’inclina et lui ouvrit la porte. Elle prit un siège, lui en indiqua un, même s’il préféra rester debout, et lui signala la présence de sa sœur en ville.

    — J’ai vu ta sœur, elle a un caractère aussi déplorable que le tien. Mais elle est encore bien jeune pour vouloir voir notre guerre de si près. Tu devrais la retenir.

    — Lexa est en ville ? Je ne le savais pas. Je vous adresse mes excuses si elle vous a importunée.

    — Ce n’est rien. Es-tu le seul membre de ta famille à être ici ?

    — C’est exact, mes parents sont restés à la capitale d’Élysée, et dans la mesure où mon frère est mort, ne restent que ma sœur et moi.

    — Donc en toute logique, elle devrait te contacter prochainement. Très bien. As-tu des nouvelles du gouverneur Rem ? Il devait venir ici pour parler affaires.

    — Le clan des Ombres a lancé de nouvelles attaques, le gouverneur a peur que quitter Orion ne soit pris comme un acte de lâcheté ou d’abandon. Il a prévenu qu’il allait lancer de nouvelles invasions pour déloger le tyran actuel. Il a mentionné une nouvelle date, dans trois semaines,

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