Comment soigner la souffrance du monde? Comment dire le malheur des autres? Un médecin-aventurier livre son récit intime, avec un singulier parcours. Qu’on en juge! Patrick Aeberhard n’est encore diplômé en cardiologie que le voilà déjà, en 1968, humanitaire au Biafra, cette province du Nigeria plongée dans la guerre et la famine. Humanitaire serait presque un anachronisme tant lui et ses compères enrôlés dans les rangs de la Croix-Rouge vont dessiner ensuite cette geste humanitaire naissante, avec le sans frontiérisme. Puis le jeune cardiologue s’embarque pour le Liban et une autre guerre tout autant fratricide. Il ne veut point de distinguo entre les blessés, «pas de bonnes ou de mauvaises victimes», dit-il avec éloquence. La vie d’Aeberhard, ce sera aussi les , aux côtés de Bernard Kouchner, pour sauver les boat people, ces réfugiés vietnamiens qui fuient la guerre ou la dictature ou les deux. Entre-temps, il contribue à créer Médecins sans frontières, puis Médecins du monde, ces chevaliers en blouse blanche, en compagnie du même Kouchner et de quelques autres camarades de route. Très vite, ils comprennent qu’il s’agit certes de soigner mais aussi et surtout de dénoncer. Dénoncer la barbarie, les faiseurs de guerre, les armées qui bombardent les civils. A l’aune de la guerre en Ukraine, le serment des jeunes médecins d’alors demeure on ne peut plus pertinent. Afghanistan, Rwanda, ex-Yougoslavie… Evoquer la vie d’aventures et de missions de Patrick Aeberhard, lui qui exerce encore, à 77 ans, et que nous avons eu la chance de croiser sur le terrain de certains conflits, revient aussi à évoquer sa compassion, bien au-delà du serment d’Hippocrate. Je l’avais revu lors de mon retour d’Irak au cimetière du Père Lachaise le 13 novembre 2015 pour les obsèques de notre ami André Glucksmann. Quelque heures plus tard, en rentrant chez lui, il entend les balles des terroristes du Bataclan. Aussitôt, il est au chevet des victimes, une nouvelle fois, et organise avec le docteur Michel Bonnot un petit hôpital de campagne. «Quarante ans d’humanitaire finissent par affuter les réflexes», note-t-il sobrement . Sous sa plume et sous ses pas, le mot engagement prend toute sa saveur, et lire son récit vous donne le tournis – une sorte de traversée du siècle, celle des conflits, de l’engament intellectuel, celui aussi de Montand, Semprun et Sartre, qui sont du combat. Sans doute le carabin avait-il des fringales de bourlingue dès l’enfance, lui qui est né d’une mère irlandaise et d’un père suisse. Il a su allier l’exercice de la médecine à la passion des autres. Et tracer ainsi la fabuleuse saga des .
Le bloc-notes d’Olivier Weber
Jun 01, 2022
4 minutes
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