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Un roman dont vous êtes la victime - Un prince pourpre
Un roman dont vous êtes la victime - Un prince pourpre
Un roman dont vous êtes la victime - Un prince pourpre
Livre électronique249 pages5 heures

Un roman dont vous êtes la victime - Un prince pourpre

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À propos de ce livre électronique

La s rie des Romans dont vous  tes la victime pr sente des choix narratifs déchirants au lecteur. Ici, pas besoin de calculs ni de notes; que des décisions   prendre, qui mèneront inévitablement à des péripéties et des fins différentes.

Vous comprendrez bien vite qu’il y a parfois des cons quences pires que la mort.
Samuel Demers part à la recherche de sa meilleure amie (dont il est amoureux) disparue sans laisser de traces depuis plusieurs semaines dans un petit village côtier de Gaspésie; apparemment, elle aurait commencé à refaire sa vie là-bas, fuyant son mari toxique.

Dans ce petit village, tout le monde paraît trop gentil, trop généreux, trop accueillant. Chaque habitant conseille fortement Samuel d’assister à la pièce de marionnettes mensuelle du théâtre local, un événement absolument pas manquer; tous y assistent religieusement chaque mois, et apparemment, la meilleure amie de Samuel y aurait été aperçue le mois dernier. C’est m me la dernière fois qu’on l’a vue.

Mais quelque chose cloche.

Le pr tre du village est louche. Le marionnettiste aussi. La gérante de l’auberge o  couche Samuel aussi.

Et le fait de simplement assister au fameux spectacle de marionnettes pourrait plonger Samuel dans un cauchemar duquel il ne pourrait jamais ressortir…
LangueFrançais
Date de sortie5 août 2021
ISBN9782898190506
Un roman dont vous êtes la victime - Un prince pourpre
Auteur

Simon Rousseau

Né en 1993 à Trois-Rivières, résidant aujourd’hui à Québec, Simon Rousseau a écrit et publié son premier livre de façon indépendante alors qu’il n’était âgé que de 18 ans. En 2013, il part vivre au Royaume-Uni pendant près d’un an, et c’est là-bas qu’il écrit Les pages perdues de Kells. Ce dernier, ainsi que sa suite Les sacrifiés inconnus, sont publiés aux Éditions ADA en 2016. Depuis, il enchaîne les publications ; création des Contes Interdits et de Peter Pan en 2017, La bête originelle en 2018, puis son deuxième Conte Interdit, La reine des neiges, finaliste au prix Aurora-Boréal 2019 du meilleur roman. Il est aussi l’un des instigateurs du collectif Héros Fusion, visant cette fois un public beaucoup plus jeune. Il publie en 2020 ses deux premiers romans jeunesse, Héros-Fusion: Shaman-Man et Dead: Le plus nul des chevaliers.

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    Aperçu du livre

    Un roman dont vous êtes la victime - Un prince pourpre - Simon Rousseau

    Chapitre 1

    Novembre 2006

    Il n’avait jamais mis les pieds en Gaspésie.

    Nombreux étaient celles et ceux lui ayant vanté la beauté et le pouvoir de séduction de la péninsule, mais il avait toujours cru la réputation de ce coin de pays surfaite. Le camping, le ski, les croisières de voyeurisme de baleines et les randonnées dans les parcs nationaux ne l’avaient jamais vraiment intéressé ; éternel citadin, il préférait le cinéma, les événements sportifs et l’ambiance métropolitaine aux activités de plein air. Et ce n’était pas un gros caillou percé, assis dans la mer, célèbre uniquement pour sa silhouette distinctive, qui l’aurait attiré aussi loin de son condo de Beauport.

    Non, autre chose le poussait à s’aventurer dans le royaume de Paul Daraîche.

    Cigarette au bec, Samuel Demers roulait depuis sept bonnes heures. Nonobstant les restes de l’été des Indiens, l’hiver pointait le bout de son nez ; vêtu d’un simple pull en coton et d’une veste en cuir, Samuel s’était résolu à allumer le chauffage de sa Chevrolet Malibu pour la première fois en six mois. Accompagné de ses CDs gravés combinant morceaux piratés de Nirvana, de Muse ou encore de Genesis, il filait en ligne droite sur la route 132, profitant des panoramas offerts par le fleuve Saint-Laurent. Le chemin le plus court pour atteindre sa destination, selon son GPS, aurait été de couper par la route 198 et de passer par Murdochville afin de ne retourner sur la 132 qu’à Gaspé, sur la pointe de la péninsule. Toutefois, Samuel avait préféré continuer à longer la côte pour ne pas s’enfoncer dans les terres et possiblement perdre son réseau satellite.

    Une douleur sourde dans le bas du dos et dans la cuisse droite commençait à le gêner lorsqu’il traversa enfin Gaspé. La tentation de s’y arrêter le temps d’un café fut grande – peut-être n’aurait-il plus droit à son classique deux-crèmes-deux-sucres du Tim Hortons avant un bout de temps. Néanmoins, il tint bon. Après sa pause-pipi à Sainte-Anne-des-Monts, il s’était juré de ne plus interrompre son voyage.

    Pourquoi fallait que ce soit aussi loin ? Ç’aurait pas pu être dans Charlevoix, genre ? se plaignit-il.

    Une trentaine de minutes plus tard, une pancarte décolorée affichant : « Bienvenue à Rive-du-Roy ! » lui indiqua qu’il venait d’atteindre sa destination. Il dut croire aveuglément cette inscription, car rien ne prouvait l’existence du village dans les parages ; que des épinettes d’un bord de la route, l’étendue du fleuve de l’autre. Ce ne fut que quelques kilomètres plus loin que Samuel aperçut les premières maisonnées de la bourgade.

    Accueillant pêcheurs et marchands depuis plus de deux siècles, reconnu pour ses morues et ses fruits de mer, le village de Rive-du-Roy n’était que l’ombre de lui-même depuis la fin des années 1930, et l’après-guerre n’avait pas amélioré les choses. L’exode rural avait frappé fort. D’après le recensement gouvernemental de 2001, seules quelques centaines d’âmes habitaient toujours l’agglomération. Des âmes à cheveux gris. Une fois leur diplôme d’études secondaires en poche, la plupart des jeunes nés là s’exilaient soit à Gaspé, soit dans les grandes villes de l’Ouest.

    Bientôt, la route 132 se transforma en Boulevard de la Reine, auquel se connectaient quelques rues résidentielles au sud et l’avenue Lincoln au nord, qui longeait d’encore plus près le fleuve. Quand Samuel croisa la seule station-service à plus de trente kilomètres à la ronde, il repéra trop tard l’écriteau « Resto-Café Chez Lucille, ouvert 7 jours sur 7, sauf le dimanche ! » cloué devant l’une des bâtisses avoisinantes. Pas pressé du tout de faire son check-in – il n’était pas encore 15 h –, le ventre vide, il fit demi-tour et gara sa voiture dans l’espace de stationnement beaucoup trop grand et trop vacant du petit restaurant. Il sortit de la Malibu, s’étira en poussant un long geignement de satisfaction, puis se dirigea vers l’entrée.

    Sans surprise, il était le seul client. La dame derrière le comptoir faillit renverser sa tasse de thé sur ses mots croisés en entendant tinter la clochette de la porte.

    — Excusez-moi, madame, je voulais pas…

    — Oh non, non, c’est ma faute ! répondit-elle, gênée, avec un accent typique de la région. Ça m’apprendra à pas réparer ma radio ! Je m’habitue un peu trop au silence.

    Elle déposa sa tasse dégoulinante et remonta ses minuscules lunettes rectangulaires sur son nez busqué afin de mieux observer le nouvel arrivant, le jauger de la tête aux pieds.

    — Hey, mais vous êtes pas du coin, vous !

    — En effet. Je viens tout juste d’arriver.

    — Bienvenue à Rive-du-Roy, mon beau monsieur ! Z’êtes de quel coin ?

    — Québec. Beauport.

    — Ah, Québec ! Une maudite belle ville, ça. Pas être pognée icitte, j’irais sûrement m’installer là-bas. Câline que c’est l’fun marcher dans le Vieux-Québec, pis toute… J’y suis allée juste une fois, dans les années 70, mais j’avais ben aimé ! À part de ça, monsieur, vous êtes venu seul ? Pour des vacances ? Le travail ? Des amis ?

    Ciboire, faut-tu que je remplisse un formulaire pour commander un sandwich ? songea Samuel, désarçonné par toutes ces questions indiscrètes.

    — Oui, tout seul. En vacances, mentit-il. Pardonnez-moi, mais j’ai fait pas mal de route, pis je mangerais un p’tit quelque chose. La cuisine est ouverte en après-midi ?

    — Ben oui, ben sûr, franchement ! s’exclame-t-elle en exécutant quelques pas latéraux afin de se retrouver devant ses plaques de cuisson, ses friteuses et ses réfrigérateurs. Qu’est-ce que je vous prépare ? Je vous proposerais bien le croque-Lucille, mais ça paraît toujours indécent, ajouta-t-elle avec un clin d’œil. Parce que t’sé, Lucille, c’est moi ! Haha ! Je run ce resto-là depuis 37 ans, mon beau monsieur ! J’avais 22 ans quand on a ouvert, à l’époque. Croyez-moi, croyez-moi pas, le croque-Lucille, il a déjà été populaire en mautadine !

    Mal à l’aise, Samuel esquissa un sourire poli, puis inspecta, au-dessus du comptoir, le tableau sur lequel étaient inscrits à la craie les différents plats disponibles : club sandwich de Lucille, croque-Lucille, omelette à la Lucille, Lucilleau-vent, Luci-Guedille… il ne se donna pas la peine de poursuivre sa lecture.

    Siiimonac…

    — Je prendrais le club, s’il vous plaît. Avec des frites, si possible.

    — Je vous fait ça drette-là !

    Pour passer le temps, Samuel sortit son paquet de cigarettes de sa poche et s’apprêtait à s’en allumer une lorsque la trop volubile dame l’avertit, tout en coupant des tomates :

    — S’cusez-moi, mon beau monsieur, mais on a plus le droit de fumer en-dedans, asteure… Je le sais, c’est ben triste, mais je voudrais pas pogner d’amende !

    Samuel doutait qu’un policier armé d’un constat d’infraction fasse irruption dans le casse-croûte. Le poste de police le plus près se situait à Gaspé, et les patrouilles à Rive-du-Roy devaient être rares ! Il hocha néanmoins la tête et sortit prendre l’air, content que la nouvelle loi antitabac adoptée en mars dernier le serve, pour une fois. Une belle excuse pour ne pas avoir à endurer Lucille en attendant que son repas soit prêt.

    Entre deux bouffées, il se demanda si son approche, sur laquelle il avait vaguement débattu dans sa tête pendant la route, était la bonne. Cacher aux locaux ses véritables intentions l’aiderait-il vraiment ? En même temps, la vérité crue pourrait aussi lui fermer bon nombre de portes… Dans son métier, mieux valait un témoin offusqué d’avoir été manipulé qu’un témoin silencieux. Oui, la subtilité serait sûrement une bonne alliée. Du moins, au début.

    Une Corolla bleue pénétrant dans l’aire de stationnement attira son attention. Une femme aux longs cheveux de jais en sortit pour se diriger vers le casse-croûte. Malgré les grandes lunettes de soleil et le foulard camouflant le menton, Samuel devina tout de suite qu’elle était d’une beauté hors du commun. Elle lui adressa un subtil hochement de tête en le croisant, qu’il lui renvoya accompagné d’un sourire bienveillant – le genre de sourire qu’il n’offrait pas à n’importe qui –, puis elle pénétra dans l’établissement. Gagné par une curiosité mal placée, il ne put s’empêcher, quelques instants plus tard, d’écraser son mégot sous sa semelle et de retourner à l’intérieur.

    — Je te fais ça avec plaisir, ma belle Shannon, acheva de dire Lucille, qui finissait de tartiner de mayonnaise deux tranches de pain grillé. Oh, monsieur… Euh, monsieur…

    — Demers. Mais appelez-moi Samuel, compléta-t-il d’un ton soudain chaleureux, profitant du fait que la dénommée Shannon, qui venait de retirer son foulard – révélant ainsi une nuque et une gorge qui feraient saliver Dracula – puisse l’entendre.

    — Samuel, votre club est presque prêt ! Vous voulez quelque chose à boire avec ça ? Une p’tite tisane à la menthe ? Je vais en préparer pour Shannon de toute façon…

    Il accepta l’offre.

    J’aurais préféré un thé glacé, mais avec mon haleine de boucane, la menthe pourra pas faire de tort…

    Lucille gagna l’arrière-boutique, probablement pour dénicher les sachets de tisane. Pendant ce court laps de temps, un silence malaisant s’installa dans le casse-croûte. Samuel avait envie d’initier une conversation, mais il ne savait pas quel angle emprunter. Se retenir de sillonner de ses yeux indiscrets la partie inférieure de la silhouette de Shannon lui coûtait tout son petit change.

    Crisse, Sam, à quoi tu penses, sérieux ? T’es icitte pour la job, pis rien d’autre. Calme tes pulsions de reptile deux minutes… Quoique… On sait jamais, elle pourrait peut-être m’aider.

    Avant qu’il se décide à parler, Lucille revint avec ses sachets, puis alluma le feu sous une bouilloire.

    — T’as toujours pas changé d’idée pour demain soir, Shannon ? fit-elle en répartissant des morceaux de poulet sur les toasts.

    — Tu le sais que ça m’intéresse pas.

    Sa voix concordait avec son physique : à la fois séduisante et intimidante.

    — Tu manques de quoi, pourtant. C’est la tradition ! Justine pis sa gang font tellement du beau travail…

    Un petit rire spontané échappa à Shannon.

    — Les traditions, c’est pas fait pour moi, rétorqua-t-elle.

    — Ah ! les jeunes… Pis vous, Samuel, pensez-vous venir demain soir ?

    — Qu’est-ce qu’il y a, demain soir ? demanda-t-il par politesse.

    — Ben voyons ! lâcha Lucille en échappant un bout de laitue par terre. Vous êtes venu à Rive-du-Roy sans être au courant ?

    Il afficha une moue résignée. Il n’avait pas la moindre idée de ce dont elle parlait.

    — La pièce de théâtre, voyons !

    Oh, ça…

    La propriétaire du casse-croûte venait de piquer son intérêt.

    — Chaque année, le…

    L’insupportable sifflement de la bouilloire interrompit Lucille. Elle éteignit le feu et poursuivit en versant de l’eau bouillante dans deux verres de carton contenant chacun un sachet de tisane :

    — Chaque 4 novembre, au Théâtre Tristan, Justine pis sa troupe rejouent leur classique. Ça ressemble à un spectacle de marionnettes, mais pour adultes ! Je vous le dis, c’est vraiment impressionnant ce qu’ils font avec ces p’tits pantins là… Quasiment tout le village va voir ça.

    — Quasiment, oui, répéta avec ironie Shannon en s’emparant de son verre fumant après avoir déposé quelques pièces de monnaie sur le comptoir. Merci, Lucille !

    Elle tourna les talons, passa juste à côté de Samuel. Évidemment, son parfum était exquis.

    — Bonne journée, monsieur Demers. J’espère que vous vous plairez à Rive-du-Roy, même si j’en doute un peu.

    — Euh, merci, balbutia Samuel, déstabilisé par une telle franchise. Bonne journée…

    Monsieur Demers, really ? s’indigna-t-il intérieurement. Come on, on doit même pas avoir dix ans de différence !

    Lucille sembla remarquer que Shannon n’avait pas laissé Samuel de marbre, puisqu’aussitôt sa cliente sortie, elle l’interpella avec un large sourire :

    — Dites-moi pas qu’elle vous a ensorcelé, quand même !

    Samuel lâcha la porte close du regard et, embarrassé, refit face à la dame.

    — Si j’étais vous, j’abandonnerais le projet, continua-t-elle, amusée. C’est une femme à part, notre Shannon ! Elle pourrait finir par vous faire peur.

    — Peur ? Comment ça ?

    Lucille emballa le club sandwich enfin prêt et le tendit à Samuel.

    — Elle a beau être jolie, je l’ai jamais vue avec un homme. Jamais ! Elle est indépendante comme personne, pis un peu fuckée… Imaginez-vous donc que c’est une genre de voyante ! En tout cas, c’est ça que le monde dit. Elle a un p’tit bureau pas loin du fleuve, proche du phare… Ça va faire 12,48 $, sivouplaît.

    — Eh ben… Merci de l’info, répond-il en payant, sceptique. Sinon, pour la pièce dont vous parliez…

    — Ah ! oui ! Vous pourrez pas manquer le théâtre, il est juste un peu plus loin sur le boulevard. Je suis certaine qu’il doit rester une couple de places pour demain !

    Il remercia Lucille, quitta le resto-café et rentra dans sa Malibu. Ce ne fut qu’une fois le moteur en marche qu’il se rendit compte de l’erreur dans sa commande.

    — Câlice, elle a oublié mes frites !

    Chapitre 2

    Après avoir dévoré son repas et bu sa tisane – à défaut d’avoir des frites, au moins le club avait été savoureux –, Samuel roula jusqu’à l’Auberge du Roy, où on lui avait réservé une chambre pour une période indéterminée. Il passa lentement devant le Théâtre Tristan, bâtiment vétuste annexé à une grange, à l’arrière, qui devait faire office de salle de spectacle. Sans ses néons bon marché formant le nom du théâtre sur le mur du devant, ses fenêtres surdimensionnées et quelques affiches de promotion collées sur ses murs lézardés peints d’un rouge violacé, l’endroit aurait davantage l’air d’une ferme mal entretenue que d’un centre culturel. Samuel ne prit pas la peine de s’y arrêter ; l’établissement affichait une enseigne tournée du côté « FERMÉ » sur sa principale vitrine.

    Tant pis, j’irai voir demain matin, se dit-il.

    L’auberge ne se trouvait qu’à quelques centaines de mètres du Tristan, sur une rue parallèle au Boulevard de la Reine. L’édifice se démarquait bien de ses voisins grâce à ses généreuses dimensions ainsi qu’à son architecture similaire à celle d’un chalet de luxe des Laurentides. Impossible de le prendre pour une habitation ordinaire – ce qui rassura d’ailleurs Samuel. Dormir dans une cabane à l’hygiène médiocre avec des murs en carton, à 700 kilomètres de chez lui, même s’il était payé pour le faire, aurait usé sa patience.

    Muni d’une valise à roulettes et d’un bissac en bandoulière pour seuls bagages, Samuel pénétra dans l’auberge. Le décor, rustique et marin – rames croisées accrochées au mur, babioles de pêcheur et cages à homard antiques traînant parci par-là, tableaux de paysages de la péninsule probablement pondus par un artiste du coin – plut tout de suite à Samuel. Seuls l’écriteau « Interdit de fumer à l’intérieur » ainsi que l’absence de quelqu’un à la réception le chicotèrent. Après quelques secondes d’attente silencieuse, il appuya sur la sonnette reposant sur le comptoir de l’accueil. L’instant suivant, des grincements provenant de l’étage du dessus lui parvinrent.

    Un homme riche en chair mais pauvre en cheveux se présenta à l’accueil en passant par une porte qui donnait sur un escalier, de l’autre côté de la réception.

    — Bonjour, mon cher ! Désolé pour l’attente, lança-t-il en s’essuyant nonchalamment les mains sur les pans de sa chemise fripée ; Samuel supposa qu’avant de descendre, l’homme avait dû être évaché devant la télé à engloutir des croustilles. Vous êtes Samuel Demers, j’imagine ?

    — C’est ça, oui.

    — Moi, c’est Martin. Bienvenue à l’Auberge du Roy.

    Il tendit sa main encore pleine de sel. À contrecœur, Samuel la serra en se mordant le creux des joues. Cet homme pourrait lui fournir de précieuses informations plus tard, se le mettre à dos dès la première journée à cause d’une impolitesse ne lui aurait pas rendu service.

    — Finalement, est-ce que vous savez combien de temps vous allez rester ?

    — Non, pas encore…

    — Pas de trouble ! Monsieur… (Il inspecta un grand cahier de notes aux pages jaunies.) Monsieur et madame Limoges m’ont assuré qu’ils allaient couvrir vos frais de chambre, peu importe la durée de votre séjour. Vous êtes chanceux de vous faire gâter de même !

    Samuel opina du chef, comme pour confirmer.

    — À ce temps-ci de l’année, je vous avoue qu’on a pas beaucoup de visiteurs, poursuivit Martin. Les touristes viennent plus au début du printemps ou pendant l’été, d’habitude. Nos quatre chambres sont libres en ce moment. Ça fait que je vous laisse choisir celle que vous voulez ! On en a une qui a une maudite belle vue sur le fleuve, pis une autre à l’arrière, la plus grosse, avec un lit King. Sinon…

    — Je prendrais la numéro trois, s’il vous plaît.

    — La trois ? s’étonna Martin en grattant sa barbe naissante. Vous êtes sûr ? C’est notre plus petite…

    — Pas grave. J’aimerais celle-là, si possible. J’ai lu des bons commentaires sur le Net.

    L’aubergiste haussa les épaules.

    — Aucun problème. Tant mieux si d’anciens clients satisfaits vous ont convaincu ! Remarquez, la trois, c’est la seule équipée d’un lavabo privé. Plus pratique pour se brosser les dents le soir, c’est sûr. Sinon, on a des toilettes partagées au bout du couloir, là-bas, à gauche. À droite, y’a l’espace salon pis la cuisine. On a une p’tite épicerie pas loin, sur l’avenue Lincoln, si vous voulez faire de la bouffe. Vous faites comme chez vous. En espérant que chez vous, vous faites la vaisselle de temps en temps ! Haha !

    Samuel simula un sourire. Martin lui tendit une clef de chambre, puis une

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