Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

À l'ombre des villages
À l'ombre des villages
À l'ombre des villages
Livre électronique316 pages4 heures

À l'ombre des villages

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Des disparitions insolites secouent un village en apparence sans histoire.

En s’y rendant pour raviver sa carrière de journaliste, Corinne découvre les fragments d’une vérité que plus d’un cherche à étouffer;

Une vérité qui l’entraînera dans un monde inconnu qui, bien qu’elle l’ignore, fait pourtant partie du quotidien de son fiancé, le détective Bergevin.

Secrets, complots, intrigues et magie noire se côtoient...

À l’ombre des Villages.
LangueFrançais
Date de sortie29 juin 2018
ISBN9782897863852
À l'ombre des villages

Auteurs associés

Lié à À l'ombre des villages

Livres électroniques liés

Fantasy et magie pour enfants pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur À l'ombre des villages

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    À l'ombre des villages - Valérie Dionne

    faille.

    PROLOGUE

    20 MARS 2016

    DIMANCHE

    Kathleen traversa la chaussée et se mit à courir à travers le champ. Les hautes herbes atteignaient presque sa taille et la neige molle lui faisait sans cesse perdre pied. Elle s’arrêta en plein milieu de l’étendue et soupira. Un peu plus loin, sous un ciel dégagé se découpait la forêt. Un nuage de brouillard semblait l’entourer, et l’aventureuse frissonna. Ses bottes prenaient l’eau, et la jeune femme à la chevelure noire fut secouée d’un tremblement. Elle espérait se réchauffer en sautant sur place tout en se frottant les mains. Cette gymnastique ne changea en rien la température de son corps, et Kathleen jeta un dernier regard vers le village avant de reprendre sa marche vers la forêt.

    À l’orée du bois, elle s’arrêta. Le brouillard, plus épais, rasait le sol avant de s’étendre entre les arbres ; sa vision en était altérée. Les yeux plissés, la jeune fille tenta d’apercevoir quelque chose entre les branches. Rien n’y fit. Elle aurait souhaité voir où elle s’aventurait avant d’y mettre les pieds. Kathleen s’approcha tout de même davantage. Au moment où elle se penchait pour passer sous un conifère, un craquement se fit entendre. Son cœur battant à tout rompre, elle se figea. L’oreille tendue, elle tenta de percevoir d’autres sons, mais les cognements dans sa poitrine l’en empêchaient. Redoutant ce qu’elle allait découvrir, la jeune femme se retourna prudemment, puis se raidit. Personne. Un rire nerveux s’échappa de ses lèvres alors qu’elle passait sous les aiguilles du pin.

    Aux aguets, Kathleen posait avec précaution ses pieds sur le sol. La forêt lui semblait bien calme, trop calme. Son corps tremblait comme une feuille, mais cela ne l’empêcha pas de poursuivre son expédition. Une bourrasque s’éleva soudain, et ses cheveux vinrent lui fouetter le visage, la faisant sursauter. Puis une autre. Et encore une autre. Kathleen eut l’impression d’être attaquée, car elle avait beau regarder partout, aucune branche ne bougeait. Il n’y avait qu’elle qui se faisait malmener par le vent. Son cœur battait maintenant tel un tambour, l’écho de sa musique macabre se répercutant dans sa tête. Un puissant souffle l’atteignit dans le dos, renversant la capuche sur sa tête et la poussant jusqu’à un arbre, qu’elle manqua de justesse. Prise de panique, Kathleen se mit à courir à l’aveuglette, se protégeant d’une main et balayant de l’autre tout ce qui se trouvait sur son chemin. Des branchettes éraflèrent son visage et ses paumes. Des larmes roulaient sur ses joues. Le souffle court, la bouche sèche, elle ne regardait même pas si quelqu’un ou quelque chose la suivait. Courir, c’était tout ce qui importait.

    Débouchant dans une petite clairière, Kathleen s’arrêta. Les mains sur les genoux, elle tenta de reprendre son souffle. Toujours accroupie, la jeune femme observa l’endroit qu’elle venait de quitter. Le calme plat. Rien ne bougeait entre les arbres. Personne ne se trouvait là. Nerveuse, elle repoussa la capuche qui lui bloquait encore la vue, avant de réévaluer sa position. Elle se trouvait maintenant dans le bois, son objectif. Cependant, la curiosité l’encourageait à continuer. Pourquoi les gens avaient-ils si peur de cet endroit ? Bien sûr, son éloignement, le brouillard et le vent pouvaient être suffisants pour repousser plus d’un intrus. Malgré cela, la jeune fonceuse ne put s’empêcher de se dire qu’elle avait franchi ces obstacles et qu’elle était toujours en vie. Chancelante mais vivante. Tout en frottant ses mains l’une contre l’autre, elle reprit sa marche.

    Une fois la clairière traversée, elle pénétra au cœur de la forêt. Au travers des branchages, Kathleen crut distinguer des formes et voulut s’avancer, mais un cri strident la cloua sur place. Cette fois-ci, rien ne put la résoudre à bouger ; la peur l’en empêchait. Ses dents s’entrechoquaient ; elle ferma les yeux, se concentrant sur sa respiration. Une fois calmée, elle se retourna. Rien. Son imagination la trompait-elle ? Toutes les histoires au village avaient-elles eu raison d’elle ? Haussant les épaules, la jeune femme pénétra plus en profondeur dans le bois. Elle s’arrêta net, étonnée de sa découverte. Les jambes pliées et le dos courbé, Kathleen s’approcha le plus possible et, silencieuse, observa la scène, un sourire ébahi sur le visage.

    Dans l’air frais, seuls les crépitements du feu troublaient le silence de cette forêt mystérieuse. Un groupe disparate formait un cercle à l’intérieur d’un rond tracé à même la terre. Une fleur ou des rameaux ajoutaient une touche de couleur sur leurs habits sombres, et un bouquet de fleurs sauvages se trouvait à gauche de chacun des participants. Tous les regards convergeaient vers une petite femme courbée au-dessus d’une planche de bois servant de table. L’attention de Kathleen s’arrêta sur les divers objets disposés stratégiquement sur la table improvisée, chacun faisant face à un point cardinal. À l’est brûlait de l’encens dans un récipient en bronze, et au sud, la flamme d’une bougie verte oscillait au rythme de la brise. À l’ouest reposait un chaudron rempli d’eau et de fleurs, et au nord un tas de terre. Un peu en retrait, Kathleen découvrit un plant de fougères printanières.

    La longue robe blanche de la dame flottait au-dessus de la neige sale fondante, et des brindilles et des feuilles mortes s’accrochaient au tissu fatigué. Ses petits yeux empreints de foi fixaient le végétal. Après quelques instants de silence, une voix rauque mais ferme s’éleva dans le froid de la nuit. Toujours à couvert, Kathleen sursauta. Elle observa chacun des membres se pencher vers l’avant, comme s’ils ressentaient le besoin de se rapprocher de cette femme et de ses paroles les unissant en ce nouveau printemps.

    — Ô déesse, te voilà enfin de retour après un si long hiver ! Il est maintenant temps de te joindre à tes enfants et de faire s’épanouir à nouveau cette terre que nous chérissons tous. Que l’herbe pousse et verdisse, que les bourgeons éclosent, que les fleurs embaument l’air. Que la neige et le froid fassent place au renouveau, au commencement de tout. Par tes pouvoirs, ô déesse, que la terre et que la vie renaissent. Guma h-amhlaidh !

    La vieille se tut, puis ferma les yeux avant de toucher la plante.

    Un homme blond musclé à l’air mauvais et son acolyte aux cheveux châtains se matérialisèrent sans bruit aux côtés de Kathleen. Cette dernière se figea, surprise par cette apparition insensée. Ils la tenaient maintenant par les bras, et elle tenta de se dégager, mais ils resserrèrent leur étreinte. Lorsqu’un cri s’échappa de sa gorge, l’un des gaillards plaqua sa main sur sa bouche. Kathleen jeta un regard de détresse vers les membres du groupe assis en cercle, mais ceux-ci l’ignorèrent, à son plus grand désarroi. Elle gémit, et des larmes glissèrent sur ses joues. La femme, qui allait continuer son monologue, tourna la tête vers la droite, puis sourit en la découvrant.

    — Amenez-la-moi !

    Kathleen cessa de se débattre et fixa le regard gris acier de la sorcière. Son cœur manqua un battement avant de se remettre à tambouriner de plus belle. Les yeux de la vieille dame, fiers et sans peur, lui coupèrent le souffle, et lorsque les deux hommes la poussèrent vers le cercle tracé au sol, ses jambes refusèrent de lui obéir. Un vent léger, qui semblait arriver de nulle part, se leva autour d’elle et la fit approcher de la femme au chignon. Kathleen observa celle qui se tenait près de la table et vit qu’elle la regardait encore, un bras dans les airs. Maintenant à quelques pas d’elle, son corps n’arrivait toujours pas à bouger, et ses yeux ne pouvaient se détacher de l’inconnue.

    Quand celle-ci parla, un froid irradia dans tout son être.

    — C’est l’heure de dormir, ma belle.

    La sorcière abaissa sa main, et une intense douleur s’abattit sur la tête de Kathleen. Un voile noir s’étendit sur elle alors qu’elle tombait dans la neige. La vieille fit signe aux deux hommes qui attendaient toujours non loin du cercle d’emporter son corps mou dans une tente un peu à l’écart des autres. Puis, comme si rien ne s’était passé, la dame reprit sa place devant l’autel et poursuivit la cérémonie.

    CHAPITRE 1

    29 AVRIL 2016

    VENDREDI

    Bien au chaud sous la couette, la tête sur l’oreiller moelleux, Corinne se relaxait en attendant de trouver le courage de se lever. Une douce odeur de café et de pain grillé vint lui chatouiller les narines. Un sourire aux lèvres, elle huma l’air, reconnaissante. Quelle belle façon de se faire réveiller en ce vendredi matin ! Elle s’étira comme un chat, un miaulement s’échappant de sa gorge, puis elle se roula en boule. Les effluves provenant de la cuisine et la chaleur de son lit se menaient un dur combat.

    L’arrivée de James dans la chambre, une tasse de café chaud à la main, la tira de ses draps. Elle s’installa le dos contre le mur et glissa ses pieds sous le corps de son amoureux, qui venait de s’asseoir sur le lit. Les doigts enroulés autour de la porcelaine, elle soupira d’aise tout en détaillant l’homme en face d’elle. Ses cheveux brun foncé dont les mèches rebelles tombaient devant ses yeux verts lui donnaient un air taquin, et sa peau bronzée accentuait cette impression. Son buste musclé conduisait à des épaules carrées, ancrages à de puissants bras. Le regard brun de Corinne s’arrêta sur la base de son cou, à droite. Un petit disque pêche, à peine plus gros qu’une pièce de deux dollars et duquel dépassaient quatre pointes comme celles d’une croix, piquait la curiosité de la plupart des gens qui le découvraient.

    Corinne déposa sa tasse et s’approcha de James, qui l’entoura de ses bras. Du bout de ses doigts, la jeune femme frôla cette tache de naissance, un sourire aux lèvres. Cette marque l’avait toujours intriguée. Après tout, elle possédait la même, ce qui semblait presque impossible, du moins à ses yeux. Chaque fois qu’elle soulignait ce fait, son amoureux riait avant de l’embrasser, mettant un terme à la conversation.

    James s’éloigna un peu de Corinne avant d’attaquer le sujet qui l’agaçait.

    — Tu es toujours décidée à y aller ?

    — Oui, bien sûr. Je n’ai pas l’intention de passer à côté de cette chance.

    Sous le regard perçant de son galant, elle sauta en bas du lit avant de se diriger vers la salle de bain, sa longue chevelure brune se balançant au rythme de ses pas. Les mains dans les poches, il la suivit. Alors que Corinne se déshabillait, James l’observait, appuyé sur le cadre de la porte. Petite, elle lui arrivait à peine au menton. À ses yeux, elle lui paraissait si fragile ; il avait toujours cette envie de veiller sur elle.

    — Je n’aime pas ça. Tu pourrais trouver un autre projet avec autant de potentiel, tenta-t-il de la convaincre.

    Corinne déposa avec force sa brosse à cheveux sur le meuble en bois et se retourna, des éclairs dans ses yeux bruns.

    — Arrête d’essayer de me protéger ! C’est ridicule, James ! Elle s’approcha de son amoureux et, du haut de sa petite taille, lui tapota du doigt le torse.

    — J’en ai assez ! Assez d’écrire sur le design d’intérieur, l’art et tout ce qui s’en approche !

    — Mais je croyais que tu trouvais ça intéressant, que ça te relaxait et que…

    — Eh bien, plus maintenant ! Ça fait tout, sauf ça ! Je veux que ça bouge ! Je veux du vrai, du sensationnel. Je veux faire la une, pas la page 47 du cahier des arts et spectacles !

    Bien que surpris par la véhémence de sa chérie, James ne put que sourire devant son enthousiasme. Du bout de son index, elle le picota encore, n’admettant pas qu’il puisse rire d’elle.

    — OK, ça va. J’ai compris.

    Il se rembrunit.

    — Mais n’empêche, on parle ici de disparitions de personnes. Plusieurs. Et toutes inexpliquées. Je n’aime pas ça.

    Ce fut au tour de Corinne de le regarder en s’esclaffant. Choqué, il croisa les bras et attendit qu’elle se calme.

    — Monsieur l’enquêteur se prend au sérieux, on dirait bien !

    — Ne joue pas la fière avec moi, ma belle, murmura-t-il en la plaquant soudainement contre lui. Je suis sérieux. C’est dangereux, ces enquêtes-là.

    Touchée par l’inquiétude de son homme, elle se lova davantage contre lui.

    — Je comprends, mon lapin...

    Les épaules de son fiancé, qui jusqu’ici étaient crispées, retombèrent, comme libérées d’un poids.

    — Je vais faire attention.

    Puis elle lui planta un baiser sur sa bouche entrouverte avant de se glisser dans la douche. Le pauvre secoua la tête, toute son inquiétude revenue au galop.

    Une serviette autour du corps et une autre sur les cheveux, Corinne chercha James dans tout le logement. Elle commençait à penser qu’il était parti au travail avant même de lui avoir dit au revoir. La jeune femme le trouva finalement devant la porte-fenêtre du salon, une tasse de café à la main et le regard perdu au loin. Il se retourna lorsqu’il l’entendit approcher.

    — Je dois y aller, on vient de m’appeler. Un homicide sur la 1re Avenue.

    Il se pencha vers elle et l’embrassa tendrement avant de prendre son pardessus sur le canapé près du hall d’entrée. Elle l’y suivit et l’observa passer le manteau sur sa chemise noire. Corinne lui sourit avec amour : quel homme séduisant ! La main sur la poignée de la porte, il ne put résister et se retourna une dernière fois vers elle.

    — Tu seras prudente, au moins ?

    Elle lui répondit d’une grimace avant de fermer derrière lui.

    Lorsqu’il fut parti, Corinne revint dans sa chambre, où elle remplaça ses serviettes par un pantalon marine et un chemisier de soie blanc. Sur ses oreilles, elle fixa des pendants rouges en forme de chat. James ne comprenait pas l’engouement de son amoureuse pour ces bêtes à poil, mais la jeune femme espérait bien le faire changer d’avis dans un avenir rapproché, et voir ainsi sa petite boule soyeuse se promener dans leur appartement.

    Dans la salle de rangement, sa vieille valise lui sembla plutôt mal en point, mais il était maintenant trop tard pour s’en procurer une autre. Elle la fit rouler jusque dans sa chambre, où elle la remplit de divers ensembles, sous-vêtements et produits de beauté. Corinne n’avait aucune idée de la durée de son absence, mais elle jugeait que cela lui prendrait au moins une semaine avant d’accumuler assez d’informations pour son article. Dans le pire des cas, elle pourrait toujours revenir chercher ce qui lui manquait.

    Elle laissa son regard vagabonder dans la pièce lorsqu’elle remarqua le dernier roman qu’elle était en train de lire. Elle s’en empara et étudia la couverture colorée annonciatrice d’une lecture légère comme elle les aimait. Un bon chick lit ! Elle sourit et glissa le livre dans sa valise, au cas où. Puis ses yeux avisèrent la grosse pile près de la fenêtre. Elle était sur le point d’oublier son matériel de travail. Elle ramassa les calepins et les crayons, sans omettre son enregistreur et son appareil photo, puis les déposa dans un sac à bandoulière de cuir souple.

    Après un dernier coup d’œil, la journaliste décréta qu’elle pouvait partir. Corinne glissa ses pieds dans une paire d’escarpins marine, attrapa sa veste assortie à son pantalon et se dirigea vers la porte.

    Assise dans sa vieille Toyota Yaris, la jeune femme prépara son GPS. Le village qui souffrait le plus de cette vague de disparitions se trouvait à environ trois heures de route. N’étant jamais allée dans cette région, Corinne voulait éviter de se perdre et d’arriver trop tard à la maison d’hôte où elle avait réservé une chambre, d’autant plus qu’il n’existait que très peu d’endroits où passer la nuit, là-bas. Un vieux motel miteux à l’entrée du village proposait des séjours à coût modique, mais le site Internet ne donnait vraiment pas le goût d’y rester. Enfin, les autres choix se trouvaient dans les municipalités voisines, mais Corinne souhaitait demeurer le plus près possible des lieux des événements.

    Lorsqu’elle avait découvert la maison d’hôte au hasard de ses recherches, elle avait tout de suite été charmée par la demeure ancestrale qui l’abritait. L’extérieur jaune et bleu donnait un air coquet à la vieille bâtisse, et la galerie qui courait tout autour agissait comme un aimant sur Corinne. Au deuxième étage, le toit était garni de plusieurs lucarnes qui devaient permettre un éclairage naturel à la plupart des pièces. Un peu en retrait sur le terrain se trouvait un pavillon, lequel offrait une magnifique vue sur la rue Principale, la forêt ainsi que la rivière qui serpentait un peu plus loin au milieu des champs. La jeune femme regrettait de ne pouvoir profiter au maximum de son séjour en ces lieux ; le but de sa visite ne le lui permettrait sûrement pas.

    En songeant aux jours qui l’attendaient, Corinne mit la marche arrière et quitta le stationnement. Le trajet plutôt monotone sur l’autoroute permit à la journaliste de planifier sa journée. À son arrivée, elle parlerait un peu avec la propriétaire de la maison ; celle-ci devait en connaître beaucoup sur les habitants du village. Ensuite, elle irait rendre une visite à son homologue dans les bureaux du journal local, L’Initié. Satisfaite, Corinne sourit en pensant à son amant, qui s’inquiétait pour elle. Elle alluma la radio et poursuivit son chemin au son de l’opéra de Carmen.

    CHAPITRE 2

    Bien que le printemps fût encore tout jeune, l’odeur de la campagne se frayait un chemin jusqu’aux narines de Corinne. Celle-ci ouvrit bien grand les vitres, prête à inspirer cet air frais qui faisait terriblement défaut en ville. La journaliste profita du vent dans ses cheveux bruns et de la pureté qui s’infiltrait dans tous les pores de sa peau.

    Le paysage qui défilait par la vitre de sa voiture agrémenta le reste de son parcours, et ce fut de bonne humeur qu’elle franchit l’entrée du village. Corinne ralentit à la limite permise dans la localité, soit trente kilomètres-heure. Certains auraient été tentés de se plaindre de la lenteur de leur avancée, mais la jeune femme se plut à observer ce nouvel environnement. En outre, le GPS lui indiquait qu’elle atteindrait son objectif dans moins de deux minutes.

    Elle remarqua bientôt une ferme à l’entrée du village, tout juste avant de pénétrer dans le cœur de la localité. Un peu plus loin, à sa droite, se côtoyaient un poste d’essence, une quincaillerie, une épicerie ainsi qu’une série de maisons ancestrales. Avant d’arriver à l’auberge, une galerie d’art se démarquait avec sa toiture rouge écarlate et ses murs blancs étincelants. Corinne reconnut ensuite l’endroit où elle avait effectué ses réservations ; elle sourit en apercevant l’enseigne qui ballottait doucement au vent.

    La petite ferme avait fière allure. Lorsqu’elle sortit de la voiture, la jeune femme ne put que constater la beauté offerte à sa vue. Corinne grimpa les quelques marches jusqu’à la porte principale et s’arrêta sur la dernière afin de mieux profiter du paysage. Sur sa droite, de vieilles maisons se succédaient, et à sa gauche, au loin, la rivière scintillait au contact des rayons du soleil. Le cours d’eau coulait en direction de l’est et se frayait un chemin dans la forêt qui se dressait au centre de ce groupe de quatre villages. Malgré la situation, Corinne ne put s’empêcher de sourire devant tant de beauté. Elle pivota sur elle-même et, la bonne humeur visible sur son visage, pénétra dans la maison d’hôte.

    Le hall d’entrée accueillant permettait de recevoir plusieurs visiteurs à la fois. Tout en bois verni, les murs jaunes paille ensoleillaient l’endroit. Corinne se dirigea vers un petit meuble lustré servant de comptoir. Personne ne se trouvant à proximité, la jeune femme appuya sur la sonnette avant de prendre place sur une chaise de rotin installée contre le mur opposé. Une table ronde en érable recouverte d’une vitre ainsi qu’un canapé aux coussins fleuris complétaient l’ameublement. Corinne laissa son regard errer dans la pièce et rencontra un tableau en bois rouge représentant une ferme, seule décoration murale. La touche de couleur amena un sourire sur le visage de la journaliste.

    Une porte battante s’ouvrit finalement en faisant grincer ses gonds, et à peine Corinne eut-elle le temps de réagir qu’un gros matou gris sautait sur ses genoux.

    — Allez, ouste ! Belma ! A-t-on idée de traiter ainsi les gens ? Je vous demande pardon, mademoiselle.

    Une femme replète d’une cinquantaine d’années s’avançait vers elle. La propriétaire essuya ses mains sur son tablier avant d’en tendre une vers Corinne. Celle-ci la prit à bout de bras puisque le gros chat lui labourait maintenant le ventre, la queue oscillant devant son visage.

    — Ah mais, voyons ! Je suis vraiment désolée, mademoiselle.

    — Corinne. Et il n’y a aucun mal. J’adore les animaux, confessa-t-elle en grattant Belma derrière les oreilles, ce qui fit ronronner la bête.

    — Moi, c’est Patricia. Venez, qu’on vous installe. Une chambre a été préparée pour vous au deuxième ; j’espère qu’elle vous conviendra.

    Elles empruntèrent un escalier en cerisier. Des photographies couvraient le mur quasi en entier, mais la grosse surprise se trouvait en haut des marches. Sur le palier, à gauche, une vue magnifique sur la cuisine s’offrait à leurs yeux. Des poutres en bois soutenaient le haut plafond, des objets anciens reposaient sur les tablettes au-dessus des armoires et un îlot occupait le centre de la pièce. Une grande baie vitrée recouvrant les deux étages s’ouvrait sur le jardin et la grange qui devait donner le nom à la maison. Corinne s’appuya sur la rambarde, subjuguée. La propriétaire se tenait un peu en retrait, fière de l’effet de sa demeure sur la visiteuse.

    Des bruits de pas attirèrent leur attention, et Corinne se retourna. Elle découvrit une grande fille aux cheveux noirs et aux yeux aussi verts que l’herbe en été.

    — Voici Chloé, ma

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1