Une histoire de famille
Le ciel devenait menaçant au-dessus de New York. La neige n’allait pas tarder à tomber.
La Rolls se rangea le long du trottoir à hauteur d’un hôtel particulier qui bordait la Sixième Avenue. Des jambes fines gainées de soie apparurent, Emma sortit de la voiture dont le chauffeur venait d’ouvrir la portière.
Elle traversa le trottoir, pénétra dans le hall où l’attendaient le majordome et la femme de chambre auxquels elle abandonna son vison, son chapeau et ses gants avant de disparaître dans son bureau.
Elle venait de quitter le déjeuner de bienfaisance au Waldorf Astoria, et, par la même occasion, de signer son premier gros chèque de l’année, au profit des orphelins de guerre européens.
Emma Preskels, d’origine danoise, ne pouvait oublier les terribles heures de la Seconde Guerre mondiale qui avait ensanglanté l’Europe. Elle avait participé du mieux qu’elle avait pu à la reconstruction de l’après-guerre.
Son immense fortune lui venait de son mari décédé subitement d’un cancer en 1935. L’exportation de blé était redevenue florissante après avoir surmonté les années noires de la Grande Dépression. Jeune veuve, Emma avait repris la société en main et l’avait développée, si bien qu’elle était devenue l’une des femmes les plus riches de New York. Elle avait à son tour associé son fils à ses affaires, marié sa fille à un concurrent dont elle avait racheté l’entreprise. Mais elle ne se contentait pas de jouir de sa fortune, c’était une véritable philanthrope qui mettait ses moyens au service d’œuvres sociales et culturelles. Elle était évidemment sollicitée de toutes parts et, aidée de sa fidèle secrétaire Susan, gérait d’une main légère mais implacable les demandes qui affluaient dans le bureau de la Sixième Avenue.
Cet après-midi, Susan l’attendait, le combiné du téléphone à la main. Emma fit signe qu’elle voulait avant tout se reposer, mais Susan insista : – C’est un certain David Trevor, un de vos amis…
Emma s’empara du combiné.
