L'Emeraude des MacGorven: Une aventure de Jean Marjaque
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Aperçu du livre
L'Emeraude des MacGorven - Yann Veillet-Kerverzio
L’Emeraude des MacGorven
Yann Veillet-Kerverzio
L’Emeraude des MacGorven
Une aventure
de Jean Marjaque
Les Éditions Chapitre.com
31, rue du Val de Marne 75013 Paris
Du même auteur
Le singe de La Havane
Parfois les verres ont une âme
Le masque de Siyana
© Les Éditions Chapitre.com, 2021
ISBN : 979-10-290-1148-1
« Nous arrêtons nos regards sur une femme seulement pour satisfaire le plaisir des yeux et pour contempler ce que les hommes appellent la beauté. »
Sir Walter Scott
Ivanhoé (1819)
Chapitre 1
« La nuit avait été inquiétante. Quand le silence s’abat telle une chape sur la végétation et la faune tout est à craindre. Le silence en forêt annonce un danger. Mon feu me protégeait des prédateurs. Il frétillait juste, ne m’accordant que peu de chaleur. Je sortis de mon sac de couchage avec peine mais le jour commençait à pointer au travers la brume épaisse. La brume du matin en forêt c’est impressionnant, c’est un filtre épais qui s’étale sur toute la canopée qui se dissipe peu à peu pour laisser se découvrir la beauté de la nature. Son enveloppe consistante s’approprie votre être et vous humidifie le corps. J’étais sur une hauteur, j’avais laissé ma pirogue près du fleuve Amazone, plus bas. Réflexe du matin, je tâchais de me soulager tout en marquant à nouveau mon territoire. Je me dirigeais vers un arbre, ne me demandez pas l’espèce. Pisser contre un arbre est une mauvaise habitude occidentale, on se demande pourquoi irrésistiblement l’homme se sent attiré vers ce végétal, peut-être parce que sa circonférence lui permet de s’abriter du vent et d’éviter une terrible maladresse. Il n’y avait pas un souffle de vent, je pris donc la plante de plein fouet ! Alors que je renaissais à la vie et malgré le son de mon évacuation, j’entendis un sifflement sourd qui en une fraction de seconde m’inquiéta. Par réflexe je m’accroupis et je vis la flèche se figer là où se trouvait auparavant ma tête. Pas le temps de rentrer mon bazar, je me précipitais dans la descente en courant, glissais sur une descente abrupte et tâchais de rejoindre ma pirogue le plus vite possible. Il y a des moments dans l’existence où essayer de discuter ne sert à rien. D’après mes sources, j’avais affaire à une tribu redoutée et isolée qui n’avait pas l’habitude de parlementer, ce qui lui permettait de rester, telle qu’elle le souhaitait, attachée à ses traditions. Arrivé à ma pirogue je me lançais, tout en baissant la tête, je pagayais avec entrain essayant d’échapper à leurs pointes, sûrement enduites de curare, qui vrombissaient tout autour de mon embarcation. Je les vis sur la berge, ils avaient des arcs de quatre mètres de hauteur et leur nudité ne me parut pas obscène, enfin pas plus que ça ! »
Les regards des trois filles me captaient. Elles avaient la bouche bée. Je les fascinais. Seule celle de droite me plaisait, c’était tout à fait mon genre : une brune aux yeux noisette et une certaine distinction par rapport aux deux autres plus quelconques, bien que… après quinze jours de brousse comme disait mon ami Bob. Bref nous étions dans le huitième arrondissement dans un bar et je leur racontais une histoire authentique, afin de les convaincre qu’elles étaient tombées sur le bon cheval. En bon tacticien je m’adressais en priorité aux deux blondes et par instants je souriais à la brune. Cette petite mise en scène la tenait à distance et lui donnait le temps de réfléchir et de m’observer. Ainsi d’après mon expérience, je devais la séduire réellement.
– Qu’est-il arrivé ensuite ? s’inquiéta la blonde de gauche.
– Je suis rentré sain et sauf et je n’ai plus jamais remis les pieds dans ce coin-là. Oh pas par peur, mais surtout j’ai compris que ces peuples ont besoin de garder l’anonymat. Nous, les occidentaux, nous leur apportons non seulement notre cupidité mais aussi des maladies inconnues pour eux. La forêt est sacrée, ils la protègent. Il faut tout faire pour que l’homme blanc ne s’approche pas plus près. La déforestation est en marche depuis longtemps. Ils empiètent de plus en plus, ils ne sont jamais rassasiés. J’ai honte parfois d’appartenir à cette espèce.
C’est toujours bon de montrer ses bons sentiments, le petit côté écolo en ce moment ça plait bien, cela ne mange pas de pain d’autant plus que je me suis toujours efforcé de respecter la nature. Je n’avais donc pas à forcer, j’étais un adepte. Elles semblaient à point mais évidemment comme j’étais intéressé, j’avais un doute sur la brune, j’avais peur de ne pas l’avoir convaincue, elle. Nous sommes bizarres nous les hommes. Je changeais de braquet et la pris de plein front :
– Et vous, vous aimez la nature ? Je ne connais même pas vos prénoms.
– Laurence, répondit la blonde de gauche aussitôt.
– Laurie, dit la blonde du milieu.
Évidemment la brune laissa un petit temps pour répondre, histoire de montrer qu’elle était différente.
– Victoria, lâcha-t-elle dans un souffle timide et contrôlé.
– J’aime beaucoup ! dis-je cette fois en prenant la chose en main. Je ne la quittais plus du regard et sentais que les deux autres se rendaient compte qu’elles avaient été flouées. Qu’importe, il fallait maintenant que je la ferre, au risque de choquer, la séduction c’est un peu comme la pêche, il faut de la patience et du doigté, du savoir-faire quoi !
« Et vous vous êtes Jean Marjaque. » dit celle de gauche me cassant mon effet. « L’aventurier, je vous connais, je vous ai vu dans un reportage. »
Elle m’agaçait cette gourde à faire mon éloge tout ça parce qu’elle m’avait vu à la télé. Tout le monde passe à la télé aujourd’hui et pour de mauvaises raisons le plus souvent, tu parles d’une affaire !
– Vous étiez top, ajouta la fameuse Laurence, qui n’en ratait pas une, dans votre tenue de brousse au milieu des Africains.
– Ce n’étaient pas des Africains mais des Papous et c’était en Nouvelle Guinée mais peut-être que vous avez raté le début du reportage, fis-je irrité.
– Oui parce que je zappe beaucoup, je ne vois jamais rien en entier mais une fois que je suis tombée sur vous je suis resté jusqu’à la fin.
– C’est bien, vous n’êtes pas superficielle alors, dis-je en rigolant et en regardant complice Victoria. Celle-ci souriait discrètement, c’était très mignon, elle avait de jolies lèvres fines et bien dessinées. Elle avait le teint mat, c’était vraiment une beauté. Elle prit la parole :
– Moi je ne vous ai pas vu, je ne regarde pas souvent la télé, c’est anxiogène. Je préfère lire.
Une intellectuelle, elle était parfaite mais que faisait-elle donc avec ces deux-là ?
Laurie sentant qu’elle perdait la partie, se fit pressante.
– Bon ! Il va falloir que nous y allions, c’était très sympa monsieur Marjaque votre histoire en Amazonie, c’est bien ça en Amazonie ?
J’ajoutais, en souriant, afin de laisser tout de même une bonne impression :
– Je vois que vous avez de l’humour ! Eh bien ! au revoir mesdemoiselles, à bientôt j’espère.
Là, je ne m’adressais qu’aux deux blondes, la brune restait en retrait comme si elle attendait quelque chose et ce quelque chose arriva. Je me levais aussi et me penchais vers elle.
– J’aimerais beaucoup vous revoir.
– Je viens presque tous les vendredis soir prendre un verre ici, parfois le mercredi. Je serai certainement là mercredi, mes amies ne sortent que le week-end…
Elle ajouta un sourire malicieux. C’était gagné, j’étais vraiment bon. C’est en tous cas ce que je pensais sur l’instant. Elles partirent, les deux blondes en rigolant comme des adolescentes et Victoria toujours plus discrète se retourna en me faisant un au-revoir, bien prometteur, de sa jolie main fine.
J’étais heureux ! Tout allait bien ces derniers temps. J’étais revenu depuis quinze jours d’Éthiopie où j’avais passé un peu de temps avec les Karo, peuple qui vivait dans la vallée de l’Omo. Jamais colonisés, ils avaient gardé toute leur authenticité. C’était donc un poil rustique. Je logeais dans une hutte constituée de brindilles, roseaux et branchages. Ils m’avaient accueilli sur ma bonne mine et avec une délicatesse incroyable. La polygamie étant autorisée, je vis tourner autour de moi un bon nombre de jeunes filles d’une rare gentillesse. Malgré leurs peintures sur le visage, tous leurs artifices et parures, je pouvais déceler chez certaines de véritables beautés. Pas toutes hein ! Cela restait quand même l’exception. Bref, après avoir chassé avec eux et étudié un peu leur façon de vivre, je décidais de quitter cette atmosphère bucolique. Je ne reste jamais trop longtemps, j’ai toujours peur de m’attacher. J’ai beaucoup ri avec eux : c’était le meilleur moyen de communiquer. Ils ne parlent que le karo et comme je n’avais pas eu la chance d’étudier cette langue, il fallait transmettre ses sentiments et ce n’était pas chose facile. Dans ces circonstances le rire est une assez bonne solution. J’ai donc beaucoup ri avec mes amis indigènes. J’avais bien fait de faire le plein parce qu’une fois à l’aéroport la grisaille se refit présente. Comme d’habitude une alerte à la bombe nous fit perdre trois bonnes heures. Dans le vol du retour j’étais à côté de Français, des mal élevés, des purs représentants de la beaufitude à la française. J’avais honte pour eux. Je me demandais toujours ce que des gens comme ça, pouvaient venir faire dans un pays comme celui-ci. Le camping des Flots bleus me semblait idéal pour ces bestiaux. « Ah ! vous êtes français, moi je suis de Montpellier et vous ? Ma femme est lyonnaise alors elle était bien contente de quitter la place Bellecour, même si ça lui manque, vous connaissez la place Bellecour ? »
Comment en quelques heures de vol, vous perdez toute l’énergie accumulée par votre périple, toutes les belles choses que vous avez emmagasinées dans votre esprit semblent disparues à jamais. Vous revenez à la réalité, les gens, vos contemporains je n’ose dire, cela m’écorche, vos compatriotes. Ils sont là, ils ne vous ont pas oublié, ils ne vous lâcheront pas, et même une fois arrivé à Paris, d’autres vous rappelleront que jamais au grand jamais vous n’avez le droit d’être peinard, de vous élever, sans en payer le prix.
Heureusement dans cette avarie se dessinait un sourire merveilleux, celui de Victoria.
Chapitre 2
« Allo ! Jean tu es de retour ? »
J’avais failli me casser la gueule en me précipitant vers mon combiné que beaucoup trouvent vintage. Mais je ne m’étais toujours pas adapté aux téléphones portables. Pour me joindre il y avait ce fixe et sinon un bar dans le XVIIème arrondissement qui me servait de poste restante et d’autres lieux du même genre. C’était parfait ! A l’autre bout du fil il y avait mon vieux compagnon de brousse Max.
– T’étais où encore ?
– En Éthiopie chez les Karo.
– Mon salaud !
– J’avais besoin de m’aérer l’esprit.
– Bien ! dis donc Jean, tu es libre demain soir ? Tu me raconteras ça, viens diner à la maison j’ai une surprise pour toi.
– Une surprise ?
– Figure-toi que je me suis marié, je veux te présenter ma femme.
– Marié toi ?
– Oui mon vieux tout arrive !
– On peut le dire… Ok à demain vingt heures ?
– Vingt heures. Et au fait bonne année.
– Ah oui c’est vrai je suis passé à