Psychologie de l’ascenseur social
Comme les épreuves de patinage artistique, option programme court, les romans qui parlent d’adolescence reposent sur des figures imposées : premiers émois, premières blessures d’amour, premières manifestations d’indépendance, premières tentatives de s’inventer une vie au-delà du nid… Sur ce canevas existentiel, des milliers de textes ont été écrits – et certains parviennent encore à nous passionner. Peut-être est-ce une question de point de vue : l’adolescent, avec son regard sans complaisance et sa langue bien pendue, est un bon révélateur des travers du monde adulte.
La romancière a l’œil pour saisir nos ambivalences
L’Antigone de Sophocle faisant la leçon à son oncle roi dedétectant des signes de fausseté partout dans le New York des années 1950… : la littérature abonde en jeunes gens lucides capables de dévoiler les absurdités comiques et atroces du milieu dans lequel ils ont grandi. L’âpre héroïne de est un peu leur petite sœur venue du quart-monde italien. D’Antigone, elle a l’intransigeance, et elle partage avec Holden Caulfield le sentiment d’être à part. Elle ne le doit pas à un complexe poétique d’inadéquation au monde, mais à de prosaïques données sociologiques : au début du roman – dans les années 1990 –, sa famille habite un appartement souterrain meublé de rebuts et sis dans un quartier de Rome tapissé de seringues usagées. Et quelle famille ! Un père paraplégique, tombé d’un chantier où il travaillait clandestinement. Un frère affublé d’un nez et d’une colère tout aussi encombrante qui le fera partir bientôt. Des jumeaux qu’il faut bien nourrir. Et une mère, Antonia, qui est la seule ressource de cette petite cellule. Pas seulement parce qu’elle a un emploi de femme de ménage. Mais parce que la pauvreté lui a appris à ne jamais lâcher et lui donne une licence pour toutes les audaces.
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