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Véraisons
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Livre électronique266 pages3 heures

Véraisons

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À propos de ce livre électronique

« La bande épaisse des bas qui apparaît en haut des cuisses sous une jupe courte, c’est pas abusé ça ? J’étais piégé. L’envie d’inspecter la propriété m’a démangé durant toute la séance. Après avoir expliqué les perspectives de croissance de la zone euro pour amadouer les investisseurs de Province, j’ai fini par lâcher au sol mon Pilote bleu. J’ai passé deux secondes avec ma tête sous la table, mais ses jambes étaient croisées. Elle jouait de l’escarpin avec son pied. Et quel pied, tu aurais apprécié. »


Une fois libérés de la contrainte du travail, Ulysse et Henri consacrent toute leur énergie à étancher la soif d’expériences sensuelles et esthétiques qui les dévore. Entre volupté et frustration, ils poursuivent leur quête de beau et d’ivresse, se passionnant d’une bonne bouteille, d’une chanson émouvante ou d’un joli derrière. Avides de ce que leur offre le monde, ils s’y cherchent une place acceptable ; et leurs trajectoires croisées, de l’effervescence parisienne aux rues immaculées du Japon, invitent à nous questionner sur notre propre « véraison ».

LangueFrançais
Date de sortie7 sept. 2022
ISBN9782889493241
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    Véraisons - Marius Josse

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    Marius Josse

    Véraisons

    Véraison : période pendant laquelle les fruits commencent à gonfler et à prendre de la couleur. Ce changement d’aspect correspond à une forte accumulation de sucres.

    Partie I

    Semence : graine que l’on sème en vue de la reproduction. fig. Cause responsable de certains effets qui vont se développer avec le temps.

    1

    Quel temps fait-il ce matin ? Dégagé, jusqu’à l’horizon. La route sera longue, camarade. Penser à prendre une gourde et quelques papayes pour tenir le coup, puis en avant marche. La température du bitume vous convient-elle ? Parfaitement. Et Ulysse y pique fréquemment une tête, de son palier aux mêlées métropolitaines, assourdies par la circulation des trains. En chemin, il remarque quelques personnes mûres et touristes matinaux installés en terrasse. Lui rappellent tous l’application concrète du concept de liberté, le gargouillis au ventre. Élaborer une stratégie visant à satisfaire une boulimie croissante pour la chose. Y songer sérieusement.

    C’est généralement en queue de quai que les rames sont les moins bondées. On y trouve même souvent des places parce qu’on est en début de ligne, mais attention, il faut être au taquet et entrer en preums, sinon c’est un coup à se taper vingt stations debout et se retrouver rapidement écrasé comme une sardine quelques arrêts plus loin. Voici donc la procédure quotidienne de l’usager aux heures de pointe : à l’arrivée du métro, repérer les sièges vacants pendant que les roues sifflent leur freinage. Se focaliser sur l’un d’eux, qui ne soit pas convoité de l’intérieur. À l’ouverture des portes, s’engouffrer tout droit sur la cible, tête baissée, le pas décidé, sans se préoccuper du voisin qui comptait lui aussi s’y asseoir. Faire semblant de ne pas l’avoir vu, c’est la meilleure façon de lui passer devant. Éviter dans la mesure du possible de faire exception pour une femme enceinte ou un vieillard, vous ne l’avez pas vu non plus. Songez que sinon vous ferez la sardine derrière pendant un moment et si ce n’est pas votre jour, ce sera avec le nez planté dans l’aisselle d’un voisin masculin. Prenez l’air préoccupé en vous posant dans le siège, absorbé par votre téléphone portable, froncez les sourcils. Avec un peu de chance, une personne déjà assise prendra l’initiative de céder sa place. Vous ferez mine de découvrir la situation et de proposer de céder la vôtre ou d’approuver ce civisme naturel avec suffisamment de retard pour vous assurer de ne pas avoir à le faire.

    Ces jours-ci il y a moins de fréquentation qu’à l’accoutumée. Désertion parisienne à l’occasion des périodes de ponts à rallonge et de vacances. Trêves estivales. Ça libère un peu d’espace dans l’atmosphère rapidement étouffante des wagons non climatisés. L’arrivée du métro qui se présente plutôt vide détend immédiatement. Entrée sans stress dans la boîte aux quelques usagés clairsemés ; on respire.

    Voilà, on s’assoit là ; enfin si Madame veut bien laisser passer et pousser ses jambes. Elle ne bouge pas, plongée dans son Charlie Hebdo de mes deux. R’gad’ moi cette gueule de chiotte. Tire la tronche. Va ensuite se lever et te bousculer sans s’excuser. A décidé de ne pas se préoccuper de l’entourage. Doit pas être honorée des masses pour avoir un air aussi pète-sec. Aurait besoin d’une bonne torgnole pour se remettre les idées à la bonne place. Et lui pareil. On pourrait le tuer à mains nues, c’est jouable. Son voisin aussi, mais avec un couteau, il est costaud le gaillard. Un petit coup dans la jugulaire. Chlik.

    Au même moment entre un clochard loqueteux. « Est-ce qu’y a queq’ chose de frais ? », demande-t-il, tourné en direction de deux personnes sans s’adresser clairement à elles. C’est que la chaleur donne soif. Il a le ton bonhomme, sympathique et sa diction indique un degré alcoolique léger. Il maîtrise. Il cocote juste un chouia. Pas de réaction de ses voisins. Il se répond tout seul : « Eh non. Non, y a que d’la merde », avant de s’asseoir sur un strapontin côté fenêtre, le dos calé dans l’angle de la paroi du métro et celle des dossiers de sièges derrière lui sur lesquels il allonge tout son bras. Bien installé. Dans cette position, il regarde en direction d’Ulysse et poursuit son monologue. À première vue, on a l’impression qu’il est en conversation avec vous car il ponctue ses propos de blancs, comme s’il attendait une réponse de votre part. Peut-être d’ailleurs espère-t-il que quelqu’un se joigne à lui pour papoter. « Des grands artistes créatifs, y en a pas tant que ça, il y a beaucoup d’imposteurs, il dit, fixant toujours Ulysse qui en tourne la tête vers la vitre, dans l’obscurité des couloirs. La Fontaine par exemple, il a tout piqué à Ésope chez les Grecs. Van Gogh, il s’est contenté de pomper les dessins qu’il a trouvés chez les Japonais. Andersen il faisait faire les illustrations de ses livres par ses enfants. »

    Le vacarme sourd de la rame finit par plonger Ulysse dans un léger sommeil duquel il sort quelques stations plus tard. « Bonjour chef bonjour Madame donnez-moi cinquante centimes pour manger s’il te plaît » demande un jeune garçon roumain de six ans, la main tendue ; suivi d’une femme d’âge moyen qui veut se frayer un chemin devant Ulysse pour s’asseoir. Celui-ci se dérange, range ses genoux sur le côté pour l’aider à passer, pas un pardon, pas un merci. Indifférente. Va te faire voir eh ! Pareil hier quand il s’est arrêté et mis sur le côté devant les portes pour laisser passer l’une d’elles devant lui. Filent toutes tout droit sans sourciller. Conclusion, inutile d’être courtois c’est chacun pour soi. Le clochard poursuit ses analyses en tout genre. « L’Angleterre et les Anglais, ce sont les pros de la finance. Ah ça ils savent s’y prendre. Pièce majeure de leur économie. Les Écossais, eux, savent faire du whisky ; les Irlandais aussi. Les Gallois par contre on sait pas trop ce qu’ils glandent. »

    Nouvelle venue en face qui se tient debout empoignée à la barre métallique. Elle regarde dans son corsage et ajuste le tissu en tirant un peu dessus vers le haut. Petites guibolles lumineuses en minijupe serrée courte qu’elle réajuste également en tirant dessus vers le bas ; et c’est un peu cocasse, car du coup le tissu en haut est reparti en bas. Elle est plongée dans le roman d’un écrivain toujours en tête des ventes, à pondre une fois par an, réglé comme du papier à musique. Un rideau de cheveux couvre ses joues ; on ne voit que le bout de son nez et sa bouche ; pas une petite bouche aux lèvres pincées mais un joli fruit à la lèvre inférieure délicatement bombée. Ça pourrait être une bouche de Chinoise. Comme c’est beau une bouche de Chinoise. Elle profite que la grognasse au Charlie Hebdo quitte les lieux pour venir prendre place à côté d’Ulysse qui profite des mouvements et des virages pour provoquer un contact avec sa nouvelle voisine, effleurer son bras avec le sien et tenir la position comme naturelle. Rondement mené. Son épiderme douillet et rafraîchi par la régulation sudoripare stimule le duvet et les cellules d’Ulysse. Frissons. A-t-elle aussi un peu la chair de poule ? Est-elle aussi émue ? Ulysse garde son bras en mode promiscuité mais sa voisine déplace finalement le sien pour cesser cette caresse inopinée.

    Enfin, quoi qu’il en soit, ça ne changera pas le programme ; on va encore déguster toute la journée. Le matin avant le boulot puis au boulot, au déjeuner, avant de rentrer du boulot… Avec tout ça, tu es tendu grave. D’où l’intérêt d’aller s’enterrer à la campagne. Mais à défaut de vivre à la ferme, pourquoi n’envisagerait-on pas un peu de plaisir en toute décontraction, entre adultes ?

    Ulysse a l’œil sec et les paupières cotonneuses. Réclament massage et hydratation. Se sent globalement les batteries à plat, voudrait encore somnoler quelques stations mais, s’apercevant qu’il est arrivé, il sort comme un coucou de sa léthargie ; pardon, excusez-moi, merci, sonnerie attention fermeture des portes, c’est bon on est passé ; et le voici maintenant avisé par d’avenants haut-parleurs polyglottes, à la voix tour à tour masculine et féminine, de bien vouloir veiller à ses effets personnels et de faire attention aux pickpockets, avant d’être poussé dans le flot des artères de correspondance. Une valise, un cellulaire, un sac, un plan, un enfant à la main ; les usagers se talonnent en cadence et en silence, prennent les escaliers qui montent et descendent, tournent à gauche puis à droite, couloirs de trente mètres avant le prochain virage ; et voici qu’un jeune homme, à lunettes et à la calvitie naissante, double Ulysse par l’extérieur avant d’attaquer les escaliers suivants et de disparaître dans le labyrinthe avec sa serviette qui pend au bout de son bras. Quel dommage à son âge. Pressé. La poussette qui veut passer à côté ? Fait comme si on ne la voyait pas, soyons désinvoltes n’ayons l’air de rien. 9 h 32, déjà ? S’agirait en effet d’accélérer. Et les panneaux d’annonces sur les murs se succèdent à la vitesse de 8 km/h. Réclames pour événements culturels, voyages à l’étranger ou escapades en province, théâtre-expos-concerts, cinéma-littérature, alcool de temps en temps, biscuits ou magasins en tout genre, fashion créations de-ci de-là, officielles ou en tags sauvages. À l’angle des lignes 4 et 12, il embraye sur le grand tapis roulant de cent quatre-vingt-trois mètres. Ça défile dans le sens opposé. Là tu t’en prends plein la gueule au rythme d’un gnon-seconde de toutes les couleurs et pour tous les goûts. Regarde celle-là qui avance au trot. Ça ballote gaiement dans sa blouse crêpée.

    À mesure qu’il avance, la musique d’un ampli micro et guitare lui parvient. Kingston Town de Lord Creator, par UB40, avec la même voix affectueuse. Foutues années 80. La mélodie commence à lui remuer lentement les entrailles. Devait avoir dix piges quand la chanson a envahi les ondes. Le revêtement des couloirs est presque noir. Le noir est moins salissant. À l’époque il jouait jusqu’en fin d’après midi au foot ou à la paume et il traînait dans le square avec les copains du voisinage. Une montée de larmes lui brouille brusquement les iris. En penchant un peu la tête en arrière avec les yeux ronds tout en évitant de battre les paupières trop fort, on peut contenir les débordements mais la montée est si fournie que deux grosses gouttes roulent sur ses joues. Il avale et se concentre pour se calmer. Là c’est UB40 mais UB40 n’a pas d’importance, ça pourrait être autre chose. Dans son cas, ç’aurait pu être le générique d’une japoniaiserie quelconque de l’époque, genre Chevaliers du Zodiaque, un air entraînant chanté par Bernard Minet : L’aventure est sur ton chemin, il suffit de tendre ta main…, de ces histoires nippones avec jeunes héros tenaces qui luttent en bastons esthétisantes grotesques, n’abandonnent jamais, même à demi-mort et gagnent finalement contre des méchants toujours plus forts, réputés invincibles, au sommet de la pyramide des combattants – résonance systématique avec la société hiérarchique, verticale du pays –, capables de détruire la planète d’un bras. Comment est-ce possible ? Ces jeunes idéalistes sont portés par la soif de justice et la volonté viscérale de faire triompher le Bien et les gentils dans l’univers. Toujours le même programme en filigrane. Ç’aurait tout aussi bien pu être le générique de Belle et Sébastien ou des Mystérieuses Cités d’Or. Si Proust avait connu notre époque envahie de musique, il aurait probablement évoqué ce violent chamboulement que provoque l’écoute d’une chanson oubliée, profondément enfouie en soi, au fin fond d’un passé révolu.

    Ce n’est rien, tout va bien. Easy. Il renifle d’un coup sec pour aspirer le mucus qui est venu encombrer son nez. On pourrait croire qu’il vient d’éternuer mais tout de même, une puissante vague de peine vient de traverser son visage. Deux points brillent sur le revêtement mat.

    Il y a autre chose, ça lui revient. Un orchestre jouait ce morceau alors qu’il dînait avec sa femme dans le restaurant d’un club de vacances en République Dominicaine ; cocktail, poissons grillés, viandes boucanées… Premiers congés payés, premières vacances en amoureux, ambiance tourtereaux, à se la couler douce. L’air chaud s’adoucissait en ce début de soirée qui s’annonçait étoilé. Le soleil venait de se mettre au lit et les vacanciers étaient décontractés, paisibles. Elle portait une robe courte noire et des sandales à hauts talons avec bride autour de la cheville, prête à enchaîner le sorbet passion et le spectacle merdique des G.O., mais ce n’était pas grave que le spectacle soit merdique. Quarante-cinq minutes plus tôt, il la culbutait dans la vaste salle de bains contre le lavabo alors qu’elle venait se poser une ligne de mascara sur les cils. Elle posait son pied sur le meuble à côté, désireuse de bien lui ouvrir le passage. Rebelote après le spectacle ; il en était rassasié et heureux.

    Vous aussi, souvenez-vous. Vous baisiez, c’était bon.

    Premiers shoots d’endorphine, les meilleurs. Plénitude totale. C’était le bon vieux temps. Tous les deux affamés l’un de l’autre. Désir fou mais surtout repu. Elle était même capable de se réveiller en pleine nuit avec l’irrépressible envie de le dévorer. Après le rapport, elle déambulait belle et contente en revenant comme une fleur au lit, et lui était sur un nuage. Moment du câlin. Pas de mauvaise descente post-coïtale, d’insatisfaction parasite ou d’idées noires. Lumineux sans la moindre trace d’ombre. Il ignorait que cette phase amoureuse, exceptionnelle et éphémère, était le mouvement introductif de la reproduction des espèces qui allait par la suite structurer substantiellement une bonne partie de son destin ; marquant profondément l’entrée dans la vie adulte, en parallèle de l’autonomisation financière. Charnière entre l’âge de l’innocence, de l’insouciance, et celui des responsabilités et des emmerdements. Si cette phase hypersexuelle n’aboutit pas nécessairement à une fécondation sur-le-champ, en raison d’éventuelles priorités de carrière de chacun, elle scelle une union qui en est le terreau. L’ocytocine va ensuite prendre le relais et s’imposer, d’abord chez elle.

    Contraception ou non, on n’échappe pas au dessein du mystérieux et tout-puissant ADN.

    Il en avait ouï-dire, mais ne se sentait pas directement concerné. Aujourd’hui il est en plein dedans. Il apprécie les endorphines surtout quand il accouche d’un bel étron, il euphorise un bon quart d’heure lorsqu’il évacue une quantité satisfaisante de ses intestins. Il en reste béat, le sphincter dilaté. Moments rares qu’il faudrait savoir provoquer en se retenant de faire pendant une bonne demi-journée, retourner chez soi en courant, le cigare au bord des lèvres, vite, vite – pensez à la clé qu’on peine à mettre dans la serrure – laissez-moi passer, place, place ! s’asseoir en catastrophe sur la cuvette, et une fois en position : savourer.

    Fucking Kingston Town. Le pas ralenti, reprenant ses esprits, Ulysse passe ses souvenirs en revue, enfin plutôt des séquences de différentes périodes révolues de sa vie ; d’il y a dix ans, vingt ans. Finalement se ravise. Reprend la cadence pressée. En avant, go. Une fois les portes de la gare franchies, la grande tour de verre de son employeur s’élève rapidement. Seize étages de Banque-Assurance-Finance dominent nettement ses voisins en pierre ; avec vue sur Paris, la tour Eiffel non loin en ligne de mire. Sur le parvis couvert de grandes dalles marbrées beiges, quelques fumeurs seuls ou entre collègues et quelques petits branleurs au téléphone, tout fiers dans leur costard de Fursac à se donner l’air de peser des millions, bande de fions. Ulysse s’engouffre dans les portes automatiques jusqu’aux tourniquets.

    Attente, les yeux en l’air rivés sur la position des ascenseurs, prêt à se diriger vers la porte adéquate, quand la cloche sonne d’un sobre ding. Merde, voilà l’autre tête de nœud qui se pointe ; va être du voyage sur trois étages. Bonjour, bonjour. Chorus. Salut les cons. La petite du back-office appuie sur le 1 ; peut pas prendre les escaliers cette conne. Connasse, pétasse. On s’arrête au premier, mais tous les étages sur le panneau de commande sont illuminés. Tiens c’est un omnibus, commente l’un des passagers. Connard, bâtard, tu pues du falzar. Au quatrième, celui qui a l’air systématiquement en deuil sort sans un mot. Répond jamais à un bonjour. Allez bonne journée fils deup’. La boss n’est pas là ce matin, on va pouvoir y aller mollo. L’ordinateur d’Ulysse s’allume. Commencer par prendre quatre cafés, sans se stresser. Un message gris glacial brise soudainement l’harmonie de son écran, merde !

    « Visite médicale dans quinze minutes »

    2

    Henri est au Japon. Il trône sur un modèle Washlet au siège chauffant, muni d’un purificateur d’air absorbant les mauvaises odeurs – sans agresser de désodorisant – et d’un traitement d’eau par électrolyse : l’eau ionisée produite possède des propriétés antibactériennes, anticalcaires et dissout les traces fécales sur le revêtement en Zircon. Un traitement par UV existe en modèle alternatif. Sur le boîtier de contrôle des toilettes, le bouton « back » actionne la sortie d’un petit bras sous les fesses de l’utilisateur, suivi d’un son continu et robotique. Celui-ci vrombit ensuite deux secondes puis expulse un jet puissant sur l’anus. Lorsqu’on s’est suffisamment familiarisé avec l’outil, on peut en moduler l’intensité. Henri appuie sur le bouton. La pression de l’eau qui s’en vient lui chatouiller l’orifice le nettoie avec une prodigieuse efficacité. Le jet est un peu trop fort, l’eau entre presque dans le rectum. Il ajuste son bassin sur le siège de façon à parfaire le travail puis presse le bouton pour éteindre le mini karcher. La fonction séchage – non disponible sur tous les modèles – s’enclenche alors et voici résumée dans ces toilettes toute la technologie ingénieuse et créative au service du confort et de la propreté dont sont capables les Japonais qui, bien que mauvais élèves dans l’égalité des sexes, pissent pour une bonne part assis et ne lésinent pas sur l’hygiène. Notons qu’un jet est aussi spécialement dédié pour les dames, symbolisé par un bidet à côté des fesses sur la télécommande ou d’un humanoïde assis avec une queue-de-cheval. Ce bel objet, dont des néons invisibles colorent la lunette et l’eau en un bleu profond n’a aucun succès en France. Il suscite plutôt des moqueries suggérant que les Français préfèrent avoir le derrière sale et des traces de pneu dans le slip plutôt que d’aborder le nettoyage anal.

    Dans dix minutes, il va rejoindre le groupe pour

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