Une journée PRESQUE NORMALE
Des ventes aux enchères comme celle que Patrick allait diriger étaient rares. Mais il avait d’autres raisons de se réjouir. Cette journée serait détonante !
Patrick, comme chaque matin depuis bientôt dix ans, prit place devant la tasse de café noir que Magali venait de déposer à son intention sur la table. Selon son habitude, elle s’était levée une heure plus tôt que lui, ne souffrant pas, disait-elle, que celui qui rapportait l’argent du ménage doive attendre pour être servi.
Cette sollicitude l’avait un peu gêné dans les premiers temps de leur mariage, mais il y avait vite pris goût et trouvait à présent toutes naturelles ces nombreuses petites marques d’attention qu’il savourait au quotidien, ne songeant même plus à l’en remercier : son journal ouvert à la page des sports, côtoyant deux toasts recouverts d’une couche de beurre et de confiture; son bain chaud déjà coulé; sa chemise propre, repassée et posée à côté de sa cravate sur le lit déjà refait lorsqu’il sortait de la salle de bains; ses chaussures cirées enfin, qu’il trouvait au pied du valet de nuit où l’attendait un costume d’une fraîcheur irréprochable. Autant de prévenances qui faisaient partie d’un rituel qui le maintenait dans un doux et sécurisant bien-être et qui le confortait dans l’idée qu’il avait épousé la femme idéale. Ce matin-là, il s’autorisa un troisième toast. – En prévision de la dure journée qui m’attend. Sa matinée, déclara-t-il en poussant un léger soupir, serait consacrée à l’expertise d’un lot impressionnant de meubles et de bibelots que l’héritier d’une grosse fortune désirait mettre en vente.
Spécialisé dans la période Art nouveau, il avait été désigné tout naturellement parmi d’autres commissaires-priseurs pour s’acquitter de la tâche, ô combien délicate, de vérifier l’authenticité de chaque objet proposé par siècle, dont certaines présentaient de fortes cotes. – J’ai bien peur de rentrer un peu plus tard que d’ordinaire, ma chérie. Tu voudras bien me pardonner. On sait quand les enchères commencent, on ne sait quand elles se terminent, et il y a fort à parier qu’on va âprement se battre pour acquérir un petit paysage de François Bonvin, que je considère comme la pièce maîtresse de cette vente.
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