Muriel vit Lise arriver par la rue Herriot, écouteurs sur les oreilles, l’air absent. Pas dans ses bons jours, se dit-elle.
Quand la jeune femme poussa la porte du café, Muriel lui fit un petit signe. Lise vint s’affaler à côté d’elle et retira ses écouteurs.
– La Sixième de Beethoven, c’est vraiment la symphonie que je préfère. Muriel fronça le sourcil : la Sixième, c’était la musique que Lise écoutait en boucle quand elle devait calmer sa nervosité.
– Ça s’est mal passé, aujourd’hui ? Après avoir commandé un double chocolat, Lise lâcha :
– J’ai encore eu une prise de bec avec Dupuis. Il faut dire que j’ai fait une bêtise dans l’analyse mais il avait mal préparé les éprouvettes.
– Ce n’est pas la première fois, murmura Muriel. Tu ne crois pas que tu devrais un peu lever le pied ? Tu as des congés à prendre et sous prétexte de…
– Il me faut d’abord terminer ce programme. Je m’y suis engagée à mon arrivée au laboratoire.
– Sans avoir terminé celui que tu suivais jusqu’à présent… A force de cumuler les engagements…
– Tu veux dire que j’aurais dû refuser ce poste ? Alors que cette promotion, je me suis battue pour l’obtenir ? Muriel se tut, puis lâcha, pendant que Lise trempait les lèvres dans sa tasse :
– Tu vas finir par faire un burn out, si tu continues… Lise haussa les épaules de dédain. Elle savait pourtant que Muriel avait raison. Elle était près de craquer, elle s’en rendait compte au fil des petites erreurs qu’elle commettait dans ses manipulations de laboratoire, mais elle refusait de l’admettre. Elle changea de sujet puis, au milieu de la conversation, s’interrompit :
– J’ai oublié d’appeler Michel Grand pour le colloque de la semaine prochaine… Elle regarda sa montre, soupira :
– Il faut dire que ce matin, il m’en est encore arrivé une… Soudain, elle éclata en sanglots. Muriel attendit que la crise se passe, que Lise s’explique.