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À bout de souffle - À bout de vie
À bout de souffle - À bout de vie
À bout de souffle - À bout de vie
Livre électronique495 pages7 heures

À bout de souffle - À bout de vie

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À propos de ce livre électronique

Les chemins de Chris et Emily se croisent à nouveau.

Si Emily en est troublée, Chris, lui, ne perd pas une seconde pour la convaincre de lui donner une nouvelle chance. Après un été où ils apprennent à travailler ensemble, Emily entreprend sa dernière année d’études et sa relation avec Chris devient plus sérieuse que jamais.

Tandis qu’ils en arrivent à partager des moments de pur bonheur et qu’ils vivent tous les deux des succès professionnels éclatants, l’inévitable guette Emily, dont la santé décline rapidement.
LangueFrançais
Date de sortie1 avr. 2021
ISBN9782898180781
À bout de souffle - À bout de vie
Auteur

Nathalie D’Amours

Née à Winnipeg au Manitoba, d’une mère enseignante et d’un père journaliste, Nathalie D’Amours a fait la majorité de ses études sur la Rive-Sud de Montréal. Passionnée par les arts et les voyages, elle partage son temps entre l’enseignement, sa famille et l’écriture.

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    Aperçu du livre

    À bout de souffle - À bout de vie - Nathalie D’Amours

    thoracique

    Chapitre 1

    Attentes

    Chris Taylor était parti… Cette pensée la hantait alors qu’elle reprenait le chemin vers la Ace Gallery où son vernissage aurait lieu le soir même. Elle venait de le croiser dans un café, dix-huit mois après leur rupture, il avait insisté pour s’asseoir avec elle et demandé à la revoir. Bouleversée et craignant de souffrir de nouveau, elle était partie. Non, elle s’était plutôt enfuie. Réalisant son erreur quelques coins de rue plus loin, la jeune femme était revenue sur ses pas, mais il était déjà trop tard. Il n’était plus là. C’est donc le cœur barbouillé et l’esprit confus qu’elle avait repris le chemin vers la galerie, déjà fatiguée par ses pas semés autour du café.

    Quand elle arriva finalement sur les lieux, elle fut happée par les questions techniques de Matt et des deux employés qui mettaient la touche finale à la préparation de la soirée. Emily leur répondit de la façon la plus brève possible. Dès que ces deux travailleurs furent un peu à l’écart, son ami la questionna.

    — Ça va, toi ? Tu n’as pas l’air dans ton assiette.

    — Je viens de voir Chris.

    — Chris, le gars qui travaille à la librairie du campus ? s’étonna-t-il.

    — Non. Chris Taylor.

    Matt garda le silence. Autant il en voulait à l’acteur d’avoir aussi mal traité son amie, autant il savait que ce n’était pas de sa rancune dont elle avait besoin, mais de son écoute.

    — Il était au café et a insisté pour qu’on s’assoie ensemble. Il a proposé qu’on se revoie, en amis. J’ai réagi comme une idiote, ajouta-t-elle après un court silence.

    — Ne me dis pas que tu as accepté !

    — Non, j’ai refusé, spécifia-t-elle en fronçant les sourcils, puis je me suis enfuie en courant.

    — En courant ? s’étonna Matt en souriant.

    Le faisait-il exprès pour tourner le fer dans la plaie ? Découragée, elle colla son dos contre le mur et se laissa glisser jusqu’au plancher. Matt soupira et s’assied à côté d’elle.

    — Tu as bien fait, je suis fier de toi.

    — Pas moi. Il a été très gentil et avenant. Comme toujours. Il était devant moi depuis à peine trente secondes et je fantasmais déjà ! Quand il a proposé qu’on soit des amis, ça m’a blessée, je ne sais pas pourquoi. Après tout, revenir ensemble n’est même pas une éventualité. C’est à des années-lumière de la réalité. Je ne suis qu’une idiote, il doit penser que je suis complètement folle.

    — Personne ne va penser ça de toi, Emi. Pas même Chris Taylor. Je t’assure que ta réaction est tout à fait normale. Tu es célibataire depuis quoi, six mois ? Chris est un bel homme, n’importe qui fantasmerait devant lui, voyons. Ce qu’il te faut, c’est un amant.

    — Oui, bien sûr. Rappelle-moi d’aller en chercher un au magasin du coin en rentrant, tout à l’heure.

    — Ce n’est pas le choix qui manque, se moqua-t-il. Ton professeur anglais a traversé l’Atlantique pour venir voir ton vernissage ce soir. Je suis certain qu’il serait prêt à reprendre du service. Ou alors Ethan : il t’appelle encore régulièrement, je suis sûr qu’il serait d’accord.

    — Matt ! s’exclama-t-elle avec impatience. Il a déjà assez souffert, le pauvre.

    — Oui, tu as raison. Mieux vaut explorer des territoires inconnus. David attend depuis longtemps et Keith Owens serait probablement heureux de t’obliger, lui aussi. Le mariage d’Adam bat de l’aile et je sais qu’il apprécie les charmes de ses étudiantes. Il a déjà posé son regard sur toi à quelques reprises, tu sais.

    — Je ne veux pas entendre ça, dit la jeune femme en faisant mine de se boucher les oreilles.

    — Trouve-toi quelqu’un. Il est temps. Tes hormones t’envoient des signaux, ne les ignore pas. Vis un peu, amuse-toi ! Il va y avoir des tas de gens présents ce soir et ils seront tous là pour toi. Il y en aura certainement au moins un qui sera intéressant.

    — D’accord, je vais ouvrir l’œil.

    Matt se leva et lui tendit la main pour l’aider à se relever.

    — En passant, il vaudrait mieux que Bradley n’apprenne pas que tu as revu Chris.

    — Pourquoi ?

    — Ça fait un peu bizarre de te dire ça maintenant, mais il est un de ses grands admirateurs. Quand il nous a rencontrés tous les deux, il t’avait d’ailleurs remarquée toi, la fameuse copine de Chris dont les journaux à potins parlaient, bien avant de me remarquer, moi. Il n’en parle jamais devant toi parce qu’il a vu ce qui s’est passé et tout le mal que ça t’a fait.

    — Tu as raison, c’est bizarre, ajouta-t-elle, inconfortable, avant de changer rapidement de sujet. Si on se mettait au travail ? J’ai rendez-vous chez la coiffeuse en début d’après-midi, je dois me faire belle pour ce soir.

    Elle jeta un regard à la ronde et ses yeux s’arrêtèrent sur la toile maîtresse de l’exposition.

    — Je regrette de vous avoir écoutés et qu’il soit ici. J’aurais dû détruire ce tableau il y a longtemps. Maintenant, je vais devoir en assumer les conséquences.

    — Cette toile est un chef-d’œuvre. C’est ta plus belle, Emi, il fallait l’exposer. De toute façon, tout le monde sait ce qui s’est passé, tu n’auras pas à te justifier.

    — Je l’espère bien, ajouta-t-elle sombrement avant de se mettre au travail.

    Le téléphone de l’artiste sonna presque tout l’après-midi. Jess, son amoureux Logan, David et Carolyn venaient d’arriver à Los Angeles et avaient pris possession de leur chambre d’hôtel. Ils étaient impatients d’assister au vernissage. Kyle était arrivé la veille et il lui téléphona également pour lui souhaiter la meilleure des chances, ce dont elle n’avait pas vraiment besoin, tant ses œuvres étaient magnifiques et l’engouement, fort. Kate, Ethan, même son ancien employeur, Pete, ainsi que Lynn et Richard prirent le temps de la féliciter et lui dire qu’ils étaient fiers d’elle. L’appel qui la toucha le plus, cependant, fut celui de John et Helen. Ils avaient espéré jusqu’à la dernière minute faire le voyage afin de pouvoir être présents pour cette soirée si importante, mais le médecin de John s’y était une fois de plus opposé. La désolation dans leur voix fit monter les larmes aux yeux d’Emily et elle voulut les réconforter en leur disant qu’ils n’avaient pas à se sentir coupables. Ils lui avaient offert leur amour et leur appui depuis le début, bien avant la bourse et l’effervescence que cela avait créé. Ils avaient toujours été présents. C’était ce qui comptait le plus. Ils auraient bien la chance de se reprendre un jour et de toute façon, elle irait les visiter avant le début du tournage. Ils se verraient donc très bientôt.

    La liste des invités était aussi longue que variée. Avec les communiqués de presse qui avaient été envoyés et le nombre relativement important de personnalités publiques de toutes sortes qui avaient confirmé ou annoncé leur présence, de nombreux médias avaient eux aussi fait savoir qu’ils seraient sur place et comptaient réaliser des entrevues. Parmi ces personnalités, Keith attirait bien entendu l’attention. S’ajoutaient : Samuel Gordon, flanqué de quelques représentants de la compagnie de production ; Alexander Weismann et sa femme ; Hugh Miller, l’animateur de America Tonight, également accompagné de son épouse ; les représentants de Dove avec qui Emily avait travaillé ; le conservateur du Musée du Louvre, monsieur Lenoir, ses pairs et collègues des musées de la région de Los Angeles ; enfin, Kyle et plusieurs représentants de l’Université de Californie, dont le chancelier monsieur Foster et des enseignants.

    Malgré le fait que le responsable des expositions de la Galerie, Trevor Johnson, lui avait expliqué à quoi s’attendre, Emily sentit son estomac se tordre et ses mains devenir moites lorsque le taxi s’immobilisa devant le 9430, boulevard Wilshire, à Beverly Hills. Même si elle était arrivée plus tôt afin d’être présente à l’arrivée des visiteurs, quelques photographes, journalistes et même des équipes d’émissions télévisées attendaient devant la Ace Gallery. Prenant son courage à deux mains, l’artiste paya sa course et sortit du véhicule tout en s’assurant que sa petite robe vert émeraude était impeccable et marcha en direction du comité d’accueil médiatique. Trevor vint la rejoindre et s’il laissa à tous le temps de prendre quelques photos et de demander à sa protégée comment elle se sentait à l’occasion de cette soirée si importante, il leur rappela que les entrevues auraient lieu à l’intérieur. Ces dernières auraient lieu dans l’ordre selon lequel les demandes avaient été adressées. Il entraîna ensuite l’artiste dans le bâtiment.

    Le début de la soirée se déroula très bien même si Emily fut envahie par un sentiment d’irréalité. Elle accueillit quelques proches avec un bonheur évident, puis un ami célèbre qui fit crépiter les flashes des caméras autour d’eux. Ensuite, elle accorda une entrevue. Puis la roue recommença à tourner. En plus de cela, de nombreux amis qu’elle voyait rarement avaient tenu à se déplacer. Emily s’efforçait de rester concentrée pendant les entrevues même si cela s’avéra difficile tellement elle était fébrile, voire exaltée par le concert d’éloges. Elle avait l’impression de flotter sur un nuage. Malgré ses efforts, elle peinait à demeurer attentive lorsqu’on lui présenta des gens très influents dans le monde de la peinture, en Californie. C’était peine perdue. Elle retiendrait leur visage, mais pas leur nom.

    Alors qu’elle finissait d’accorder une énième entrevue, cette fois avec le journaliste du magazine Time qui avait déjà rédigé un article sur elle lorsqu’elle avait gagné la bourse Avery, l’attention de la jeune femme fut attirée par l’agitation inhabituelle que semblait provoquer l’arrivée tardive d’un invité. Cette agitation mit un certain temps à se dissiper. Emily prit son temps pour remercier le journaliste et lorsqu’il prit congé, Chris Taylor apparut dans son champ de vision.

    Ils se dévisagèrent quelques secondes. Une fois de plus, elle fut prise de court. Il affichait le sourire de façade qu’il réservait habituellement aux médias.

    — Bonsoir, Emily, dit finalement l’acteur pour briser la glace. Félicitations pour ce vernissage.

    — Merci. Comment se fait-il…

    — … Que je sois ici ? Je te rappelle que l’événement a été annoncé dans les journaux. Je n’allais tout de même pas manquer une occasion pareille !

    — Mais… il fallait être invité, ce soir, murmura-t-elle.

    — J’ai manifesté de l’intérêt pour ton travail. Mon nom a tout de suite été ajouté sur la liste.

    — Ah… C’est gentil d’être venu.

    — Tout le plaisir est pour moi. Je suis très fier de toi.

    — Merci.

    Encore une fois, elle était tellement mal à l’aise qu’elle ne savait plus quoi dire. Elle était lasse de manquer ainsi de mots. Pourquoi était-il là ? La jeune femme refusa de considérer les efforts qu’il avait déployés pour se rendre jusqu’à elle, de crainte d’y voir des choses qui n’existaient pas vraiment. Des amis, songea-t-elle. C’est ce qu’il t’a offert, rien de plus. Souviens-t-en.

    — Tu as quelques minutes pour me montrer tes œuvres ? s’enquit-il, la tirant de ses pensées.

    Emily regarda aux alentours, s’assurant qu’un autre journaliste ou un autre invité ne réclamait pas son attention immédiate. Pour l’instant, personne ne semblait se préoccuper d’elle.

    — Oui, bien sûr, dit-elle en faisant un effort pour sourire.

    Elle l’entraîna vers ses premières toiles, le laissant s’arrêter devant chacune d’elles pour les observer attentivement. Il se tenait près d’elle, leurs épaules se frôlaient par moments, mais il gardait presque continuellement les mains dans ses poches. Elle connaissait trop bien cette posture, ce langage corporel. Chris l’adoptait seulement quand il était mal à l’aise.

    Autour d’eux, les gens semblaient ignorer leur présence. Parmi tous les invités, elle avait l’impression d’être dans une bulle, seule avec Chris. Ils s’arrêtèrent devant la toile d’une femme étendue sur le sol, terrassée par la douleur. Elle l’avait peinte peu après leur rupture. Il contempla le tableau plus longuement que les autres puis la regarda. À voir la manière dont ses yeux s’emplirent de compassion, il était évident qu’il avait parfaitement compris ce qu’il représentait.

    — Tu as expérimenté plusieurs styles différents, observa-t-il en arrivant devant une autre toile, cette fois de la Seine et du pont des Arts à Paris. C’est fou ce que tu as progressé ! Tu préfères toujours les portraits et les paysages ?

    — Oui. Toi, tu t’intéresses toujours à la peinture ?

    — Plus qu’avant, je dois te l’avouer. J’ai même visité certains musées dont tu m’as beaucoup parlé.

    — Et tu fais toujours de la photo ?

    — J’en ai fait un peu moins depuis plusieurs mois, j’ai été assez occupé, mais oui, j’en fais toujours. Em, je me demandais…

    Ils parlaient tout en examinant les œuvres et en déambulant le long des corridors de la galerie. Mais Chris ne finit pas sa phrase. Ils venaient de contourner un mur et d’arriver dans une nouvelle section, un peu plus grande. Sur le mur du fond, il venait de voir son portrait, savamment mis en évidence. En silence, il contourna les gens qui parlaient, assemblés un peu partout par petits groupes. D’un pas vif, fébrile, il se rendit devant la toile. Emily le suivit, l’estomac noué par l’angoisse. Il observa longuement le tableau. Au bout d’un moment, il se pencha et en lut le titre. Tradition. Lentement, son regard revint vers elle.

    — Je crois que c’est la plus belle toile que tu aies jamais faite. Et je te jure que mon affirmation n’a rien à voir avec le fait que j’y sois représenté.

    — Vraiment ? fit-elle avec un soulagement évident.

    — Quand as-tu peint cette toile ? demanda-t-il ensuite, soudain plus grave.

    Le soulagement s’était envolé.

    — L’an dernier, à l’automne. Juste avant notre rupture.

    — Emily ! fit Trevor Johnson qui semblait sortir de nulle part. Je te cherche depuis tout à l’heure. Il est temps de s’adresser à nos invités. Tu viens ?

    Elle lança un regard à Chris qui, d’un signe de la tête, l’encouragea à retourner à ses obligations.

    Une fois qu’elle eut pris la parole et que toutes les formalités furent accomplies, Emily retourna à ses invités. Elle s’entretenait avec Trevor tandis que Matt et Bradley se retrouvèrent après avoir passé la soirée chacun de leur côté. Ils se promenèrent un peu à la recherche de proches à qui parler, fatigués d’entretenir des conversations superficielles avec de parfaits étrangers. Bradley s’arrêta soudain et agrippa son amoureux par le bras. Devant eux, Adam, David, Kyle, Ethan et Chris discutaient tranquillement.

    — Est-ce que je suis le seul à trouver ça drôle ? rigola Bradley.

    — Ne fais pas l’idiot, répliqua Matt. Assurons-nous plutôt que tout se passe bien…

    Le reste de la soirée, Emily évita Chris. Même tard dans la nuit, l’acteur ne put l’aborder.

    Le lendemain matin, quelqu’un frappa avec insistance à la porte. Ce bruit tira Matt du sommeil. Un bref regard vers Bradley lui rappela qu’il l’avait ramené complètement ivre pendant la nuit. Emily devait dormir elle aussi. Il l’avait entendue pleurer dans son lit, probablement en raison de l’accumulation de stress et certainement en partie à cause des deux rencontres impromptues avec Chris Taylor. Il regarda l’heure, l’esprit brouillé par la fatigue. Neuf heures pile. En entendant cogner et sonner de plus belle, il décida de se lever et de répondre. Le visiteur pouvait réveiller Bradley, cela lui était égal. Son amoureux l’avait bien mérité, mais Emily avait besoin de dormir. Matt se rendit donc en short boxer à la porte, tout en enfilant à la hâte un t-shirt et ouvrit.

    — Taylor ! fit-il, horrifié. Qu’est-ce que tu fiches ici ?

    — Bonjour à toi aussi, répliqua Chris, imperturbable. J’aimerais parler avec Emily.

    — Qui t’a dit qu’elle habitait ici ?

    Chris sourit. Matt n’aimerait pas sa réponse.

    — Bradley est très sympathique. C’est un de mes grands admirateurs, tu le savais ? Toujours est-il qu’après avoir bu quelques verres, il a la langue assez déliée.

    — Tu l’as fait boire pour lui soutirer notre adresse ?

    Devant la mine scandalisée de Matt, Chris afficha un air satisfait.

    — Il a bu ces verres de son plein gré, tu sais. Bradley est un adulte, il est majeur et vacciné.

    — Chris, va-t’en. Laisse-la tranquille. Tu es la dernière chose dont elle a besoin dans sa vie.

    — Je ne partirai pas sans l’avoir vue.

    — Elle dort, elle a besoin de se reposer.

    — Qu’est-ce qui se passe, ici ?

    La voix d’Emily leur parvint soudain. L’instant d’après, elle apparut derrière Matt, vêtue d’un maillot de corps et d’un short en coton, sa pompe à la main. Son ami se déplaça légèrement sur le côté, lui révélant l’acteur.

    — Salut, Emily. Je suis désolé, je ne voulais pas te réveiller. J’ai attendu une heure raisonnable…

    Elle lorgna l’heure affichée sur le lecteur DVD dans le salon et reposa les yeux sur Chris pour constater qu’après la soirée, il s’était changé, mais ses traits tirés indiquaient qu’il n’avait probablement pas dormi. Elle lança ensuite un regard éloquent à son ami. Matt tenta d’insister, mais elle lui fit signe de les laisser. Il toisa Chris pendant un moment en guise d’avertissement. L’acteur avait intérêt à ne pas perturber son amie.

    — Trois fois en vingt-quatre heures, commenta-t-elle lorsqu’ils furent seuls. Ça ressemble étrangement à du harcèlement.

    — Hier matin, c’était le fruit du hasard.

    Elle n’avait pas envie de se prêter à de petits jeux. Il dut le voir sur son visage parce qu’il changea aussitôt d’attitude.

    — Est-ce qu’on peut parler, s’il te plaît ? Ailleurs que sur le pas de ta porte ?

    Après avoir réfléchi, elle s’effaça et le laissa passer. Une fois qu’il fut entré, elle le guida vers sa chambre. Elle aurait préféré la cuisine ou le salon, mais ces pièces n’offraient pas la même assurance que Matt n’écouterait pas leur conversation. En entrant dans la chambre, elle l’invita à prendre place sur le fauteuil. En s’exécutant, il jeta un regard à la ronde, sur les cartons qui s’accumulaient le long des murs. Emily s’assied également.

    — Tu viens d’emménager ?

    — Non, ça s’est passé en janvier. Pourquoi ?

    — Tu n’as pas encore défait tes boîtes. Tu es en transition ?

    — Non. Je suppose que je n’ai pas eu le temps.

    — Hum…

    Chris l’observa avec attention. Elle avait le même air que la veille, quand elle avait refusé qu’ils se revoient, puis quand elle l’avait vu à la galerie. Elle était froide. Elle gardait ses distances.

    — Félicitations encore une fois pour hier soir. C’était magique. Tu peux être fière de toi.

    — Pourquoi es-tu là, Chris ? s’impatienta-t-elle.

    L’espace d’une seconde, il fut tenté d’abandonner. Puis tout lui revint en tête. Il inspira, organisa ses idées une fois de plus et se lança.

    — Je suis venu te voir pour te présenter mes excuses. Je suis vraiment, sincèrement désolé de ce qui s’est passé. Tu n’as pas idée jusqu’à quel point je m’en veux. Je ne sais pas comment j’ai pu être assez stupide pour te quitter d’une façon aussi méchante et mesquine, en particulier dans un endroit public. Je n’ose même pas imaginer ce que cette vidéo a pu te faire vivre. J’aurais dû m’excuser avant, c’est vrai. En sortant de la résidence, je savais déjà que j’avais fait une erreur, puis j’ai pensé que tu étais sûrement trop colère contre moi. Alors, j’ai voulu laisser passer quelques heures. Ensuite, cette vidéo est sortie et j’ai pensé que le moment était vraiment mal choisi…

    — Chris, arrête, s’il te plaît. Arrête.

    — Mais…

    — Nous savons tous les deux pourquoi tu as fait ça de cette façon. J’ai fait plein de choses inacceptables, tu as essayé de m’aider et je n’ai pas voulu écouter. Tu en as eu assez de mes sottises. Tu m’as quittée de la seule façon possible pour que je ne m’accroche pas à toi, parce que tu n’en pouvais plus. Tu n’es pas responsable de la vidéo. D’ailleurs, si elle a été retirée de YouTube, c’est grâce à toi, je crois. Je suppose que c’est également toi qui as demandé le transfert des deux étudiants qui ont fait ça.

    — Je ne pouvais pas supporter l’idée qu’ils soient si près de toi et qu’ils puissent te faire du mal de nouveau. Mes avocats ont rapidement intenté des poursuites et réclamé un dédommagement onéreux. L’affaire a été réglée en quelques jours : j’ai abandonné les poursuites à la condition qu’ils s’excusent et changent d’université.

    Il sentit les émotions d’Emily s’intensifier. Elle déglutit à plusieurs reprises comme elle le faisait toujours pour chasser la boule de chagrin qui se nichait dans sa gorge, se tint nerveusement les mains et battit plusieurs fois des paupières, comme pour s’assurer qu’aucune larme ne se manifestait. Néanmoins, après quelques secondes, elle se tourna complètement vers lui et le fixa sans rien dire. Même s’il ignorait toujours ce qu’elle pensait réellement de sa présence, elle semblait maintenant plus ouverte à la discussion. La sentant fragile, il choisit de peser ses mots et de poursuivre avec douceur.

    — Je me suis posé des questions toute la nuit à propos de mon portrait.

    Elle détourna le regard.

    — Oh… J’espère que tu n’es pas trop fâché. Tout le monde a tellement insisté pour qu’il soit exposé. Je n’aurais pas dû accepter.

    — Ce n’est pas ce qui me trouble, tu présentes ce que bon te semble. Ce que je veux savoir, c’est pourquoi tu l’as fait ? Tu sais ce qu’il signifie.

    — Oui, je sais. J’ai peint cette toile alors que nous étions toujours ensemble.

    — Tu avais dit que tu ne voulais pas te marier.

    — C’est vrai, mais tout compte fait, j’avais décidé que le mariage était préférable à une rupture. Je l’ai terminée le matin où tu es venu pour me quitter. J’ai nettoyé mes pinceaux, acheté un billet d’avion pour Londres. J’ai préparé ma valise et j’ai déjeuné avec Matt en attendant l’heure de partir pour l’aéroport. Je t’avais demandé de m’attendre jusqu’à Noël, j’avais l’intention de t’offrir ce portrait en cadeau. J’avais de bonnes nouvelles à t’annoncer.

    — Quelles bonnes nouvelles ? s’enquit-il, troublé.

    — Je voulais te dire que tu avais raison et que j’avais compris. J’avais entrepris sérieusement une thérapie. Je t’aurais aussi annoncé que je laissais tomber la musique après le trimestre. J’avais même obtenu que mon horaire soit allégé. Et je voulais te demander pardon et être avec toi.

    — Pourquoi n’as-tu rien dit quand je suis venu te voir ?

    — Tu étais venu pour rompre, pas pour écouter mes promesses.

    Il se tut un moment, dépassé par ce qu’il venait d’apprendre.

    — Tout ce temps bêtement gaspillé, murmura-t-il.

    — Je ne comprends pas ce que tu veux, Chris. Tu m’as abandonnée et je t’ai quand même attendu. J’ai attendu jusqu’à ce que j’apprenne que tu étais avec Sienna Morgan. Alors j’ai compris que je n’étais pas de taille. Elle était tellement parfaite pour toi. Gentille, belle, intelligente, elle aime les arts, elle a un emploi, elle est indépendante, sportive et en parfaite santé…

    — Sienna était parfaite pour bien des gens, je suppose, mais elle ne l’était pas pour moi.

    — Pourquoi ça n’a pas fonctionné entre vous deux ?

    — Il y a eu plusieurs choses. Si j’ai d’abord aimé qu’elle soit sportive et que l’on s’entraîne ensemble, j’ai fini par trouver étouffant de ne jamais pouvoir courir seul. Elle était toujours là, à côté de moi. Quand elle a décidé d’enlever la toile que tu as faite de Venise, dans le salon, elle l’a remplacée par une horrible chose avec des couleurs appliquées n’importe comment.

    Emily ne put s’empêcher de remarquer qu’il comparait la relation qu’il avait eue avec elle et celle avec l’actrice. Se refusant à échafauder des scénarios pour l’expliquer, elle choisit de rester en terrain neutre.

    — L’art abstrait n’est pas une horrible chose, le corrigea-t-elle.

    — Dans mon salon, ça l’est. Ensuite il y a eu ton sucrier, celui que je t’avais acheté pour ton édulcorant. Sienna préfère le sucre naturel. Je suis rentré un soir et en jetant quelque chose, j’ai vu qu’elle l’avait mis à la poubelle. Non, mais tu te rends compte ? Elle l’avait jeté ! Et tu crois qu’elle a été émue quand je lui ai fait remarquer que mon amie Vanessa l’utilisait quand elle venait à la maison ? Pas du tout. Puis ce fut le lever de soleil dans la chambre. Enfin, je peux la comprendre. Une de tes œuvres, juste là… Mais quand elle a voulu aussi enlever la toile de Summers, alors là c’était trop. Ou peut-être pas. J’imagine que j’aurais pu vivre avec tous ces petits changements. Après tout, c’étaient juste des trucs matériels, des objets. Les vrais ennuis sont arrivés quand elle m’a reproché d’avoir murmuré ton nom au creux de son oreille dans un moment de passion. Je ne suis pas vraiment certain de l’avoir fait, mais après y avoir réfléchi, j’ai réalisé que c’était possible parce que c’était à toi que je pensais pendant tout ce temps. C’était toi que je cherchais à travers elle. Son pire défaut, c’était sans aucun doute celui de te ressembler. Seulement te ressembler. Mais elle n’était pas toi.

    Le regard d’Emily se troubla et elle dut prendre quelques grandes respirations pour rester sereine.

    — Pourquoi me dis-tu ça ?

    — Parce que j’aimerais que tu nous accordes une autre chance.

    — Pourquoi maintenant ? insista-t-elle. Pourquoi après tout ce temps ?

    — Je te l’ai dit. Au début, j’avais peur que tu sois trop en colère, ce qui aurait été pleinement justifié. Puis j’ai rencontré Sienna et pendant un moment, j’ai voulu croire que je pouvais vivre sans toi. Enfin, j’ai cru… Je ne sais plus. Ensuite, je me suis mis à regretter de ne pas avoir fait plus d’efforts pour te garder. J’ai pensé à toi sans arrêt à Noël, en regardant la neige tomber et le piano de mes parents. Quand j’ai appris pour Stephen et Bethany, je t’ai tout de suite téléphoné, je ne pouvais plus attendre. C’est à ce moment que j’ai appris que tu avais changé ton numéro. En rentrant à L.A., je me suis directement rendu à la porte de ta chambre pour finalement découvrir que tu avais déménagé. Personne n’a voulu me donner ta nouvelle adresse.

    — Alors hier matin, au café, tu le savais quand tu m’as offert de me téléphoner. Pourquoi le faire si tu savais que j’avais changé de numéro ?

    — C’était une tentative maladroite pour obtenir le nouveau.

    — Mais tu avais déjà prévu de te rendre au vernissage ?

    — Je suis allé voir l’exposition de Keith quelques jours après le lancement officiel. Les photos étaient magnifiques, en passant. Je l’ai croisé là-bas. C’est lui qui m’a tout dit. Il s’est échappé pour le vernissage ainsi que pour le film avec Samuel Gordon. J’ai tout fait pour avoir le rôle et travailler avec toi, mais Gordon est demeuré inflexible. Il ne voulait pas que ma présence te perturbe. Je suis content que l’on se soit croisés par hasard, en fin de compte, même si ça ne s’est pas passé aussi bien que je l’avais espéré.

    — Et qu’est-ce qui te fait croire que nos problèmes seront résolus ? Qu’est-ce qui a changé ?

    — Beaucoup de choses ont changé. Tu es sortie de cette résidence de ton propre chef, tu progresses sur le plan professionnel, tu suis une thérapie, tu as ralenti le rythme et tu es indépendante. Moi aussi, j’ai changé. J’ai appris à mieux contrôler mes émotions, à être plus à l’écoute de l’autre. C’est ce que tu voulais, non ?

    — Oui, j’imagine.

    — Em, je sais que c’est difficile pour toi, en ce moment. Je le vois bien. Je veux que tu saches que je suis conscient de t’avoir fait souffrir et jamais je ne pourrai m’excuser suffisamment pour réparer le tort que je t’ai causé. Malgré tout, je sais que nous avons été heureux ensemble et que nous pourrions l’être de nouveau, alors je t’en prie, accorde-nous cette chance.

    On frappa à la porte qui s’ouvrit brusquement sur Bradley, bien planté sur le seuil.

    — Hé, Chris ! Content de te revoir. Désolé, est-ce que je vous dérange ?

    Emily tourna la tête un instant dans la direction opposée. Son ami la vit lever la main, probablement pour essuyer une larme.

    — Emi, est-ce que ça va ? s’inquiéta Bradley.

    — Oui, ne t’en fais pas.

    — Bon… Donc, Matt est tellement énervé qu’il doit s’occuper les mains. On va préparer un gros brunch. On se demandait si Chris allait rester… ou pas ?

    Chris lança un regard interrogateur à Emily. Il ne voulait pas partir, leur conversation n’était pas terminée.

    — Tu veux manger avec nous ? lui offrit-elle sur un ton égal.

    — Avec plaisir.

    — Excellent, commenta Bradley tout en se demandant s’il ne venait pas de commettre une maladresse.

    — Je vais prendre une douche, déclara aussitôt la jeune femme.

    Joignant le geste à la parole, elle se leva, se rendit dans sa salle de bain et referma la porte derrière elle. Les deux hommes se regardèrent, ne sachant pas vraiment quoi en penser et se dirigèrent ensemble dans la cuisine. Là les attendait Matt, en train de cuisiner, l’air revêche, un large couteau dans la main.

    Chapitre 2

    Promesses

    Chris et Bradley s’immobilisèrent prudemment à l’entrée de la cuisine. Matt finit de trancher quelques poivrons avant de leur lancer un regard assassin.

    — Où est Emily ? s’enquit-il en pointant Chris du bout de son couteau.

    — Sous la douche. Je crois qu’elle avait besoin de faire une pause.

    — Si tu veux mon avis, cette pause ne sera jamais assez longue. Tu devrais rentrer chez toi et lui ficher la paix, Taylor. Elle a assez souffert.

    — Emi est assez grande pour décider elle-même de ce qu’elle veut, il me semble, s’interposa Bradley.

    — Toi, reste en dehors de ça, gronda Matt. Tu en as déjà fait suffisamment. Tout ça, c’est de ta faute. Si tu avais gardé le silence hier soir, il ne serait jamais arrivé jusqu’ici.

    — J’aurais tout de même trouvé votre adresse, corrigea Chris. Ce n’était qu’une question de temps. L’aveu de Bradley n’y change rien. Par contre, je peux te promettre une chose : je n’ai pas l’intention de la faire souffrir. Mais je ne vais pas m’en aller non plus. Les choses peuvent se passer dans la tension et on peut jouer à se détester, mais je ne pense pas que ce soit la meilleure des solutions. C’est elle qui en paierait le prix.

    — Qu’est-ce que tu lui veux, à la fin ?

    — Matt, regarde-moi dans les yeux et dis-moi : est-elle heureuse depuis dix-huit mois ? Vraiment heureuse ? Moi, je ne le suis pas. Elle me manque et j’ai l’intention de tout faire pour la récupérer. Je ne referai pas les mêmes erreurs.

    — Je pense que ça pourrait être une bonne chose, intervint Bradley. Laissons Emily décider par elle-même.

    — Bradley, ne te mêle pas de ça, trancha Matt. On s’en reparlera tout à l’heure. Toi non plus, tu n’es pas dans mes bonnes grâces pour l’instant. Alors qu’est-ce qui se passe maintenant, Taylor ?

    — Elle m’a invité pour le déjeuner et tu devrais arrêter de m’appeler par mon nom de famille. Dans ta bouche, ça ressemble étrangement à une insulte.

    — C’en est une, confirma Bradley.

    Chris et Matt se tournèrent dans sa direction, aussi frustrés envers lui l’un que l’autre, bien que pour des raisons différentes. Bradley, qui se remettait manifestement d’une soirée trop arrosée, eut soudain très mal à la tête et décida d’aller prendre un peu l’air. L’atmosphère était trop étouffante.

    Lorsqu’Emily arriva dans la cuisine, elle trouva la table mise. Le déjeuner était prêt et son café l’attendait. À sa plus grande surprise, l’animosité de Matt à l’égard de Chris semblait s’être un peu estompée et il faisait visiblement des efforts pour être courtois. Quant à son visiteur, elle comprit rapidement qu’il attendrait de se retrouver seul avec elle pour poursuivre leur conversation. Il lui avait demandé de lui donner une autre chance et n’avait pas eu de réponse. Il n’abandonnerait pas tant qu’il n’aurait pas la conviction qu’il n’y avait aucun espoir.

    Bradley revint une dizaine de minutes plus tard, des journaux sous le bras et un large sourire aux lèvres. Son mal de tête et son estomac fragile ne semblaient plus vraiment l’incommoder. À l’étonnement des autres, il s’assit à la table et repoussa son assiette pour déposer les quotidiens devant lui. Sans attendre leur réaction, il ouvrit le premier à la section Arts et commença à lire.

    — La gagnante de la bourse Avery dévoile son talent et tient toutes ses promesses. Après avoir presque complété ses études, Emily Bradford émerveille tant par un style affirmé et étonnamment mature pour son âge que par une technique impeccable. Magistral.

    Matt s’empara d’un autre et le feuilleta.

    — Si la soirée d’hier semblait principalement annoncer une démonstration en force des possibilités qu’apporte le simple fait de connaître les bonnes personnes, ainsi que la liste d’invités le laissait présager, Emily Bradford a réussi un véritable tour de force. Épaulée par l’Université de Californie et la très réputée Ace Gallery, elle a su démontrer clairement qu’elle méritait une place parmi les grands. Ses œuvres novatrices et touchantes sont assurément un témoignage vibrant de notre humanité.

    Emily était trop stupéfaite pour dire quoi que ce soit. Chris, ne se contenant plus, s’empara d’un autre journal et y trouva une troisième critique tout aussi élogieuse. Bradley lut la quatrième et dernière, et ils plièrent ensuite les pages avec soin pour les conserver. Faute de célébrer au champagne, ils portèrent un toast à l’artiste en frappant doucement leurs tasses de café. Elle prit aussitôt activement la parole. Mal à l’aise d’être ainsi le centre d’attention et l’objet d’une telle fierté, elle s’assura de rapidement faire dévier la conversation sur un autre sujet. L’adresse avec laquelle elle y parvint, sans que ses amis semblent le remarquer, laissa Chris songeur. Elle devait le faire souvent pour y être aussi habile. Parlait-elle parfois d’elle, de ce qu’elle ressentait ou voulait ? Alors qu’ils traînaient un peu à table après avoir fini de manger, Matt et Bradley commencèrent à parler des courses qu’ils devaient faire pendant l’après-midi.

    — C’est mon tour, intervint Emily. Je vais y aller.

    — Je t’accompagne, offrit aussitôt Bradley. Matt commencera le souper, en attendant.

    — Ou alors on pourrait y aller ensemble, suggéra Chris.

    — Je dois aller à l’épicerie, expliqua-t-elle, consciente qu’une telle sortie pouvait s’avérer problématique pour l’acteur.

    — D’accord.

    — Je vais simplement acheter ce qui nous manque pour cette semaine. Il y a beaucoup de gens, là-bas, tu sais.

    Elle voulait surtout dire que ces gens n’avaient pas l’habitude d’y voir des vedettes et que sa sécurité était loin d’être assurée. Il était encore plus célèbre qu’au moment de leur rupture et les sorties dans les endroits publics étaient déjà difficiles à l’époque. Qui pouvait prévoir ce qui se passerait ? Il ne se laissa pas démonter.

    — Je suis familier avec ça. Je fais encore mes courses tout seul comme un grand, à mes risques et périls, la taquina-t-il.

    — Est-ce que tu es venu avec la Porsche ?

    — Oui, évidemment.

    — La Porsche, c’est une mauvaise idée, ajouta Matt.

    — Alors prenez le VUS, décida Bradley en posant les clés devant eux.

    — Merci, fit Chris en s’en emparant. Vous voulez de l’aide pour tout nettoyer avant notre départ ?

    — Non, merci, décida Matt. On s’en occupe.

    Après avoir récupéré la liste des achats à faire, Chris et Emily sortirent de l’appartement et s’installèrent dans le véhicule. Elle déclina d’abord l’offre de conduire. Puis, il lui ouvrit la porte. Elle se souvint alors jusqu’à quel point il avait toujours été d’une galanterie exemplaire. Une fois derrière le volant, il ne démarra toutefois pas le moteur.

    — J’ai l’impression que nous n’aurons pas beaucoup de temps en tête à tête aujourd’hui. Ça t’ennuie si on parle maintenant ?

    — De quoi désires-tu parler ?

    — Je t’ai demandé une autre chance et tu ne m’as jamais répondu.

    La jeune femme redevint triste et regarda par la fenêtre en soupirant.

    — Nous avions de gros problèmes, Chris, et j’avais les miens en plus. Des problèmes plus gros que la date d’un mariage, mes cours ou ma vie en résidence. Je ne crois pas qu’ils se soient évaporés avec le temps.

    Il ne répondit rien, se contentant de lui donner le temps de poursuivre. Il ne voulait surtout pas qu’elle se défile une fois de plus.

    — Je t’ai dit que j’avais entrepris une thérapie et j’étais sérieuse. Évidemment, quand j’ai commencé, la situation de notre couple, puis notre rupture et mon épuisement ont pris toute la place. Lorsque les choses se sont calmées, nous sommes allées plus en profondeur avec ma thérapeute. Il se trouve qu’en fin de compte, je ne vis pas si bien que cela avec ma condition physique. J’ai beaucoup de mal à l’accepter. C’est pour cette raison que je m’étais inscrite à tous ces cours. Pour pouvoir faire tout ce dont je rêvais avant de ne plus en être capable. Ce n’était pas une bonne idée, mais… Je travaille beaucoup pour accepter tout ça. J’apprends un peu mieux chaque jour à vivre le moment présent. Je ne me projette plus vraiment dans le futur. Mes projets ont une échéance d’un an, deux tout au plus. Mis à part mes études, je n’accepte de faire que des emplois qui me plaisent et seulement s’ils se présentent à moi. Je ne cours pas après eux.

    — C’est légitime.

    — J’ai aussi du mal avec mon estime de moi.

    — Tu n’as pas fait une campagne pour Dove, à ce sujet ? Tu étais très convaincante, je croyais que…

    — Oui, eh bien… On dirait que lorsqu’il s’agit de ma vie privée, je fais preuve de moins d’assurance que dans un cadre professionnel. C’était la même chose avec toi. J’avais du mal à gérer la pression des médias, surtout quand ils n’arrêtaient pas de me poser des questions sur mes études. Je n’avais pas l’impression de mériter la moindre attention. C’était aussi difficile avec toi.

    — Pourquoi ? demanda simplement Chris, l’index sur les lèvres, à l’écoute et profondément songeur.

    — Parce que tu es quelqu’un qui passe d’un extrême à l’autre assez rapidement. Tu entres dans ma vie et hop ! tu prends toute la place. J’ai toujours aimé être avec toi, la question n’est pas là, mais j’avais l’impression que peu importe ce que je faisais, ce n’était jamais assez à tes yeux. Tu voulais que l’on emménage ensemble, je ne me sentais pas prête. J’ai finalement accepté de vivre chez toi pendant l’été et tu es venu vivre avec moi le reste du temps. Partager ton quotidien était une source de grand bonheur pour moi, tu me manquais quand tu n’étais pas là, mais ce n’est pas ce qui avait été convenu. Et cette histoire de mariage… Tout ce que je voulais, c’était un semblant de vie normale et terminer mes études. Je t’adorais, Chris, mais j’avais toujours l’impression de ne jamais en faire assez. Notre relation avançait tellement vite que chaque étape à franchir me tombait sur la tête sans que je ne la voie venir.

    Elle avait parlé calmement, en contrôle de ses émotions, mais il était conscient que c’était là le résultat de beaucoup de

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