La garçonne
Il y avait de la douceur dans l’air en cette soirée d’été. Au sommet des gratte-ciel et des buildings, on devinait le ciel de New York illuminé d’or et de rouge. C’était quelques jours avant la fête du 4 juillet 1927. Elizabeth avait 20 ans. Elle portait de longs cheveux blonds, ainsi qu’une robe en mousseline de soie crème, très classique et soignée. Grande, mince, d’une beauté renversante, elle remontait la Cinquième avenue tout en pensant à son futur mariage. Elle se sentait désespérée. La jeune fille avisa un kiosque à journaux encore ouvert et acheta le dernier Vanity Fair. Elle feuilleta le magazine, lut le début d’un article, puis reprit sa marche sans abandonner sa lecture. Elle était fascinée par les photos de femmes aux allures de garçonnes qui occupaient les pages centrales de la revue. Dans le New York des années 1920, on les appelait les « flappers ». Symboles de la femme affranchie, elles avaient les cheveux courts, fumaient en public et bravaient la prohibition.
Elizabeth aurait aimé leur ressembler. Issue d’une famille fortunée, établie dans l’Etat de New York depuis trois générations, elle était promise à un homme fortuné pour lequel elle ne ressentait aucune affection. Il s’appelait Harry Buffett et elle le connaissait à peine. Elle savait seulement que c’était le dernier rejeton d’une famille ayant fait fortune dans le pétrole. Elle regarda avec mélancolie d’autres photos du magazine. Oh, comme elle aurait aimé être l’une de ces garçonnes ! Mais elle ne pouvait s’autoriser aucune de leurs extravagances. Elle se devait d’être parfaite, sans aucun défaut. Sa fonction était purement décorative et on ne l’avait jamais autorisée à aspirer à autre chose.
Toujours absorbée par sa lecture, Elizabeth descendit du trottoir, se faufila entre les taxis qui stationnaient en double file et, sans prêter attention au flux des voitures, entreprit de traverser la Cinquième avenue. Aussi soudain qu’un éclair, un
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