Un moment de doute

Aurélie observa encore un moment le ciel lourd de nuages noirs, puis elle referma lentement la fenêtre. Ce dont elle avait toujours rêvé se trouvait dans cette maison de la côte bretonne où elle vivait depuis qu’elle avait épousé Julien, trois ans plus tôt. De jolis meubles, une cuisine équipée dernier cri et un agréable jardin fleuri qu’elle entretenait amoureusement.

Comparé au studio qu’elle occupait avant, quand elle travaillait dans une supérette du centre-ville et qu’elle ne connaissait pas encore son mari, l’endroit était sans conteste une sorte de paradis clair et silencieux.

– Je me sens si seule ! se lamenta-t-elle à voix haute.

Oh, bien sûr, en épousant Julien, elle savait ce qui l’attendait. L’entreprise qui l’employait construisait des routes et des ponts dans le monde entier. Comme elle était amoureuse, elle s’était persuadée qu’elle s’habituerait à ses absences, que leurs retrouvailles ne seraient chaque fois qu’un délicieux recommencement. Mais depuis quelque temps, la maison silencieuse l’oppressait. Elle aurait tout donné pour que son mari soit près d’elle.

Il y avait eu cette dispute, hier, juste avant qu’il ne s’envole pour le Maroc. Aurélie l’avait provoquée volontairement pour se libérer. Elle l’avait traité d’égoïste, allant jusqu’à lui dire qu’elle regrettait le jour où elle l’avait rencontré, que leur mariage était un fiasco total et que s’il ne prenait pas conscience bien vite de ce qu’elle endurait au quotidien, seule dans cette grande maison, elle le quitterait. Il avait tenté de la rassurer, de lui dire qu’elle était sans doute un peu fatiguée, qu’elle ne se rendait pas bien compte de ce qu’elle disait. Puis il l’avait embrassée avant de partir, comme toujours.

A cette pensée, un grand froid saisit Aurélie et les larmes coulèrent sur ses joues tandis que le miroir lui renvoyait l’image de ses yeux bruns, cernés et épuisés par une nuit d’insomnie.

Pourquoi lui avait-elle fait cette scène ?

Sans doute Julien avait-il raison, elle déraillait complètement. Cela lui ferait sûrement beaucoup de bien