J'habite la maison de Louis Scutenaire: Récit biographique
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À propos de ce livre électronique
Louis Scutenaire est un de nos grands écrivains surréalistes belges. Ses amis, René Magritte, d’origine picarde comme lui, Paul Nougé, Marcel Mariën et beaucoup d’autres, étaient des familiers de la « Luzerne ». Bien plus qu’une nouvelle biographie du poète, le roman ouvre un dialogue à travers le temps entre les occupants successifs de la maison schaerbeekoise.
On y découvre tour à tour la tendresse abrupte, l’impertinence débonnaire d’un personnage hors du commun et la complicité discrète dont l’auteure entoure l’évocation alternée de deux quotidiens entremêlés.
Dans ce récit biographique, Pascale Toussaint présente le quotidien de l'écrivain surréaliste de manière originale.
CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE
- "Par ce livre vivant et vrai, écrit avec tendresse et alacrité, Pascale Toussaint a voulu ouvrir "un dialogue à travers le temps entre les occupants successifs de la Luzerne"." (Francis Matthys)
A PROPOS DE L'AUTEUR
Diplômée de littérature française et romane, Pascale Toussaint enseigne cette matière depuis plus de vingt ans à Bruxelles. Portant une attention particulière à la littérature belge, elle a choisi de rédiger une anthologie regroupant ses auteurs les plus marquants. Comme le décrit son premier roman J'habite la maison de Louis Scutenaire, elle a posé ses valises dans l'ancienne maison de l'écrivain surréaliste.
EXTRAIT
- Tu es sûr que c'est le numéro vingt ?
- Il y a une affiche !
- Alors je vais sonner... Tiens !... C'est curieux !
- Quoi ?
- Lis !
- ...
- Tu crois que c'est lui ?
- Non... Je ne crois pas qu'il habitait Bruxelles...
- Ah si ! il habitait Schaerbeek, comme Magritte. Ça j'en suis certaine !
- En tout cas, l'inscription ne date pas d'hier.
- C'est joliment écrit.
- À l'époque, tu vois, on écrivait encore à la main les noms sur les sonnettes.
- N'empêche, ce serait marrant si c'était lui !
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Avis sur J'habite la maison de Louis Scutenaire
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Aperçu du livre
J'habite la maison de Louis Scutenaire - Pascale Toussaint
La vie est une suite de moments et non d’intrigues
¹.
— Tu es sûr que c’est le numéro vingt ?
— Il y a une affiche !
— Alors je vais sonner… Tiens !… C’est curieux !
— Quoi ?
— Lis !
—…
— Tu crois que c’est lui ?
— Non… Je ne crois pas qu’il habitait Bruxelles…
— Ah si ! il habitait Schaerbeek, comme Magritte. Ça, j’en suis certaine !
— En tout cas, l’inscription ne date pas d’hier.
— C’est joliment écrit.
— À l’époque, tu vois, on écrivait encore à la main les noms sur les sonnettes.
— N’empêche, ce serait marrant si c’était lui !
Un cri rauque nous interrompt. Presque un sanglot. Nous tournons la tête. Une grille. Nous n’y avions pas prêté attention. Une longue grille de l’autre côté de la rue. Derrière la rangée de barreaux noirs, nous apercevons au bout d’une allée un bâtiment ancien ; et à l’avant-plan, un vaste ensemble de constructions neuves. Les murs de brique rouge sont percés, régulièrement. Sans doute des fenêtres. Mais pas des fenêtres qu’on ouvre. Toutes les ouvertures sont grillagées. Définitivement fermées, dirait-on. De la lumière brille partout à l’intérieur. Pourtant rien ne semble bouger. Ni dedans ni dehors. Au milieu, immobile, un bouquet d’arbres dégarnis. Octobre a été venteux et a précipité la chute des feuilles. Une vieille 4L beige, sans plaque d’immatriculation, est au repos dans l’une des deux entrées latérales.
— Bon, je sonne ?
Brusquement, deux hommes en blanc sortent du bâtiment principal et se précipitent dans la rue. En plein milieu de la rue. Ils courent. Une voiture freine. La suivante klaxonne.
Au numéro vingt, on ne répond pas.
Les deux hommes blancs arrivent à notre hauteur. Visiblement des infirmiers. Ils ne font pas attention aux voitures. Ni à nous ni à personne.
Je farfouille dans la poche de mon manteau et lui tends la petite annonce, découpée grossièrement dans le toutes-boîtes.
— Nous sommes bien à l’heure indiquée !
— Oui. Entre quinze et dix-huit heures trente. On va frapper… Peut-être…
Fixant des yeux le haut de la rue, les infirmiers continuent leur course.
Un bruit de pas à l’intérieur de la maison nous ramène à notre affaire. La porte grise s’ouvre enfin. Un type. La cinquantaine. Peu loquace. Il nous fait entrer et nous laisse monter dans la pénombre.
— Désolé, m’sieu, dame ! L’électricité a été coupée. Voilà pourquoi la sonnette restait muette.
— Commençons par le haut, voulez-vous ?
Un escalier de bois, recouvert de balatum brun foncé, nous y mène. À côté d’un vrai grenier, avec sa vraie tabatière, nous entrons dans ce qui a dû être une chambre d’enfant. Dénoncée par une ribambelle de tigres, de girafes et d’éléphants bleus, jaunes, verts, rouges, imprimés sur un papier peint démodé et pourtant intact, comme si la chambre avait attendu patiemment, désespérément, un jeune occupant.
— Rien d’étonnant… Les surréalistes ne voulaient pas de gosses !
— Non, ils leur ressemblent trop !
Soudain, une sirène hurle. Je m’approche de la fenêtre. Un pompon rouge sur un bonnet tout aussi rouge, étonnamment rouge, aussi vif que la sirène est stridente, force mon attention. Un adolescent sous le bonnet, les bras ballants, longe lentement, anormalement lentement, la bordure du trottoir. Il se dirige vers la fameuse grille, en même temps que l’ambulance.
— On redescend ?
— C’est charmant, non ?
— Mais tellement sombre ! Il faudra repeindre les murs.
— J’adore ces cheminées marbrées comme…
—… le chat ?
Appuyé contre un appui de fenêtre, le type de tantôt consulte sa montre et soupire. Exprès.
— Dans cinq minutes, je ferme la maison.
— Attendez !
Nous nous dirigeons vers lui, ou plutôt vers la baie vitrée, pour voir s’il y a un jardin. Mais il fait presque nuit.
— Revenez demain si vous voulez !
— Savez-vous si le propriétaire précédent…
— Écoutez, mon agence ne me paye pas pour raconter la vie des…
— Et en face, vous savez ce que c’est ?
— Titeca.
Je me rappelle alors ces railleries de quand nous étions gamins. « Tu es complètement cinglée ! On va t’enfermer à Titeca… À Titeca ! À Titeca !… » Cet hôpital existe donc réellement. Et je pourrais en être la voisine.
Un peu surexcités, nous quittons la maison. Nous l’aimons déjà.
1. Les titres des chapitres sont des Inscriptions de Louis Scutenaire.
On regarde moins ce que l’on voit que ce que l’on espère.
Essoufflés, les deux infirmiers ramènent une jeune femme. C’est elle qui a crié, sûrement. Ils la tiennent par les bras et la maintiennent solidement entre eux. Je cherche en vain un regard quand ses yeux passent sur moi. Ils traversent tous les trois la rue et s’engouffrent dans l’hôpital.
Nous nous éloignons de la maison. Je me retourne encore pour la voir entièrement. Un arbre, planté devant la façade comme d’autres tout le long de la rue, en cache une partie.
— Tu connais ces arbres ?
— Ce sont des platanes ! Regarde les troncs tout pelés… et, sur le trottoir, les grandes feuilles palmées…
Il ne savait plus très bien de quand datait la plantation des platanes.
Quand ils avaient emménagé dans ce faubourg de Bruxelles en vingt-quatre, à cent mètres du chemin de fer, la rue n’était qu’un énorme chantier chaotique, boueux, bruyant. Elle n’avait d’enchanteur que son nom : rue de la Luzerne. Un joli nom pour une plante fourragère. Des petites fleurs violettes, parfois jaunes. Il y en avait tout un champ derrière chez lui, à Ollignies.
On construisait ici des tas de maisons qui se ressemblaient et, en face du numéro vingt, un hôpital. Le voisin, un jeune militaire, disait que c’était pour y enfermer les fous. Jean avait lu qu’au Moyen âge, les couleurs que portaient les fous étaient le vert, le jaune et le rouge. C’étaient aussi celles qu’il préférait. Autant que les autres couleurs.
— En tout cas, les platanes, c’est bien plus tard !
Le critère le plus important de toute action n’est point son motif ni son effet, mais bien son rituel.
Au début, cela va très vite. Chaque minute compte… Chaque chiffre, chaque mot, chaque coup de marteau. Une vente publique se vit au présent superlatif.
J’oublie la longue nuit blanche. Mon cœur bat, je le sens. La salle est bondée. Pourvu que… Une bouteille de champagne attend dans le frigo. On ne sait jamais.
Un