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La Morsure du silence: Un polar rock
La Morsure du silence: Un polar rock
La Morsure du silence: Un polar rock
Livre électronique243 pages3 heures

La Morsure du silence: Un polar rock

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À propos de ce livre électronique

Étrange série de meurtres aux abords des salles de concert...

Un promeneur découvre le cadavre d'un jeune homme près d'une salle de concert située dans la banlieue sud de Limoges. L'autopsie ne révèle rien de particulier si ce n'est un étrange tatouage au henné à la base du cou. Quelques semaines plus tard on découvre un nouveau cadavre près d'une autre salle de concert.
Qu'est-ce qui pousse le tueur à choisir ces lieux, des scènes de rock ? Quels traits de sa personnalité cet élément peut-il dévoiler ?

Dans ce 3e opus de la série « Meurtres en Limousin », Franck Linol fait évoluer ses personnages dans l'univers sonore du rock qui lui est propre.

EXTRAIT

Arrivé sur le parking de la salle de concert rock, il s'assit sur un rocher pour souffler un peu. Du bosquet derrière lui, deux chaussures affleuraient. Des godasses de sport dont il apercevait les semelles usées. Et dans les chaussures, il y avait deux pieds. Un jeune homme semblait dormir. Il était pâle, trop pâle. Manifestement, il avait cessé de vivre. 

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Vous aurez compris que ce La morsure du silence pourrait bien vous accompagner, sur votre Paris-Limoges, sans lever l’œil, si d’aventure, vous l’avez trouvé Gare de Lyon. Écrit, de plus, avec l’amour du travail artisanal, par une plume de qualité – pas si fréquent, ça ! [...] Pas mal, finalement, le Limousin, pour le genre polar ! - Martine L, Petauton, La Cause Littéraire

À PROPOS DE L'AUTEUR

Franck Linol est né à Limoges où il est aujourd’hui enseignant et formateur à l’IUFM. Grand amateur de romans policiers, il apprécie tout particulièrement les atmosphères d’Henning Mankell et l’expression du sentiment tragique de la vie chez Jean-Claude Izzo. Il avoue un réel attachement pour l’œuvre de René Frégni. Il s’est lancé dans l’écriture pour simplement raconter des histoires, mais aussi pour témoigner des dérives d’une société devenue dangereuse pour la liberté de chacun.
LangueFrançais
Date de sortie6 déc. 2017
ISBN9782367469928
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    Aperçu du livre

    La Morsure du silence - Franck Linol

    I

    Victor Golfier traînait sa vie comme un supplicié traîne sa douleur.

    Sandrine, sa femme, l’avait quitté depuis maintenant trois ans. Chaque matin, au réveil, il se demandait ce qu’il fichait encore là. Se jeter par la fenêtre ? Mais il réalisait chaque fois qu’il habitait au premier étage d’un immeuble gris, dans un quartier gris. Il lui restait une année à sécher, derrière un guichet de banque, comme une plante verte oubliée. À midi, il préférait manger seul chez Roger plutôt que d’accompagner ses collègues à la brasserie branchée qui jouxtait l’agence. Là, il faisait semblant de lire son journal, mais en réalité il écoutait les conversations. Comme un type paumé dans un pays étranger, il percevait des bribes de langage, des mots jetés en pâture, des interjections, des onomatopées, des glouglous, des gloussements, des rires – gras, les bouches garnies de frites – et des silences qui faisaient plus de bruit que le tintamarre du service à l’heure du coup de feu.

    Le soir, il rentrait, remplissait la gamelle de Donald, son chat roux, se préparait un plateau-repas et regardait une émission animalière sur la Cinq. L’accouplement des lions, les gazelles dévorées vivantes, les éléphants en voie d’extinction, il s’en moquait, à vrai dire. Il était bien en extinction, lui, Victor Golfier. Et qui s’en souciait ? Qui venait le filmer ? Qui s’apitoyait sur son sort ? Personne. Dans la rue, on ne le remarquait plus. Depuis trois ans.

    Non, les animaux pouvaient bien crever jusqu’au dernier, sauf Donald, mais lui ce n’était plus vraiment un animal.

    Tous les dimanches matin, à 8 heures tapantes, sans aucune considération pour la météo, il sortait de son F2 de la cité du Sablard. Ce premier dimanche de septembre, une pluie obstinée cinglait les mornes façades des immeubles HLM.

    Victor leva la tête et scruta attentivement l’état des cieux : le plafond d’un gris uniforme, immobile, si bas qu’on avait l’impression de pouvoir le toucher, lui assura qu’on en aurait pour la journée. Il releva le col de son imperméable Bugatti mastic avec les pattes boutonnées aux épaules. Bien qu’il eût toujours détesté les clopes, il aimait ainsi se donner un look à la Humphrey Bogart. C’était la seule coquetterie qu’il avait conservée. Il ouvrit son parapluie très british, ultime cadeau de Noël de Sandrine, et fila pour sa balade.

    De la rue de Feytiat, il rejoignit rapidement les usines de l’équipementier électrique qui s’apprêtait à fermer au moins un site sur la ville alors qu’il avait réalisé de super profits dans l’année écoulée.

    En longeant la façade blafarde, Victor revoyait le drapeau rouge flotter sur le toit de l’usine en Mai 68. Il atteignit d’un bon pas le Pont-Neuf. L’avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny était déserte. La ville semblait figée, comme soumise à un ordre de couvre-feu. Seule l’odeur de pain chaud qui s’échappait du soupirail d’une boulangerie donnait envie de vivre ce dimanche maussade.

    Il descendit un escalier étroit et raide qui le mena sur le quai d’Auzette. La Vienne, serpent d’ordinaire paresseux, commençait à se réveiller. Des tourbillons se formaient au pied des piliers en béton. Il obliqua brusquement sur sa gauche et s’engagea sur un sentier longeant l’Auzette, ruisseau tranquille qui semblait avoir l’ambition et la prétention de se changer en petit torrent. Malgré les semelles crantées de ses vieilles Timberland qui auraient dû accrocher sans broncher la boue qui se formait, il cherchait son équilibre, tel un funambule sur son fil, à cinq mètres du sol.

    Avec son parapluie dans la main droite, la parenté était parfaite.

    Il appréciait cet objet fabriqué à la main, avec ses baleines en jonc, réplique des parapluies de berger. Mais il se demandait encore ce que pouvait signifier symboliquement ce dernier cadeau de son ex. On racontait des tas de choses sur le parapluie : que l’ouvrir dans une maison attirait le malheur, que le faire tourner ouvert sur lui-même promettait les pires ennuis. Victor était un rationaliste convaincu et il considérait que ces superstitions n’étaient que foutaises. Mais, tout de même, offrir un parapluie ! C’était étrange, à bien y réfléchir. Sa décision de larguer son mari prise depuis belle lurette, Sandrine lui avait probablement acheté cet objet afin de combattre ce sentiment de culpabilité responsable de ses insomnies. Certes, elle l’abandonnerait, mais elle lui offrirait de quoi se protéger. Voilà le raisonnement qui avait dû animer sa petite intelligence, mais il n’en demeurait pas moins que Sandrine était une garce de première !

    Il en était là dans le déroulement de son raisonnement lorsqu’il atteignit la butte du Bas Fargeas sur laquelle avait été construit, bien à l’écart des gens de bonnes mœurs, au fond d’une impasse, le Centre culturel John Lennon.

    Il adorait grimper cette pente abrupte, particulièrement lorsqu’il pleuvait.

    Arrivé sur le parking de la salle de concert rock, il s’assit sur un rocher pour souffler un peu. Du bosquet derrière lui, deux chaussures affleuraient. Des godasses de sport dont il apercevait les semelles usées. Et dans les chaussures, il y avait deux pieds.

    Un jeune homme semblait dormir. Il était pâle, trop pâle.

    Victor Golfier s’approcha. Il ne sut pas pourquoi, mais le poème de Rimbaud Le Dormeur du val lui revint en mémoire.

    « Il est étendu dans l’herbe, sous la nue, pâle dans son lit vert où la lumière pleut. »

    Le jeune homme n’avait pas deux trous rouges au côté droit. Mais il ne dormait pas, lui non plus. Manifestement il avait cessé de vivre.

    II

    Le lieutenant Franck Dumontel finissait sa carrière de flic dans le service de police judiciaire du commissariat central de Limoges, 84 avenue Émile-Labussière. Il lui restait trois ans à tirer. De plus en plus souvent, le matin, il serait bien resté à sommeiller dans la chaleur du lit. Il trimbalait avec lui une encombrante fatigue. Il lui arrivait, au comble de la lassitude, de marcher dans les rues avec l’impression d’avoir endossé une tenue de scaphandrier. Pourtant il ne pouvait pas dire qu’il était las de son métier. Mais il croisait de plus en plus souvent des naufragés de la vie, qui ne pouvaient pas faire autrement que de se mettre dans des situations épouvantables et indéfendables. Des pauvres types qui se faisaient coincer parce que la société les avait oubliés au bord du chemin, il en voyait tous les jours. C’est ce qu’il avait du mal à supporter.

    Heureusement, il y avait parfois des affaires cocasses qui le mettaient de bonne humeur, comme celle dont il achevait le rapport…

    Un gagnant du Loto avait empoché plus de 500 000 euros. Dans un bar de la ville, au comptoir, il ne put s’empêcher de raconter son exploit, notamment à un homme particulièrement avenant qu’il finit par inviter chez lui à boire un pot. Assis à la table de la cuisine devant une bonne bière, l’homme lui confia qu’il était doué de pouvoirs magiques.

    — Tiens, Roger, si tu veux je te transforme 50 euros en 150 euros…

    — Déconne pas, arrête de te foutre de ma gueule !

    Et Roger de ricaner.

    — Je ne me fous pas de ta gueule…Bon, file-moi un billet, tu vas voir si je déconne.

    Roger sortit un billet flambant neuf et le tendit au magicien. Celui-ci s’en saisit, le posa sur la table en formica, puis déchira une page d’un vieux Popu qui traînait.

    — Tu vois Roger, ton beau billet, je l’enveloppe dans la page de ton canard. Bien…, dit-il alors, satisfait de sa manip. Maintenant, sers-moi une autre bière.

    Roger se dirigea vers le frigo en regardant, amusé, le petit rectangle de papier journal qui attendait sur la table. L’homme fit couler lentement le liquide ambré pour éviter un excès de mousse.

    — À la tienne, Roger !

    Ils trinquèrent. L’homme avança ses deux énormes mains couvertes de bagues dont une Dolce & Gabbana ornée de deux initiales. Il ferma les yeux, sa respiration devenant aussi rapide que s’il venait de terminer un tour de piste.

    Roger, dans le silence de la cuisine, ne ricanait plus du tout.

    — Vas-y, ouvre ce putain de paquet cadeau !

    La voix de l’escamoteur s’était faite subitement rauque. Roger prit le papier journal soigneusement plié, le contempla, hésitant.

    — Qu’est-ce que t’attends ? Ouvre-le !

    Roger ouvrit le paquet cadeau et découvrit trois billets de 50 euros !

    — Merde alors ! Là, tu me la coupes !

    Le lendemain, toujours devant une bière pas trop mousseuse, l’homme intima à Roger l’ordre de placer 100 000 euros dans une boîte à biscuits. Ce qu’il fit.

    — Roger, tu me mets cette putain de boîte dans ton congélateur. Et demain, tu triples la mise !

    Le lendemain matin, Roger ouvrit la boîte avant même d’avoir bu son café. Il faillit s’étrangler : les billets s’étaient effectivement métamorphosés, mais en coupures de papier journal.

    Dans l’heure qui suivit, Roger se rendit au commissariat.

    — J’ai été naïf, confia-t-il à Dumontel.

    Deux jours après, l’escroc fut arrêté alors qu’il avait repris contact avec Roger pour renouveler l’expérience !

    Dumontel relut son rapport avec un sourire en coin. Il s’étira en lâchant un bâillement sonore.

    — Dany, tu me parais bien sérieux…

    Dany Marval était son coéquipier depuis maintenant deux ans. Mais il n’arrivait toujours pas à tutoyer Dumontel. Son tee-shirt noir acheté à Reporters sans frontières, floqué des cinq anneaux olympiques transformés en menottes, faisait ressortir ses pectoraux. Ses cheveux mi-longs avaient encore blondi pendant ses vacances à Biscarosse.

    Dany leva la tête, abandonnant son écran d’ordinateur.

    — Je relisais l’affaire du boucher de Milwaukee…

    — Jeffrey Dahmer ? enchaîna Dumontel.

    — Exact. C’est fou cette histoire ! Le mec a trucidé dix-huit jeunes homos en treize ans ! Il œuvrait depuis 1978 ; ce n’est qu’en 1991 que les voisins, trouvant bizarre l’odeur qui se dégageait de son appartement, ont appelé les flics. Nos collègues du Wisconsin ont alors découvert des restes de cadavres en décomposition. Les victimes avaient été étranglées, puis violées et enfin démembrées, dans cet ordre ! Le mec avait photographié au Polaroid toutes ses victimes, d’abord vivantes puis coupées en tranches. Il paraît même qu’il les bouffait !

    — Et alors ? demanda Dumontel, laconique.

    — Alors il a été déclaré apte à être jugé – personne ne l’ayant reconnu anormal – et il a écopé de neuf siècles d’emprisonnement.

    Dumontel ne réagit pas à la chute de l’histoire de Dany. Depuis qu’il était flic, il avait à peu près tout vu, du crime passionnel – jalousie, « machofémicide » ou femme battue qui tue – au meurtre rituel, en passant par les tueurs en série et les tueurs de masse, sans oublier les crimes démentiels, crapuleux et les bavures policières… Il se souvint de l’affaire Martin Bryant, un jeune type pas très net qui avait tué trente-cinq personnes et en avait blessé trente-sept autres en quelques heures. À son tour il raconta cette histoire à son coéquipier…

    — Ce Martin, après avoir perdu son amie dans un accident de la route et son père qui s’était suicidé, est devenu un loup solitaire, totalement à côté de la plaque. Il ne savait plus au juste où se situait la limite de la réalité. Lors du procès, les experts ont prétendu qu’il était dénué de toute émotion. Moi je n’y crois pas, tout être vivant est doué d’émotions. Quand tu changes d’état psychologique, quand tu éprouves un sentiment, tu ressens un trouble. C’est ça, une émotion. Sais-tu par exemple que la première de l’opéra de Wagner Le Vaisseau fantôme a provoqué une vive émotion ?… Les experts sont des cons ! Ce type, ce Martin, était un tueur de masse. Et pourtant on a retrouvé dans sa chambre une collection de plus de deux cents ours en peluche !

    Un silence s’installa dans le bureau commun des deux flics, chacun méditant sur ces deux histoires.

    Dumontel se leva et, comme à son habitude, il s’installa, les bras croisés, face à la baie vitrée qui donnait sur le parc. Dany Marval l’observait. Ses cheveux gris qui tombaient en boucles sur ses épaules lui donnaient l’air d’une vieille rock-star décatie.

    — On est tous des criminels en puissance, Dany, reprit l’inspecteur, en tout cas les institutions considèrent cette idée comme un fait acquis. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’on est tous surveillés, tous fichés. Les mails sur Internet, les fichiers divers et variés, les caméras de surveillance, les logiciels de reconnaissance faciale… Un faucheur OGM, un automobiliste qui roule un peu vite, un jeune qui fume un joint, un séropositif, tous, nous sommes tous traités comme des criminels !

    — En général, vous avez tendance à forcer un peu le trait, mais là je dois dire que vous n’avez pas tort…

    C’est à cet instant que la conversation fut interrompue par le téléphone. Marval prit la communication, fit quelques « hum, hum, ok, d’accord, je lui transmets tout de suite », en hochant la tête comme si son interlocuteur lui faisait face.

    — Inspecteur, le patron vous réclame, c’est urgent.

    III

    Victor Golfier avait hésité quant au numéro à composer sur son portable : le SAMU, la police, les pompiers ? Finalement, il avait composé le 18 sur son portable.

    Le véhicule de secours et d’assistance aux victimes, le VSAV, dit aussi « charrette à piches », un Citroën Jumper rouge avec le toit et les pare-chocs blancs, arriva sur zone dix minutes après, gyrophare bleu en action. Le caporal-chef Drouin descendit le premier et se précipita dans la direction qu’indiquait le doigt de Golfier. Accroupi près du corps de la victime, où le sapeur première classe Ranty venait de le rejoindre, le caporal-chef constata l’absence de pouls et une hypothermie anormale. « On tente une réa, appelle le SAMU, magne-toi ! »

    Ranty repartit en courant vers la cabine du Jumper, alors que Drouin basculait la tête du jeune homme en arrière. Il commença le massage cardiaque externe, trente compressions thoraciques pour deux courtes insufflations. Il avait lu la veille les dernières recommandations du chef du SAMU de Paris : « En l’absence de signe de vie, on entame la réanimation cardio-pulmonaire sans se poser de question. »

    Victor regardait la scène, abrité sous son parapluie, sans aucune émotion particulière. Il remarqua que le visage du jeune était beau, légèrement ovale, diaphane et parfaitement imberbe. Les yeux fermés, il semblait dormir, apaisé. Victor se sentait inutile mais il restait là, comme si sa présence faisait partie désormais d’un tableau à peine achevé par l’artiste ; il posait, en quelque sorte. Il était celui qui avait découvert l’adolescent. Il était devenu le témoin principal : il en prit conscience, sans vanité.

    La pluie insistait, s’abattant sur le corps dont les vêtements étaient totalement détrempés. Victor Golfier avait tergiversé avant de décider qui appeler ; finalement il avait droit tout à la fois aux pompiers, au SAMU et à la police !

    L’article 74 du Code de procédure pénale concernant la découverte d’un cadavre était clair : un officier de police judiciaire devait se rendre sur les lieux de la découverte et noter les premières constatations afin de déterminer le cadre juridique d’enquête qui correspondait à la situation donnée.

    La personne était effectivement décédée.

    Le lieutenant Jolibois, de permanence ce dimanche, avait dû à regret laisser tomber ses mots croisés. Il examina la victime avec un empressement professionnel mêlé d’un agacement ostensible que Victor comprenait.

    « Pourquoi le type du SAMU avait-il insisté pour qu’on dérange ce flic ! C’était tellement évident : pas une goutte de sang, pas de marques de violence, rien ! »

    Jolibois en était arrivé aux mêmes conclusions que Victor, mais la proximité du Centre John Lennon rendait suspectes les circonstances de la mort. Il pensa aussitôt, comme si ça lui crevait les yeux, à une overdose. Et pourtant il n’y avait aucune trace de vomissures au sol ou sur les vêtements du jeune homme.

    — Vous en pensez quoi, doc ? demanda-t-il au toubib du SAMU en se relevant de sa position accroupie.

    — Difficile à dire, mort subite peut-être, coma éthylique… Faudrait une autopsie.

    — Et une overdose ? reprit Jolibois en jetant un œil sur l’homme au parapluie dont il venait juste de découvrir la présence.

    — Overdose de quoi ? répondit l’urgentiste avec un brin d’irritation non dissimulée.

    — Vous me prenez pour un nase ?

    — Écoutez, chef – le toubib avait bien insisté sur le « chef » –, si vous comptez sur moi pour vous expliquer qu’un jeune à la sortie d’une salle de concert rock est forcément mort d’une overdose de drogue dure, vous vous trompez !

    — Vous insinuez quoi, doc ?

    Jolibois sentait la moutarde lui monter au nez. Il était trempé et il n’avait pas l’intention de se faire emmerder par un interne qui se prenait pour George Clooney dans la série télé « Urgences ».

    — Rien de plus que ce que

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