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ENQUÊTE

Suffit-il d’être sourd pour devenir un fugitif ? Début novembre 2022, une grappe de carabiniers investit Codena, hameau italien perdu à 50 kilomètres au nord de Pise, au pied des Apennins. Ils s’arrêtent devant une ferme un peu particulière, devenue villa au fil du temps, avec piscine à débordement, spa aux vitraux rétroéclairés, cuisine en marbre, home cinéma. Le propriétaire, un homme de 78 ans, est visé par un mandat d’arrêt européen lancé par la France. Il est accusé d’être l’un des plus grands trafiquants de faux tableaux au monde. Mais les gendarmes trouvent porte close. Le suspect se serait-il évaporé dans la campagne ? Les médias locaux salivent déjà à l’idée de couvrir une chasse à l’homme, comme un ultime rebondissement d’une affaire qui en compte tant.

« Je n’ai juste pas entendu quand les carabiniers ont sonné », s’esclaffe Giuliano Ruffini. Ce matin de février 2023, il se tient devant nous dans l’atmosphère ouatée du cabinet de son avocat parisien, Me Paul Le Fèvre. Chevelure poivre et sel broussailleuse, regard doux, presque craintif, il insiste : non, il n’a jamais cherché à fuir. Il s’est même rendu au commissariat du coin après avoir lu les articles le présentant comme un fugitif. Douze jours de détention dans un centre délabré, avant de s’envoler, sous escorte policière, pour Paris. Direction le bureau d’Aude Buresi, la redoutée juge d’instruction croisée dans l’affaire Fillon ou du potentiel financement de la campagne de Nicolas Sarkozy par la Libye. Depuis 2015, la magistrate se demande dans quelle mesure Ruffini a orchestré la production de faux tableaux de la Renaissance. Une arnaque évaluée à plusieurs dizaines de millions d’euros et dont le retentissement a déjà entaché la réputation de prestigieuses institutions culturelles, du Louvre à la National Gallery de Londres, en passant par le MET à New York. Sans parler des multiples antennes des maisons de vente comme Sotheby’s ou Christie’s.

En 1973, Ruffini rencontre une riche héritière de vingt-quatre ans son aînée.
« C’EST LA SEULE FEMME QUE J’AI AIMÉE », DIT-IL.

Le 16 décembre 2022, Giuliano Ruffini a été mis en examen pour tentative d’escroquerie, blanchiment aggravé, tromperie. En jeu, dix années de prison. Il a été placé sous contrôle judiciaire, avec un million d’euros de caution, bracelet électronique et interdiction de quitter Paris. « Qu’est-ce que vous voulez que je fasse ici ? C’est l’ennui total », lance-t-il, désabusé. De toute façon, lui ne lâchera rien à la juge. Lors de nos trois entretiens, il dénonce une instruction à charge, répète son principal argument : non, il n’a jamais prétendu vendre des tableaux de maîtres. Il a seulement proposé des œuvres à des experts ou à des institutions. Eux seuls les ont considérées comme des Cranach ou des Frans Hals. Si ces attributions

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