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Le dossier Nuts: Roman policier
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Livre électronique256 pages3 heures

Le dossier Nuts: Roman policier

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À propos de ce livre électronique

Course contre la montre et machination sans fin

Max Kevlar, détective privé, accepte d’aider Sarah Stilton à retrouver son père dont elle est sans nouvelle depuis deux jours. Le soir même, il découvre l’homme dans son fauteuil, un revolver à la main. Suicide, conclut la police. Assassinat, s’obstine la jeune femme, pour qui Kevlar décide de poursuivre l’enquête.

Une enquête menée à cent à l’heure qui projette Kevlar au cœur d’une machination infernale lors d’une incroyable course contre la montre pour faire éclater la vérité.

Un thriller saisissant, mené de main de maître, avec une chute aussi inattendue que terrible, le tout servi par la plume habile, incisive et précise de l’auteur, qui réussit la performance de faire « trembler » le lecteur jusqu’au bout !

Un roman policier dans la tradition du genre

EXTRAIT

A trente ans à peine, Esteban Pincho était l’un des faussaires les plus doués de sa génération. Né d’une mère trapéziste et d’un père orthophoniste croisé un soir de tournée en province, il était le fruit d’une furtive autant qu’improbable partie de jambes en l’air entre une gracieuse voltigeuse de vingt ans et un bourgeois besogneux de quarante. Ce que les gens du voyage appellent un accident de la route.

Pas facile de construire sa vie quand on la démarre accidenté. Esteban Pincho connut dès l’enfance la vie chaotique des artistes saltimbanques. Ballotté de ville en ville, il trouva dans le dessin l’échappatoire aux longues heures de transhumance et aux interminables attentes des fins de représentation. On le voyait partout un crayon à la main, se servant du premier support venu pour y laisser la trace de son passage.

A PROPOS DE L’AUTEUR

Né à Bastogne en 1970, Joseph Annet est romaniste de formation. Passionné de littérature et de films policiers, il crée dans Le Dossier Nuts, son premier roman, le personnage de Max Kevlar, détective privé spécialisé dans la recherche d’œuvres d’art, qu’il embarque ici pour une toute autre aventure…
LangueFrançais
ÉditeurMemory
Date de sortie1 mars 2016
ISBN9782874132704
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    Le dossier Nuts - Joseph Annet

    1

    A trente ans à peine, Esteban Pincho était l’un des faussaires les plus doués de sa génération. Né d’une mère trapéziste et d’un père orthophoniste croisé un soir de tournée en province, il était le fruit d’une furtive autant qu’improbable partie de jambes en l’air entre une gracieuse voltigeuse de vingt ans et un bourgeois besogneux de quarante. Ce que les gens du voyage appellent un accident de la route.

    Pas facile de construire sa vie quand on la démarre accidenté. Esteban Pincho connut dès l’enfance la vie chaotique des artistes saltimbanques. Ballotté de ville en ville, il trouva dans le dessin l’échappatoire aux longues heures de transhumance et aux interminables attentes des fins de représentation. On le voyait partout un crayon à la main, se servant du premier support venu pour y laisser la trace de son passage. A six ans, sa mère lui offrit son premier cahier de dessin, un ensemble de pinceaux et tubes de couleurs, et la troupe lui acheta L’Histoire de l’Art en images où il découvrit émerveillé les grands maîtres de la peinture. Esteban se mit alors à développer son talent en copiant les œuvres de ce qui était devenu son livre de chevet. A neuf ans, il demanda à occuper le stand de la chiromancienne décédée quelques semaines auparavant et y installa sa Galerie des Copies. Les soirs de spectacle, elle ne désemplissait pas. Ses toiles se vendaient comme des petits pains à des spectateurs ébahis devant un talent si précoce et exhortant au passage leur progéniture dénuée de la moindre fibre artistique à s’inspirer de l’exemple de ce jeune romanichel.

    Esteban Pincho aurait pu mener ainsi une vie de bohême paisible et plutôt confortable. Mais, comme la carcasse attire les vautours, son succès attira la racaille. A chaque ville où la troupe se produisait, il finissait par se retrouver entouré d’une bande de petites frappes qui repéraient chez le jeune artiste aux poches pleines la poule idéale à plumer. Embarqué dans toutes sortes de virées nocturnes, la vie d’Esteban Pincho commença à emprunter les chemins de traverse qui l’amenèrent à fréquenter pour la première fois les postes de police. Usage et détention de drogues, troubles à l’ordre public, actes de vandalisme, le palmarès de l’artiste commençait à s’allonger. A seize ans, craignant qu’il ne tourne mal à force de fréquenter les caïds de toutes les villes de France, sa mère l’adressa à une parente éloignée qui vivait à Bruxelles. Un changement radical de milieu de vie le remettrait sur le droit chemin. L’adolescent fut inscrit en cinquième année dans une école secondaire qui proposait une filière artistique où il sembla trouver sa voie et une forme de sagesse à laquelle les mains de bûcheron de son aïeule n’étaient pas étrangères.

    A dix-huit ans, Esteban Pincho choisit de poursuivre sa formation artistique et réussit le concours d’entrée à l’Ecole nationale des arts visuels de La Cambre. C’est sans doute à partir de là que la vie du jeune artiste se mit à nouveau à déraper. Outre son talent, le jeune hidalgo avait aussi développé un ego surdimensionné. Méprisant la médiocrité de ses camarades, bravant l’autorité de ses professeurs qui s’obstinaient à ne pas comprendre sa démarche artistique visionnaire, Esteban Pincho finit par se faire exclure de La Cambre et, du même coup, voir se fermer une à une les portes des galeries de la ville.

    C’est à cette période qu’il rencontra Werner Bloomsky. Fils d’un restaurateur de peintures d’églises, cet escroc d’origine hongroise possédait une excellente connaissance du monde de l’art. Convaincu du talent de Pincho pour la copie, il lui fit miroiter la tenue d’une exposition de ses œuvres à Amsterdam pour l’amener à travailler pour lui. Et c’est ainsi qu’Esteban Pincho embrassa la profession de faussaire.

    Bloomsky testa tout d’abord les aptitudes de sa jeune recrue sur des œuvres mineures, des petites commandes pour des collectionneurs ou des musées qui souhaitaient mettre à l’abri leur pièce originale et n’exposer qu’une copie. La pratique était courante et offrait à Bloomsky une activité tout à fait légale derrière laquelle il pouvait développer son trafic. L’homme était méticuleux. Il perfectionna peu à peu les techniques de contrefaçon de son faussaire et se dota d’une méthode de travail extrêmement rigoureuse. Les artistes à copier étaient choisis selon des critères précis. Les matériaux nécessaires étaient sélectionnés avec une extrême précaution. Il ne mettait sur le marché que des contrefaçons parfaites, à des moments précis qui rendaient leur apparition tout à fait plausible. Bloomsky alla même jusqu’à inventer les labels de provenance figurant sur les tableaux et à produire de fausses photographies d’époque qui montraient les œuvres chez leurs propriétaires. Mais le coup de maître de Bloomsky fut d’étudier dans les moindres détails le fonctionnement du marché de l’art pour profiter de ses dysfonctionnements. Il décida de choisir des artistes dont la cote n’était pas trop élevée et pour lesquels il n’y avait que peu de documentation. Sa période de prédilection portait sur l’entre deux-guerres, et sa spécialité, sur les artistes allemands et français. Dufy, Derain, Max Ernst, Fernand Leger, Othon Friesz, Max Pechstein ou Marie Laurencin furent parmi les plus imités. Car là fut le deuxième coup de génie de Bloomsky : il ne copiait pas d’œuvres existantes, il inventait des œuvres. Il épluchait tous les catalogues des galeries de l’époque pour y repérer des tableaux sans photographie, des œuvres qui ne figuraient pas dans les catalogues raisonnés des artistes, tous disparus depuis. Il choisissait ensuite un thème propre à l’artiste qu’il pouvait exploiter et se servait enfin de complices qui prétendaient avoir retrouvé ces tableaux dans la collection d’un grand-père ou d’une tante éloignée. Il ne restait plus qu’à mettre le tableau en vente. Pour cela, rien de plus facile. Il pouvait compter, pour la délivrance des certificats d’authenticité, sur quelques experts, directeurs de musées ou de galeries, d’autant plus avisés qu’ils touchaient au passage une coquette commission.

    Esteban Pincho devint rapidement un faussaire brillant, au point que Bloomsky décida finalement de ne plus travailler qu’avec lui, tant la qualité de son travail rendait extrêmement faibles les risques que l’on détecte dans ses toiles l’œuvre d’un faussaire. Une fois son organisation bien rodée, Bloomsky passa à la vitesse supérieure. En quelques années, le duo écoula plusieurs dizaines de toiles. Et les euros se mirent à pleuvoir par millions. Château en Bavière, villa à Saint-Tropez, voitures de collections, Bloomsky mena un train de vie fastueux pendant près de dix ans. Et avec lui, Esteban Pincho, qui empochait une part plutôt rondelette du gâteau. Pour peu qu’il restât discret, il pouvait disposer à sa guise de cette fortune amassée en un temps record. Ce dont il ne se priva pas. Jouant les artistes inspirés, il écuma les palaces du monde entier, foula les dance floors des discothèques les plus sélectes de la planète, traînant derrière lui la même faune de courtisans douteux qu’au temps de son adolescence bohémienne.

    Mais la roue de la fortune s’arrêta brutalement de tourner. L’organisation criminelle mise en place par Bloomsky, malgré toutes les précautions et le secret qui l’entourait, malgré la minutie suivie pour la sélection de chaque artiste, de chaque œuvre, de chaque élément des matériaux utilisés, malgré la complicité grassement rémunérée de ses intermédiaires, l’organisation de Bloomsky s’effondra. A cause d’un petit grain de sable. Un tout petit grain de sable. Un petit pigment blanc minuscule. Un pigment blanc qu’Heinrich Campendonk, artiste expressionniste allemand membre du Blaue Reiter, n’aurait pas pu utiliser dans Tableau rouge avec chevaux. Parce que ce pigment blanc n’existait simplement pas en 1914 ! Un tout petit grain de sable de deux millions huit cent mille euros. Un putain de pigment blanc sur un pinceau mal nettoyé qui foutait en l’air près de dix ans de travail !

    Lorsque le trust maltais qui avait acquis le tableau découvrit la supercherie, à l’automne 2009, l’enquête remonta rapidement de la galerie parisienne Smolders qui avait diligenté la transaction, à l’expert Duclos qui avait délivré le certificat d’authenticité, et finalement, à Bloomsky dont l’ami de Bavière qui avait retrouvé le tableau dans le manoir familial s’avéra bien vite n’avoir jamais existé. L’œuvre était un faux et le château de cartes s’écroula.

    Le scandale qui suivit dévoila les pratiques douteuses d’un marché de l’art vérolé dont Bloomsky avait intelligemment exploité les failles. Un procès éclair eut lieu en janvier 2010 au terme duquel, faute de n’avoir pu retrouver qu’une faible partie des faux mis sur le marché, le roi de l’arnaque et le prince des faussaires furent seulement condamnés à cinq ans de prison. On ne saura jamais combien de tableaux sont sortis de l’atelier d’Esteban Pincho et vendus à de crédules collectionneurs par Bloomsky. Ni combien de millions d’euros le duo a amassé sur des comptes bien à l’abri à Andorre, Singapour ou Monaco.

    Pincho sortit de prison trois ans plus tard. Les enquêteurs espéraient bien qu’une fois dehors, il les mènerait tout droit vers d’autres de ses faux tableaux. Mais il se volatilisa du jour au lendemain. Laissant derrière lui en guise d’avertissement une copie parfaite de 100 years ago de Peter Doig. Les affaires allaient reprendre…

    Mais Pincho avait retenu la leçon. Il vivrait désormais dans l’ombre de ses commanditaires. Les plus grands faussaires ne sont-ils pas ceux que l’on ne connait pas ? Être faussaire, c’est renoncer à la reconnaissance de son travail. L’anonymat lui conviendrait parfaitement. Sous une nouvelle apparence, il circulerait librement. L’argent qu’il avait conservé lui permettrait de payer ses moindres dépenses en liquide. Pas d’attache, pas de trace. Il resterait introuvable.

    Ainsi pouvait-on s’imaginer la vie d’Esteban Pincho à la lecture des éléments que contenait son dossier Interpol.

    2

    Enfoncé dans son siège, Max Kevlar observait les trajectoires de l’eau qui ruisselait sur le pare-brise, donnant à la grande allée centrale de la rue Huart-Hamoir des allures d’aquarelle détrempée. La pluie n’avait cessé depuis le matin et la plaine de jeux envahie les soirs d’été par les enfants du quartier était ce soir complètement déserte.

    Il déposa sur le siège passager le dossier Interpol de Pincho.

    Le numéro quarante-huit. Au rez-de-chaussée, des ateliers et des bureaux organisés autour d’une large cour intérieure. Aux étages, des appartements. Sur l’une des plaques posées au-dessus des sonnettes figurait Arts & Antiques, la société d’import-export qui servait de couverture au trafic de Steemans. Esteban Pincho occupait un appartement au deuxième étage. C’est du moins ce que supposait Kevlar, car aucune photo récente ne lui permettait de l’identifier formellement.

    Il y a quelques semaines, Dirk Steemans, un expert agréé auprès de plusieurs institutions aux Pays-Bas, avait approché la maison de vente Piet Burger. Les œuvres présentées étaient accompagnées de leurs certificats d’authenticité et de la liste de leurs propriétaires successifs. Les analyses ne révélèrent aucune anomalie et les experts conclurent à l’authenticité des œuvres. Une ruse destinée à gagner la confiance de la maison de vente qui découvrit la supercherie lorsque Steemans présenta La ville endormie de Paul Delvaux, une œuvre de 1938 réalisée par le peintre alors dans sa période surréaliste. Authentifiée dans un premier temps, le tableau fut ensuite recalé par l’expert de la Fondation Paul Delvaux. Il s’agissait d’une copie d’excellente facture que Steemans avait substituée à l’original après la première expertise. La maison de vente opta pour la discrétion et décida de mener sa propre enquête pour confondre Steemans et identifier son faussaire.

    Il apparut très vite que Steemans avait une réputation sulfureuse. Son nom apparaissait dans plusieurs dossiers de trafic d’œuvres d’art aux Pays-Bas où certains galeristes continuaient cependant à lui accorder leur confiance. Steemans était un homme d’affaires peu scrupuleux, mais il ne touchait à aucun pinceau. Il s’entourait d’un ou plusieurs faussaires, selon les commandes qu’il recevait. Les analyses des techniques utilisées pour le Delvaux amenèrent la maison de vente à penser que la main extrêmement douée qui se cachait derrière cette copie pouvait être celle de Pincho. Kevlar entreprit de filer l’escroc et se retrouva rapidement au quarante-huit de la rue Huart-Hamoir qui abritait la société d’import-export de Steemans à Bruxelles. Après plusieurs filatures, il découvrit que Steemans rendait régulièrement visite à l’occupant de l’appartement du deuxième étage, un type d’une trentaine d’années qui sortait uniquement le soir pour se rendre en tram dans un bistrot du centre-ville, chaque soir différent.

    Kevlar soupçonna l’homme d’être l’un des faussaires de Steemans. Et pourquoi pas Pincho ? L’apparence avait changé, certes. Mais il y avait quelque chose dans la démarche de ce type qui lui faisait penser au célèbre faussaire. Du moins, tel qu’il s’en souvenait dans les quelques reportages qu’il avait regardés à l’époque du procès. Pincho avait bien repris du service, pour le compte de Steemans cette fois. Peindre était comme une seconde nature. Et son talent s’exprimait dans l’imitation, pas dans la création. C’était plus fort que lui. C’était comme ça. Il n’en restait pas moins un maître dans son art.

    Kevlar attendait que l’artiste quitte les lieux pour y trouver les preuves qui lui manquaient encore. La radio annonça vingt-deux heures. Les infos en bref. Les attaques israéliennes sur la bande de Gaza s’intensifiaient tandis que la communauté internationale se contentait d’appeler au calme. En Irak, les djihadistes de l’Etat islamique progressaient encore vers Bagdad et les Occidentaux estimaient à présent que Bachar El-Assad était leur meilleur allié dans la région, rétrogradant les massacres à l’arme chimique et les bombardements aux barils de TNT contre son peuple à un détail de l’histoire. Au Soudan du Sud, la famine tuait autant que la guerre civile dans l’indifférence internationale généralisée. La planète n’avait d’yeux que pour la Coupe du Monde de football. Du pain et des jeux… Le peuple se distrait et les puissants continuent leurs abjectes politiques. Tout ça lui donnait envie de vomir.

    Kevlar éteignit et fouilla dans le vide poche. Un vieux paquet de cigarettes. Il pensait les avoir tous jetés. Coup d’œil sur la banquette arrière. Un sachet de cuberdons. Sa nouvelle addiction. Il enclencha le lecteur. Cannonball Adderley et Miles Davies, Autumn leaves. Parfaitement de circonstance. Et exactement ce qu’il lui fallait pour accompagner l’attente.

    Il se mit à penser à Magritte dont il avait pisté en début d’année deux tableaux volés. Trois nus dans un intérieur et Moderne. Deux œuvres de 1923 acquises par un collectionneur éclairé alors que le peintre n’avait encore qu’une notoriété locale. L’homme avait acquis bien plus tard La Lectrice soumise qui restait pour lui la plus grande énigme de la peinture moderne. Que peut-elle donc lire qui lui glace ainsi les sangs ? Le collectionneur avait d’abord mené diverses recherches sur l’œuvre, sans parvenir à percer le secret de sa lecture. Las de ses recherches, il s’était mis à avancer ses propres hypothèses. Il avait fini par développer chacune sous la forme d’un récit littéraire de genre différent et avait publié ses Variations énigmatiques à compte d’auteur dont il gratifia Kevlar d’un exemplaire. Il se souvenait encore de l’hypothèse développée dans le genre fantastique. La lectrice, dont on ne connaissait que le nom, Adeline, empruntait un soir de novembre le chemin de halage qui la conduisait chaque jour de son travail à son domicile. Sur l’unique banc offrant une pause le long de la berge, elle aperçut un livre sans titre. Intriguée, elle le saisit et lit les premières lignes. Elle sent bien qu’elle ne devrait pas, mais elle continue à lire. Elle s’approche du réverbère pour en capter plus de lumière et tourne la page. Très vite, elle se rend compte que le personnage principal lui ressemble. Le trouble s’immisce soudain quand elle découvre certains détails des événements que traverse l’héroïne. Leur ressemblance est trop grande. Elle est parcourue d’un frisson. Elle sait qu’il ne faudrait pas. Il ne faudrait pas qu’elle continue. Mais c’est plus fort qu’elle. L’excitation la gagne. Elle parcourt les pages de plus en plus vite, frénétiquement. Trop de questions la submergent en même temps qu’elle poursuit sa lecture. Est-ce bien d’elle dont il s’agit ? Qui peut savoir cela ? Pourquoi l’écrire ? Elle doit savoir. Les réponses doivent forcément se trouver plus loin dans ces pages. Elle ne sent pas la brume qui commence à l’envelopper. Le froid qui lui tombe sur les épaules. Toute entière absorbée par sa lecture, elle est maintenant complètement absente. Entièrement soumise à son narrateur. Elle est soudain saisie d’effroi. Elle s’est écartée du livre, les yeux écarquillés, le teint blême. On ne voit pas ses muscles qui tremblent. Ses yeux ne bougent plus. Ils restent rivés à cette phrase : « Elle releva sa robe et pénétra dans l’eau pour s’y abandonner aux souvenirs des siens… ».

    Kevlar regarda sa montre. Vingt-deux heures trente-cinq. La nuit avait enveloppé la ville. La lumière jaunâtre de l’éclairage public lui donnait le teint blême d’un mort en sursis.

    Une lampe s’alluma dans le couloir d’entrée du quarante-huit. La porte s’ouvrit et un homme apparut sur le seuil. Pincho, songea Kevlar. Il éteignit, claqua la porte derrière lui et descendit la rue vers l’arrêt de tram situé devant la gare de Schaerbeek.

    La voie était libre. Crocheter la serrure ne prit que quelques secondes. Kevlar s’immobilisa derrière la porte et actionna la lampe de poche de son téléphone portable. Le bruit d’une télévision remplissait l’appartement du premier étage. Un commentateur incrédule parlait d’humiliation pour la nation du football. Kevlar se trouva sur le palier du deuxième et quelques secondes plus tard, à l’intérieur de l’appartement. Face

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