La Photographie érotique
Par Alexandre Dupouy
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Avis sur La Photographie érotique
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Aperçu du livre
La Photographie érotique - Alexandre Dupouy
5 - Anonyme, carte postale dos vierge,
14 x 9 cm, vers 1925.
AVANT-PROPOS
La « collectionnite aiguë » est-elle affaire de gènes ? Cette grave question existentialiste fut résolue bien vite pour moi lorsque, laissant mes jeux de plein air aux orages de l’été 1966, je me réfugiai dans l’immense grenier de la maison familiale. Pêle-mêle, des milliers de vieilles cartes postales en jonchaient le sol. En les ramassant, j’entrai subitement dans un monde inconnu où des messieurs en hauts-de-forme côtoyaient des dames qui croulaient sous d’immenses chapeaux bariolés, je découvris des métiers disparus, des publicités désuètes vantant les mérites de médicaments charlatanesques, des catastrophes de dirigeables...
Fasciné par cette immersion dans un autre temps, j’emportai, avec l’accord de ma grand-mère, cette antique correspondance. Je me mis dès lors à étudier ces images et m’ingéniais, usant de différents classements, à rendre ce monde cohérent. Une vraie passion s’était emparée de moi, reléguant ma vocation première pour l’archéologie aux oubliettes. En étais-je vraiment éloigné ? J’allais, en fait, devenir archéologue iconographique.
Tous les greniers de mon entourage devinrent mes chantiers, et j’acquis, avec ces « fouilles », une culture bien loin de celle que m’enseignait mes professeurs. J’accumulais au fur et à mesure un trésor de vieux papiers : timbres, livres, photos et ces fameuses cartes postales. Elles étaient toutes témoignages de pans d’histoire : celle des princes, des guerres et des événements mais surtout celle de la vie quotidienne. A la lecture de la correspondance et des légendes colportées par mes petits bouts de carton, j’avais devant moi l’intimité de leurs auteurs, parcourant ainsi leurs vies de tous les jours : soucis, plaisirs, tristesses et amours.
Amours surtout, car de tout temps, la correspondance amoureuse a été la plus riche et le début du XXe siècle foisonnait de ces cartes postales assez mièvres que l’on nommait « fantaisies » et qui déclamaient de bien chastes serments. Or, à ma grande surprise, je découvris, parmi elles, des images de souriantes femmes nues ! Ces voluptueuses missives étaient pour la plupart adressées aux poilus de la Grande Guerre par de complices marraines qui s’identifiaient à ces coquines effigies.
Je n’étais encore qu’un adolescent, et bien entendu, j’en éprouvai un grand trouble qui révéla et affina ma voie : je décidai de me consacrer plus spécifiquement à l’histoire de l’érotisme et de la photographie en particulier.
Les petits boulots qui me nourrissaient alors me laissaient suffisamment de temps pour découvrir les secrets du grand temple de la Collection : l’Hôtel Drouot. Vers 1973, ce n’était pas encore la bâtisse moderne que l’on connaît aujourd’hui, mais un immeuble vétuste du XIXe siècle dont l’odeur et les parquets me rappelaient ceux des greniers. Il y grouillait une foule agitée qui ignorait tout de la courtoisie : un monde hermétique, aux mœurs difficiles à saisir pour le néophyte, où chacun vaque à ses propres intérêts. Je restais stupéfié par les sommes d’argent dépensées en un instant sur les doigts levés par des messieurs d’apparence anodine. Ces curieux personnages évincèrent sur-le-champ les héros de mon enfance et j’en gardais longtemps un manque d’intérêt pour l’élégance. Je découvris dans cette maison regorgeant d’Histoire que la culture et la fortune n’avaient rien à voir avec les signes extérieurs de richesse. A cette époque où les cartes postales et les photographies n’étaient pas répertoriées dans des catalogues, où personne n’avait l’idée de les proposer à la pièce, elles étaient vendues par manettes entières, de grands paniers carrés en osier qui pouvaient en contenir trois à quatre mille exemplaires. Je ne me souviens pas qu’il fallait plus de quarante francs pour partir avec l’une d’elles. Je constituais ainsi un stock qui, entouré de tout ce qui touche aux livres et aux « vieux papiers », fit de moi un marchand reconnu. Marchand certes, mais avant tout collectionneur.
Atteint d’une véritable boulimie dans ce domaine, je conserve depuis quantité d’images érotiques. La petite femme nue de la Grande Guerre est désormais entourée de milliers de sœurs toutes plus fantasmatiques les unes que les autres. Le volume de cette documentation visuelle n’en fait pas moins qu’il subsiste de nombreuses énigmes que je m’ingénie à résoudre.
6 - Anonyme, no 105, tirage albuminé,
20,7 x 13,7 cm, vers 1890.
7 - [Monsieur X], tirage argentique,
24 x 18 cm, vers 1935.
8 - Anonyme, tirage argentique,
18 x 13 cm, vers 1935.
INTRODUCTION
L’intention de cet ouvrage est de présenter des images inédites en prenant soin d’éviter celles, internationalement connues, réalisées par des photographes célèbres qui ont déjà souvent fait l’objet de monographies ou de nombreuses publications. Reposant sur des critères éminemment subjectifs, la sélection faite ici n’a aucune valeur encyclopédique. Il ne s’agit ni d’un recensement exhaustif, ni même objectif : choisir des images, c’est surtout exprimer ses propres goûts, son engouement pour ces femmes aux charmes souvent désuets, qui par l’enchantement du miracle photographique ont été préservées de l’outrage du temps.
Force est de constater que les premières décennies de la photographie érotique sont essentiellement françaises. La principale raison en est que la naissance de la photographie a lieu en France où des recherches sur de nouveaux procédés de reproduction iconographiques sont en cours depuis le XVIIIe siècle. Ensuite, la France bénéficie au XIXe siècle d’un libéralisme plus développé qu’ailleurs. L’Italie, l’Espagne, les Etats-Unis, l’Allemagne et la Grande-Bretagne importent des images licencieuses françaises, leur propre production étant beaucoup plus marginale car plus sévèrement réprimée.
Concernant le premier siècle de l’histoire de la photographie (1839 - 1939), toutes les collections internationales, anciennes ou contemporaines, sont composées en grande majorité d’images françaises. Lorsque les anglais Graham Ovenden et Peter Mendes, intitulent leur ouvrage Victorian Erotic Photography, il s’agit en fait essentiellement d’œuvres d’origine parisienne de Belloc, Braquehais, Durieu, Vallou de Villeneuve. Lorsque l’américain Richard Merkin, professeur à la Rhode Island School of Design de New-York, présente sa collection dans l’ouvrage Velvet Eden, la majorité des images sont françaises. Les premières images américaines qu’il a sélectionnées datent de 1920, les allemandes de 1930 et ne représentent qu’une infime partie de l’ensemble. Le constat reste le même pour de prolifiques collections telles que celles de Uwe Scheid, du Kinsey Institute, ou encore des françaises, tant au niveau institutionnel (le Cabinet des Estampes de la Bibliothèque nationale de France) que