Le Post-Impressionnisme
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À propos de ce livre électronique
Dans sa touche épaisse, Van Gogh illustra le soleil du midi, tandis que Cézanne renonçait à la perspective. Riche de sa variété et de la singularité de ses artistes, le Post-Impressionnisme fut un passage obligé pour tous les grands noms de la peinture du XXe siècle, passage qu’emprunte ici, pour le plus grand plaisir du lecteur, Nathalia Brodskaïa.
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Aperçu du livre
Le Post-Impressionnisme - Nathalia Brodskaya
Moscou.
INTRODUCTION
Le terme « post-impressionnisme » signifie uniquement « après l’impressionnisme ». Ce n’est ni un courant, ni un mouvement artistique. C’est une petite période située à la fin du xixe siècle. L’impressionnisme étant un phénomène propre à la peinture française, le concept de post-impressionnisme est lui aussi étroitement lié, à l’origine, à l’art français. On considère généralement que la période post-impressionniste débute en 1886, date de la huitième et dernière exposition commune des impressionnistes. Elle s’achève après 1900, ne débordant que très peu sur la première décennie du xxe siècle. Puisque le terme de « post-impressionnisme » et ses limites dans le temps sont bien définis, il apparaît que plusieurs œuvres post-impressionnistes se situent hors du cadre fixé. Mais malgré l’exceptionnelle brièveté de cette période, elle est souvent qualifiée d’« époque » post-impressionniste. En effet, ces quelques vingt années ont vu éclore des phénomènes artistiques si marqués, des courants picturaux si différents et des personnalités créatrices si étonnantes que l’on peut sans crainte qualifier ces années à la charnière du nouveau siècle d’« époque ».
La Révolution technique et scientifique
La période du post-impressionnisme commença dans l’atmosphère des fantastiques changements du monde environnant. La technique donnait naissance à de véritables prodiges. Le développement des sciences, qui portaient auparavant des noms généraux (physique, chimie, biologie, médecine), s’engageait dans de nombreuses directions toujours plus étroites. Dans le même temps, cela incitait des domaines scientifiques jusque-là très différents à unir leurs efforts, entraînant par conséquent des inventions auxquelles il aurait été impossible de penser deux ou trois décennies plus tôt. Ces inventions bouleversèrent complètement les représentations du monde et de l’homme. Il suffit de rappeler que l’ouvrage de Charles Darwin, La Descendance de l’homme, fut publié dès 1871. Chaque nouvelle découverte, chaque nouveau voyage, apportait du nouveau. Les inventions dans le domaine des transports et des relations conduisirent l’homme dans des coins de la planète inexplorés jusque-là. De nouveaux projets, grandioses, furent encouragés pour faciliter les communications entre ses différentes régions. En 1882, on débuta en Grèce la construction du canal de Corinthe ; en 1891, la Russie se lança dans le projet monumental d’une ligne de chemin de fer transsibérien qui s’acheva en 1902 ; en Amérique les travaux commencèrent pour la construction du canal de Panama. Aussi, la connaissance de nouvelles terres ne pouvait pas ne pas influencer le développement des arts.
Dans le même temps, les moyens de communication et de transport s’étaient considérablement développés. En 1876, Bell inventait le téléphone et, dès le dernier quart du xixe siècle, les gens purent se parler malgré la distance. Grâce à l’invention du télégraphe, Marconi, en 1895, développa le réseau des ondes hertziennes et quatre ans plus tard eut lieu la première émission de radio. La vitesse des déplacements terrestres s’accélérait à un rythme incroyable. En 1884, la première automobile à vapeur fit son apparition dans les rues françaises ; en 1886, Daimler et Benz produisaient des autos en Allemagne et le premier Salon de l’automobile se tenait en 1898 à Paris. En 1892, le premier tramway parcourait les rues de Paris, et en 1900 le métro parisien vit le jour. L’homme s’élevait et explorait ses profondeurs. En 1890, Ader fut le premier à quitter le sol dans un aéroplane ; en 1897, il s’envola avec un passager, et en 1909 Blériot traversait la Manche en aéroplane. Zédé conçut le projet d’un navire sous-marin à propulsion électrique dès 1887. C’était à croire que tous les projets fantastiques de Jules Verne prenaient soudain vie.
2. Vincent van Gogh,
Autoportrait à l’oreille coupée et à la pipe, 1889.
Huile sur toile, 51 x 45 cm. Collection privée, Chicago.
3. Paul Cézanne,
Autoportrait à la casquette, 1872.
Huile sur toile, 53 x 39,7 cm.
Musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.
4. Vincent van Gogh,
Bateaux aux Saintes-Maries, 1888.
Crayon, encre de Chine et
aquarelle sur papier, 40,4 x 55,5 cm.
Musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.
Dans le même temps, on faisait des découvertes scientifiques qui, à défaut d’être visibles, étaient néanmoins marquantes pour l’humanité. En 1875, Flemming découvrit les chromosomes ; en 1879, Pasteur découvrit qu’il était possible de vacciner contre certaines maladies ; en 1887, la théorie de l’hérédité apparut avec Weismann. Lawrence découvrit les électrons, Röntgen les rayons X, Pierre et Marie Curie la radioactivité. Si les découvertes scientifiques et techniques semblent éloignées du domaine des arts plastiques, elles n’en eurent pas moins une influence majeure. La technique permit d’ailleurs l’apparition d’une nouvelle forme d’art : en 1894, Edison réalisa la première prise de vue, et en 1895 les frères Lumière montrèrent le premier film.
Les voyageurs européens formaient des projets de plus en plus audacieux et leurs quêtes rapportaient en Europe un matériel nouveau et sensationnel. En 1874, Stanley traversa l’Afrique. En 1891, Dubois découvrit à Java les restes d’un pithécanthrope. Auparavant, dans les années 1860, les archéologues E. Lartet et H. Christy avaient découvert dans les grottes de la Madeleine l’image d’un mammouth laineux gravée sur une défense. Il était difficile de croire à l’existence d’un art paléolithique, mais les recherches ultérieures des archéologues imposèrent de reconnaître sa valeur esthétique. En 1902, l’archéologue E. Cartailhac publia à Paris le Mea culpa d’un sceptique, qui mit un terme à la longue histoire du mépris de la peinture primitive. Les étonnantes peintures rupestres des grottes d’Altamira, après de longs doutes, furent finalement reconnues authentiques. Débuta alors une époque de recherches intensives de manifestations de l’art primitif, qui au tournant du siècle prit la forme d’une « fièvre des grottes ».
5. Paul Signac, Bateau dans le port de
Saint-Tropez – Tartanes pavoisées, Saint-Tropez, 1893.
Huile sur toile, 56 x 46,5 cm.
Von der Heydt-Museum, Wuppertal.
6. Paul Gauguin, Arearea (Joyeusetés), 1892.
Huile sur toile, 75 x 94 cm.
Musée d’Orsay, Paris.
7. Paul Sérusier, Bretonnes.
Réunion dans le Bois Sacré, vers 1891-1893.
Huile sur toile, 72 x 92 cm. Collection privée.
8. Paul Cézanne, Les Bords de la Marne
(Villa au bord de la rivière), 1888.
Huile sur toile, 65,5 x 81,3 cm.
Musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.
9. Vincent van Gogh, La Maison jaune
(La Maison de Vincent à Arles), 1888.
Huile sur toile, 72 x 91,5 cm.
Van Gogh Museum, Amsterdam.
C’est également à la fin du xixe siècle que naquit l’ethnographie. En 1882, le musée ethnographique ouvrit à Paris et une exposition de l’Amérique centrale se tint à Madrid en 1893. En 1898, dans le cadre d’une expédition punitive dans les colonies africaines, les Anglais redécouvrirent, après les Portugais au xve siècle, le Bénin et son art étrange. Les produits en or des aborigènes péruviens et mexicains, qui étaient arrivés en quantités massives en Europe au xvie siècle après la découverte de l’Amérique, n’avaient guère attiré l’attention de l’art à l’époque ; ce n’était qu’un métal précieux destiné à être fondu. L’élargissement des frontières du monde européen à la fin du xixe siècle ouvrit aux peintres d’incroyables horizons esthétiques. L’Antiquité classique cessa en effet d’être la seule source d’art figuratif. Ce que O. Spengler appela par la suite le « déclin de l’Europe », qui sous-entendait la fin du pan-européanisme au sens large, entretint des rapports immédiats avec l’art.
L’année 1886 marqua également le début des changements de la physionomie de Paris. Un concours fut organisé pour la construction d’un monument commémorant le centenaire de la Révolution française (1789) qui coïncidait avec l’Exposition universelle. Ce fut le projet de tour de l’ingénieur Gustave Eiffel qui fut adopté. La perspective d’ériger en plein centre de la ville une tour métallique de 300 mètres de hauteur effraya les Parisiens. Le 14 février 1887, le journal Le Temps publia une lettre ouverte que signèrent François Coppée, Alexandre Dumas, Guy de Maupassant, Sully Prudhomme et l’architecte Charles Garnier, auteur du projet ayant abouti à la construction de l’opéra de Paris en 1875. « Nous venons, écrivains, peintres, sculpteurs, architectes, amateurs passionnés de la beauté jusqu’ici intacte de Paris, protester de toutes nos forces, de toute notre indignation, au nom du goût français méconnu, au nom de l’art et de l’histoire français menacés, contre l’érection, en plein cœur de notre capitale, de l’inutile et monstrueuse tour Eiffel, écrivirent-ils. La Ville de Paris va-t-elle donc s’associer plus longtemps aux baroques, aux mercantiles imaginations d’un constructeur de machines, pour s’enlaidir irréparablement et se déshonorer ? (…) Il suffit (…) de se figurer un instant une tour vertigineusement ridicule, dominant Paris, ainsi qu’une noire et gigantesque cheminée d’usine, écrasant de sa masse barbare Notre-Dame, la Sainte-Chapelle, la Tour Saint-Jacques, le Louvre, le dôme des Invalides, tous nos monuments humiliés, toutes nos architectures rapetissées, qui disparaîtront dans ce rêve stupéfiant. Et, pendant vingt ans, (…) nous verrons s’allonger comme une tache d’encre l’ombre odieuse de