LA MÉMOIRE DANS L’OULIPO
Un client qui fréquentait les restaurants du Quartier latin au début des années 1960 pouvait se retrouver assis près d’une table où des messieurs tenaient des conversations fort étranges. L’un : « Je me suis livré à un certain nombre de travaux. D’abord, j’ai procédé à des intersections. J’ai pris la Saison en enfer, L’Albatros, L’Autre Alceste. » Un autre : « Ça donne Gabriel Marcel. » Un autre : « Ça ne donne rien du tout, et on va se coucher. » Le premier : « Je me suis attaqué aux lipogrammes avec les Voyelles de Rimbaud. Puis j’ai examiné la résistance à la potentialité avec la méthode S + 7. Albatros très résistant, Rimbaud limité. » Plus tard, ils récitent de drôles de poèmes : « Par les bois du djinn où s’entasse de la peur, parle et boit du gin ou cent tasses de bon vin. » Il arrive aussi que le ton monte et que l’on se dispute : « Je suis désolé, mais l’alexandrin polysémique doit être également monomorphique. Sinon, il s’agit simplement d’holorimes. » À ce stade, notre client s’interroge: ces gens sont-ils fous, savants, ou les deux ?
S’il leur» Son voisin, François Le Lion-nais, opinerait : « . » Queneau reprendrait : l’Oulipo veut « ». Un roman, un sonnet, une tragédie ont leurs règles, abonderait Le Lionnais : la division en chapitres, la règle des trois unités, la versification, etc. Pourquoi ne pas en inventer d’autres? « »
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