Le Journal du dimanche

L’incroyable razzia

Au tribunal judiciaire de Paris, 14e chambre correctionnelle, le 5 octobre. Assise au troisième rang d’une salle d’audience, dont l’exiguïté tranche avec l’importance de l’affaire, une femme à la chevelure blonde ne peut s’empêcher de hausser les épaules et de lever les yeux au ciel face aux réponses d’un des prévenus, jugé pour des faits de recel d’œuvres d’art. Après s’être une dernière fois contorsionnée sur le banc réservé aux parties civiles, celle qui n’en peut plus de se contenir est appelée à témoigner. Sylvie Baltazart-Eon, 67 ans, fille d’Aimé Maeght, célèbre collectionneur-marchand d’art-lithograveur, ami de Braque, Matisse, Chagall et Giacometti, se cramponne à la barre du prétoire avant de rompre la torpeur qui gagne la salle d’audience d’une voix lestée à la nicotine. « Pour nous, c’était inimaginable, impensable. La seule personne de confiance que nous avions… », dit-elle dans un soupir.

L’inimaginable pour l’une des héritières d’un des grands découvreurs des précurseurs de l’art moderne, c’est le vol de 268 dessins, gravures et lithographies conservées dans de larges meubles à tiroirs, à son domicile, rive gauche à Paris. Des vols commis entre la fin de l’année 2006 et septembre 2008. Tellement inconcevable même qu’elle ne va, dans un premier temps, pas déposer plainte. Elle ne va trouver la police qu’après avoir appris qu’une de ses voisines avait aussi subi pareille mésaventure à la même période. La mère de cette seconde victime, Jacqueline Roque, a été la dernière compagne du génie espagnol, Pablo Picasso. Catherine Hutin-Blay a vécu près de vingt ans aux ou son – comme elle avait l’habitude de l’appeler –, jusqu’à la mort du peintre en 1973. Elle est la première à pousser la porte des bureaux du groupe « Broc », ceux des enquêteurs spécialisés dans la lutte contre le trafic d’objets d’art, au sein de la brigade de répression du banditisme (BRB) de la police judiciaire de Paris. Nous sommes alors au début du mois d’octobre 2011. Cathy a découvert le pot-aux-roses lorsqu’une galerie parisienne, située à deux pas de l’Élysée, a mis en vente trois dessins et une aquarelle de Pablo Picasso dont elle avait hérité au décès de sa mère. Des œuvres baptisées,

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