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Les jumelles martyres: Une histoire vraie
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Les jumelles martyres: Une histoire vraie
Livre électronique270 pages3 heures

Les jumelles martyres: Une histoire vraie

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À propos de ce livre électronique

Abandonnées dès leur naissance, les jumelles Grenier sont restées à la crèche plus de deux ans sans que personne les adopte… jusqu'à ce qu'un couple décide de les accueillir.

L'histoire aurait pu se terminer là et avoir une fin heureuse, mais ce fut loin d'être le cas...

Dans cette maison, les fillettes ont été martyrisées, physiquement et sexuellement, et confinées dans le noir le plus complet, dans de minuscules couchettes. Durant des années, elles ont vécu dans un climat de terreur perpétuel.

Pourquoi les Services sociaux ne sont-ils pas intervenus plus tôt ? Encore aujourd'hui, la question se pose…

Cinquante ans plus tard, les deux femmes témoignent du véritable enfer auquel elles ont survécu, avec une résilience hors du commun et la volonté de changer la société dans laquelle on vit.

L'histoire des jumelles Grenier est véridique et appuyée par des faits notés dans les rapports officiels des Services sociaux, entre 1967 et 1973. Elles ont choisi de rompre le silence pour se libérer enfin de ce boulet qu'elles traînent depuis trop longtemps, mais, surtout, pour éviter que ce qu'elles ont subi se répète, dans l'espoir d'un monde plus humain. Tous connaissent Aurore l'enfant martyre, cependant personne ne veut croire que de tels drames se produisent encore. Ce livre est le vibrant témoignage d'une enfance brisée. Un cri du cœur qui nous bouleverse et nous laisse sans mots.
LangueFrançais
ÉditeurDe Mortagne
Date de sortie3 oct. 2018
ISBN9782896628957
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    Aperçu du livre

    Les jumelles martyres - Isabelle Grenier

    Introduction

    Nous serons à jamais marquées par ce que nous avons vécu et nous chercherons toujours la réponse à cette question : « Pourquoi personne n’est-il intervenu plus tôt ? » C’est ce problème fondamental que soulève notre histoire à nous, les jumelles Grenier, qui avons été sous la responsabilité de l’État de notre naissance, en mars 1965, jusqu’à notre adoption, en janvier 1977.

    Les Services sociaux de l’enfance et de la famille, ceux-là mêmes qui devaient assurer notre sécurité et notre bien-être, nous ont abandonnées à notre triste sort trop longtemps. Pendant six ans, ils ont négligé de procéder à un suivi régulier de notre situation familiale, et ce, malgré les avertissements répétés qu’ils ont eux-mêmes adressés à nos bourreaux.

    Mince consolation pour nous : les Services sociaux ont reconnu par écrit qu’ils avaient eu tort de ne pas avoir agi avant dans notre dossier. Toutefois, ils n’ont jamais su le véritable enfer que nous avons vécu chez nos tortionnaires… C’est grâce à ce livre qu’ils apprendront ce que nous avons réellement subi.

    Nous n’avons pas écrit notre histoire pour nous plaindre ou pour montrer quiconque du doigt, mais bien pour illustrer le laxisme de certains adultes dans des situations où des enfants sont victimes d’abus et de violence. Jamais notre intention n’a été de jeter la pierre aux auteurs des crimes commis envers nous ou aux Services sociaux, qui ont été titulaires de l’autorité parentale en ce qui nous concerne, et ce, jusqu’à notre adoption. Nous avons choisi de raconter ce que nous avons vécu pour réveiller les consciences individuelles et rappeler l’obligation légale que nous avons tous, en tant que citoyens, de dénoncer la violence et les sévices (physiques et sexuels) subis par les enfants de moins de dix-huit ans. Nous avons aussi l’obligation morale de venir en aide aux aînés, aux sans-abri, aux malades hospitalisés, bref, à toutes les personnes les plus vulnérables de notre société qui vivent de la maltraitance. Malheureusement, des situations de violence et d’abus existent encore aujourd’hui et elles risquent de se reproduire si personne ne prend la parole…

    Nous souhaitons également que les gens réalisent qu’ils ont plus de ressources que les victimes et donc qu’ils doivent dénoncer les situations inacceptables dont ils peuvent être témoins. Sinon, ils deviennent des complices…

    Notre témoignage se veut un cri du cœur pour vous convaincre de l’importance d’agir, de parler et de briser le silence qui entoure les victimes de mauvais traitements, de négligence, afin qu’elles puissent compter sur vous pour leur venir en aide.

    Nous aimerions aussi mettre en lumière l’incapacité d’agir des intervenants dans certaines situations, due à une trop grande charge de travail, à une lourde bureaucratie ou à des instances judiciaires souvent plus préoccupées du respect des droits des abuseurs que de rétablir la justice pour les victimes.

    Jamais ces réalités ne devraient aggraver la situation des victimes, qui ont droit entre autres aux soins et à l’aide que la société doit leur apporter.

    Nous nous devons de les respecter. Notre sensibilité et notre humanité sont le salut des plus démunis.

    Pour rassembler toutes les pièces du casse-tête de notre enfance, nous avons reconstitué les faits à partir de nos souvenirs, mais aussi de documents officiels de l’époque. Nous avons demandé l’accès à notre dossier aux Services sociaux et c’est ainsi que nous avons pu prendre connaissance des nombreux rapports et notes rédigés alors que nous étions sous la responsabilité des Services sociaux de l’enfance et de la famille. Ces renseignements nous ont permis de situer chronologiquement nos différents déplacements, de famille en famille, ainsi que de mieux en comprendre les causes.

    Ce fut un long et pénible parcours que de replonger dans nos souvenirs pour écrire ce livre… Chaque chapitre nous a fait revivre de terribles sentiments. Mais nous voulions tant partager notre histoire que nous avons trouvé le courage de continuer. Pour éviter aux victimes de rester des victimes. Pour que chaque citoyen devienne plus responsable, plus conscient et plus courageux lorsque arrivera le moment de leur venir en aide. Pour combattre le fléau des enfants subissant la violence, la négligence et d’autres formes de maltraitance. Nous nous considérons comme des adultes ordinaires, qui ont survécu à un passé exceptionnellement douloureux. À nos yeux, l’important n’est pas la souffrance endurée, mais ce que nous construisons avec elle… pour un monde plus humain.

    Voici donc notre véritable histoire…

    Chapitre 1

    Nos racines, notre naissance

    Nous n’avons pas le pouvoir de choisir le départ que nous donne la vie. Nous commençons par naître avant de connaître.

    — Laurence Witko

    Mireille

    Nées en mars 1965, nous avons été aussitôt confiées à la crèche de l’Hôpital général de la Miséricorde de Montréal. Pendant vingt-sept ans, nous avons ignoré les raisons de notre abandon, mais, au terme de recherches effectuées par un détective privé, nous avons retrouvé notre mère biologique, Noëlla, et avons enfin obtenu des réponses à nos questions. Le récit qui suit et qui relate les événements précédant notre naissance nous a été entièrement raconté par notre mère biologique…

    Avec son mari et leurs trois enfants, Noëlla habitait la maison voisine de celle de ses parents. Mesurant environ six mètres sur six mètres, celle-ci renfermait une grande pièce principale et une petite chambre adjacente. Noëlla était femme au foyer, tandis que son mari peinait à trouver du travail à cause de son alcoolisme. Il buvait le peu d’argent qu’il gagnait, argent dont les enfants auraient eu grandement besoin. Désespérée par cette vie de misère, Noëlla a demandé le divorce.

    À cette époque où l’Église était omniprésente et le mariage, sacré, c’était très mal vu. Le père de Noëlla n’acceptait pas du tout sa condition de femme divorcée vivant seule avec ses enfants. Refusant tout contact avec elle (même s’ils étaient voisins), il ne lui apportait aucune aide, la laissant dans la pauvreté et l’indigence.

    Noëlla rêvait de trouver un homme qui lui donnerait la sécurité financière que ses enfants et elle requéraient. Au village, on connaissait très bien sa nouvelle réalité de femme divorcée isolée avec ses enfants, qui aimait la compagnie des hommes. Il n’était donc pas rare qu’elle reçoive de la visite tard le soir.

    En juin 1963, avec l’aide de sa mère et à l’insu de son père, Noëlla a accouché d’un quatrième enfant sans savoir qui en était le père. Dès sa naissance, le garçon a été confié à la crèche de l’Hôpital général de la Miséricorde de Montréal.

    Un an plus tard, en 1964, c’est pendant une soirée arrosée de la Saint-Jean-Baptiste que nous avons été conçues. Au cinquième mois de sa grossesse, Noëlla est allée consulter un médecin, qui lui a appris qu’il entendait battre deux cœurs. Deux bouches de plus à nourrir… c’était trop.

    Le matin de ses premières contractions, Noëlla a appelé un taxi et a demandé à sa mère de prendre les enfants chez elle.

    Même si elle n’en était pas à son premier accouchement, enfanter des jumelles a été éprouvant pour notre mère. Elle a passé onze jours à l’Hôpital général de la Miséricorde de Montréal pour se rétablir. Après seulement quatre jours d’hospitalisation, elle signait l’acte d’abandon et on nous emmenait à la crèche. Un an plus tard, elle a aussi laissé sa dernière fille à cette même crèche.

    Après beaucoup de recherches et de persévérance, nous avons retrouvé notre mère biologique. La rencontre, le 30 janvier 1993, a été simple, chaleureuse et touchante. Nous avions le même âge qu’elle avait au moment de nous donner la vie. À la question « pourquoi nous as-tu abandonnées ? » elle a répondu ne pas avoir voulu nous plonger dans la misère qu’elle vivait au quotidien. En nous confiant à la crèche, elle avait espéré nous offrir la chance d’être heureuses dans une autre famille. Lorsque nous l’avons interrogée sur notre père, elle a hésité entre deux hommes. Jamais nous ne saurons qui est notre véritable géniteur.

    Photo en noir et blanc d'Isabelle qui prend sa mère biologique dans ses bras.Photo en noir et blanc de Mireille et sa mère biologique.

    Photos de nos retrouvailles avec notre mère biologique le 30 janvier 1993.

    Aujourd’hui âgée de quatre-vingts ans, notre mère partage sa vie avec Rosario, son amour, depuis décembre 1965. Ils vieillissent dans l’entraide et l’amour mutuel, dans une grande maison chaleureuse. Nous lui parlons et la voyons régulièrement, profitant avec bonheur de chaque rencontre familiale.

    Ça nous a pris des années pour comprendre et accepter que c’est par amour – et non par indifférence – que notre mère nous a données en adoption. Lorsque nous lui avons demandé pourquoi elle n’avait jamais tenté de nous retrouver, elle nous a expliqué qu’elle ne voulait pas chambouler nos vies… ni la sienne. Elle n’avait pas le courage nécessaire.

    Après avoir fait notre rencontre, Noëlla a entamé des démarches pour retrouver ses deux autres enfants donnés en adoption, et elle y est parvenue. C’est ainsi que nous avons appris qu’ils ont été adoptés à la crèche dès les premiers mois de leur vie et qu’ils ont eu une enfance heureuse au sein de familles aimantes.

    Ils ont eu beaucoup de chance… Quant à nous, notre destin a été bien différent avant que nous trouvions un bonheur stable et durable…

    Chapitre 2

    La crèche

    La vie, le malheur, l’isolement, l’abandon, la pauvreté, sont des champs de bataille qui ont leurs héros ; héros obscurs plus grands parfois que les héros illustres.

    — Victor Hugo

    Mireille

    Nous sommes demeurées à la crèche jusqu’à l’âge de deux ans et trois mois, car, contrairement à la croyance populaire, l’adoption de jumeaux et jumelles n’était pas très en vogue à l’époque. La plupart du temps, les parents désiraient accueillir un seul enfant à la fois, de préférence un garçon, pour aider aux travaux de la ferme. Notre séjour à la crèche a été long, trop long pour ne pas avoir laissé de séquelles chez les enfants en bas âge que nous étions…

    Nous avons peu de souvenirs de cette époque, mais nous nous rappelons que l’espace était rempli de lits superposés, pour qu’y couchent le plus d’enfants possible. Une petite aire de jeu avait pour but de stimuler le développement des enfants et d’accroître leurs capacités de socialisation. Tout était blanc : les murs, les plafonds, les planchers, les rideaux, les draps, l’uniforme des infirmières…

    Mis à part les quelques bénévoles qui venaient bercer les enfants de la crèche, personne ne nous témoignait d’affection. Les préposés et le personnel infirmier avaient déjà une tâche colossale : répondre aux appels, accueillir les visiteurs, nourrir les enfants, les consoler, changer leur couche, les laver, prendre leur température, s’occuper des soins médicaux, observer leur évolution et tout noter dans le dossier de suivi de chacun¹. Tous faisaient leur travail au mieux de leurs compétences, mais il existait toujours un fossé entre les besoins affectifs et relationnels des enfants et ce que le personnel pouvait donner.

    Pour attirer l’attention bienveillante mais trop rare de ceux et celles qui prenaient soin de nous, nous avons donc développé des comportements très différents : l’une restait inerte, retranchée dans son monde et refusant de ressentir quoi que ce soit, tandis que l’autre retournait contre elle-même sa détresse. « L’enfant se frotte moins la tête à sa sortie contre les barreaux de son lit. Elle se frappe surtout la tête lorsqu’on la quitte² », avons-nous pu lire dans les rapports de la crèche. Isabelle a même dû porter un bonnet protecteur.

    Photo en noir et blanc d'Isabelle. Photo en noir et blanc de Mireille.

    Photos prises à la crèche de la Miséricorde et brochées dans nos dossiers d’adoption.

    C’est ainsi que s’exprimaient notre manque d’affection, d’interactions, de liens stables, et notre peine de n’être que deux enfants abandonnés parmi tant d’autres.

    En prenant connaissance de nos dossiers, nous avons pu lire ceci : « Elle aurait présenté un léger retard moteur (marche à 20 mois)³. » Se pourrait-il qu’un enfant sache déjà qu’il lui est inutile d’apprendre à marcher, si c’est pour n’aller nulle part ?

    Isabelle se rappelle qu’elle tentait souvent d’attirer mon attention, de communiquer avec moi ou de me faire réagir, mais qu’elle n’y parvenait pas. J’étais dans la lune. Malgré notre très jeune âge, nous savions que nous étions sœurs et nous prenions grand soin l’une de l’autre. Nous étions notre seule famille !

    J’ai d’ailleurs un unique souvenir bien précis de cette époque : je déambulais dans un corridor de l’orphelinat, à la recherche de toilettes. Chaque corridor débouchait sur un autre, identique au premier, si bien que j’ai eu un moment d’hésitation : et si je n’arrivais plus à retrouver mon chemin, à retrouver ma sœur ? J’ai renoncé à aller aux toilettes et suis revenue sur mes pas. Dès que j’ai aperçu ma jumelle, couchée dans son lit, j’ai ressenti un immense soulagement.

    Nous étions ensemble, et c’est tout ce qui comptait.

    Mais nous étions aussi sur le point de découvrir qu’il existait un endroit bien plus impersonnel qu’une crèche avec des dizaines d’enfants qui tantôt gazouillent et chantonnent, tantôt hurlent et pleurent. Un endroit où la noirceur

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