Jeanne et le fantassin

Jeanne tourna la clé dans la serrure. Elle l’avait voulue cette maison de Valenciennes, dans le Nord. Elle aurait tout donné pour l’avoir et c’est ce qu’elle avait fait. Elle était tombée par hasard sur cette annonce immobilière six mois plus tôt, sur Internet, et cela avait été un véritable coup de cœur. Heureusement, elle avait beaucoup d’argent de côté entre la vente de son appartement, l’assurance-vie de son défunt mari, André, et les économies de toute une vie sur son livret d’épargne. De toute façon, un prêt immobilier à 70 ans, ce n’était plus envisageable.

Les clés qu’elle serrait dans sa main étaient les siennes, comme cette maison qu’elle redécouvrait. Elle se sentit tellement bien dès qu’elle referma la porte derrière elle ! Elle avait l’impression d’avoir toujours vécu ici, d’y être en paix, à sa place.

Les anciens propriétaires avaient bien entretenu les lieux.

Elle n’avait presque rien à faire, à part installer les rideaux et refaire ici et là quelques peintures dans certaines pièces.

Jeanne n’avait pas de bons souvenirs dans ses anciens murs: elle n’avait jamais été vraiment heureuse avec André. En déménageant ici, elle ne s’était pas trop éloignée de la tombe de Vincent, son enfant qui n’avait vécu que quelques heures. C’était cinquante ans plus tôt, elle avait 20 ans, mais elle n’avait pas oublié sa peau douce, son odeur de bébé, tous les baisers qu’elle avait déposés sur son front alors qu’il s’éteignait entre ses bras, un étrange sourire aux lèvres. Son fils n’avait jamais cessé d’occuper son cœur et ses pensées.

Mais ici, elle savait que tout irait bien. Une autre vie allait commencer pour elle.

Quand elle avait visité cette maison la toute première fois, elle avait eu l’impression qu’elle était déjà venue. Peut-être à cause de toutes les photos qu’elle avait vues sur le site de l’agence immobilière. Jeanne posa le carton de rideaux neufs sur la table de la cuisine, espérant ne pas s’être trompée dans les mesures. Le plancher se