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Le destin de Clara: Tome I – L’île
Le destin de Clara: Tome I – L’île
Le destin de Clara: Tome I – L’île
Livre électronique252 pages3 heures

Le destin de Clara: Tome I – L’île

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À propos de ce livre électronique

Personnages : Clara, l’héroïne - Samaël, son père - Ange, son ami corse - Isabelle, sa mère - Paul, son beau-père - Romain, son petit frère - Mamonne, la grand-mère d’Ange - Le père Mattei, un ami prêtre - Eva, une amie corse - des démons.
Ce volume est le premier de deux tomes.
Tome 1 - l’Île :
Le premier volume intitulé « L’île » vous fera découvrir une héroïne de bientôt quinze ans. La jeune parisienne semble si timide et impressionnable. Mais suite à un héritage inattendu de grands-parents paternels inconnus, elle apprend être d’origine corse puis découvre la légende qui entoure sa naissance. Durant les deux mois d’un premier été sur l’île, elle part en quête d’un père qui se révèle si différent de ses attentes. Elle se trouve bientôt en proie à des démons qui menacent sa vie et celle des siens.
LangueFrançais
Date de sortie26 sept. 2019
ISBN9791029009983
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    Le destin de Clara - Nelly Lombardi

    cover.jpg

    Le destin de Clara

    Nelly Lombardi

    Le destin de Clara

    Tome I – L’île

    Les Éditions Chapitre.com

    123, boulevard de Grenelle 75015 Paris

    © Les Éditions Chapitre.com, 2019

    ISBN : 979-10-290-0998-3

    A Isabelle, ma fidèle lectrice.

    A Aurore, pour qui cet ouvrage a vu le jour.

    A Christian, l’Ange de mon enfance.

    Chapitre 1 – L’appréhension

    Elle suait. Adossée à la porte coulissante du métro parisien, son cartable sur le dos, compressée contre des inconnus, elle suait. C’était désagréable.

    La chaleur du début de l’été, la foule tassée dans la rame ne suffisaient pas à expliquer son malaise. Elle avait tant rêvé de quitter Paris, de partir à la conquête de la terre de ses ancêtres. Mais maintenant, elle craignait par dessus tout ce moment. Et si elle était déçue ? S’il n’y avait rien à découvrir ? Si Ajaccio n’était pour elle qu’une autre capitale, agressive et violente ?

    Toute sa courte vie, elle avait eu peur. De quelque chose ; de quelqu’un ; d’elle-même. Il était temps de se reprendre. Elle ne comprenait pas cette force soudaine, mais elle se laissait porter par cette volonté, cette certitude qu’elle allait vers sa délivrance.

    – Eh la gosse, tu t’pousses ! J’descends.

    – Oui M’sieur.

    Elle répondit timidement, se poussa, recroquevillée sur elle-même, ses épaules roulant à l’intérieur de son buste. On ne distinguait plus rien d’elle, ni le visage ingrat et blafard qu’elle dissimulait, ni la couleur de ses yeux effrayés. Elle alla jusqu’à se cogner contre la porte, et puis, portée par le flux de la foule, elle dégringola. Elle s’effondra hors de la rame de métro, sur le quai noir d’hommes et de femmes qui riaient. Ils riaient de voir tomber une si insignifiante créature. Elle n’avait pas eu la force de s’accrocher à un poteau de la rame pour tenir debout. Le métro repartit sans qu’elle eût réussie à se faufiler de nouveau à l’intérieur. Elle resta là, effondrée, sans réaction, abattue.

    Elle savait qu’il était temps de se défaire de cette soumission aux autres. Elle sentait son cœur marteler à l’intérieur de sa poitrine. Elle bouillait de toute la haine accumulée depuis toujours. Bientôt, elle changerait. C’était inéluctable. Elle était en route vers sa métamorphose.

    Elle ferma les yeux. Elle se laissa submerger par son rêve, ce rêve qui la dominait chaque instant davantage. Jour et nuit, maintenant, elle le vivait. Elle redressa doucement la tête. Elle leva les yeux vers les autres et ouvrit progressivement les paupières. Elle savoura le regard qu’ils lui jetèrent, chargé tout d’abord d’interrogations, puis progressivement, de crainte. Alors elle s’en amusa. Et de toute la force de son psychisme, elle but leur méchanceté, elle se nourrit de leur agressivité, elle les vida de leur volonté. Elle sourit, forte. Là, tous chancelaient devant elle, et nul ne pouvait plus lui nuire. Un rêve délicieux !

    Elle reprit connaissance à ce moment précis ; elle était agenouillée sur le quai. La rame fuyait à l’horizon. Elle ne s’était pas faufilée à l’intérieur.

    Les passagers suivants arrivaient déjà. Ils s’agglutineraient autour d’elle. Ils la pousseraient vers le train. Avec un peu de chance, elle atterrirait dans le wagon. A moins qu’elle ne doive patienter encore, jusqu’à un prochain métro.

    Elle finirait bien par rentrer chez elle, avec un peu de retard qu’elle ne saurait expliquer à sa mère. Elle baisserait les yeux, tasserait encore plus ses épaules, fixerait les marques rouges ornant ses genoux, là où elle était tombée sur le quai.

    Pour l’instant, elle se réfugia sur un siège de la banquette intérieure de la rame. Elle avait pu s’y installer avant tout autre. Fait rarissime. Elle ne releva surtout pas le regard vers les passagers, de crainte qu’on ne s’engouffre en retour dans le sien, qu’on ne lui demande de laisser sa place. Elle se recroquevilla sur elle-même, osant à peine respirer pour ne pas se faire remarquer. Elle compta le nombre de stations avant Montparnasse Bienvenue. Quatre. Ce serait bien le diable si elle ne l’atteignait pas ! Elle compta et son esprit vagabonda.

    Elle entendit soudain une voix agressive :

    – Alors, qu’est-ce qu’elle fait ? Elle se décide à m’le laisser, ce siège ! Elle voudrait pas qu’j’m’fâche !

    – Oui, M’dame.

    – Quoi oui M’dame !

    Elle ne répondit pas. Elle se leva et la foule la porta, encore, vers la porte d’entrée, la jetant à bas du métro dès que le battant s’ouvrit. Plus que trois stations. C’était beaucoup pour continuer à pied. Elle se maudit de sa faiblesse. Tant pis, elle attendrait encore.

    Elle se remémora ces jours derniers et la conversation avec sa mère. Quand celle-ci exceptionnellement ne l’avait pas accueillie avec une remontrance, mais avec une nouvelle stupéfiante.

    – Claire, c’est toi ?

    – Oui, M’man. Je sais, j’suis en retard, mais…

    – Claire, faut qu’on parle.

    Elle semblait impatiente. Claire ne comprenait pas pourquoi. Elle d’ordinaire toujours prête à lui reprocher ses faits et gestes. Que voulait-elle ?

    – Tes grands-parents…, enfin, tu sais, ton père…

    – Mon père ? Tu m’as jamais parlé de lui. J’t’ai pourtant posé des questions !

    Elle avait tant rêvé de lui. Elle sentit sa peur l’abandonner, et un flux de vaillance l’assaillir. Elle leva presque le menton, cherchant un semblant de contact visuel avec sa mère. Pour un peu, celle-ci l’aurait trouvée insolente. Mais elle n’avait pas de temps à perdre. Elle continua :

    – Je te l’ai dit. Il est mort après ta naissance. J’étais à la maternité quand il a eu un accident.

    – Parle-moi de lui, s’il te plaît, M’man.

    Claire s’était faite suppliante mais sa mère reprit vivement. Elle détestait la fragilité de sa fille.

    – C’est pas de lui qu’il est question, mais de tes grands-parents. De ses parents !

    Elle avait une fois de plus éludé le sujet. Claire y reviendrait. C’était crucial pour elle.

    Pour l’instant, sa mère parlait et d’une voix monocorde, elle lui annonça quelque chose de surprenant. Sa grand-mère paternelle à elle, Claire, cette femme dont elle ne connaissait pas même l’existence, venait de décéder ; son mari était mort peu de temps auparavant. La jeune fille était leur seule héritière. Tous leurs biens lui revenaient de droit. Hormis un compte sur livret dont le solde l’intéressait fort peu, elle héritait de leur maison. D’une villa à Ajaccio. Elle, la petite parisienne, la fille des Durand, elle devenait propriétaire en Corse.

    Tout s’embua dans son esprit. Elle y pensait encore quand le prochain métro entra en gare. Elle réussit à y pénétrer sans se poser de questions. Peut-être même poussa-t-elle les usagers pour la première fois. En fait, elle ne pensait plus à rien, sinon à cette maison corse qu’elle verrait bientôt, où elle retrouverait un petit bout d’elle-même, un semblant de la vie qu’on lui avait cachée.

    Elle arriva près de l’immeuble du quinzième où elle vivait avec sa famille. Elle s’y précipita, grimpa les trois étages la séparant de l’appartement avec vivacité, comme si cela pouvait lui faire rattraper son retard.

    Elle arracha la poignée de la porte en l’ouvrant précipitamment et bondit sur les pieds de l’homme qui l’attendait. Ce n’était pas sa mère, cette fois, mais son beau-père, déjà rentré du lycée où il enseignait. Elle n’eut pas le temps de s’excuser ni de formuler le moindre mot au sujet de son retard. Déjà, la gifle avait retenti sur sa joue, brûlant sa chair et son esprit. Elle se tut. Une fois de plus, elle se tut. Mais elle sentait son cœur battre en elle violemment. Fort, très fort, il résonnait à l’intérieur de son corps. Son écho se muait en rage.

    Plus longtemps ça ! C’était sûr !

    – File dans ta chambre ! Et n’en sors pas avant l’heure du repas !

    Elle fila dans sa chambre, n’en sortit pas avant le dîner. Elle resta cloîtrée des heures sans même regarder ses leçons. C’était la fin de l’année. Elle n’aurait plus beaucoup de notes. Peut-être payerait-elle cher la rébellion qu’elle fomentait, mais elle n’avait vraiment pas la tête à travailler.

    Elle s’enfuit dans ses rêves. Elle imagina le jour prochain où elle prendrait possession de son domaine.

    Chapitre 2 – L’arrivée

    Cette fois, le trajet en métro puis en RER fut moins pénible. Elle n’était pas seule et nul n’osa venir vers elle lui demander sa place, ni la pousser hors du wagon. Elle était pelotonnée sur la banquette et tenait serrée contre elle sa valise miniature – elle n’avait pas eu le droit d’en prendre une plus grande, pour ne pas payer de supplément de bagages –, et elle savourait chaque instant qui la rapprochait de son arrivée sur l’île. Son cœur résonnait fort à l’intérieur de sa poitrine, elle doutait être capable de supporter cela longtemps. Mais son jeune frère approcha sa main de la sienne. Il la saisit et la tint fort serrée contre lui.

    Cher Romain ! Il n’avait que cinq ans, mais il était toute sa vie. Il devinait quand Claire avait besoin de lui, de son soutien, de sa tendresse d’enfant. Il tenait beaucoup à elle. Il l’aimait si fort qu’il ne se lassait jamais de se coller contre sa sœur et de l’enserrer. C’était la seule personne de la famille qui semblait ressentir un sentiment à son égard. Mais tout l’amour qu’il lui portait chassait sa peine de se savoir rejetée.

    – Claire, r’garde-moi.

    Elle se tourna vers lui. Elle ne baissa pas les yeux. Lui seul en connaissait la couleur. Lui seul avait le droit d’observer ce visage qu’elle n’aimait pas, de détailler sa peau blanche, couverte de pustules rouges, syndrome de l’adolescence. Cette figure cadavérique à laquelle nul n’attachait d’importance et qui pourtant brûlait d’un destin inconnu. Il caressa ses joues pâles de sa petite main tendre et lui sourit.

    – Je t’aime, Claire.

    Elle aussi l’aimait. Il était le seul être au monde à le lui dire, et elle le croyait. Elle aurait tout donné pour lui. Pour le protéger. Pour qu’il ne change jamais.

    Comme s’il avait compris ses craintes, il murmura :

    – Je t’aime jusqu’au ciel. Pour toujours.

    – Claire, on arrive, tu t’remues !!!

    – Oui, P’pa.

    Elle devait l’appeler Papa. Mais était-ce parce qu’elle savait qu’il n’était pas son père, ou parce que celui-ci était décédé prématurément sans qu’elle ait pu en conserver le souvenir, ou peut-être parce que jamais il n’avait eu envers elle de geste affectueux, ce mot avait un goût amer dans sa bouche ; elle avait horreur de le prononcer.

    Elle n’avait pas le temps d’avoir du vague à l’âme à ce moment. Déjà elle fonçait avec toute sa famille vers le RER qui l’entraînerait jusqu’à l’aéroport. Elle regardait défiler les lieux, Romain toujours serré contre elle. Elle bondissait et se découvrait une vigueur inconnue.

    – Mais Claire, pourquoi tu cours comme ça ?

    Elle ne répondit pas à sa mère. Elle prit simplement soin de calquer son pas sur celui des autres.

    Tant qu’elle ne fut pas dans l’avion, qu’elle ne vit pas la piste s’éloigner, elle fut inquiète. Comme si l’avenir était incertain. La destinée pouvait-elle encore basculer ?

    Enfin ils décollèrent et le nez contre la vitre, elle contempla les nuages. Elle était contre la fenêtre. Près d’elle, Romain somnolait. Plus tard, il voudrait regarder à son tour le coton des nuages. Elle lui laisserait la place. Mais pour l’instant, il dormait.

    Elle entendit une femme geindre, se plaindre à voix haute. Elle la chassa de son esprit ; rien ne pourrait plus entraver son bonheur. Elle volait vers sa terre inconnue, elle allait découvrir le plus merveilleux des secrets, celui de son ascendance. Il y aurait un indice là-bas qui la mènerait vers son père. Elle ne connaissait même pas son nom. Elle s’appelait Durand, comme sa mère et son beau-père. Comment lui se nommait-il ? Bientôt, on ne pourrait plus lui cacher. Elle prit plaisir à l’imaginer. Elle se le représentait grand, brun – il était corse –, avec des yeux sombres et mystérieux, une peau tannée au soleil, aussi halée que la sienne était pâle. Il était beau, irrésistiblement beau. Chaque pore de son corps l’attirait, chaque geste élégant qu’il traçait dans l’espace était une invitation à le rejoindre, à se blottir contre ses bras. Il lui manquait ! La tendresse d’un père lui manquait ! Maintenant, elle le sentait plus que jamais. Elle rêvait à l’avenir proche où enfin quelques uns de ses secrets lui seraient dévoilés.

    – Claire, ça va pas ?

    – Mais si, mon chéri, t’en fais pas. Je pensais simplement.

    – A quoi ?

    Elle essuya quelques larmes discrètes qui coulaient sur ses joues maigres. Romain s’était éveillé en l’entendant sangloter, ou peut-être en sentant son cœur battre fort, il était appuyé contre elle. Elle ne voulait pas l’inquiéter. Elle ne savait pas quoi répondre. Elle ne comprenait pas tout à fait pourquoi elle pleurait. C’était sa vie. Elle était si morne. Elle murmura, sur le ton de la confidence :

    – Regarde ce nuage. Tu sais à quoi il ressemble ?

    – Oui, c’est une grotte.

    – Tu crois ? Une grotte cachée avec un secret.

    – C’est sûr. Regarde. Tu vois, y a une porte.

    – C’est vrai, je vois une ouverture. Mais à ton avis, qui est-ce qui vit ici ?

    – Les anges. Y a des anges dans les nuages.

    – Les anges. Qui t’a dit ça ?

    – C’est Mamie Jeanne quand son chien Toby est mort. Elle a dit qu’il irait dans les nuages avec les anges.

    – Tu les vois ?

    – Non, j’peux pas, j’suis pas un ange.

    Romain expliquait consciencieusement tout ce qu’il avait lu ou bien rêvé sur la vie des anges. Il les imaginait s’échappant des grottes vaporeuses pour aller chuchoter des histoires aux oreilles des enfants. Lui en entendait souvent. Même s’il ne dormait pas.

    – T’entends pas, toi, Claire, leurs histoires ?

    – Si mon chéri, ça arrive. Parce que nous avons encore notre cœur d’enfant.

    – Je veux garder mon cœur d’enfant ! Toujours !

    Un peu plus tard, il eut un soubresaut.

    – Claire, y a des mauvais anges ?

    – Pourquoi ?

    – Je crois que je viens d’en voir un.

    – Tu as dû te tromper. Regarde ! Viens près de la vitre, tu veux prendre des photos ?

    Le voyage se termina sans encombre, presque trop rapidement. Malgré sa hâte d’arriver sur l’île, Claire profitait de chaque instant que durait le vol. C’était la première fois qu’elle prenait l’avion. Elle se laissait griser. La blancheur des nuages, leur moelleux l’apaisait. Mais cela faisait une heure trente qu’ils avaient quitté Paris. L’appareil ne tarderait pas à se poser. Alors, elle s’imagina le futur.

    Ils sortirent de l’Airbus rapidement et se dirigèrent vers le terminal pour retrouver leurs valises.

    Isabelle et Paul Durand n’avaient d’yeux que pour leurs satanées valises qui n’arrivaient pas. Isabelle ne cessait de regarder sa montre. Déjà onze heures ! Il fallait aller chercher la voiture de location réservée sur Internet avant de pouvoir se rendre chez le notaire pour avoir les clés de la villa. Si cela n’allait pas plus vite, ils risquaient de ne pas pouvoir y arriver avant l’après-midi. Et elle était fatiguée. Elle était pressée de s’installer. Elle n’avait jamais aimé les jours de départ en vacances.

    Elle regarda distraitement Claire et s’étonna :

    – Mais, qu’est-ce qui t’arrive, Claire ? Claire, tu n’es pas bien ?

    – Maman, Maman, tu as vu, tous ces gens me regardent et me saluent. Ils me disent Salute. Comme s’ils me connaissaient.

    – C’est plutôt que ton comportement les étonne. Regarde-toi, tu pleures.

    Oui, elle pleurait, mais ils la saluaient réellement et lui souriaient comme s’ils savaient qui elle était. Elle était des leurs, elle le savait. Elle essuya ses larmes du revers de la manche et se redressa. Pour la première fois de son existence, elle repoussa la mèche de cheveux châtain fade qui lui mangeait le visage et découvrit ses yeux. Elle présenta à ces passants son affreux petit minois mangé d’acné et d’une pâleur maladive. Mais elle y adjoignit son plus joli sourire et savoura leur réaction. La plupart d’entre eux la saluèrent encore, avec toujours ce même Salute. Ceux qui l’ignoraient ressemblaient plus à des touristes pressés. Alors, elle continua de sourire et prit Romain par la main, tant et si bien qu’on le saluât lui aussi, ce qui l’amusa. Et Claire sentit son cœur battre fort. Depuis qu’elle avait eu connaissance de son héritage, il faisait des siennes. Là, il frappait avec tant de force ses côtes qu’il ne tarderait pas à les déchirer. Mais la jeune fille n’en ressentait aucune souffrance ; une exaltation plutôt, comme si elle savait qu’un événement primordial ne tarderait pas.

    – Ça y est, nous les avons. Dépêchez-vous les enfants, nous allons être en retard. Le service de location est à l’autre bout de l’aéroport. Tiens Claire, prends ta valise, à la fin, et cesse de te pavaner ainsi. Tu es ridicule !

    – Tu es belle, Claire. Tes yeux changent… Ils sont verts mais y a du mauve dedans… comme…, commença Romain.

    – Comme les yeux du diable ! Tu es ridicule, mon garçon ! Personne n’a les yeux mauves ! Allez, en avant !, s’écria Paul.

    Ils coururent jusqu’à l’agence de location. Pendant que son beau-père signait les papiers, Claire ressassait sa dernière méchanceté. Comme les yeux du diable ! Qui connaissait la couleur des yeux du diable ? Ils n’étaient probablement pas verts avec un soupçon de mauve ! Et puis, verts, ce n’était pas si laid que cela. Elle avait déjà remarqué qu’elle avait un peu de mauve dedans. C’était sûrement plus joli que ses ridicules petits yeux à lui qui n’avaient même pas de couleur définie. Avec cela qu’ils lançaient toujours des oeillades méchantes ! Vert, c’était au moins une couleur dont elle pouvait être fière. Avec un peu de mauve, ce n’était pas fréquent !

    Ils coururent de nouveau vers un parking gigantesque où des milliers de voitures de location étaient accumulées et attendaient qu’un touriste vienne s’en saisir. Le loueur avait beau leur avoir expliqué que d’ici quelques jours, – on était au début de la saison –, presque toutes seraient parties, elle doutait que ce fût possible.

    Ils se ruèrent sur une Ford fiesta, petit véhicule maniable mais où ils auraient suffisamment de place pour ranger leurs quelques valises. Ils s’y engouffrèrent et partirent sur les chapeaux de roues. Mais c’était sans compter sur les sorties de l’aéroport. De nombreuses personnes avaient choisi la même option qu’eux : vol et location de véhicule. Il

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