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Meurtres en Ossau
Meurtres en Ossau
Meurtres en Ossau
Livre électronique329 pages4 heures

Meurtres en Ossau

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À propos de ce livre électronique

Thomas Lasserre, le tout jeune député des Pyrénées-Atlantiques est retrouvé assassiné d’une balle dans la poitrine sur une piste de la station de ski béarnaise de Gourette. Les gendarmes de la Section de Recherche sont chargés de l’enquête et reçoivent l’aide de l’Ossalois Pierre Casabonne, le patron de la Brigade Spéciale de l’Intérieur qui était en vacances dans sa vallée natale. Plusieurs pistes s’offrent à eux :La politique : l’ascension de Thomas Lasserre avait été fulgurante et aurait provoqué des rancœurs La professionnelle : Promoteur immobilier, quelques-uns de ses clients insatisfaits le menaçaient et ses associés étaient liés à une des familles de la camorra Napolitaine. La personnelle : Séducteur compulsif, un mari jaloux ou une maîtresse délaissée aurait pu vouloir se venger.


À PROPOS DE L'AUTEUR


Jacques CASTILLOU est né en 1962, à Pau. Bientôt retraité, il est passionné de sport, de rugby en particulier, de voyages et de cuisine. Marié, heureux papa et papy comblé, il a toujours aimé lire et affectionne particulièrement les romans policiers. Il signe ici son premier roman. 
LangueFrançais
Date de sortie19 avr. 2024
ISBN9791035324933
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    Aperçu du livre

    Meurtres en Ossau - JACQUES CASTILLOU

    Introduction

    Thomas Lasserre était un mordu de glisse.

    Ce jeudi de la fin décembre, il était monté à Gourette pour s’adonner à sa passion. De la neige fraîche venait tout juste de tomber et la météo avait prévu une magnifique journée, ensoleillée, mais froide. Il préférait y aller en semaine. Il détestait ces samedis et dimanches envahis par une cohorte bruyante de citadins et d’Espagnols qui se croyaient tout permis ne respectant rien ni personne.

    C’est là qu’il avait appris à skier et il en connaissait par cœur les moindres pentes, les moindres bosses, les moindres dévers.

    Il aimait particulièrement cette station à taille humaine nichée au fin fond de la vallée d’Ossau. Il la préférait à sa voisine, Artouste, qu’il trouvait trop petite à son goût, mais qu’il appréciait pour son côté sauvage et sa vue imprenable sur le pic du Midi.

    Ce n’est qu’à 23 heures, qu’Audrey Miramon, sa compagne, la femme qui partageait sa vie depuis 5 ans, téléphona à la gendarmerie de Laruns.

    Elle n’avait pas cessé de l’appeler sur son portable, tombant toujours sur sa messagerie.

    L’adjudant-chef Berguerie, qui faisait office de planton ce soir-là, ne fut pas en mesure de calmer son inquiétude. Aucun incident ni à la station, ni sur la route n’avait été signalé. Il essaya de la rassurer. En vain.

    Même si Thomas rentrait quelques fois tard, il ne manquait jamais de la prévenir.

    Au petit matin suivant, Francis Lascourèges, conducteur d’engins de damage, préparait la piste bleue appelée « le serpentin » quand il remarqua sous ses phares, en bordure du tracé, une masse sombre qui n’avait rien à faire là.

    Il arrivait parfois qu’un animal, un sanglier le plus souvent, âgé ou malade, soit retrouvé mort dans ce secteur. Il manœuvra son half-track pour s’en approcher au plus près.

    Au fur et à mesure de son avancée, il s’aperçut qu’il s’agissait d’un corps humain, gisant dans la poudreuse, face contre terre.

    Il tenta en vain de joindre son chef d’équipe par radio, personne ne lui répondit. Pestant, il fit s’arrêter son engin et descendit ne sachant pas trop quelle attitude adopter.

    Fallait-il ne rien toucher ? Et si l’homme vivait toujours ?

    Il se résigna à retourner le corps et reconnut, stupéfait, le député Lasserre, raide mort, les yeux ouverts, un rictus déformant sa bouche aux lèvres livides.

    Sous lui, la neige blanche avait viré à l’écarlate.

    CHAPITRE 1

    Gourette

    Il y avait tout juste 48 heures que j’étais de retour dans mon village natal, installé, chez moi, là-haut dans la montagne, entre Aspe et Ossau.

    Je ne me sentais vraiment bien qu’à proximité de « Jean Pierre », mon phare, mon pic.

    Je venais de me réveiller. Tout un tas de problèmes troublait mes nuits ces derniers temps et mon sommeil en était si agité qu’il était loin d’être réparateur.

    Il faisait froid dans la grange dont j’avais hérité de mes aïeux. Certes, je l’avais aménagée, mais son confort n’en demeurait pas moins un brin rustique, voire spartiate, en particulier l’hiver. Je m’empressai de rallumer le feu dans la cheminée en buvant un café bien chaud quand, l’esprit encore tout embrumé, je reçus un coup de téléphone d’Hervé Barlan.

    La dernière fois que j’avais vu le chef de cabinet de la place Beauvau, je quittais le bureau du ministre en claquant la porte et je n’étais pas certain que Bernard Lafont et Karine, sa sœur jumelle présente à ce moment-là, eussent beaucoup apprécié ma sortie.

    Quelque temps auparavant, tout juste nommé à la tête de la BSI, la Brigade Spéciale de l’Intérieur, voulue par le premier flic de France, j’avais eu à enquêter sur le meurtre de leur oncle, ici même, en Béarn, et le dénouement de l’affaire avait été mouvementé.

    En cette fin d’année, j’avais donc décidé de rejoindre ma vallée pour y passer les fêtes, mais à vrai dire, je n’étais pas assuré que je retrouverais mes fonctions à mon retour.

    C’est avec une curiosité teintée d’un brin de fatalisme que je décrochai.

    — Allo, Pierre, c’est Hervé. Pardonne-moi de te déranger de si bonne heure et pendant tes vacances.

    Je ne répondis rien. Il poursuivit.

    — Thomas Lasserre est mort !

    La nouvelle me secoua et me fit sortir de ma torpeur pour de bon.

    Barlan continua.

    — Tu le connaissais, il me semble.

    — Oui, nous sommes de la même génération et nous nous sommes croisés quelquefois. Que lui est-il arrivé ?

    — On l’a retrouvé sur une piste de ski de Gourette très tôt ce matin.

    — Ah merde ! Un accident ? Un malaise ?

    — Non, un meurtre d’après les premières constatations de la gendarmerie.

    Je commençai à voir où il voulait en venir.

    — Bernard m’a demandé de t’appeler.

    — Il ne pouvait pas le faire lui-même ? répondis-je avec froideur

    — D’après lui, tu ne réponds pas à ses coups de fil, ni à ceux de sa sœur d’ailleurs !

    C’était parfaitement exact. Ils avaient essayé plusieurs fois de me joindre, mais je n’en avais pas tenu compte. Leurs SMS avaient subi le même sort.

    — Ce n’est pas faux ! fis-je en riant. Il t’a dit pourquoi je me suis emporté ?

    J’étais au fait de leur amitié, mais j’ignorais jusqu’à quel point pourrait aller la confiance du ministre envers son chef de cabinet.

    — Oui, il m’a tout raconté.

    — Et ?

    — Je comprends ta position et je ne sais pas ce que j’aurais fait à ta place. Maintenant, ils ont besoin de digérer tout ce que tu leur as appris.

    — Bien. Revenons à notre affaire. Que voulez-vous que je fasse ?

    — J’ai contacté la proc paloise. Te connaissant, elle a facilement accepté que la BSI s’occupe de l’enquête avec la Section de Recherche de la Gendarmerie.

    — D’accord. Je vais monter sur place. Ce sera, peut-être ma dernière mission à la tête de la brigade, autant finir sur mes terres.

    — Ne dis pas n’importe quoi ! Je préviens tout le monde et tu me tiens au courant. Tu te doutes bien que cette histoire va secouer dans le Landerneau politique et nous comptons sur toi.

    Quelques minutes plus tard, j’avais rassemblé mes affaires, préparé mon sac et fermé mon cuyala. L’ancienne étable, dont j’étais devenu propriétaire à la mort de mon père, était parfaite pour des vacances, mais trop difficile d’abord pour être commode dès lors qu’il s’agissait de se déplacer et d’avoir accès à un réseau téléphonique fiable, surtout en cette saison.

    Je décidai de m’installer chez les Sacaze, ma famille adoptive. Dans leur ferme ancestrale qui semblait bâtie pour résister au temps qui passe, ma chambre était toujours prête.

    Quand mes parents étaient décédés en me laissant, tout jeune, seul avec mon grand-père paternel, ils avaient constamment été présents pour moi.

    Jean-Pierre avait été le meilleur ami de mon père. évelyne, son épouse que j’appelais Tatie, était, elle également, très proche de ma mère.

    Éleveurs, leur exploitation, plusieurs fois centenaire, occupait une grande partie d’un des plateaux du Bénou, sur la route du col de Marie Blanque.

    Jean, leur fils aîné, avait le même âge que moi et nous nous considérions comme frères. Hélène, sa sœur était aussi un peu la mienne.

    À la fin de l’enquête sur le meurtre de Jean Lafont qui m’avait ramené ici, les parents Sacaze avaient tenu à me révéler un secret de famille.

    — Il est temps que je te parle de ta mère et de tes aïeux. Ton grand-père n’a jamais voulu l’admettre, mais tu as dû te rendre compte que tu avais un don particulier, m’avait confié évelyne.

    J’avais bien remarqué que, par moments, dans des circonstances bien précises, je prévoyais les évènements qui allaient arriver dans un futur très proche.

    — C’est exactement ça, m’avait-elle dit. Ce don se transmet uniquement aux premiers-nés de la branche maternelle de ta famille. Ta grand-mère et sa mère avant elle l’avaient, et ta propre mère te l’a donné.

    J’avais pris cette révélation comme argent comptant, mais je n’y croyais pas une seconde. Je ne me pensais pas devin, loin de là.

    À la réflexion et cartésien au possible, je mettais ces manifestations de prescience comme étant les conséquences logiques de choses que j’observais ou percevais, finement, de manière innée, instinctive.

    Mon seul talent devait consister en une faculté qu’avait mon cerveau à les placer en relation, les unes aux autres, pour ensuite me les faire ressurgir sous forme d’images.

    Chez les compositeurs, une suite de notes ou d’accords formait, dans leur tête, une mélodie. Il en était de même parmi les cuisiniers où les saveurs de base donnaient un plat. La perception d’éléments distincts aboutissait, chez moi, en une vision.

    Je ne cherchais pas à provoquer ces phénomènes, ils s’imposaient, tout simplement.

    J’avais pleinement conscience que ces dispositions particulières me différenciaient de mes semblables, mais, à mon avis, mes seules capacités résidaient en cela et pas en des pouvoirs extrasensoriels qui, en d’autres âges, m’auraient valu le bûcher pour sorcellerie.

    C’était déjà bien, je ne pouvais m’en plaindre, elles m’avaient été utiles à maintes reprises.

    J’arrivai à Gourette aux alentours de 10 heures. Le temps était magnifique, une de ces belles journées d’hiver au froid sec et vif qui fait le bonheur des photographes tant la lumière est idéale pour mettre en valeur les paysages enneigés de nos montagnes.

    Sur la route du mythique col d’Aubisque, au pied du Pic de Ger, entre Pène Médaa et Pène Blanque, la station était nichée au creux d’un cirque aux décors spectaculaires dans lequel résonnaient les « kiak » des choucas.

    La nature y était restée généreuse et préservée et les Pyrénées prenaient toutes leurs dimensions dans cet écrin majestueux.

    Je n’eus aucune difficulté à me garer, la journée commençait à peine et les skieurs n’avaient pas encore afflué.

    Ignorant à quel endroit, le cadavre avait été découvert, et pressentant que je ne trouverais personne au poste de gendarmerie, je me décidai à aller me renseigner directement au siège de l’EPSA.

    Cet organisme gérait l’exploitation de l’ensemble du domaine skiable et ce serait bien le diable si je n’y dénichais pas une connaissance.

    Ce fut effectivement le cas. À peine avais-je pénétré dans le bureau que quelqu’un, derrière moi, m’interpella :

    — Ça par exemple, Pierre Casabonne ! Si je m’attendais à te voir ici !

    Avant même de m’être retourné, j’avais reconnu la voix fluette de Stéphane Loustau,

    Son timbre aigu, presque féminin, ne cadrait pas du tout avec l’allure du bonhomme qui était connu dans toute la vallée sous le doux surnom de Dominique. À force d’habitude, c’était devenu son prénom.

    Seuls les Ossalois pouvaient comprendre l’ironie de la chose, puisque c’est ainsi que nous baptisions « lo Mossur *», l’Ours.

    Et pour cause ! Si le gaillard qui se tenait devant moi avait l’intonation délicate, sa stature et sa pilosité appartenaient plus au plantigrade qu’à la danseuse étoile.

    Avant même que je n’aie pu réagir, il m’avait pris entre ses bras pour une accolade qui fit frémir mes côtes.

    — Moi aussi je suis content de te voir Dominique !

    Il y avait quelques années que je ne l’avais pas croisé, mais il n’avait pas changé. Le teint hâlé, le cheveu hirsute, le sourcil en bataille, le colosse dégageait une forte odeur de feu de bois teintée d’un soupçon de garbure.

    Derrière sa vitre, une jeune secrétaire avait du mal à retenir son hilarité. Il s’en aperçut et l’interpella.

    — Hé toi, la nouvelle ne rigole pas ! Cet homme, c’est une pointure, un cador, un géant et c’est mon copain. !

    Il avait l’habitude d’en faire des tonnes.

    La fille rougit.

    L’ignorant, il se retourna vers moi :

    — Je suppose que tu es là pour le meurtre.

    — Tu as visé juste, grand. Mais comme je ne sais pas où il a été tué, j’ai pensé que quelqu’un, ici, pourrait m’y amener.

    Le corps avait été découvert en bas du « Serpentin », presque à la jonction avec « les rhododendrons », me dit-il et, quelques instants plus tard, j’étais installé derrière lui, sur une motoneige qui eut du mal à avaler la pente, pourtant peu prononcée, jusqu’à la scène de crime qui se situait dans la partie inférieure du domaine.

    Il me laissa aux abords de la rubalise qui délimitait les lieux et repartit non sans m’avoir arraché la promesse que j’irai boire un coup, chez lui, dès que l’enquête me le permettrait.

    La victime n’avait pas encore été enlevée. Elle gisait là, sur le dos, à côté d’une paire de skis, de bâtons entrecroisés et de lunettes antisolaires. Des agents en combinaisons blanches, surchaussures de la même teinte et curieusement coiffés de charlottes immaculées, elles aussi, s’empressaient autour de lui.

    Un peu à l’écart, un homme – j’appris plus tard que c’était celui qui avait découvert la scène – était aux prises avec un technicien qui relevait ses empreintes digitales et prélevait son ADN. Puisqu’il avait manipulé le corps, il s’agirait d’écarter de l’affaire tout élément pouvant l’incriminer.

    Je pris mentalement note de l’interroger de façon ferme pour pouvoir l’éliminer définitivement de la liste de nos futurs suspects.

    J’avais connu, lors de mon passage au 36, un épisode dans lequel le quidam qui avait, soi-disant, trouvé un cadavre et appelé la police après s’être assuré de son décès, était en réalité le tueur qui avait voulu brouiller les pistes. Il s’était révélé moins malin que nous.

    Un peu à l’écart, un groupe de personnes devisait. Je reconnus parmi elles, Florence Legrand, la procureure qui nous avait accompagnés sur le dossier Jean Lafont. Je retins à grand-peine le fou rire qui monta en moi devant sa doudoune blanche et son bonnet rouge qui la faisaient ressembler à une bonne femme de neige.

    Je relevai le ruban pour m’avancer quand une gendarme, à en croire le brassard qu’elle portait au bras gauche, par-dessus sa parka bleue, m’invectiva :

    — Hé vous là-bas ! Ne vous approchez pas ! Vous n’avez rien à faire là !

    La magistrate l’arrêta d’un geste.

    — Rejoignez-nous ! Nous vous attendions. Me fit-elle.

    J’allais droit la saluer.

    — Bonjour Madame. Je ne pensais pas vous revoir si tôt.

    — Bonjour Commissaire. Je vous présente la Capitaine Julie Corentin de la Section de Recherche. Me répondit-elle en me désignant la jeune femme qui m’avait interpellé.

    Je lui tendis la main, la dévisageant un court instant.

    Bouclée, naturellement blonde, les yeux verts, le visage fin, constellé de taches de rousseur, je lui donnais à peu près mon âge et je la trouvais charmante malgré son expression renfrognée et ses sourcils froncés.

    — Pierre Casabonne de la BSI. Ravi, Capitaine.

    Le temps que durèrent nos salutations elle m’examina d’un air sévère puis, m’ignorant superbement, elle s’adressa à l’édile :

    — Je ne comprends pas Madame.

    — C’est pourtant très simple, vous allez mener les investigations conjointement avec la Brigade Spéciale de l’Intérieur.

    Le dépit se lut sur le visage de la militaire. Elle s’apprêtait à protester, mais Florence Legrand la prit de court.

    — Inutile de regimber, Capitaine. La demande vient du ministère et la proposition est excellente. Le sujet est sensible, je vous rappelle qu’un député de la république a été assassiné. Le commissaire et son équipe disposent de moyens dont vous pourriez fort avoir besoin et je connais son efficacité et sa discrétion. Qui plus est, il est natif de la région et cela pourrait constituer un atout non négligeable. Inutile donc d’en discuter plus avant ! L’idée serait que vous travailliez ensemble, d’égal à égal !

    Je remarquai son œil espiègle.

    — On en reparlera quand il faudra porter quelque chose de lourd !

    Legrand apprécia. Corentin, qui n’avait rien compris, n’osa pas répliquer et n’insista pas.

    Je remerciai d’un geste la magistrate et m’adressai à la capitaine.

    — Ne vous inquiétez pas, tout se passera bien. Je vois que votre équipe a commencé le boulot et elle semble efficace. Prenez la direction de l’enquête, mes hommes et moi viendrons en soutien.

    De toute manière, la BSI n’avait pas les moyens humains pour mener à bout une telle affaire et, qui plus est, nous n’avions pas cette vocation, abandonnant aux brigades locales, qu’elles soient de police ou de gendarmerie, le soin de suivre les procédures qui s’imposaient.

    Un technicien vint nous interrompre à point nommé. Il nous annonça que les observations liminaires étaient terminées et que le médecin légiste qui attendait patiemment son tour pouvait intervenir.

    Nous laissâmes le docteur Braune procéder quelques instants et seul le bruit du déclencheur de l’appareil photo de son assistant, mitraillant le cadavre vint troubler le silence qui s’était installé.

    Enfin, il leva la tête et nous livra ses toutes premières constatations.

    — Apparemment, la victime est décédée d’une balle en pleine poitrine, je ne vois pas d’autres traces de violence. Un gros calibre, surement du 11,43 si j’en crois la douille retrouvée près de lui, tirée à courte distance, mais j’en saurai plus quand j’aurai récupéré le projectile qui est resté à l’intérieur du corps. Je situe le décès entre 16h et 19h hier. Vu la quantité de sang sous le bonhomme, il a très certainement été tué ici et il est mort sur le coup. C’est tout ce que je peux vous dire pour le moment. Je procéderai à l’autopsie demain matin. Dernière chose, on a trouvé sur lui ses clés de voiture et son forfait de remontées, qui est d’ailleurs électronique.

    Nous nous écartâmes pour ne pas gêner la levée du corps.

    — Qu’en pensez-vous ? nous demanda Florence Legrand.

    Je laissai la capitaine s’exprimer en premier. Non pas par politesse, mais parce que je lui avais cédé volontairement la direction des investigations.

    Pour être tout à fait honnête, j’étais surtout curieux de connaître l’avis de celle avec qui j’enquêterai.

    — Pour l’instant, Madame la procureure, on ne peut pas dire grand-chose. Nous en saurons plus dès que nous aurons procédé aux premières vérifications. On peut juste envisager l’hypothèse d’un meurtre prémédité.

    — C’est aussi ce que je pense. Comment croire à une « mauvaise rencontre » avec quelqu’un armé, ici, à Gourette ? Commissaire ?

    — Oui Madame, meurtre prémédité certes, mais plusieurs choses me dérangent.

    — Ah oui ? Lesquelles ? intervint avec un brin d’agacement la gendarme.

    — Pourquoi a-t-il déchaussé ? Pourquoi n’a-t-il pas son téléphone portable ?

    — Beaucoup de gens skient sans vouloir être importunés, vous savez !

    — Admettons !

    La procureure s’interposa :

    — Qu’avez-vous en tête ?

    Quelque chose dans le tableau que j’avais sous les yeux me perturbait, mais je ne pouvais pas lui dire ce que je ressentais au plus profond de moi.

    — Rien Madame, je dis juste que la scène me semble bizarre.

    Elle resta pensive quelques secondes.

    — Bien. Vous me tenez au courant heure par heure. Je compte sur vous deux pour me résoudre ce meurtre dans les plus brefs délais ! Je retourne à Pau, je vais rédiger un communiqué de presse.

    Après une courte pause, elle finit par rajouter, plus pour elle que pour nous :

    — Je vous laisse imaginer le bruit que va faire cette affaire !

    Nous en étions pleinement conscients.

    Un des hommes de la capitaine vint nous informer que la voiture de Thomas Lasserre avait été retrouvée dans un parking, fermée à clé. Le téléphone de la victime s’y trouvait bien et il était éteint. Ils avaient essayé de l’allumer, mais il ne fonctionnait pas.

    Corentin m’adressa un regard rempli de sous-entendus.

    Il était temps de repartir, notre présence ici n’avait plus de raison d’être et nous devions organiser l’enquête depuis les locaux palois de la Section de Recherche. Un engin de la régie nous descendit à la station et nous laissa sur l’esplanade du Valentin, plateforme névralgique autour de laquelle maints restaurants, bars et boutiques sont installés.

    Nous nous dirigions vers nos véhicules quand quelqu’un, derrière nous, m’interpella.

    — Mais ne serait-ce pas là, le commissaire Casabonne de la BSI ?


    *. Le Monsieur

    CHAPITRE 2

    Chocolat chaud

    La capitaine et moi nous retournâmes de concert, mais j’avais déjà reconnu la voix féminine qui s’adressait à nous.

    La jeune femme aux joues replètes, rosies par le froid s’approcha de nous.

    — J’imagine que ta présence ici n’est pas due au hasard. Lui fis-je en l’embrassant ?

    — Tu te doutes bien que non ! En revanche, la tienne n’était pas prévue, du moins pas si

    vite.

    La gendarme nous regardait interdite.

    — Ah oui, pardon ! Capitaine, je vous présente Héloïse Daycour, de l’Éclair Républicain.

    Corentin eut un mouvement de surprise puis se raidit encore un peu plus et dédaigna la main tendue par la jeune fille.

    — Nous n’avons aucune déclaration à faire, affirma-t-elle d’un ton qui se voulait officiel.

    La journaliste n’essaya même pas de cacher un sourire moqueur.

    — On m’avait dit que vous étiez rigide, Capitaine Corentin, je vois que votre réputation n’est pas surfaite.

    Aussi stupéfaite que vexée, la militaire tourna les talons en haussant les épaules.

    — Vous venez Commissaire, nous avons du travail !

    J’eus du mal à refréner mon hilarité.

    — Partez devant, je vous rejoins plus tard dans vos bureaux.

    Elle n’insista pas et fila sans se retourner.

    — Tu viens de te faire une copine.

    — Mais je compte bien sur toi pour arranger tout ça ! me répondit-elle enjouée. Tu m’offres un chocolat ?

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