La mémoire enterrée
Les soirées semblaient un peu longues à Irina, depuis que Dimitri avait décroché cet emploi de vigile dans un entrepôt de meubles. Elle se sentait isolée dans sa maison de Barjac, un village du Gard. En plus, elle détestait dormir seule. Mais au moins, avec ce nouvel emploi, leur avenir était moins sombre, et les fins de mois bien moins difficiles. On ne pouvait pas tout avoir. Irina travaillait chez elle. Elle avait installé son bureau de biographe à son domicile. Elle y recevait des personnes ordinaires, désireuses de publier leurs mémoires ou leur journal afin de distribuer leurs souvenirs au sein de leur famille. La jeune femme avait conçu son site internet six mois auparavant et elle avait été agréablement surprise de constater l’intérêt que ce travail de biographie familiale avait immédiatement suscité.
Certaines personnes avaient véritablement eu des vies très difficiles, jalonnées de guerres, de deuils et de drames. Et ce n’était pas sans une certaine émotion qu’Irina recueillait leurs confessions sur son dictaphone. Ensuite elle s’attelait à la rédaction et, avec la collaboration d’un imprimeur de ses amis, rendait un produit fini impeccable, illustré de photos parfois très anciennes, souvent bouleversantes.
Grâce à ce nouveau métier qui était devenu une passion, elle voyageait dans l’histoire et dans l’intimité de tous ces gens. Certains étaient même devenus des amis.
Ils étaient pour la plupart bien plus âgés qu’elle, mais parfois elle voyait arriver un fils ou une fille qui avait décidé de faire une surprise à ses parents ou à ses grands-parents.
Elle venait de passer la journée devant son ordinateur à rédiger les mémoires d’un ancien pilote de ligne. Le vieil homme avait beaucoup voyagé. Sa femme, Madeleine, était décédée très jeune du tétanos. Il avait pleuré en se remémorant ce funeste jour. Il n’avait jamais refait sa vie ensuite et Madeleine occupait la quasi-totalité du livre qu’il allait remettre à ses enfants.
Le vieil homme prétendait qu’elle ne l’avait pas véritablement quitté et qu’encore maintenant, il avait la sensation de la sentir tout près de lui. Irina avait frissonné quand il avait raconté que, chaque nuit, elle
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