Six jours pour survivre
Par Simon Tétreault
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À propos de ce livre électronique
Le prochain meurtre de l’insatiable assassin de St-Marin
pourrait bien être le vôtre !
À la suite d’un meurtre crapuleux survenu à St-Marin, dans le nord des Laurentides, une brigade spéciale est dépêchée sur les lieux pour mettre la main au collet du tueur et rassurer la petite communauté fortement secouée par les événements. Puis, un individu louche débarque subitement sur les lieux. Il s’agit d’Édouard Michaud, un ancien agent de la brigade qui entend mener sa propre enquête pour retrouver l’assassin de sa femme. Mais ce qu’il provoque surtout, à St-Marin, ce sont les rumeurs et les soupçons.
Un autre meurtre est commis, non sans faire miroiter le spectre du meurtrier en série. L’étau se resserre, alors que l’identité du tueur semble évidente pour tous. Forcé de négocier avec un habile meurtrier et un ex-patron qui tire les ficelles pour le ramener dans les rangs, Michaud n’est pas au bout de ses peines. Coupé de la réalité à des centaines de kilomètres de la civilisation, le veuf devra manœuvrer avec la plus grande prudence pour mettre en place toutes les pièces du casse-tête.
Simon Tétreault
De professeur d'éducation physique... à écrivain! Âgé de 46 ans et né à Montréal, Simon Tétreault est professeur d’éducation physique depuis 2003 et habite à Mont-Saint-Grégoire, en Montérégie. Après avoir écrit la trilogie de science-fiction Dhaliens, il nous présente ici son premier roman policier, Six jours pour survivre, un suspense hautement palpitant.
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Avis sur Six jours pour survivre
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Aperçu du livre
Six jours pour survivre - Simon Tétreault
Table des matières
Un jour… un moment… une situation… 10
CHAPITRE 1 14
CHAPITRE 2 30
CHAPITRE 3 40
CHAPITRE 4 52
CHAPITRE 5 62
CHAPITRE 6 71
CHAPITRE 7 81
CHAPITRE 8 90
CHAPITRE 9 100
CHAPITRE 10 114
CHAPITRE 11 124
CHAPITRE 12 131
CHAPITRE 13 144
CHAPITRE 14 153
CHAPITRE 15 167
CHAPITRE 16 179
CHAPITRE 17 191
CHAPITRE 18 195
UNE CONCLUSION… QUELQUE PART… À UN MOMENT DONNÉ… 219
Six jours pour survivre
Simon Tétreault
img1.pngCatalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Titre: Six jours pour survivre / Simon Tétreault.
Autres titres: 6 jours pour survivre
Noms: Tétreault, Simon, 1975- auteur.
Identifiants: Canadiana (livre imprimé) 2021007227X | Canadiana (livre numérique) 20210072288 | ISBN 9782925178279 (couverture souple) | ISBN 9782925178286 (PDF) | ISBN 9782925178293 (EPUB)
Classification: LCC PS8639.E897 S59 2022 | CDD C843/.6—dc23
Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) ainsi que celle de la SODEC pour nos activités d’édition.
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Conception graphique de la couverture: Jim Lego
Direction rédaction: Marie-Louise Legault
© Simon Tétreault, 2022
Dépôt légal – 2022
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Bibliothèque et Archives Canada
Tous droits de traduction et d’adaptation réservés. Toute reproduction d’un extrait de ce livre, par quelque procédé que ce soit, est strictement interdite sans l’autorisation écrite de l’éditeur.
Imprimé et relié au Canada
1re impression, mai 2022
Un jour… un moment… une situation…
St-Marin
1h15
Une nuit obscure envahissait les vacanciers du petit village de St-Marin, où à peine 150 âmes s’y reposaient à la suite d’une autre journée bien remplie. Ce paradis au nord des Laurentides regorgeait de vieux chalets vétustes bâtis près des lacs qu’offrait la région. Doté de décors enchanteurs, l’endroit était reconnu pour ses pourvoiries et sa végétation à perte de vue, dont les amateurs de chasse se délectaient. Les clients comme les travailleurs du coin roupillaient depuis plusieurs heures, car dès le lever du soleil, les activités reprendraient de plus belle.
En s’enfonçant profondément dans les méandres de la forêt à peine défrichée, une jeune femme luttait désespérément pour sa survie. Malgré ses cris incessants, personne ne pouvait l’entendre. La jolie brunette filait à toute allure, visiblement pour fuir un danger imminent. La lueur de la lune ne parvenait pas à pénétrer l’opacité créée par la cime des arbres.
Faisant fi de ces conditions dignes d’un film d’horreur, la fugueuse, qui ne pouvait voir à plus de cinquante mètres devant elle, courait comme une dératée. Elle était terrorisée. À chaque enjambée, des racines d’arbre menaçaient de sceller tragiquement son destin, alors que le sentier accidenté montait de quelques degrés en altitude sur plusieurs centaines de mètres. À tout moment, la fugitive tenta un regard pour repérer son prédateur. Son visage était boursouflé et tout en sueur.
Brusquement, elle s’englua contre un arbre et essaya de maîtriser sa respiration, consciente que son salut dépendait de son mutisme. Un coup d’œil au-dessus de son épaule, rien ne remuait. Seul le vent chatouillant les feuilles coupait le silence qui régnait en maître.
La jeune femme se risqua à pointer le nez pour épier son tortionnaire. Tremblant de tout son être, elle essuya les quelques larmes qui s’évadaient contre son gré. Croyant que la tempête était derrière elle, elle tentait de rationaliser les faits. Est-ce que tout ça lui arrivait vraiment? Vivait-elle un mauvais rêve?
Les secondes se transformèrent en minutes. La brunette échappa un long soupir de soulagement, persuadée d’avoir semé son poursuivant. Même si la brise fraîche de cette nuit de mai était loin d’être agréable, elle ne ressentait nullement cet inconfort, du fait que sa course impromptue l’avait laissée en sueur dans sa camisole blanche. Elle s’épongea le front avec son avant-bras et se laissa glisser doucement contre l’écorce du tronc. Ne contrôlant plus ses beaux yeux bleus qui pleuraient continuellement, elle reniflait nerveusement.
Cette fuite aussi soudaine qu’imprévisible l’avait complètement désorientée. Elle avait détalé tel un lapin à l’aveuglette durant de nombreuses minutes. Tout en se relevant, elle lança des regards fugaces dans chaque direction, cherchant désespérément une image enregistrée dans sa mémoire. Il n’y avait qu’un dédale d’arbres: de gauche à droite, du nord au sud, un véritable casse-tête. Elle se concentra davantage pour détecter un point de repère salutaire, l’étincelle qui guiderait ses pas. L’évidence pendait devant ses yeux; il lui faudrait attendre le lever du soleil pour retrouver son port d’attache. Avec des dizaines de kilomètres à parcourir sans abri, elle devait s’assurer de la bonne direction à prendre.
Soudainement, un regard se posa sur elle. Des yeux menaçants la lorgnaient, alors qu’elle se trouvait à découvert; la partie de chasse ne faisait que commencer. Tout de noir vêtu, couteau acéré à la main, le prédateur s’apprêtait à terroriser la pauvre écervelée. Accroupi près d’un conifère, le psychopathe, immobile, reluquait la jeune femme tout en s’abreuvant de sa peur incessante. Il lui permettait de reprendre confiance, d’espérer à nouveau.
Il tira légèrement sur sa cagoule noire, laissant percevoir ses yeux et son nez, puis s’amena à pas de loup vers sa cible. Serrant nerveusement sa main droite, il touchait enfin son but. Son crime serait odieux; déjà, le scénario se dessinait dans son cerveau.
Il voulut contourner sa proie pour mieux la cerner, mais posa le pied droit sur une brindille qui trahit sa position. Instinctivement, la jeune téméraire d’une vingtaine d’années échappa un cri strident, avant de reprendre sa course folle. L’adrénaline forçant ses pas, ses jambes s’activaient à un rythme effréné. L’instinct de survie guidait ses pas loin du potentiel tueur. L’étudiante d’à peine 150 centimètres esquivait les obstacles avec brio, non sans garder un œil constant sur le sentier accidenté et un autre sur la pléthore d’arbres qui se dressaient devant elle. Sentant un souffle se rapprocher derrière, elle augmenta dangereusement la cadence. Bon Dieu, protégez-moi. Bon Dieu, protégez-moi, ne cessait-elle de répéter.
Bien que non-croyante, elle était prête à conclure un pacte avec le diable, s’il le fallait, pour sauver sa vie. Finalement, les pièges périlleux finirent par avoir raison d’elle. Après que son pied droit se fut buté contre une souche bien camouflée, elle fit une pirouette digne d’une acrobate. Du coup, sa tête se fracassa violemment contre une immense roche et sa margoulette lui donna l’impression d’avoir éclaté d’un coup. Son extraordinaire parcours de survie semblait tirer à sa fin.
Pourtant, malgré la situation apparemment précaire, c’était le calme plat. La pauvre femme gisait au sol, le corps complètement engourdi. Or, le prédateur était toujours dans les parages. Appliquant un sordide plan à la lettre, il épiait l’étudiante dans le mutisme le plus complet. Cette dernière finit par reprendre connaissance, terrorisée par un douloureux mal de tête. Elle était confuse, alors qu’un étrange bourdonnement hantait ses tympans et brouillait ses sens.
Cependant, lorsque le tueur apparut devant ses yeux, ses souvenirs revinrent comme par enchantement. Le front sectionné, le nez écrabouillé, la bouche filtrant une traînée de sang, elle était incapable de réagir face à la situation dramatique. Sourire satanique accroché aux lèvres, son assaillant déposa un genou devant elle. Sans défense, la pauvre femme en perdition ne pouvait qu’observer l’arme blanche qui s’avançait vers elle.
Instinctivement, elle prit une grande inspiration avant de sentir la lame pénétrer sa chair. Elle ne ressentit aucune douleur, même si le sang jaillissait abondamment de sa gorge à chaque battement de cœur. Elle prit une dernière inspiration saccadée, puis son regard s’embrouilla graduellement, pour ensuite quitter le tueur qui enlevait mesquinement son masque. Si elle fut en mesure de reconnaître son identité avant de rendre l’âme, c’est à jamais qu’elle emporterait ce souvenir dans sa tombe. Ses yeux se refermèrent doucement, ses muscles se relâchèrent et la vie évacua définitivement son enveloppe corporelle. Son sang se répandit sur le sol humide, laissant les traces de sa couleur vive et une odeur âcre. Comme par magie, le ciel s’était éclairci, comme pour permettre au clair de lune d’illuminer légèrement la scène du crime. En revanche, le criminel n’y était plus. Il s’était volatilisé sans laisser sa carte de visite. La course à l’alibi était lancée à St-Marin…
JOUR 1
9 mai 2012
A beau mentir qui vient de loin
CHAPITRE 1
Verdun
3h20
Une vibration désagréable réveilla Samuel en sursaut. Les yeux dans les brumes du sommeil, les cheveux en bataille, il rampa directement jusqu’à son cellulaire qui buzzait sur la table de chevet. C’était le boulot! Il devait entrer immédiatement, sa première enquête allait se mettre en branle. Le jeune homme de vingt-six ans jeta un œil à son réveil: 3h20. Wow! Quelle entrée en matière! Il plongea hors du lit, puis l’adrénaline se chargea de le réveiller complètement. Il enfila un polo noir à l’effigie de la BSPS et une paire de jeans Levi’s qui reposait sur le sol, et fonça au pas de course vers la salle de bain adjacente. À nouveau, il entendit son cellulaire vibrer. Poursuivant sa toilette à la vitesse grand V, il enfourna sa brosse à dents dans sa bouche et s’assura d’avoir une haleine fraîche. Il voulait être parfait pour les circonstances. À la hâte, il passa une main dans ses cheveux et retourna sur ses pas pour s’emparer de son téléphone. Il avait reçu le même texto que précédemment.
Code 405, rendez-vous au QG pour 4h30, ceci n’est pas un test.
Même si la journée s’annonçait longue et éreintante, l’idée d’entreprendre une enquête l’excitait au plus haut point. Il agrippa son portefeuille et ses clés, enfila ses Nikes et abandonna son 3 et demie après s’être assuré d’avoir bien verrouillé. Il dévala les trois étages et quitta l’immeuble, avant d’être accueilli par la noirceur du milieu de la nuit. Encore à son apogée, la lune le vit s’engouffrer dans sa Ford Focus 2006. Sans hésitation, il remonta la 3e avenue et fonça sur la rue de Verdun. Comme son départ précipité lui avait fait oublier de prendre une bouchée, son ventre commençait à quémander pitance. S’il pouvait atteindre la rue St-Michel rapidement, il cueillerait un muffin et un café au Petro-Canada du coin. Sinon, son estomac attendrait.
Un sourire béat trahissait la naïveté et la fougue de sa jeunesse. Ses équipiers ne le verraient pas du même œil: un appel à 3h20, ça attirait plus de jurons que d’excitation. Les vétérans ne tarderaient pas à lui rappeler qu’il ne s’aventurait pas dans une partie de plaisir.
***
Salut, papa!
Ça fait un bail que je ne t’ai pas écrit. En fait, je crois qu’il s’agit de la première fois depuis que… enfin… tu comprends? Ça me fait tout drôle de t’écrire à nouveau. Je dois dire que je ne savais vraiment pas dans quoi je m’embarquais. Je t’entends encore me dire, il y a tant de printemps, «pense bien avant d’agir». Ah! Papa, ta voix forte et réconfortante m’a tant manqué. Comme la vie est fragile, papa. Elle peut disparaître en un tournemain. En claquant des doigts. Sans qu’on ne puisse rien y faire. Je m’inquiète, papa. Pourtant, tu sais que je suis une personne forte. Cependant, aujourd’hui, j’aurais besoin de tes bras puissants. Je crois que les prochaines heures seront ardues. Papa, où es-tu, alors que j’ai tant besoin de toi? J’ai peur. J’angoisse.
***
Lentement, mais surement, le soleil réveillait la population de la grande région métropolitaine. Le chant des oiseaux agrémentait la transition entre le sommeil et l’éveil des clients du petit motel Les Cèdres, à Boucherville, en banlieue de Montréal. Dans la chambre 3, un homme s’habillait en vitesse tout en lançant pêle-mêle ses vêtements sales de la veille dans un sac à dos. Il tira d’un coup sec les rideaux pour permettre d’y voir plus clair.
Le motel miteux comptait plusieurs habitués, dont ce locataire. Passant devant le miroir discret, celui-ci prit quelques instants pour examiner le reflet de sa faible barbe de deux jours. Tout était sous contrôle: il était présentable. Il jeta un dernier coup d’œil derrière lui, question de ne rien oublier. Agrippant son téléphone mobile, il l’engouffra dans la poche avant de son jeans et camoufla son portable à l’intérieur d’une mallette noire, qu’il referma ensuite en s’assurant de manier aléatoirement la combinaison de six chiffres qui la verrouillait. Après quoi, il enfila son sac à dos et détala en vitesse, laissant derrière lui une chambre en désordre. Ses poumons s’emplirent de l’air frais printanier. Les belles journées s’étaient installées, dans l’espoir de faire oublier l’hiver 2012 qui s’était montré particulièrement vorace.
L’individu se gratta nerveusement la joue en arpentant du regard le stationnement désert en raison de l’heure matinale. Il fonça vers sa Volvo S60 2008, loin de passer inaperçue, garée à quelques mètres de sa chambre louée. Une fois à l’intérieur, il ouvrit le coffre arrière et souleva une trappe habituellement utilisée pour la roue de secours, qui brillait par son absence.
Instinctivement, Édouard filtra les environs. Il n’était pas suspicieux de nature, mais avait développé des automatismes. Tout était au beau fixe, même la rue principale était déserte.
L’homme déposa l’étui de son portable et referma la trappe. Ensuite, il engouffra son bagage et ferma le coffre. Du haut de son mètre quatre-vingt-dix, le lève-tôt traversa le stationnement. Le vent frais de la matinée lui arracha un frisson.
D’un pas rapide, il se rendit à la réception du motel. Vêtu d’un jean Levi’s ajusté marine et d’un T-shirt noir affichant relax, man, Édouard sentit ses aisselles. C’était acceptable. Sa garde-robe était limitée, ses goûts vestimentaires également. Sa barbe non rasée et ses cheveux ébouriffés trahissaient un refus refoulé de reconnaître ses 34 printemps.
Il poussa solidement la porte et le tintement de la cloche se fit entendre; le réceptionniste était là pour l’accueillir.
—Bon matin, monsieur Michaud.
—Bon matin, Marcel.
Édouard lança sa clé de chambre sur le comptoir et la vit terminer sa course directement devant le propriétaire. Celui-ci la saisit et lorgna son client.
—Est-ce que vous nous quittez?
—Oui, répliqua Michaud. C’est le temps de reprendre le boulot. Les vacances, c’est ben l’fun, mais toute bonne chose a une fin.
Sur ces mots, il sortit une liasse de billets verts. Il en tira quelques-uns et les tendit au propriétaire, qui les compta rapidement avant d’annoncer que tout était en ordre.
—Avez-vous besoin d’un reçu? s’enquit-il.
Répondant par la négative, Michaud saisit une tige en plastique normalement utilisée pour brasser un café et la porta à sa bouche. Le propriétaire lui proposa le breuvage allant avec, mais il déclina l’offre.
—J’espère que vous avez été satisfait de votre séjour, monsieur Michaud!
—Comme d’habitude, Marcel. Si tout se passe bien, je serai de retour d’ici une semaine. Vous pouvez me réserver la même chambre?
Lorsque Marcel se pencha pour effectuer la réservation, Michaud l’arrêta. C’était une boutade. Il reviendrait à coup sûr, mais ne pouvait préciser la date, son futur boulot allant dicter son agenda des prochains jours.
—Vous serez toujours ici chez vous, monsieur Michaud.
Édouard gratifia son interlocuteur d’un sourire sincère, puis tourna les talons. Retournant sur ses pas, il grimpa dans l’habitacle de sa Volvo. Après avoir enfoncé la clé, il démarra le moteur, puis programma une destination sur son GPS. L’engin prit quelques instants avant de s’activer, non sans tester la patience de son propriétaire au détour.
Malgré l’heure matinale, ce dernier fit vrombir le moteur à quelques reprises et s’engagea sur Grande-Allée. Devant lui, une Prius bleue le surprit. Du coup, il dut freiner rapidement en faisant crisser les pneus au passage. Il ne se ferait pas d’amis dans le voisinage.
Au même moment, le GPS se réveilla et lui indiqua son itinéraire. Michaud suivit les recommandations de l’appareil et accéléra dans la voie de droite. En quelques secondes, il atteignit une vitesse de croisière de 80 kilomètres à l’heure. Puisqu’il se trouvait dans un quartier résidentiel, ce n’était vraiment pas recommandé de rouler ainsi, mais il avait un objectif bien précis en tête.
Il passa devant un Tim Hortons qui l’aguicha, mais comme il voulait débarquer sur les lieux du crime le plus rapidement possible, il se dit qu’il avalerait un déjeuner après quelques heures de route, une fois que Montréal serait loin derrière. Le trafic merdique de la métropole lui pourrissait la vie, comme c’était le cas pour tous les riverains qui s’y frottaient chaque matin. Après quelques dépassements peu sécuritaires, le chauffard rejoignit enfin l’autoroute 30, puis continua d’accélérer en avalant les kilomètres au passage. La Volvo décrocha vers la sortie 83 et s’élança sur l’autoroute 20, en direction de Montréal.
Michaud enfila ses lunettes fumées tout en continuant de mâchouiller son bâtonnet de plastique. Il était 6 heures. En maintenant le cap à 150 kilomètres à l’heure, il s’attendait à atteindre le village perdu dans un délai de 4 ou 5 heures. Il enfourna un CD d’Elton John, Goodbye Yellow Brick Road, puis monta le son dans le tapis. La Volvo volait sur l’autoroute Jean-Lesage.
—Allez, Elton, on reprend le boulot, marmonna-t-il, plein d’espoir.
Par un mardi aussi matinal, le tunnel Louis-Hyppolyte-La Fontaine n’opposerait aucune résistance. Ainsi, le fleuve serait rapido presto derrière Michaud, qui appuya sur l’accélérateur au son de Bennie and the Jets, non sans faire ronronner sa magnifique voiture fraîchement cirée. Malgré son empressement et sa bonne volonté, il ne serait pas le premier arrivé. Déjà, la BSPS et ses spécialistes avaient envahi les lieux.
Hey kids, shake it loose together
The spotlight’s hitting something…
***
À 8 heures, le sergent Philippe Trudeau ruminait sur les lieux du crime, entouré de ses équipiers. Le cadavre n’avait toujours pas été déplacé, car les spécialistes de la BSPS s’affairaient à dégoter des indices. Même si le soleil brillait au firmament, la luminosité peinait à atteindre le plancher des vaches. Le sergent faisait les cent pas autour du corps et scrutait les alentours en se questionnant sur ce que la scène avait à lui dire. Des arbres à perte de vue. Pourquoi la jeune femme s’était-elle éloignée autant de son lieu de résidence? Cette villa se trouvait à des kilomètres de là.
Le détective rebroussa lentement chemin et marcha en direction d’un subalterne qui réconfortait la propriétaire de la villa. La femme se trouvait sur les lieux pour identifier la victime, ce qu’elle ne fit pas sans un haut-le-cœur fort compréhensible. Une fois la tâche accomplie, elle aurait bien voulu s’éclipser pour évacuer sa peine et son désarroi, mais le sergent n’en avait pas fini avec elle. Après lui avoir adressé ses plus plates sympathies, il la questionna.
—La victime avait-elle l’habitude de prendre des marches tard le soir?
—Non… enfin, je ne sais pas, répondit la jeune femme qui dépassée par les événements, haussa les épaules. Vous savez, mes clients sont des étudiants universitaires qui effectuent des recherches dans la nature. Peut-être voulait-elle effectuer une observation de nuit? C’est assez fréquent.
L’enquêteur coucha quelques pattes de mouche dans un calepin bleu. Entre chaque question et réponse, il levait brièvement les yeux.
—Il n’y a rien, ici, reprit-il. Où est la ville la plus proche?
Mi-trentaine, fraîchement rasé, crâne dégarni, il portait fièrement sa veste à l’effigie de la BSPS, ainsi qu’une casquette arborant le même logo. En posant sa dernière question, ses yeux se perdaient d’est en ouest.
—Il y a Parent, répondit la propriétaire de la villa. C’est à deux heures de route si vous empruntez le chemin de terre battue qui se trouve de l’autre côté du lac Dandurand. Sinon, en longeant la voie ferrée, il vous faudra une bonne douzaine d’heures de marche pour y accéder.
Ce disant, la jeune dame pointa un doigt vers la cime des montagnes, où le véhicule ferroviaire circulait une fois par semaine. Perdu dans les explications de sa ravissante interlocutrice, Philippe Trudeau ne pouvait que constater comment cet endroit reclus différait du monde qu’il connaissait. Idéal pour se ressourcer, mais moins évident pour mener une enquête.
—Est-ce que je pourrais m’en aller?
L’aubergiste dut s’y reprendre à deux fois avant d’obtenir une réponse. À l’aube de la trentaine, sa splendide silhouette représentait son principal atout. Sa longue chevelure brune s’harmonisait bien avec ses yeux noisette. Encore vêtue d’un pyjama confortable sous une robe de chambre rose, elle avait été tirée du lit au petit matin. Malgré la rapidité avec laquelle on l’avait traînée sur les lieux du crime, sa chevelure semblait impeccable. Assurément, un rien l’habillait. Toutes les conditions jouaient contre elle, mais elle faisait tout de même tourner la tête des policiers.
Toujours confronté à ses ruminations, le sergent lui accorda la permission de s’éclipser.
—Voulez-vous un coup de main pour rentrer? s’enquit Maxime Archambault qui venait de rejoindre le sergent.
—Non, merci, répondit la femme. Je vis ici depuis tellement longtemps…
Au moment de lever les feutres, elle hésita quelques instants et dit encore:
—En arrivant à mon domicile, je ferai un petit feu qui vous guidera vers moi, si vous avez encore besoin de mes services. Car autant vous le dire, vos chances de me retrouver en marchant à l’aveugle sont… minces.
Elle força une moue complice, tourna les talons et disparut lentement vers l’ouest, là où se trouvait sa demeure.
—Elle est étrangement calme, se méfia Trudeau en la détaillant du regard. Que peut-elle bien cacher?
Alors qu’il la suivait nonchalamment des yeux, il tressauta.
—J’étais convaincu que sa résidence était de ce côté, marmonna-t-il en pointant vers l’est. Bizarre.
Pendant qu’il colligeait les informations reçues au cours des dernières minutes, l’un de ses coéquipiers s’approcha. La BSPS avait l’habitude des meurtres étranges, il en faisait même une spécialité, mais celui-ci était particulièrement intrigant.
—Sommes-nous certains qu’il s’agisse d’un de nos dossiers, sergent? questionna la recrue du groupe.
Les trois policiers spécialisés dans les scènes de crime travaillaient d’une façon un peu nonchalante. Il était inhabituel qu’un dossier d’homicide se retrouve aussi rapidement sur le bureau du sergent Trudeau. Normalement, c’est la police locale qui récoltait les premiers éléments de preuve avant que la BSPS ne prenne le relais. Or, voilà à peine dix heures que l’étudiante avait été froidement assassinée…
C’est le sergent Trudeau lui-même qui avait pris l’initiative d’éliminer le corps de police local pour s’emparer du dossier.
—Oui et non… répondit-il à son collègue.
Ce dernier attendait un peu plus de détails, mais Trudeau restait avare de commentaires. Il laissa Samuel Dion sur son appétit et fonça vers le vétéran de l’escouade qui semblait avoir flairé une piste.
Le plus vieux de la troupe, les cheveux poivre et sel de Serge Lemire trahissaient sa vaste expérience. Il était l’homme de confiance du sergent. Son visage était garni d’une généreuse barbe bien entretenue, montant sous des favoris, mais mourant avant de joindre la moustache. Voyant son supérieur s’approcher, il alla à sa rencontre.
—Sergent, c’est tout ce que j’ai trouvé. Deux cheveux qui n’appartiennent probablement pas à la victime et un bout de tissu. Je vais les envoyer au labo dès notre retour à Montréal.
Philippe acquiesça de la tête. Ce n’était certainement pas avec ces poils que la BSPS résoudrait cet homicide, mais il fallait bien commencer quelque part. Il se gratta le crâne en regardant son employé ensacher les preuves.
Sur une table vitrée de quatre mètres reposaient des ordinateurs portables destinés à l’usage de l’équipe. Trouver un endroit plat pour établir le QG n’avait pas été une sinécure.
Maxime Archambault suivit le sergent en désignant d’un doigt le vétéran au passage.
—Serge a trouvé quelque chose d’intéressant? questionna-t-il.
—Peut-être, répondit le sergent. Il va tenter de recouper de l’ADN retrouvé sur place. Nous vérifierons dans notre banque de données s’il s’agit bien du prédateur qu’on recherche. Et toi? Tes conclusions?
—La mort a été provoquée par un seul coup de couteau qui a sectionné la veine jugulaire. La personne qui a fait le coup savait exactement ce qu’elle faisait. Il n’y a aucune autre blessure provoquée par l’arme blanche. Le meurtrier était convaincu que sa victime allait succomber.
Trudeau enregistrait ces informations dans sa mémoire. Lorsqu’il entendait un élément de preuve, celui-ci se gravait et se classait de lui-même dans son cortex préfrontal. Il faisait aveuglément confiance à sa mémoire, n’utilisant son calepin que dans d’extrêmes situations.
—La lame était bien affilée, poursuivit Archambault, la victime n’a pas souffert très longtemps. Cependant, en raison de ses blessures aux genoux, je dirais que la poursuite n’a pas été de tout repos.
Philippe dodelinait de la tête en écoutant Maxime étaler ses constatations. Comme c’était le cas avec Lemire, il lui vouait une confiance inébranlable. L’efficacité du quatuor résidait dans la complémentarité de ses membres. Ils travaillaient ensemble depuis des lustres et effectuaient un boulot sans tache. Seule la recrue Samuel Dion devait faire ses preuves pour tenter de s’intégrer dans cette équipe déjà bien rodée. Il remplaçait au pied levé un membre en congé forcé.
—Selon toi, le meurtrier l’aurait pourchassée durant une bonne distance? reprit le sergent.
—Effectivement, c’est ce que je crois.
Chaque information devait être traitée avec parcimonie. Expérience aidant, le sergent savait qu’il ne devait négliger aucun détail. Souvent, une parcelle loupée permettait à un meurtrier chevronné de s’en sortir trop facilement.
Une fois son rapport terminé, le visage de Maxime se crispa, ce qui interpella le sergent, qui l’invita à s’exprimer.
—Est-ce moi, ou bien il semble que notre suspect soit assez évident? Il faudra valider deux ou trois trucs avant, mais j’ai l’impression de déjà savoir ce que constatera le serveur central.
—C’est également mon impression et c’est pourquoi nous nous sommes mis sur cette affaire aussi rapidement, répondit Trudeau.
Archambault tomba quelques instants dans la lune. Sa nuit avait été drôlement interrompue lorsque son mobile l’avait sorti des bras de Morphée, à 3h35 bien précisément. L’ordre avait été