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Maudite Monnaie: Monnaie/Manuscrit
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Maudite Monnaie: Monnaie/Manuscrit
Livre électronique546 pages7 heures

Maudite Monnaie: Monnaie/Manuscrit

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À propos de ce livre électronique

QUI AURAIT PU PENSER QU'UNE PIÈCE DE MONNAIE PUISSE PROVOQUER VOTRE MORT ?

Située dans l'exotique Riviera française, Maudite Monnaie est une histoire de haine, de trahison, d'amour, de devoir, et de choix terribles et douloureux qui amèneront néanmoins au triomphe personnel.



 

UNE TROUVAILLE DANGEREUSE



Pour l'artiste Gabriela Martinez, la vie est devenue compliquée : elle soupçonne son mentor et ami de vouloir faire d'elle sa maîtresse, son mari la néglige, et sa dernière illustration est abîmée. À la recherche de calme, elle se rend à son lieu de méditation préféré, à la Marbrière, la montagne qui surplombe sa maison sur la Côte d'Azur, mais aboutit dans une clairière inconnue. Elle y découvre une pièce de monnaie française de 1945 à demi enfouie dans le sol. Séduite par sa beauté, elle la fait monter sur son bracelet préféré.



 

UNE ACCOINTANCE RISQUÉE



Richard Harrison, agent du Renseignement américain, est furieux. Un simple service rendu à son patron a transformé ses vacances sur la Riviera française en une mission infernale. Désormais, non seulement il doit découvrir la vérité sur cette pièce de monnaie, mais il doit également protéger Gabriela d'un tueur retors que rien n'arrête.

 

LE TEMPS PRESSE

Avec Maurice Nôret, du Renseignement français, Richard tente de découvrir l'identité du forcené, mais son amour naissant pour la belle artiste se transforme en un dangereux handicap. Chacun de ses mouvements est entravé par des contre-attaques féroces. Les jeux psychologiques visant à terroriser Gabriela échappent bientôt à son contrôle. Si Richard ne trouve pas de solution, ce sera peut-être trop tard pour eux deux.



LangueFrançais
Date de sortie15 juin 2020
ISBN9780986209529
Maudite Monnaie: Monnaie/Manuscrit
Auteur

Maria Elena Alonso Sierra

Maria Elena Alonso-Sierra is an award-winning author with a unique point of view: to give her readers and fans thrills and kills, with a twist. Her characters are placed in danger in ingenuous ways while, at the same time, her novels are set in locales across Europe and the United States, reflecting her international upbringing and extensive time as a Cuban exile and global traveler.The author’s writing career began circa age thirteen with a very juvenile science fiction short story; but the writing bug hit, and she has been writing, in one capacity or another, ever since. She has worked as a professional dancer, singer, journalist, and literature teacher in both the university and middle school levels (and not necessarily in that order) and holds a Masters in English literature. All her novels have received different accolades, including gold, silver and bronze medals, as well as honorary mentions from respected book award institutions.Ms. Alonso-Sierra is currently writing full-time and loves to hear from her fans and readers. When not writing, she roams around to discover new places to set her novels.

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    Aperçu du livre

    Maudite Monnaie - Maria Elena Alonso Sierra

    Prologue

    France, mai 1993

    Il était sauvé.

    L'homme examina la clairière, inspectant pour la dernière fois le paysage réagencé. Les monticules de rochers et de terre qui l'entouraient tombaient irrégulièrement, criblant le sol sans schéma apparent. La nature avait étendu sa main, guérissant le bouleversement qu'elle avait causé un an auparavant en recouvrant le sol d'herbe rase, de mousse séchée, de ronces, de lavande, de thym et de la version locale de buissons d'origan. Il n'y avait aucun indice de sa recherche, passée ou présente, et le détecteur de métaux n'émettait aucun son signalant que la Nature régurgitait le coffre-fort qu'elle avait impitoyablement dévoré.

    Les mains de l'homme entourèrent la barre de plastique du détecteur de métaux, se resserrant en un poing tellement féroce que ses avant-bras vibraient. Des années à planifier, à manipuler soigneusement, à rassembler des preuves, à s'assurer que nul ne puisse remonter jusqu'au marionnettiste tirant les ficelles du chaos, avaient été néantisées sans laisser de trace par la lubie d'une montagne capricieuse. Même quand la chance était restée obstinément à ses côtés, l'aidant à récupérer nombre de ses enregistrements et cassettes vidéo, il n'avait rassemblé qu'une misère de la panoplie qu'il avait eue. Si la Nature avait été une vraie femme debout devant lui, il l'aurait tuée avec délectation.

    Il quadrilla encore la zone, parcourant méthodiquement des yeux encore plus de terrain, ses traits assombris par le crépuscule proche. Son travail ici était presque terminé. Après cet ultime balayage, il pouvait enfin disparaître et se remettre à comploter.

    « Oh, danke Gott. »

    La voix inconnue le prit au dépourvu. Il tournoya pour faire face à l'intrus, le corps rigide. Un jeune homme mince, à l'air triste et terriblement frustré, se tenait maintenant debout à quelques pas dans la clairière. L'homme regarda le promeneur se débarrasser d'un coup d'épaule de son sac à dos volumineux, saisir ses genoux en appui, et avaler plusieurs goulées fraîches d'air de la montagne, reconnaissant pour ce répit et pour sa chance.

    « Pardonnez-moi, s'il vous plaît, dit le randonneur dans un français atroce. Je parcours depuis des heures cette montagne perdue et n'arrive pas à retrouver la piste. Son regard se fit plein d'espoir. Pouvez-vous m'aider ? »

    L'homme opina, mais ses yeux s'étrécirent, attentifs à cet intrus, cette nouvelle menace à sa sécurité qu'il avait soigneusement planifiée. Il se mit à se fermer lentement.

    Le promeneur se détendit visiblement. « Dieu merci. Je pensais que je serais forcé de camper dehors ce soir. »

    La bouche et les yeux qui souriaient au promeneur refroidirent l'air ambiant. L'homme adorait les sots comme ce promeneur, des idiots aveugles qui ne soupçonnaient jamais qu'une façade normale puisse abriter la plus noire des âmes. Une telle naïveté le ravissait, ses mains le démangeaient à l'anticipation de la mise à mort. Mais pour l'instant, il fit un geste vers la gauche, en direction d'un sentier de terre à peine visible entre les arbres.

    Comme prévu, le promeneur se retourna, cherchant à s'orienter. Le sourire de l'homme s'élargit. Il leva le détecteur de métaux.

    Le coup à la tête fut rapide, mais non létal. Le promeneur trébucha, pris par surprise. L'homme attendit patiemment que sa victime se rende compte du danger, que ses yeux s'élargissent face à l'horreur à venir, et qu'il tente en vain de fuir. Titubant, désorienté, le randonneur recula devant ce qu'il appréhendait maintenant comme un forcené. Souriant, l'homme souleva et frappa encore, cette fois sur le haut du bras. Un gémissement se mua en un hurlement qui retentit par-dessus la montagne. L'homme se ferma de nouveau, étudiant plusieurs options. Avec une précision calculée, il visa la cuisse gauche du promeneur, sentit avec délectation le fémur céder avec un bruit sourd et humide. Le promeneur hurla, s'effondrant au sol en un tas gigotant. L'homme frappa de nouveau sa victime à l'abdomen. Il regarda le randonneur reculer lentement sous l'effet de la douleur. Quelle stupidité, pensa l'homme. La fuite était impossible. Ni prières, ni sanglots, ni pleurnicheries ne l'arrêteraient — ni l'avaient jamais arrêté. Il cracha des bulles de rire qu'il avait retenu, empoisonnant et souillant l'air ambiant. Il leva le détecteur de métaux et frappa encore, encore et encore, calculant les endroits les plus efficaces à atteindre, regardant sa victime avec une vacuité benoîte glaçante. A chaque coup, la chorégraphie macabre ajoutait à la joie de l'homme. Au moment où l'homme fut pleinement satisfait, l'agonie du promeneur était passée des hurlements aux supplications, et finalement à des gémissements à peine audibles, des tressaillements et des sanglots.

    L'homme fit une pause, évaluant son travail. Des contusions et des hématomes décoloraient la peau apparente sur le corps du marcheur. La perfection, pensa-t-il. La perfection totale. Plus tard, en pleine nuit, il jetterait son fardeau dans un ravin au-dessous du village de Gourdon. Il gloussa. Les idiots de gendarmes qualifieraient la mort en accident de randonnée. Sa seule préoccupation était que les morts ne parlent pas et n'accusent personne.

    Il enveloppa de son regard froid le marcheur. Oui, il ferait cela. Il lâcha le détecteur de métaux et s’étira, ignorant les tressaillement et les sanglots pathétiques du jeune homme à ses pieds. Il prit une profonde inspiration, savourant le parfum acre des pins mêlé à celui de la peur et des excréments humains. Oui, tout était en ordre, pensa-t-il, satisfait, en s'agenouillant près de sa victime. De ses bras puissants, il enferma la tête du marcheur dans une étreinte asphyxiante. Il caressa le visage du marcheur, saisit son menton et appliqua à sa tête une torsion féroce. Le cou céda comme un biscuit apéritif.

    Insensible maintenant au tas sans vie à ses pieds, l'homme examina la clairière sous la lumière du jour qui baissait rapidement. Il porta la main à sa poche et en sortit une pièce française de dix francs de 1945 qui n'avait plus cours. Ses doigts caressèrent amoureusement le profil de Napoléon, et il pensa que son seul regret était de n'avoir pas trouvé les pièces, son seul mot de passe. Il garderait celle-ci, la dernière, comme porte-bonheur, et il recommencerait.

    Mais cela, c'était pour plus tard. Pour l'instant, il était sauvé.

    Coin Header

    Chapitre Un

    Juin 1993

    Gabriela Martinez arriva aux Clos dix minutes plus tard que prévu. Elle ouvrit d'une poussée la lourde porte du restaurant — un monastère du XIIIe siècle converti dix ans plus tôt en lucratif paradis gastronomique quatre étoiles — et estima que sa journée était une réplique exacte du chaos d’hier. En fait, pour être précis, aujourd'hui était le post-scriptum de la pagaille d'hier : répondeurs en panne, rendez-vous annulés et illustrations abîmées. L'élément salvateur dans son emploi du temps confus était la pièce de monnaie qu'elle avait trouvée hier au milieu de la Marbrière. Elle sourit à ce souvenir. Elle avait été contrariée, perdue au milieu de la montagne, pas du tout où elle avait voulu aller. La pièce, à moitié enfouie dans une magnifique clairière protégée par des falaises grises, une forêt d’émeraude et des ravins à pic, serait restée cachée si le soleil de l'après-midi n'avait pas rebondi sur sa surface, qui lui fit un clin d'œil. Elle avait été ravie de sa découverte, s'amusant de ce que, même perdue au milieu de nulle part, elle continuait à trouver de l'argent dans les endroits les plus insolites. Avec cette dernière trouvaille, son butin s’élèverait à environ dix dollars, à quelques centimes près.

    Elle pénétra dans l'agréable fraîcheur du restaurant et se débarrassa de la chaleur accablante qui lui collait à la peau. Eh bien, elle ne pouvait rien pour son retard. C'est elle, après tout, qui avait eu l'idée d'ajouter la pièce à la collection qui ornait déjà le bracelet de son arrière-grand-mère. Sans Michel, son bijoutier, et son amour des débats politiques, elle serait arrivée plus tôt et se serait préparée à affronter Albert aujourd'hui.

    Gabriela soupira et se précipita vers la salle à manger, se demandant comment elle discuterait d'avances sexuelles importunes avec un homme qui avait été son mentor et ami pendant les trois dernières années. Elle ne pouvait vraiment pas proférer d'accusations contre Albert — pas contre l'arrogant et puissant Albert. Elle n'était même pas sûre de ne pas se méprendre. Sa logique lui disait qu'elle était idiote. Après tout, Albert n'avait-il pas Silvie à ses côtés ? Avec une maîtresse aussi absolument ravissante, pourquoi Albert s'intéresserait-t-il à la vieille et ordinaire Gabriela ? C'était stupide. Malgré ça, quelque chose d'ineffable piquait son inconscient, la mettant mal à l'aise en présence d'Albert. Et si ses soupçons s'avéraient, il lui faudrait une bonne dose de diplomatie pour résoudre les choses. Sinon, elle risquait de perdre un conseiller de poids et un ami.

    Elle fit une pause derrière une grande décoration florale, non loin de l'entrée voûtée de la salle à manger spacieuse et élégante.

    « S'il vous plaît, s'il vous plaît, faites qu'il ne soit pas là, » chuchota-t-elle, croisant les doigts.

    Ses yeux noisette scrutèrent rapidement la foule des convives. Elle espérait qu'il serait en retard, lui donnant le temps voulu pour se calmer et réfléchir à son approche. Qu'Albert ait suggéré hier qu'ils se rencontrent pour déjeuner avait été providentiel, et l'opportunité qu'ils se rencontrent dans un lieu neutre avait été idéale. Il était toujours plus détendu pendant un repas, et même s’il réagissait vivement à son reproche discret, au moins serait-ce moins désagréable dans un restaurant bondé.

    Elle aperçut l'impérieuse tête argentée d'Albert, dominant les autres convives. Mince ! Jean-Louis, le gérant de la galerie d'art d'Albert, était aussi à sa table. Eh bien, pensa-t-elle avec regret, c'est fichu pour le tête-à-tête. Elle devrait l'affronter sans répétition ni plan. Son estomac se souleva soudain comme si elle avait avalé une pierre. Elle savait que, quoi qu'elle fasse, la réaction d'Albert à sa franchise serait très désagréable. Les résultats pourraient être catastrophiques… pour elle.

    Nonchalamment, elle marcha à grands pas vers les hommes, et Albert se leva pour reculer courtoisement sa chaise tandis qu'elle s'approchait de la table.

    « Bonjour, ma belle. »

    Jean-Louis lui appliqua un léger baiser sur les deux joues. Gabriela le salua affectueusement, toujours un peu désolée que le beau sexe ait perdu un aussi bel homme.

    Dans le calme qui suivit la commande de leurs boissons, son regard alla d'un homme à l'autre. Une lueur de satisfaction brillait dans le regard habituellement impassible d'Albert, tandis que le visage de Jean-Louis contenait à peine son enthousiasme.

    « Vous semblez être en très grande forme, messieurs, » commenta-t-elle, étudiant de près le visage suffisant d'Albert.

    Albert lui serra la main, la porta à ses lèvres, et il déposa ce que Gabriela prit pour un baiser exagérément affectueux. Son sourire plissait ses yeux.

    Les joues de Gabriela rosirent d'embarras.

    Jean-Louis se pencha au-dessus de la table, les yeux grand ouverts, les mains jointes comme à son habitude.

    « Gabriela. Vous ne devinerez jamais. »

    « Ayez la gentillesse de réfréner votre enthousiasme féminin, » déclara calmement Albert en sirotant son Talisker qui venait d'arriver. « Il faut que Gabriela entende un récit objectif et sans ornement des événements. »

    « Ce qui signifie en fait, » dit Jean-Louis, « qu'il veut gérer personnellement tout ce qui vous concerne vous et votre travail, même les nouvelles importantes. Sale égoïste ! » Il cligna de l'œil.

    Gabriela rit, faisant apparaître ses fossettes.

    « D'accord. Donc… » Elle fit à Albert un signe de tête espiègle.

    « Un peu de respect, s'il te plaît. Surtout pour l'homme qui a obtenu une exposition au Club des Cercles au Casino. »

    « Comme à Monte Carlo, » ajouta Jean-Louis.

    Le corps de Gabriela se figea complètement.

    « Vous êtes sérieux ? » murmura-t-elle.

    Albert sourit, son visage se faisant sensuel.

    « Absolument. Demain, je conclurai l'affaire au déjeuner. Nous nous sommes mis d'accord pour en faire une affaire informelle, durant, oh, quatre, cinq jours. Assez pour susciter l'intérêt pour vos œuvres, mais pas assez pour être lassant. Je veux que vous soyez avec moi demain quand je rencontrerai le directeur du club. »

    « Vous voir en personne sera vraiment concluant, » dit Jean-Louis, agitant la tête en signe d'approbation.

    Gabriela secoua la tête, tentant d'éclaircir ses pensées. Seigneur. Cela lui est arrivé vraiment ? Avec cette manifestation prestigieuse, sa réputation en Europe monterait vraiment en flèche. Elle secoua de nouveau la tête, incrédule, prudemment excitée. Dans un réflexe nerveux, sa main alla faire tourner le bracelet de son arrière-grand-mère, mais interrompit vite son mouvement. Elle avait laissé le bracelet chez le bijoutier. À la place, elle tortilla maladroitement la nappe.

    Jean-Louis applaudit, amuse.

    « Regardez-la, mon Dieu. Votre visage est si expressif, Gabriela. » Il se tourna vers Albert. « Je vous avais dit qu'elle serait stupéfaite. »

    Les joues de Gabriela rougirent encore.

    « C'est tellement incroyable. »

    « Mais tellement enthousiasmant ! Pensez à tous ces gens qui connaîtront finalement vos œuvres. L'attention. Le renom. La gloire. » Jean-Louis agita un doigt dans sa direction. « Je suis jaloux. »

    « Assez bavardé, » interrompit Albert. « Il faut qu'on se mette au travail, Jean-Louis. Où est Julien ? J'ai expressément demandé qu'il soit ici à midi. »

    Jean-Louis travaillait depuis plus de dix ans pour cet homme autoritaire, et il sentait poindre la colère dans sa voix. Soupçonnant une explosion imminente, et toujours soucieux de les éviter, Jean-Louis se leva en vitesse.

    « Je vais appeler la galerie. Je suis sûr qu'il est pris dans la circulation. »

    Gabriela attendit qu'il soit hors de portée d'oreille, puis se surprit à demander, « Pourquoi, Albert ? »

    « Pourquoi quoi ? »

    Gabriela soutint son regard vert inquisiteur. Calme toi, se dit-elle. Garde ton sang-froid. Ton flegme. Ta logique. Oh, mon Dieu. Comment allait-t-elle traverser cela ? Elle chercha encore son bracelet absent, maudit sa négligence, et saisit son poignet pour garder sa main immobile.

    « Vous avez fait des pieds et des mains ces derniers temps pour mes œuvres. Je me demandais seulement… »

    Elle déglutit nerveusement. Cela ne se passait pas du tout comme elle le voulait. Elle agrippa son poignet à faire blanchir ses phalanges.

    « Sincèrement, Albert, » laissa-t-elle échapper. « Vous êtes un homme d'affaires important. Les hommes de votre rang ne passent pas autant de leur temps précieux à promouvoir les illustrations d'une artiste inconnue — mentor ou pas. Je me serais attendue à ce que vous engagiez un responsable, pas à ce que vous gériez personnellement le fastidieux marketing quotidien. » Ses joues virèrent à une teinte plus foncée de rose. « J'espère seulement que ce n'est pas… Vous savez… Bon sang, » finit-elle faiblement.

    Albert étudia son profil rougissant, amusé par son embarras évident. Il savait pourquoi elle avait été nerveuse ces deux derniers mois, mais comprenait aussi qu'il devait mettre un terme à ses soupçons si son plan d'en faire sa maîtresse devait réussir. Après tout, il avait précipité les choses. C'était une erreur, rare chez lui, mais il pourrait excuser son faux pas simplement grâce à son illustration. Il ne s'était pas préparé à l'afflux d'émotion, ni à l'impact que le dessin de Gabriela, d'une férocité puissante, avait eu sur lui. Il avait purement et simplement perdu le contrôle, il était allé instinctivement vers elle, plaçant dans ce baiser toute son appréciation, sa fierté, sa possessivité, et son désir pour elle.

    Albert prit une gorgée de son scotch, la faisant rouler sur sa langue avant de la laisser glisser dans sa gorge comme du velours. « Cet emportement a-t-il quelque chose à voir avec mon baiser ? »

    Gabriela crut que son visage allait se vaporiser sous la chaleur de ses joues. Sa main était comme un garrot sur son poignet.

    « Ma belle, » sourit Albert. « Ne soyez pas aussi prude. C'était l'exaltation du moment. Vous devez admettre que votre Saint Georges m'a stupéfié. »

    « Il vous a laissé sans voix, » admit-elle.

    Albert gloussa. « Une première pour moi, n'est-ce pas ? »

    « Tout-à-fait, » dit-elle, et elle prit une gorgée de sa boisson. Le liquide frais n'apaisa pas la sécheresse de sa gorge. « Ça ne clarifie toujours pas les choses. »

    « Alors allons-y, » dit Albert, soudain sérieux. « Personne d'autre que moi ne peut mieux promouvoir vos œuvres. J'ai le bon goût, l'influence, les relations, et le privilège de vous connaître personnellement. Cela me permet d'être assez clairvoyant pour choisir les bons lieux d'exposition, des lieux où vous vous sentirez bien. À part cela, votre talent est extraordinaire, ma chère, mais vous êtes trop timorée pour assurer votre promotion. »

    Gabriela renifla. « Vous parlez comme Roberto. »

    « Mais à l'inverse de votre mari, je ne suis pas collé à l'écran d'ordinateur à travailler non-stop sur mon projet favori, déconnecté de tout et de tous. » Saisissant son expression, Albert changea de sujet. « Mais nous nous écartons du sujet. Vous êtes une amie, Gabriela — vous êtes désintéressée et non vénale. Qui mieux que moi peut vous rendre ce petit service, à vous qui n'abusez jamais de notre partenariat professionnel ni de notre amitié ? »

    Gabriela scruta son visage à la recherche de signes de mensonges, mais n'en trouva pas. En un réflexe nerveux, elle chercha encore à tortiller son bracelet.

    « Tant que c'est par amitié, » dit-elle.

    « Sinon, quoi donc ? » lui dit-il benoîtement. « De plus, je vous suis redevable. »

    « Albert, » Gabriela haussa les épaules. « Vous ne me devez rien. Tout le monde aurait fait de meme. »

    Ses yeux se teintèrent d'humour caustique. « Je n'ai vu personne se ruer pour m'aider quand j'ai glissé et me suis fêlé le crâne. Pas même Silvie. » En effet, sa maîtresse avait jeté un œil sur sa tête qui saignait à ce moment-là sur les genoux de Gabriela, avait eu un haut-le-cœur et avait vite quitté la pièce sans même demander s'il était en vie.

    Il prit la main de Gabriela dans la sienne et la frotta sensuellement. « Vous avez pris la relève comme un sergent d'armes, veillant à ce que je ne me vide pas de mon sang. Je vous dois toujours une robe de soirée, à propos. »

    Oui. Il y avait eu tellement de sang sur sa robe qu'elle l'avait simplement jetée. Mais elle n'était pas du genre à réclamer. Elle pressa sa main, mettant fin au contact. Cela l'inquiétait une fois de plus.

    Par habitude, elle tordit son poignet comme un chien s'ébrouant.

    « Quelque chose ne va pas avec votre bras ? » demanda Albert, indiquant son poignet.

    Elle sourit, embarrassée. « Mon bracelet me manque. Je l'ai déposé chez le bijoutier ce matin. »

    À présent qu'elle le mentionnait, Albert n'avait pas entendu le tintement musical qui était partie intégrante de la garde-robe de Gabriela.

    « Endommagé ? »

    Elle se pencha en avant, les yeux brillant d'espièglerie. « Devinez quoi ? J'ai trouvé une autre pièce — à la Marbrière, pas moins. Michel la monte sur mon bracelet. Je pense qu'elle rendra bien dans la collection. »

    « Dieu ! Une autre pièce ? » Albert rit devant son expression de joie. « Ça en fait combien ? »

    « Quinze. Roberto m'appelle déjà Midas. »

    « Peut-être devrais-je cesser d'investir dans le marché boursier et aller à la chasse au trésor avec vous, » dit Albert.

    « À votre place, je ne renverrais pas maintenant mes consultants financiers. »

    Le rire heureux d'Albert emplit la pièce.

    « Maintenant, c'est fait. Je vous accompagne dans vos futures escapades. Les trésors sont garantis. »

    Gabriela lui agita un doigt. « Ne rêvez pas, mon ami. Si je trouve un trésor, tout sera pour moi. D'ailleurs, vous n'avez pas besoin de plus d'argent. Vous nagez déjà dedans. »

    Albert inclina la tête en une reconnaissance royale de la vérité, mais ses yeux débordaient de rire. « Et vous aussi, vous nagerez dans l'argent. Après l'exposition, la fête du vernissage de votre dessin va sceller ça. »

    Gabriela rit joyeusement. « La fête ? Ce n'est pas une fête, Albert. C'est une campagne de guerre. »

    Albert secoua la tête. « Non, ma chère. Ce n'est que l'escarmouche finale pour gagner la guerre. » Il aperçut Jean-Louis. « Ah, enfin. »

    Gabriela se retourna et vit Jean-Louis tirant Julien par la main, tandis qu'une Silvie pétillante faisait son entrée comme à l'accoutumée, rythmant sensuellement son approche. Comme d'habitude, sa démarche nonchalante faisait tourner les têtes et s'ouvrir les bouches.

    Bruyamment, les nouveaux arrivés s'installèrent sur leurs sièges, Albert présidant royalement le chaos. Gabriela entra joyeusement dans le jeu.

    ***

    À la fin d'une journée exceptionnellement animée, la petite bijouterie de Michel ferma ses portes au public. Dans la boutique, Michel donna ses dernières instructions à son petit-fils. « Et après avoir nettoyé la pièce de monnaie que Madame Martinez a apportée aujourd'hui, n'oublie pas de prendre des photos des deux faces. Souviens-toi de ce qui t'est arrivé la dernière fois. Demain, je ferai le reste. »

    David acquiesça d'un air morose, taisant les milliers de pensées rebelles qui lui traversaient l'esprit. Oui, il se souvenait. En aucun cas il ne pourrait oublier. La dernière fois qu'une autre cliente favorite avait demandé à faire nettoyer ses bijoux, il y avait eu un bracelet, assez ressemblant à celui de Madame Martinez. David n'avait travaillé dans la boutique que depuis quelques semaines et n'avait pas pensé nécessaire de photographier les deux côtés de toutes les pièces qui ornaient le bracelet clinquant de Madame Bouvet. Quand son grand-père s’en était rendu compte, il avait été furieux, le giflant si fort qu'il en avait gardé des meurtrissures pendant des jours. À titre de sanction, il avait été privé de salaire pendant deux semaines et avait dû subir l'humiliation de récupérer le bracelet de Madame Bouvet. Pour couronner le tout, quand son père avait découvert l'incident, il lui avait confisqué pendant une semaine son scooter, son seul moyen de transport.

    La vie était injuste.

    Il ne savait toujours pas ce qu'il y avait de si important autour de ces pièces, ni pourquoi il fallait nettoyer et photographier ces satanés trucs. C'était tellement stupide. N'eût été son besoin d'un peu plus d'argent de poche en étudiant pour son BAC, il ne supporterait pas ces absurdités. Malheureusement, il n'avait pas le choix, et cette mystérieuse routine continuerait, sauf ordre contraire de son grand-père. Il ne se souciait guère de ce que devenaient ces photos après qu'il les ait postées, mais il soupçonnait que cela avait quelque chose à voir avec l'étrange visiteur d'il y a quelques mois.

    Les événements passés bouillonnant toujours amèrement dans son esprit, il nettoya consciencieusement la pièce, prépara l'ancien équipement photographique, et fit des gros plans des deux faces de la petite pièce. Il renifla par dérision en enroulant la pellicule. Pourquoi le vieil homme n'achetait-t-il pas un de ces appareils photo instantanés qui encombraient de nos jours le marché ? C'était plus moderne, pratique, et cela ne lui ferait plus perdre son temps. Mais comme pour tout ce qui se rapportait à ces pièces, David savait qu'il était inutile de se plaindre.

    Tandis que la nuit tombait, David s'attacha à s'acquitter de ses autres tâches aussi vite que possible. Quand il eut terminé, il plaça le rouleau photo dans une enveloppe matelassée timbrée, et ferma méticuleusement la boutique. En rentrant chez lui, il la déposa à La Poste, et il oublia. Il ne savait pas qu'une alerte se diffuserait discrètement dans le monde entier à peine deux semaines plus tard.

    Coin Header

    Chapitre Deux

    Richard Harrison partait pour des vacances bien méritées, et ce n'était pas trop tôt. Ces derniers temps la nervosité l'avait envahi, et cela le contrariait beaucoup. C'était mauvais signe. La phase suivante serait pire : l'ennui, purement et simplement. Si cela se produisait, Jack Seldon serait mécontent, et Richard se retrouverait sans travail.

    Non que Richard en eût tellement besoin. Le perdre ne lui importerait guère ni ne le ruinerait. L'essentiel était maintenant de penser à deux semaines à ne rien faire d'autre que ce qui lui plaisait. Chaque synapse de son cerveau vibrait, concentrant son esprit sur l'endroit où il rêvait de retourner en tant que civil. Ce serait un changement agréable, loin de l'habituelle laideur de son travail.

    Les papiers sur son bureau le regardaient fixement. Il grogna. Rêvasser ne ferait que le retarder davantage, et il avait un avion à prendre. Donc il rassembla le peu de patience qu'il lui restait et se mit en œuvre de terminer rapidement.

    Trente minutes plus tard, il griffonna une correction finale et apposa sa signature imposante dans le coin avec un sourire de satisfaction. Il écarta le stylo et était sur le point de partir quand Virginia, l'assistante de Jack, passa la tête par la porte.

    « Désolé, beau gosse. Le patron te réclame. »

    Que diable Jack lui voulait-il maintenant ? Il jeta un coup d'œil à sa montre, jura, et parcourut la courte distance entre leurs bureaux. Son avion partirait dans moins de cinq heures. Il avait à peine le temps de préparer quelques bagages et de régler ses affaires personnelles.

    Il entra dans le bureau de Seldon sans prendre la peine de frapper et s'arrêta devant un homme aux traits faussement doux et aux cheveux couleur de neige. L'attitude en apparence douce et indifférente de Seldon ne trompait pas Richard. C'était un enfoiré rusé qui étendait imperceptiblement ses tentacules de derrière son bureau de chêne marron quelconque. Les rumeurs fourmillaient toujours sur lui, tournant autour des cercles gouvernementaux et de l'entreprise comme des vautours sur de la viande. Richard sourit méchamment. En fait, les rumeurs ne rendaient pas justice à Seldon, étant en-deçà de ce dont il était capable. Richard le savait. Il avait vu Seldon à l'œuvre, avant qu'une promotion le forçât à quitter le travail de terrain six ans auparavant. Seldon était ainsi devenu responsable d'un service qui supervisait trente agents de terrain, dont Richard. Leur compétence consistait à recueillir des documents délicats dans des endroits sensibles à travers le monde, et à résoudre des problèmes si nécessaire, évitant souvent des fiascos diplomatiques potentiellement dangereux et des embarras aux gouvernements impliqués.

    Jack Seldon continuait de rédiger un message comme si personne n'était arrivé. Richard regardait son patron avec une indignation croissante. Maudit soit ce salopard. Seldon savait qu'il avait peu de temps à perdre. Il se racla bruyamment la gorge. Seldon n'y prêta aucune attention. Les yeux gris acier de Richard s'étrécirent, peu disposé qu'il était à sacrifier de son temps, surtout pas pour son patron.

    « Jack. Si… »

    « Assieds toi, tu veux bien ? » répondit Seldon avec flegme. « Bouillir comme un volcan ne te mènera nulle part. Laisse-moi finir ce fax. Tu as largement le temps avant ton vol. »

    Richard attrapa la chaise la plus proche et y replia sa charpente bien entraînée et maigre d'un mètre quatre-vingt quinze. Virginia, qui attendait le fax, ne cacha pas son sourire amusé. Richard ressemblait à un cheval rétif bridé fermement par ses rênes, contrairement à l'impression qu'il donnait sur le terrain. Elle retint son rire. Ce serait amusant d'avoir les feux d'artifice du 4 juillet à l'avance.

    Seldon comprenait l'impatience de l'homme assis en face de son bureau, mais il prit son temps pour finir son message. Satisfait, il le tendit à Virginia et s'adossa dans son fauteuil, le considérant paresseusement. Un de ses meilleurs agents — méticuleux, calculateur, capable de funestes desseins. Jack pouvait être fier de Richard à titre personnel. C'est lui qui l'avait formé.

    « Maintenant… »

    « Ne me sors pas de conneries. Je ne vais pas annuler mes vacances, c'est compris ? Pas pour toi, Dieu Tout-Puissant, ni pour le Président. »

    « Dans cet ordre, c'est ça ? » gloussa Seldon. L'homme avait des priorités définies. « Qui a parlé d'annuler ton voyage ? » répliqua-t-il. « Certainement pas moi. Et je doute que Virginia l'ait fait. »

    Les yeux de Richard s'étrécirent. Quand Jack était aussi inoffensif, c'est là qu'il était le plus dangereux. « Alors que diable fais-je ici ? »

    « J'ai besoin d'un service. »

    Richard grogna. « Oublie. La dernière fois que je t'ai rendu service, j'ai failli me faire détruire par la maîtresse de ce diplomate à Paris. » Au souvenir du dénouement, les lèvres de Richard s'incurvèrent désagréablement. Il avait été récompensé par une gratification sans limites quand il avait mis le feu à ce nid de vipères. Littéralement. Qui a dit que la vengeance n'avait pas du bon ?

    « C'est différent. Un petit problème avec une de nos concitoyennes à l'étranger, » continua Seldon. « Les Israéliens voudraient savoir comment elle a obtenu une pièce de monnaie particulière. »

    « Une autre femme ? »

    Jack sourit. Les femmes intéressaient toujours Richard Harrison, ne fût-ce que pour quelque temps.

    « Une femme nommée Gabriela Martinez. Cubaine de naissance. Naturalisée en juillet 1970. Mariée. Deux enfants. Son mari travaille pour une filiale d'une entreprise américaine. Comme j'ai su que tu allais être pas loin de chez eux… »

    « Pas question ! » La voix de Richard ne put masquer sa colère.

    « …dans les alentours de Grasse, me dit-on, à seulement quarante minutes de Nice par l'autoroute. Belle région. Son mari a été muté là-bas il y a six ans pour un contrat de deux ans. Apparemment, il a eu l'option de le prolonger, ce qu'il a fait, indéfiniment. »

    « Comme c'est pratique ! Alors laisse-moi faire une mise au point. Je vais à Nice ce soir, en vacances, si je peux préciser, et tu n'hésites pas à me porter volontaire. » Richard avait du mal à maîtriser sa colère. « Non. »

    Jack Seldon ne cilla pas. Il continua comme si Richard n'avait rien dit. « Tu parles espagnol et français couramment, tu seras dans le coin demain, et tu inspires confiance. Le dossier de cette femme semble être vierge. Elle est à l'évidence instruite. »

    Richard marmonna une remarque grossière. « Qui veut en savoir plus sur cette pièce ? Et pourquoi ne demandent-ils pas eux-mêmes ? »

    « Les forces spéciales israéliennes. Madame Martinez a trouvé une pièce il y a environ trois semaines. Elle l'a apportée à un petit bijoutier juif connu pour être un honnête homme et un bon artisan… »

    « Epargne-moi tes développements sur les personnages, » coupa Richard. « Je suis pressé. »

    « Depuis plusieurs années, les gouvernements demandent aux bijoutiers de toute l'Europe de signaler les pièces de monnaie inhabituelles. Celle de Madame Martinez a retenu l'attention des Israéliens. »

    « Une antiquité volée ? »

    « C'est ce à quoi ils font allusion, » répondit Seldon. « Et comme ils comprennent que le harcèlement de nos concitoyens d'outre-mer est très désapprouvé, ils ont demandé qu'un de nos agents pose les questions à leur place. Ils ne veulent froisser les susceptibilités de personne. »

    « C'est plutôt qu'ils ne veulent pas froisser la tienne, » dit Richard. « Non, Jack. Plus de service. Envoie quelqu'un d'autre. Ça ne me concerne pas. »

    « Richard, c'est vraiment une enquête de routine. Fais-moi confiance. Cela n'interrompra tes vacances que pendant une ou deux heures. »

    « Tu veux que je perde une ou deux heures de mon temps pour faire plaisir aux Israéliens, au service, et au Président ? »

    « Non. » Seldon sourit. « Juste à moi. »

    « Merde. » Richard harponna ses cheveux de ses doigts impatients.

    « Je t'ai organisé un transport en voiture. Tu peux la récupérer au consulat. »

    « Comme c'est généreux de ta part. »

    Le sarcasme de Richard n'échappa pas à son patron. « Je vais envoyer au consulat un dossier complet pour te mettre au courant, » dit Seldon. « Ton contact au consulat sera un certain Denis Ford. Il organise une réunion demain dans son bureau avec les Israéliens, donc appelle pour fixer l'heure. »

    Richard sursauta comme s'il avait reçu un coup. « Bon sang, Jack. Demain je souffrirai beaucoup du décalage horaire. Donne-moi un ou deux jours pour me reposer. »

    « Et te gâcher ces moments avec ce qui t'attendra ? Débarrasse-toi du questionnaire. Comme ça tu pourras retourner aux merveilleuses plages de la Riviera française et y reluquer les beautés aux seins nus. »

    Les yeux de Richard se plissèrent d'amusement. « Jaloux ? »

    Seldon ignora la boutade. « Tu es aussi agité qu'un chat, même si tu n'en donnes pas l'air. Mais je pourrais l'être. Il faut que mes agents soient au sommet de leur forme, l'esprit aiguisé et lucide, et pas abrutis par l'épuisement. Cela affecte ton travail. Je ne peux pas me permettre de retirer un homme de valeur. Il faut que tu prennes du pur plaisir. »

    « Selon tes critères ? »

    Seldon rit. « Selon n'importe quel critère. Alors maintenant sors ton cul de mon bureau, vautre-toi dans le repos et le sexe, prudemment, bien sûr. Ça devrait te détendre pour un moment. »

    Richard se leva. « Et si ça ne marche pas ? »

    Seldon lui rendit gravement son regard. « Alors, mon cher garçon, ça voudra dire qu'il faut te mettre au rancart. Ce qui serait vraiment malheureux. Il faudrait alors que tu te trouves un travail décent et ennuyeux, même si ce n'est pas ce qu'il te faut, et peut-être une femme pour t'attacher. »

    « Ouais. Mon cul ! » dit-il, et il sortit.

    « Rapporte-moi une caisse de bon Bordeaux, hein ! » dit Seldon assez fort pour être entendu. Il feuilleta un rapport sur son bureau. « De préférence un 1982. »

    « Salopard vénal, » murmura Richard. Puis, plus fort : « C'est absolument la dernière fois que je te rends un satané service, Jack. »

    Les yeux bleu vif de Seldon suivirent le départ de Richard, s'interrogeant sur le pari qu'il venait de faire. Il savait qu'il risquait de perdre gros si cela se passait mal.

    « Il va vous en vouloir quand il découvrira la vérité, » dit Virginia depuis la porte. Son regard soucieux suivait Richard qui sortait presque en courant du bureau.

    « Je n'avais pas le choix, » répondit Seldon. « C'est mon meilleur homme, le seul qui puisse empêcher de faire échec à cette reine, si mes soupçons se vérifient. »

    Virginia se tourna vers son patron. Elle avait rarement entendu une émotion dans sa voix, contrairement à maintenant. « Vous ne semblez pas très confiant. »

    « Il y a trop de variables en jeu. » Seldon tapota un agrandissement d'une femme souriante, enjouée, à l'air vulnérable. Dans ce jeu, la reine pourrait être en péril, et il avait envoyé son meilleur cavalier pour empêcher toute mise en échec. Mais dans la position actuellement vulnérable du cavalier, la proximité de cette reine pouvait se révéler dévastatrice. Et s'il s'avérait qu'elle complotait avec l'ennemi…

    « Espérons que je ne le perde pas, » dit-il, s'inclinant dans son fauteuil. « De plus d'une manière. »

    La partie devait se jouer, quelles que soient les conséquences. Seldon connaissait les risques. Le temps déterminerait l'issue.

    ***

    Le 747 amorça tranquillement sa descente, tandis que le commandant annonçait l'heure d'arrivée, la température et, s'ils regardaient tous sur leur gauche, la vue splendide des Alpes juste au-dessous.

    Richard écouta, les yeux fermés, indifférent. Il avait déjà fait ce trajet et la nouveauté était passée depuis longtemps. En y repensant, elle n'avait jamais existé. Rester assis et détendu pour la première fois depuis trois ans était un meilleur passe-temps. Il appréciait l'absence totale de tension, pour changer.

    Une jeune hôtesse apparut près de son épaule. Avant qu'elle le touche, il lui lança un regard énigmatique.

    « Désolée de vous déranger, Monsieur, » s'excusa-t-elle. « Nous atterrissons bientôt et votre siège doit être en position verticale. »

    Richard s'exécuta rapidement, gratifiant la femme d'un sourire désarmant. Elle rougit. L'homme était une brute séduisante, pensa-t-elle. Si elle n'avait pas été heureuse en mariage, elle aurait fait en sorte de découvrir très intimement les merveilles de la Riviera avec cet homme. Soudain gênée, elle le remercia et disparut rapidement.

    Richard la regarda s'éloigner, sa lèvre incurvée en un sourire narquois et ennuyé. Toujours pareil, pensa-t-il. Cela devenait lassant, même si c'était utile dans son travail.

    Depuis ses seize ans où la voisine de sa tante l'avait éclairé de bon cœur sur son magnétisme sensuel, c'était toujours comme cela. Il se souvenait que les parenthèses avec cette femme avaient constitué une distraction agréable et bienvenue pendant les cinq mois de sa vie entre les murs stériles de son nouveau logement. Non que l'ambiance eût été différente avant, chez ses parents. Le seul contraste avait été que sa tante Sarah avait choisi d'adorer sa carrière à l'exclusion de toute autre chose. Ses parents, eux, s'adoraient. Depuis sa naissance, Richard avait été traité comme une acquisition imprévue, placé au milieu des précieuses antiquités de ses parents, à l'occasion objet de tracas ou d'admiration, et que l'on caressait légèrement. Son père avait suivi sa passion pour les antiquités, transformant un loisir en une carrière lucrative, et sa mère avait suivi son mari. Leur comportement n'avait pas varié, même dans la mort. Très pratique, pensa-t-il. Richard ne les blâmait jamais pour leur manque d'intérêt pour lui, mais ne s'était pas senti obligé de pleurer leur mort. Ils n'avaient jamais partagé de proximité. Ce n'était pas le grand amour.

    A leur mort, sa tante célibataire, qui n'avait pas voulu assumer un adolescent, ne l'avait recueilli que parce qu'elle sentait qu'elle ne pouvait pas se dégager du devoir familial. Elle lui offrit un toit. Elle lui conseilla également carrément de se mêler de ses affaires, de suivre les règles de sa maison, de ne pas l'irriter, se faire remarquer ou se montrer exigeant. Il pourrait faire tout cela hors de chez elle, après avoir hérité de l'entreprise et de la fortune constituée en fiducie par son père.

    C'est alors qu'il avait rencontré Grace, une jolie femme pragmatique à la fin de la quarantaine dont les appétits sexuels égalaient l'obsession pour le travail de son mari. Elle avait souligné le pouvoir inexploité qu'exerçait Richard, sa voix aiguë disant, « Tu as les yeux d'un faune et le corps d'Adonis. Tu obtiendras tout ce que tu veux de toutes les femmes si tu joues juste, mon garçon. »

    Appliquant une claque sur ses fesses nues, elle continuait de babiller. « Et ne t'embarrasse pas de scrupules, mon chéri. Nous sommes tous des consommateurs, d'une façon ou d'une autre. Aucune femme, pas plus d'ailleurs qu'aucun homme, ne sacrifie quoi que ce soit pour quiconque, sauf à y trouver un avantage. Nous sommes tous des mercenaires, et tu ne briseras le cœur de personne, crois-moi. Les femmes qui prétendaient la semaine précédente qu'elles t'aimeraient éternellement mouilleront leur culotte pour quelqu'un d'autre la semaine suivante. La question est seulement qui offre le plus. »

    Ceux qui donnent et ceux qui prennent, pensa Richard. Il avait appris suffisamment tôt à être un consommateur, rejetant ce qui était superflu ou pénible.

    L'avion plongea, ramenant ses pensées au présent. Il ouvrit les yeux et regarda par la fenêtre. L'océan, aussi bleu vert qu'aigue-marine, fut remplacé presque instantanément par du béton souillé. L'avion atterrit dans un bruit sourd, la traction projetant en avant son corps dans le siège confortable de première classe. Quand ils s'arrêtèrent complètement, il attendit patiemment que la foule se disperse. Il enleva son léger sac de voyage du compartiment au-dessus et descendit tranquillement les marches vers l'air libre et le tarmac. Il suivit la cohue de touristes jacassant dans le bâtiment international et attendit son tour au guichet de la douane pour le contrôle de son passeport.

    Tirant son bagage, il parcourut un petit couloir, après avoir dépassé un fonctionnaire des douanes à l'air las, et entra dans le hall principal où une assemblée de parents et d'amis, certains tenant des chiens qui tiraient sur leur laisse, attendaient

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