Coup de foudre meurtrier

En sonnant à la porte des Müller, je me doute qu’il s’est passé quelque chose d’anormal. Des accords de hard rock résonnent jusque dans la rue alors qu’il n’est que neuf heures du matin. C’est un jour comme un autre, où le printemps tente timidement de faire éclore des fleurs dans le jardin.

Une chose m’intrigue aussi : les volets sont clos. Marjorie a laissé, comme d’habitude, la clé bien en évidence sur la porte. N’importe qui pourrait rentrer. Je vais me forcer à ne pas lui en faire la remarque. Sur ce point, j’ai baissé les bras depuis longtemps.

Je lui lance mon sésame, la formule à laquelle en général elle ne répond pas:

– Comment ça va aujourd’hui, Marjorie ?

Me voilà, comme chaque semaine, l’invitée que l’on n’attend pas et qui reste sur le pas de la porte dans l’attente d’une réponse qui ne vient pas.

Mais cette fois-ci, une voix que je reconnais à peine me répond :

– Entrez, Janine !

Je m’impose, en pénétrant dans la cuisine envahie par le bazar habituel. Sur la table, la vaisselle du petit déjeuner voisine avec des livres de classe dans le désordre. Normalement, elle ne fait pas attention à moi, ignore ma présence et mes questions.

Elle n’est pas sur la défensive mais comme absente de notre rencontre hebdomadaire.

Aujourd’hui, Marjorie est toute tremblante et jette des regards désespérés dans tous les sens. Je la trouve beaucoup plus agitée que lors de mes dernières visites. On dirait même qu’elle est bouleversée.

Déroutée, je m’assieds en face d’elle et la force à me regarder. Je demande :

– Votre fille est déjà partie pour le lycée ?

Elle me dévisage. Puis après un long silence :

– Non, elle est dans sa chambre, lâche-t-elle enfin avec difficulté.

Etonnée, je prends sur moi pour obtenir