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La petite secrétaire et les fous de dieu: Roman
La petite secrétaire et les fous de dieu: Roman
La petite secrétaire et les fous de dieu: Roman
Livre électronique320 pages4 heures

La petite secrétaire et les fous de dieu: Roman

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À propos de ce livre électronique

Découverte de nouveaux mondes violents pour Clémence...

Le titre anodin de ce roman dissimule en réalité les vicissitudes d'une petite paysanne normande devenue secrétaire d'un grand avocat et celles de son frère Paul devenu frère musulman parce que, comme elle, il s'ennuyait à la ferme de leurs parents...
D'aventures amoureuses épiques en passions incandescentes, Clémence découvre le monde de la Justice ainsi que le monde tout court, au moment où débute la plus grande entreprise terroriste de tous les temps, après le 11 Septembre et le remplacement du défunt Ben Laden par le sanguinaire Al Zawahiri dont la nouvelle stratégie de la terreur évoque la fin des temps...
A Guantanamo où il attend d'être exécuté, Paul, kamikaze converti, reçoit une lettre et un manuscrit de sa sœur Clémence qui, elle aussi, l'accuse...

Découvrez sans plus attendre le destin chargé de Clémence, sœur d'un frère musulman et en quête d'une véritable histoire d'amour.

EXTRAIT

Ce matin, notre stagiaire Joseph Angelis, est aux anges : il vient d'être commis d'office pour défendre César Bastiani, le tueur corse qui s'est évadé de la prison de Rennes il y a trois semaines et qui vient de se faire reprendre à l'occasion d'un banal contrôle de gendarmerie sur la nationale.
Il est aux anges car il sait qu'il va avoir la vedette quelques jours dans les journaux et dans les rues de notre petite ville.
Un rien mégalomane et suffisant lorsque le sort lui sourit, quand il déambule entre la vieille ville et le port dont on le dit originaire, bien que je lui trouve un air un peu levantin avec ses cheveux frisés et sombres, son nez de marchand syrien et sa silhouette hésitante et faussement timide.
Il serre des mains comme un député en campagne, lance quelques mots bienveillants à ses admirateurs et remonte vers le palais de justice où l'attend cet important dossier.
Au début, je le regardais faire, aller et venir, tourner autour de moi parce que j'étais nouvelle, tenter quelques mots gentils pour m'amadouer puis, s'en retourner vers Marcelle et Virginie et se pencher vers elles en faisant semblant de lire sur les écrans des ordinateurs pour lorgner sur leur genoux ou leurs corsages.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Ancien Avocat de Cour d’Assises, Antoine Duport prend sa retraite avec un lourd bagage de souvenirs et d’expériences à Rio de Janeiro où il devient définitivement écrivain après avoir déjà livré un roman en langue portugaise lors de l’un de ses voyages précédents. Sportif de haut niveau (Championnat de France de Chasse sous-marine et Championnat du monde de vitesse Windsurf) il poursuit ses activités nautiques avec la même passion que l’écriture. Engagé dans une unité combattante pendant la guerre d’Algérie il attendra près de cinquante ans avant de publier « MEKTOUB - une section d’intervention dans les Aurès - 1959/1962 » outre une trentaine d’autres romans.
LangueFrançais
Date de sortie11 oct. 2018
ISBN9782378776329
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    Aperçu du livre

    La petite secrétaire et les fous de dieu - Antoine Duport

    Premiere Partie

    NEMO AUDITUR TURPITUDINEM ALLEGANS

    Chapitre premier

    Paul Le Thellier vient d’avoir trente trois ans.

    Il lui manque la moitié du visage.

    Au début, on ne peut le regarder sans un réflexe de recul tant l’image de cet homme explosé parait difficile à fixer, malgrè le temps qui a passé.

    Le temps qui a fini par atténuer un peu les cicatrices et les crevasses des blessures et des chirurgies successives.

    Cela fait longtemps déjà qu’il devrait être mort le petit paysan de Normandie, devenu frère musulman parce qu’il s’ennnuyait dans sa campagne.

    Parce qu’il en avait sa claque des quotats laitiers, de la politique agricole commune et surtout parce qu’il n’en pouvait plus de s’occuper des bêtes de la ferme, de faire les foins et d’assumer presque seul la récolte des fruits dans des pommeraies dont on ne voyait pas le bout ou de cureter des clapiers puants.

    Il avait suivi son petit bonhomme de chemin sans faire trop de bruit, avec ses frères et sœur qu’il faisait rire souvent à cause de ce tempérament boufon et de ses éternelles espiègleries qui brocardaient le curé du village, le maître d’école ou les gendarmes.

    Malgrè ce caractère un peu frondeur et persifleur Paul Le Thellier avait fini cependant par courber la tête devant les sermons paternels et quelques punitions scolaires dont l’essentiel était de le priver de son sport favori qu’il partageait avec ses deux frères Dominique et Benoît, le dimanche, sur le terrain de foot caillouteux de Juvion, leur village.

    Il avait néanmoins conservé son caractère malgrè ce qu’il considérait comme des brimades mais Il avait aussi commencé à se forger une personnalité rancunière et mécontente qu’il dissimulait inconsciemment derrière une faconde et un verbiage le plus souvent drolatique.

    Difficile d’imaginer chez un jeune homme de quinze ans un tel mélange d’insatisfaction rentrée et de drôlerie permanente. C’était comme si de faire le clown dans sa famille, en classe ou à la messe du dimanche marquait chez lui une sorte de language secret par lequel il estimait devoir exprimer sa rancœur contre ces adultes qui ne comprenaient rien à sa vie, contre ces parents paysans qui se satisfaisaient de leur simplicité, de la boue qui stagnait devant leur porte, des parents qui lui dessinaient une vie future pleine de cochons, de veaux, de champs immenses, de petit matins frileux et de cidre mousseux.

    Il avait toujours eu horreur du cidre… Et des pommes !

    A force d’aller traîner sur les plages normandes pour échapper quelques heures aux travaux des champs et aux éternelles instructions paternelles sur l’entretien des étables ou du lisier, il avait fini par aimer la mer qu’il imaginait comme une immense porte océane sur des avenirs qui ne seraient jamais les siens.

    Là bas, se disait-il, d’autres enfants devaient vivre libres, sans ces entraves fermières qui le nouait au sol comme une racine de saule, sans ces prédications perpétuelles sur les bons principes et la bonne manière de se tenir, sans ces leçons interminables qui ne lui apprenaient rien.

    Paul se languissait dans cette jeunesse qui n’en finissait pas de finir, s’armant davantage de ressentiments obscurs que de patience ou de courage.

    Déjà, dans sa cervelle était née l’idée que son sort lamentable n’était que provisoire et que bientôt, les choses allaient changer pour lui.

    Et pour les autres.

    Quand sa sœur aînée, Clémence Le Thellier réussit le tour de force de convaincre ses parents de quitter la ferme paternelle de la Grande Mare pour aller s’inscrire dans une école de secrétariat à la ville voisine de Belly sur Mer, Paul comprît qu’en effet rien ne lui serait jamais impossible.

    Malgré les gérémiades parentales sur ces enfants inconstants qui désertaient la terre, cette bonne terre de Normandie qu’ils tenaient eux mêmes de leurs ancêtres... Et malgré aussi les airs compassés de la mère, qui, les yeux au ciel, les mains croisées sur son ventre en une supplique silencieuses, faisait voir qu’elle pensait tout pareil, Paul, qui s’était découvert une passion maritime et navale se prît à rêver que lui aussi pourrait bien obtenir quelque permission et s’en aller aux écoles de la ville.

    L’occasion lui en fût donnée un dimanche que ses parents recevaient la famille Luneau, des voisins du village de Gernouville dont le fils Edmond faisait depuis quelques temps les yeux doux à Clémence.

    Edmond Luneau ne plaisait pas à Clémence.

    C’était tellement visible à l’œil nu que Paul se demandait pourquoi ses parents avaient bien pu inviter ces gens là à déjeuner.

    A moins que les limites de la grande terre, au Nord de Juvion, aient subitement, ou depuis fort longtemps peut-être, représenté un intérêt géographique et patrimonial de première importance aux yeux du père qui, en réalité, songeait moins à sa fille qu’à accroître ses domaines.

    A l’évidence, Edmond Luneau ne ferait jamais un mari pour sa sœur qui, à force d’être polie et souriante n’en paraissait que davantage indifférente.

    Edmond Luneau, soupirant et transfuge de la ferme voisine possédait néanmoins une autre qualité qui le lui rendait plaisant à regarder : d’une façon tout à fait inattendue, ce garçon plus vieux que lui de quatre années, un peu lourdaud et musculueux faisait de la voile au centre nautique de Belly sur Mer, lorsque les travaux des champs lui en laissaient le temps.

    Le fiancé désigné avait servi quelques mois dans la Marine Nationale et en était revenu avec un tatouage sur le biceps droit et un irrepressible goût pour le vent et les vagues...

    C’est du moins ce qu’aimait à rappeler Monsieur Pierre Luneau son père qui voyait là matière à s’enorgeuillir de l’eccléctisme de la famille.

    Edmond Luneau crut trouver dans l’interêt que lui portait Paul une marque d’attention qui le rapprochait de la sœur. Il s’était dit qu’il ne restait plus à convaincre de ses sentiments amoureux et sincères que les deux autres frères et, ce qui lui semblait plus difficile, la principale intéressée…

    Paul tira les marrons du feu et devînt une sorte de confident d’Edmond avec l’aide duquel il parvînt à s’inscrire au club de voile de Belly, ses parents imaginant que leurs affaires étaient en bonne voie et que ce rapprochement des fils des deux familles augurait bien des épousailles futures de la Clémence.

    La ferme de la grande Mare allait-elle devenir l’une des plus vastes du Canton ?

    Les deux garçons ne se voyaient que de temps en temps au club de voile, leurs pères respectifs exigeant d’eux plus d’ardeur et de présence à la ferme que les régates du Dimanche n’en requéraient.

    Edmond Luneau enrageait ainsi de ne pouvoir rencontrer plus souvent le frère de sa bienaimée et de ne pouvoir lui tirer les vers du nez quant à ses chances de soupirant tandis que Paul, accroché par ses activités nouvelles de plaisancier se mettait à hair la Grande Mare à un tel point qu’il se demandait s’il n’allait pas un beau jour commencer à saboter son travail ou, plus simplement encore, à prendre la poudre d’escampette et ne plus revenir.

    Pris comme une mouche sous un bocal, il se heurtait à des difficultés sans nombre lorsqu’il songeait à la manière de réaliser ses projets et cela le rendait méchant.

    Ses frères lui en firent le reproche. Ne comprenant pas les raisons de ce comportement nouveau ou imaginant avec logique que le club de voile de Belly sur Mer en pouvait bien être la cause, ils évitèrent peu à peu le contact direct avec leur irascible frère.

    Avec Clémence, les choses furent plus simples puisqu’elle ne rendait visite à la ferme que rarement pour n’y séjourner qu’un jour ou deux, le secrétariat et sa vie nouvelle de citadine ne lui en laissant guère le loisir.

    Les choses durèrent ainsi plus d’une année.

    De quoi enraciner les pulsions des uns et des autres au plus profond d’un terreau d’indifférence et d’incommunicabilité.

    Moktar paraissait avoir le même âge que Paul. De fait il était de cinq ans son aîné. Etrange garçon en vérité que ce jeune homme aux yeux incandescents, aux cheveux crépus coupés courts dont la peau mate faisait penser à de la poudre de cacao.

    Fils d’un algérien et d’une marseillaise qui avaient fini par divorcer, il avait trouvé cet emploi d’homme toutes mains au centre de voile de Belly par l’intermédiaire d’un ancien camarade de classe rencontré par hasard dans le train de Roubaix, un garçon qui était lui même employé à la base nautique en qualité d’aide comptable.

    Cet ami de rencontre s’appelait Slimane. Il était né lui en Algérie, du côté de Constantine alors que Moktar qui se faisait appeler Mok pour faire « moins arabe » avait vu le jour à la Blancarde dans le vieux Marseille.

    Ils avaient été ensemble au Lycée Jules Fery de l’Estaque et malgré des origines différentes ils avaient sympathisé en se reconnaissant mutuellement comme les fils d’une culture d’outre-mer que leur prétendue intégration dans la population française, l’un par immigration, l’autre par sa naissance, n’était pas parvenue à dissiper.

    Au contraire même, s’étaient-ils dit alors, le fait de vivre ici, dans un Marseille pourtant fortement islamisé, avait exacerbé leurs ressentiments et cimenté leur amitié.

    Slimane avait poursuivi ses études tandis que Mok était rentré dans un centre de formation professionnelle en vue de devenir conducteur offset.

    Ils s’étaient perdu de vue.

    Durant leur scolarité commune Slimane s’était confié à Mok qui lui voua dès lors une admiration sans bornes : son père faisait partie des frères musulmans et se promettait d’y conduire son fils par la main dès ses dix huit ans...

    Mok ne pouvait espérer une telle affiliation car son père était retourné en Algérie et sa marseillaise de mère s’était remariée avec un gendarme, le livrant en quelque sorte à lui même dans ce pays dont jamais il ne s’était reconnu l’enfant.

    II ne parlait que quelques mots d’arabe que sont père lui avait enseignés et se sentait malheureux de n’avoir pas de patrie en dépit de sa nationalité et de sa carte d’identité qui ne lui en allouait aucune !

    Il avait ensuite succombé à la drogue pour tenter de règler ce conflit intérieur qu’il ne maîtrisait pas et s’en avait été fini des cours d’imprimerie et du centre de formation qui demanda dès lors son exclusion et l’obtint.

    Traîne savates, Mok était devenu une sorte de zombie, vivant d’expédients et de petits vols dans les trains pour pouvoir payer ses doses. Dans ces moments d’illumination provisoire qui le laissaient encore plus désorienté et dépourvu d’identité, il se prenait à rêver aux poseurs de bombes, aux kamikazes et aux camps d’entraînement où se forgeaient les héros dont on parlait chaque jour à la télévision.

    Que ne lâchait-il pas ses petits joints, ses larcins de misère en volant des sacs à main pour aller combattre lui aussi l’impérialisme, les occidentaux, les juifs, Israël, les oppresseurs de toutes sortes que désignait à sa vindicte le Djiad et les ayatollahs de Téhérans.

    « J’ai sous les yeux, chaque jour, se disait-il, la voie nouvelle que je dois suivre pour être quelqu’un, pour servir à quelque chose, pour cesser de vivre comme un clochard alors que je n’ai pas encore vingt ans..Et je reste là sans rien faire... Je m’en prends aux petites vieilles, aux postes de radio, aux appartements delaissés par leurs locataires pendant les vacances, aux bagages dans les trains..Et tout ça pour fumer cette merde !... »

    Il se faisait ainsi de lui même une image qui parfois le révoltait. Surtout lorsqu’il se mettait à songer à Slimane, aux frères musulmans et à l’œuvre de renaissance de l’Islam dont son ancien camarade lui avait donné de multiples exemples.

    Mok ne se sentait pas plus arabe, qu’algérien, que français : Il n’était rien et se le répétait chaque jour...

    Etrange garçon en effet que ce jeune homme entraîné dans la grande mouvance contemporaine des peuples et des cultures, victime des rêves de fraternité des uns et des vélléités hégémoniques des autres...

    Il avait pris la décision d’en finir avec cette vie sans but et se mit à fréquenter la mosquée de la rue Juge tout en essayant de retrouver la trace de Slimane.

    Mok, en ôtant ses chaussures pour pénétrer dans les lieux saints que son père lui avait fait connaître quand il avait treize ans, sentait peser sur lui tout le ridicule de sa démarche qu’aucune foi ne justifiait ainsi que le regard de certains fidêles posé sur lui qui semblait le deviner et déjà le rejeter de leur communauté.

    Sans croire en Dieu, comment pouvait-il faire pour se mettre à quatre pattes et psalmodier des sourates dont il ignorait le sens ?

    Sans croire en Dieu, comment pouvait-il imaginer ressembler aux terroristes vedettes de la presse quotidienne, être admis dans l’armée des ombres de la renaissance de la Charia, jouer un rôle quelconque dans cette conquète planétaire du nouvel Islam radical et dans l’acceuil annoncé du douzième imam ?

    De façon intuitive cependant Mok se voyait sur le bon chemin et ses difficultés à réaliser son nouvel objectif le stimulaient davantage que les tristes avatars de sa vie errante ne le décourageaient, preuve d’une force intérieure restée jusqu’ici inemployée.

    « La chance va bien finir par me sourire » se disait-il chaque matin en ouvrant les yeux... Moi aussi je poserais des bombes... Moi aussi j’irais dans les camps d’entraînement... Moi aussi, je serais frère musulman ! »

    Et la chance en effet lui sourit un beau jour de Septembre alors qu’il voyageait vers Roubaix pour voler des bagages.

    En pénétrant dans le compartiment du rapide Marseille-Roubaix, Mok aperçut immédiatement son ancien camarade de classe plongé dans la lecture d’un journal sportif.

    Mok s’embarqait ainsi régulièrement sur des trains de grandes lignes pour y commettre des vols de bagages ou de sacs dont il inventoriait le contenu dans les toilettes du wagon avant de se débarrasser de l’inutile par la fenêtre du couloir.

    Il achetait son billet avec l’argent ainsi récolté et vivait une sorte d’existence de commis voyageur à la petite semaine, refaisant exactement la même chose dans l’autre sens pour regagner la cité phocéenne et retrouver ses vendeurs de drogue.

    « Mok ! »...

    « Slimane ! »...

    Les deux noms jaillirent simultanément de leurs lèvres lorsque Slimane, levant les yeux de son journal vit Moktar qui venait d’entrer

    Ils s’embrassèrent avec chaleur et quittèrent le wagon pour se parler.

    Quelques jours plus tard, Mok était engagé au centre de voile de Belly sur mer grâce à l’intervention de Slimane qui pratiquait la solidarité communautaire quand cela lui paraissait valoir la peine, et comme le Coran le lui prescrivait.

    C’est ainsi que sous la houlette de Slimane, frère musulman et agent recruteur, Paul et Moktar s’initièrent lentement au grand combat de justice et de paix voulu par le prophète.

    Paul ne retourna jamais plus à la Grande Mare qu’il quitta un beau matin sans dire un mot et sans laisser le moindre message. Sa famille lui importait peu, qu’il tenait pour responsable de son délabrement intérieur ainsi que de son désespoir.

    Slimane, là encore se révéla providentiel en lui dénichant un emploi de gardien de nuit à la station service voisine située sur la nationale près du centre de voile où il poursuivit ses exploits de navigateur, remportant régates sur régates et collectionnant les coupes argentées de ses victoires.

    Des plaisanciers plus fortunés que lui en étaient même venus à lui confier la barre à roue de leurs voiliers pour des courses au large entre Belly et les îles anglo normandes...

    Paul savait, tout comme Moktar, que les choses étaient provisoires. Ils devaient l’un et l’autre rejoindre Kaboul et ensuite le camp d’entraînement de Chakhansor à la frontière du pays....Camp d’initiation à la guerre sainte situé à proximité immédiate du lac d’Ibnseoud où patrouillaient en permanence les vedettes de la marine...

    Univers minéral et sauvage, la contrée de Mezra n’engageait guère au tourisme. Le tout puissant Ben Laden et son bras droit Al Zawahiri y avaient fait une appartition quelques jours seulement avant l’arrivée de Moktar et de Paul dont l’endoctrinement avait aussitôt commencé.

    Du Yemen parvenaient chaque jour des instructions en vue de coordonner l’enseignement de tous les nouveaux combattants enrégimentés dans les commandos des « Frères » où de nombreux européens s’enrôlaient.

    A Chakhansor il y avait une quinzaine de français, autant d’italiens, près du double d’irlandais, de tchétchénes et d’allemands mélangés aux sections musulmanes elles mêmes de provenances diverses.

    Les officiers et sous officiers revenaient pour la plupart d’Irak ou du Nord-Est de l’Afghanistan où les armées américaines et européennes menaient alors la vie dure aux Talibans, dans une guerre qu’on disait perdue d’avance pour ces impérialistes, jetés dehors de tous les pays où ils avaient prétendu poser le pied et imposer leur loi.

    D’autres encore revenaient du Tadjikistan, de Tchétchénie et de Bosnie et racontaient leurs faits d’armes, le soir à la veillée du camp, histoire de stimuler les nouvelles recrues auxquelles ont s’adressait en arabe ou en anglais.

    Paul, métamorphosé par cette vie nouvelle, voyait désormais l’avenir d’un autre œil. Enfin, il avait un but, des ennemis à combattre, sans se poser de questions sur la légitimité de ses choix, un quotidien qu’il qualifiait de sportif, et des projets qu’on avait formé pour lui, qui l’excitaient au plus haut point.

    On ne parlait jamais de mort dans le camp de Chakhansor... mais elle était omniprésente, que ce soit dans les entraînements au corps à corps ou au tir, dans le maniement des explosifs ou l’installation de bombes...

    Il fut obligé d’entendre l’histoire des « Frères » depuis leur création en 1928, au moment même où naissait en Allemagne le fascisme, par un certain Hassan el Banna jusqu’à la naissance du Djihad islamique et à la consécration des chefs du terrorisme mondial à Sanaa, patrie du carismatique Ben Laden.

    Certes, cette histoire n’était pas son histoire, mais Paul n’en avait cure. Il se savait désormais investi d’une mission, entouré par des « Frères » qui le respectaient et le soutenaient dans les moments de vague à l’âme.

    Il se sentait déterminé. Il avait décidé d’aller jusqu’au bout d’un chemin qui en valait bien un autre.

    Sa sœur Clémence s’était échappée de la Grande Mare grâce à son école de secrétariat, lui s’en était enfui pour devenir kamikaze.

    Près d’une année passa ainsi au bord du lac avant les manœuvres à tir réel dans les montagnes de l’Oruzgan où ses premiers contacts avec le combat et la mort firent de lui un « Frère » à part entière.

    Il détruisit des chars italiens et attaqua avec son commando un campement français à la roquette.

    Paul se découvrit des courages qu’il ne se connaissait pas...

    La Normandie lui apparaissait désormais comme un pays de légende. C’était la terre de Cendrillon et des Sept nains, une sorte de paysage oublié de papier coloré à la Walter Disney. Il se demandait comment il avait fait pour survivre à toutes ces niaiseries, aux pommiers en fleurs, roses bonbon, à la grande mare et ses oies blanches, aux pâtures infinies où se mélangeait tout au bout la verdure de l’herbe et le bleu du ciel.

    La vraie vie était ailleurs.

    Le combat pour la justice et l’anhilation des oppresseurs, c’était ça sa vie maintenant...

    Jusqu’à la mort.

    Abou Moussad Al Zarkaoui en personne, l’un des chefs des Frères musulmans, principal leader de la résistance en Irak contre les unités anglo-américaines, devait rendre hommage aux travail des jeunes recrues dans l’Oruzgan lors d’une visite éclair en hélicoptère...

    L’impact de cette visite sur les jeunes commandos fût immense et renforça la détermination de ceux qui pouvaient encore douter de la victoire finale de l’Islam radical, comme le chantait sur tous les toîts le petit barbu de Téhéran qui préparait ses mégatonnes...

    Paul se retrouva six mois plus tard employé comme magasinier dans un chantier naval de Pamlico Sound près de Norfolk sur la Côte Est des Etats.Unis après une bréve escale à l’aeroport Charles de Gaule où l’attendait son camarade Slimane.

    Ils déjeunèrent ensemble dans une pizzaria de l’aéroport.

    Ils avaient parlé de la guerre sainte, de la charia, de la Sira et de Ibn Hicham, le biographe de Mahomet dont les observations ressemblaient davantage à une caricature qu’à la réalité historique. Slimane savait à quoi s’en tenir à ce propos et faisait la part des choses en ayant adhéré aveuglement à la fraternité musulmane où son père désormais avait pris du galon.

    Paul complétait ainsi sa formation de guerrier de la paix en partageant avec son ami du lycée Jules Fery une pizza aux champignons arrosée d’une bière sans alcool...

    Se penchant vers lui par dessus la table du restaurant, Slimane, soudain, se mit à lui parler de Clémence et d’un certain Yves Dantés son amant, de la ferme de la Grande Mare, de ses deux autres frères Dominique et Benoît, comme si Slimane avait toujours vécu au village de Juvion.

    — Nous sommes toujours très bien renseignés dans le combat que nous menons contre l’impérialisme, poursuivit son ami devant un Paul abasourdi par ce qu’il était en train d’entendre.

    C’était pour lui la démonstration qu’il ne s’était pas fourvoyé et que la voie qu’il avait choisie était bien la bonne. Ces « frères musulmans », décidément, n’étaient pas des enfants de chœur... Ils savaient ce qu’ils faisaient et Slimane était en train de le lui prouver.

    — Nous savons, continua-t-il, que Dantès, ex avocat marseillais est en cheville avec les services secrets brésiliens depuis

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